L’Education nationale : que faire ?








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INTERVENTION DE M. JACQUES PERCEBOIS

Directeur du CREDEN (Centre de recherche en économie et droit de l’énergie)

Professeur d’économie, Université Montpellier I
Le rôle des mathématiques en économie
Quel est le rôle des mathématiques en économie et comment former les étudiants en conséquence ? Je rappellerai que le rôle de l’économie, c’est d’abord de comprendre les échanges entre les individus, les échanges entre les nations, l’évolution des besoins de consommation, le rôle des producteurs et les coûts qui contribuent à la formation des prix. On fait évidemment de l’économie depuis très longtemps, mais certaines spécialités ont émergé plus tardivement. Quand Saint Thomas d’Aquin s’intéresse aux taux d’intérêt, il fait de l’économie. Les physiocrates, avec leur Tableau économique, ont fait de l’économie. Mais les préoccupations évoluent au siècle des Lumières et on cherche à comprendre les motivations des individus, les raisons pour lesquelles ils échangent, ce qu’ils recherchent, les bienfaits qu’ils apportent à la société. Le défi, c’est que chacun poursuit son intérêt personnel mais qu’on doit aboutir à l’intérêt général ! Cette émergence du décideur autonome va faciliter une certaine formalisation en considérant que l’individu est rationnel et qu’il n’est pas bloqué par des contraintes extérieures. Au XIXème siècle, on voit apparaître des modèles déjà sophistiqués aboutissant à des équilibres partiels ou généraux ; les producteurs et les consommateurs se rencontrent sur des marchés où s’exercent la concurrence et la compétition. Et finalement tout le monde y gagne.
On va rapidement constater que cette vision est très approximative. Les individus ne sont pas toujours rationnels et peuvent être poussés par des motifs ou des sentiments, tels que la jalousie ou l’aversion au risque, ou par des sollicitations altruistes... Souvent des comportements qui peuvent paraître rationnels à court terme ne le sont pas à long terme, ou inversement. Et l’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers, de telle sorte que l’intérêt de la communauté peut s’opposer aux intérêts de certains de ses membres. L’Etat va prendre en compte la régulation des marchés et la nécessité de satisfaire les besoins collectifs (tels que la sécurité et la justice) sans hésiter parfois à sous-traiter les prestations correspondantes au secteur privé. L’Etat est le garant de l’intérêt général, que le marché à lui seul ne peut pas assurer. L’intérêt de cette approche, c’est qu’on peut faire des modèles, des graphiques, utilisant des mathématiques, des théories générales pour expliquer, par exemple, le rôle de l’Etat, la fiscalité optimale et le comportement des individus sur les différents marchés. On aboutit ainsi à une formalisation mathématique assez poussée.
Je prendrai deux exemples d’évolution dans le domaine de l’énergie. Le premier se rapporte à la théorie des jeux. Celle-ci permet de faire des modèles très complexes qui permettent par exemple d’expliquer pourquoi le prix du pétrole baisse. La demande n’est pas très élevée, alors qu’il y a beaucoup d’offre dans certaines régions. La théorie des jeux explique très bien que l’Arabie Saoudite a intérêt aujourd’hui à faire baisser les prix pour garder sa part de marché. Ou encore que la Russie a intérêt à avoir telle stratégie locale par rapport aux Etats-Unis dans tel ou tel domaine afin, par exemple, de pénaliser l’Iran. La théorie des jeux permet d’étudier de nombreux scénarios, et d’apprécier les conséquences possibles de tel ou tel type d’intervention sur tel ou tel paramètre.
Le second exemple concerne l’économétrie, qui s’inspire à la fois des mathématiques et de la statistique. Elle permet de développer les techniques très sophistiquées nécessaires à certaines études. Par exemple, on recherche actuellement l’incidence de l’injection des renouvelables en Allemagne sur la fixation des prix de l’électricité en Europe et notamment en France. La question qui se pose est celle d’une corrélation heure par heure entre l’injection de l’éolien en Allemagne et la baisse du prix de l’électricité sur le marché de gros. C’est le type de problème qu’il serait impossible de traiter si on ne disposait pas d’un outillage mathématique très puissant, mais les investissements intellectuels ainsi effectués sont justifiés car les résultats sont fiables et très intéressants. On peut aussi, comme en physique, faire des expérimentations car les modèles permettent de simuler des situations nombreuses et contrastées. On peut souligner que l’utilisation d’un modèle exige d’expliciter et de vérifier les hypothèses, d’introduire de la cohérence et de s’assurer qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre les données d’entrée. Elle permet de faire émerger la bonne décision dans une situation donnée. C’est la raison pour laquelle les modélisations de ce type se sont très largement développées et qu’on a besoin de spécialistes compétents en ce domaine.
Dans l’économie d’aujourd’hui, les mathématiques se sont considérablement développées. Elles servent à expliquer et à comprendre ce qui s’est passé, à mettre en évidence des erreurs. Elles créent des conditions plutôt favorables pour prévoir ce qui va se passer sans qu’on puisse leur faire une confiance absolue ; d’une part, en effet, il y a un nombre considérable de variables et, d’autre part, on ne peut pas exclure que certaines évolutions, comme les progrès techniques, entraînent une véritable rupture avec la passé. De plus la modélisation permet de tester des cohérences, de faire des simulations, mais elle ne donne aucune garantie quant à la validité des hypothèses du raisonnement. Mais les résultats des études économétriques rassurent… souvent à juste titre.
Et puis, comme on le voit aujourd’hui dans les universités et les grandes écoles, les mathématiques sont un outil de sélection des candidats. Dans l’ensemble, ceux qui ont une bonne formation en mathématiques réussissent relativement mieux. C’est aussi le cas pour les enseignants. Si vous voulez faire une bonne carrière d’enseignant-chercheur, vous êtes obligé de publier dans des revues de haut niveau, qui exigent en général une grande formalisation des papiers. Il est incontestable qu’aujourd’hui la sélection des étudiants, comme celle des enseignants, fait une large part aux mathématiques. Le problème, c’est qu’on a tendance à se spécialiser de plus en plus et à oublier la dimension sociale. Dans la formation des étudiants, les sciences sociales sont abordées dans des considérations historiques et les étudiants éprouvent des difficultés pour adhérer à des concepts qui appartiennent à l’histoire. Il faudrait développer l’ouverture sociale et renforcer les études de cas pour passer de l’économie théorique à l’économie pratique. Selon toute vraisemblance, il conviendrait aussi de développer la formation en alternance, particulièrement en France.
En conclusion, les mathématiques ont eu un rôle croissant en économie, au fur et à mesure que cette discipline s’est autonomisée et développée et qu’on passait de l’économie politique aux sciences économiques. Il y a des nombreux travaux que nous ne pourrions pas faire si nous n’avions pas des méthodes statistiques aussi élaborées. Mais, en même temps, il y a des limites car une bonne modélisation n’apporte pas de garanties sur la validité des hypothèses ; on peut faire de très beaux modèles mais arriver à des résultats complètement faux. La tendance vers une formalisation de plus en plus poussée est irréversible ; les mathématiques seront incontestablement utiles dans le long terme. Mais, en même temps, dans l’éducation nationale, la formation à la dimension sociale de l’économie devrait être davantage développée.

