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LA COOPERATIVE AGRICOLE DE L’EPINE. 1945-1968. Histoire d’une innovation locale. JEAN PIERRE PELLEGRINPrésentation. La coopérative de L’Epine a été créée à l’initiative et sous l’impulsion de Paul Tissot, en Juin 1945, sous le nom de « coopérative de culture mécanique du quartier du Savel ». Elle regroupait 7 coopérateurs qui furent, outre Paul Tissot du hameau de Clamorand, Maurice Allier et Louis Allier de l’Ubac, son frère Marcel - père de Jeannot – ainsi que Marcel Berbeyer du Savel, Yvon Aubéric et Ernest Léautier du village. Cette association avait pour but « d’acquérir, en vue d’un usage commun », des matériels et en premier lieu un tracteur. Le Farmall H, dont l’arrivée, le 5 octobre 45, fit sensation, fut le premier tracteur « à tout faire » et sur pneu du département. Un type d’organisation original fut mis en place. Il permettait à la fois d'utiliser le tracteur pour les usages privés des coopérateurs, mais aussi d’assurer des prestations à des tiers et, pour la coopérative, de développer des activités propres. Suite à l’adoption de la loi sur les CUMA, elle se transforma en 1947, en Coopérative d’Utilisation en commun de Matériel Agricole. En 1952, Paul Tissot, son inspirateur, quitta l’Epine pour aller exploiter le domaine de Valcroissant près de Die, et un an plus tard, il disparut tragiquement. La coopérative continuera de fonctionner jusqu’à sa dissolution en décembre 1968. Ce « cahier » retrace l’histoire de cette coopérative. Si cet épisode est aujourd’hui, avec l’épreuve du temps et les formidables progrès de la mécanisation agricole, un peu oublié ou ignoré par les « plus jeunes » et par les non agriculteurs, il reste très vivant dans la mémoire de ceux qui en furent les témoins. Bien qu’un nombre limité d’agriculteurs y ait participé, cette coopérative fut un symbole et une innovation à la fois technique et sociale, non seulement au niveau local, mais aussi départemental. Dès 1945, dans une période difficile, elle introduisit un modèle de tracteur qui se révéla bien adapté aux exploitations de nos régions de moyenne montagne, que d’aucun disait alors « non mécanisables ». Et nombreux furent les agriculteurs qui vinrent le voir fonctionner avant d’en acquérir un. Cette initiative annonçait l’arrivée d’une agriculture mécanisée, à plus haut rendement et économe de la peine des hommes, qui allait se diffuser rapidement au cours des années 50 et 60 - et entraîner la disparition de la culture attelée pratiquée depuis des siècles. Elle révèle aussi la recherche difficile de formes de travail collectif et de mise en commun des moyens de production, préconisées par Paul Tissot, mais qui allait à l’encontre des solides traditions d’individualisme paysan. Si, - sur ce dernier point - ce projet n’a pas totalement abouti, il créa une forte solidarité et une solide amitié entre ses membres. La coopérative de L’Epine appartient aussi à l’histoire de la coopération agricole de notre région. Première coopérative d’utilisation d’un tracteur, elle deviendra en 1947 la première CUMA du département. Et quand ces CUMA se regroupèrent en une Union départementale, ce fut Paul Tissot qui, tout naturellement, fut sollicité pour en devenir le premier président. Mais au cours de ces années 45-48, - et ce fait est moins connu - elle servit de référence à de nombreuses autres coopératives qui virent le jour dans la région, mais aussi ailleurs. Paul Tissot, par ses exposés et conférences, ses écrits, et sa disponibilité de tous les instants, pour accueillir des visiteurs ou répondre à leurs demandes d’information, en fut le propagandiste infatigable et enthousiaste. Cinquante ans sont passés. Le tracteur s’est banalisé et tout exploitant agricole en possède un, souvent plusieurs. Son usage collectif ne se justifie plus guère. Mais les CUMA existent toujours – comme en atteste l’active fédération des Hautes Alpes qui compte 105 membres - et d’autres matériels agricoles lourds, coûteux et sophistiqués sont utilisés en commun. C’est pour faire comprendre l’origine de ce mouvement et le formidable changement qu’annonçait la petite coopérative de L’Epine, qui fut un moment fort de l'histoire locale, que nous avons jugé utile d’en faire le récit. Mais ce récit est d’abord un hommage, rendu un demi siècle plus tard, à Paul Tissot et à tous ceux qui participèrent à cette entreprise. Table des matières.
Je tiens à remercier tous ceux et celles qui m’ont communiqué les informations nécessaires à la rédaction de ce cahier. En premier lieu, Simone et Jeannot Allier : Témoins de sa création et de son fonctionnement, ils en ont conservé les archives et en particulier les « livres de procès verbal des réunions et décisions » ; deux modestes cahiers d’écoliers, sur la première page desquels, Paul Tissot avait écrit « A garder avec soin ». Didier et Michel Tissot m’ont transmis des copies d’articles écrits par leur père, qui exposaient cette expérience. Yvon Aubéric, membre fondateur, qui, en tant que Secrétaire, responsable et conducteur du tracteur en fut la « cheville ouvrière », m’avait raconté ces faits, il y a plus de 10 ans, en vue d’un article sur le sujet, publié dans le mensuel Notre Pays (1989). Eliane Jouve, la voisine des Tissot au hameau de Clamorant, m’a parlé d’eux avec beaucoup d’émotion. Des agriculteurs de l’Epine, tels Francis Rabasse ou Aimé Vial, et de communes voisines, notamment Armand Barniaudy de Lagrand, Yvon Truc, de Montbrand, M. Bauchau de St Julien et Abel Lombard du Bersac, qui furent les témoins de son fonctionnement, m’ont aussi confié leur témoignage. |