INTERVENTION DE M. ROLAND POURTIER

Professeur émérite, Membre de l'Académie des sciences d'outre-mer
Dire la France – La géographie, l'école et la nation
L’objet de l’école primaire ne se limite pas à l’apprentissage des fondamentaux (lire, écrire, compter) ; elle devrait être un lieu fondateur du vivre ensemble. Mais cet horizon semble aujourd’hui hors de portée pour une large fraction de la société qui sombre dans le communautarisme, au point que certains élèves issus de l’immigration déclarent ne pas vouloir être français, voire en profèrent le mot comme une insulte. Le malaise est très profond et il suffit de lire Les territoires perdus de la République pour mesurer le désastre actuel des politiques du déni. Il y a une sorte de rejet de la fierté nationale, un enseignement de l’histoire de France souvent abaissé par les chantres de la culpabilité dont je considère qu’ils minent l’école et la privent de la part de rêve héroïque sans laquelle la formation du citoyen résonne comme une coquille vide. La question est de savoir si et comment l’école peut contribuer à faire aimer la France pour se fondre dans son être, comme le firent des millions d’émigrés qui, depuis plus d’un siècle, ont choisi la France jusqu’à en mourir, comme l’a écrit Aragon dans un poème bouleversant.
Aujourd’hui, l’école intégrationniste pose de graves problèmes. Avec Jules Ferry, l’école de la République joua un rôle éminent dans le processus de construction de l’identité et de l’unité françaises. Mais le temps n’est plus où l’école glorifiait l’histoire de France, où la géographie cheminait dans la diversité des pays sur les traces du tour de la France par deux enfants, sans oublier la ligne bleue des Vosges qui, à l’époque, symbolisait la préparation de la revanche contre l’Allemagne. La France actuelle ne correspond plus à cette période, elle ne correspond plus à la notion de nation définie par Renan dans son célèbre discours, cette nation conçue comme « une âme, un principe spirituel ». Elle n’est plus cette totalité unifiée par la langue, unifiée par l’engagement des hussards noirs de la République, unifiée par le chemin de fer rayonnant depuis Paris, unifiée par le sang versé sur les champs de bataille. L’immigration afro-musulmane a changé la donne. Reclus dans des ghettos tout à la fois économiques, sociaux, culturels, religieux, de nombreux migrants de première, deuxième, voire troisième génération ne se reconnaissent pas dans l’iconographie de la France, ni même, pour certains, dans les valeurs de la République.
Dans ce contexte où la tragédie de Charlie a été un révélateur pour beaucoup de ceux qui refusaient de voir la réalité, la tâche de l’école est particulièrement délicate. Plus structurellement, l’échec de l’école républicaine ne tient-il pas, pour partie tout au moins, au fait qu’elle a honte d’elle-même à force d’avoir été dévalorisée, vilipendée ? Pour des centaines de milliers d’enseignants, le déchaînement médiatique autour de quelques cas de pédophilie rend de plus en plus risquée toute familiarité avec les élèves et compromet leur autorité. Aucun bricolage pédagogique, aucune prime électoraliste en faveur des professeurs des écoles ne pourra redonner sa fierté à l’école de la République, à l’école des instituteurs.
J’en viens à une question qui n’a pas été abordée : Pourquoi la France est-elle un des rares pays, sinon le seul, où les élèves ne portent pas d’uniforme ? Comment être fier de son école quand on n’en arbore pas les couleurs ? Il y a pire : les programmes d’enseignement se détournent des grandes figures de l’histoire de France au nom d’une idéologie universaliste émolliente et, à la limite, absurde. En outre, il semble qu’on ait oublié que la réussite de l’enseignement repose sur l’admiration et non pas sur le dénigrement. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que l’école à la française se soit effondrée, à la 25ème place du classement Pisa (Program for international student assessment). Le redressement de l’école est, de l’avis unanime, une cause nationale.
Le savoir et le vivre ensemble se construisent simultanément sur les bancs de l’école. Les professeurs d’histoire, de géographie et d’instruction civique se retrouvent en première ligne, aujourd’hui confrontés à des situations inédites où le multiculturalisme ne se dissout plus dans une laïcité jacobine. Que faire ? Dans l’apprentissage des valeurs communes, la géographie joue un rôle essentiel, bien que souvent éclipsé par la prédominance de l’histoire. Une grande proportion des élèves issus de l’immigration n’adhèrent pas au « roman national » qu’ils considèrent comme n’étant pas le leur. Comment, dans ce contexte, dire la France pour que celle-ci devienne désirable ? Car sans désir, il ne peut y avoir d’adhésion à l’objet de la représentation. La France n’est pas seulement une mémoire partagée, elle est un territoire de rencontre construit au cours des siècles jusqu’à sa sublimation dans la géométrie de l’hexagone.
A l’ère de la mondialisation, et en contrepoint de la galéjade du village planétaire, les territoires emboités du quotidien et les destins croisés balisent les trajectoires identitaires. Du proche au lointain, les espaces vécus tissent un réseau multi scalaire de connivences unissant les hommes et les lieux. Permettez-moi un petit détour par l’Afrique pour mieux faire comprendre mon propos. Les sociétés d’Afrique Centrale ignoraient l’Etat avant la colonisation. C’est la colonisation qui a créé leur territoire et c’est à partir de ce territoire initial que se construit quelque chose qui ressemble à un état-nation. Les manuels scolaires africains magnifient tous leur pays. Je citerai un manuel du primaire du Congo (RDC) qui s’exclame : « Congo, mon beau pays ! ». Le pays est décrit avec enthousiasme. Les performances du territoire remplissent une fonction comparable à celle des héros de l’histoire. Au Gabon, il a fallu plusieurs décennies pour que le Mont Iboundji cesse de culminer à 1400 mètres dans les manuels scolaires, alors qu’il en atteint à peine 1000 : difficile renoncement, comme si le Mont Blanc, sommet de l’Europe, perdait le tiers de sa hauteur ! Lorsque j’y enseignais, raboter le sommet du pays aurait était assimilé à du dénigrement néocolonialiste. Dans tous les pays neufs, le territoire joue un rôle essentiel dans le processus identitaire. Ce fut aussi le cas des Etats-Unis et de leur expansion territoriale repoussant sans cesse une frontier sans limite dont les westerns firent un récit fondateur. En République démocratique du Congo, le fleuve Congo, magnifié pour sa puissance, engendre une image unifiante qui contrecarre les forces centrifuges ethno-historiques. Sous le régime de Mobutu, le générique du journal parlé et télévisé s’ouvrait, trois fois par jour, par l’évocation du grand et majestueux fleuve Zaïre. D’une certaine façon, la géographie peut unir alors que l’histoire désunit.
Mais revenons à la France. Une des missions de l’école consiste à enseigner l’espace de la vie commune, fruit de la mémoire et du territoire. Les cartes Vidal de La Blache affichées aux murs de toutes les écoles de la République ont été, durant des décennies, les icônes de l’identité française. L’identité de la France, de Fernand Braudel, devait servir de bréviaire aux enseignants responsables de la transmission de cette géohistoire qui fonde la trame de la nation française. Les intitulés des trois parties du livre sont on ne peut plus explicites :


  • que la France se donne diversité ;




  • la cohésion du peuplement ;




  • la géographie a-t-elle inventé la France ?


Tout cela donne beaucoup de grain à moudre ! Mais aujourd’hui, quelle image l’école donne-t-elle de la France ? Les manuels scolaires que j’ai évidemment consultés me laissent perplexe ; les auteurs, soucieux de s’inspirer des recherches universitaires, oublient les ressorts primaires de l’éducation : le désir, l’admiration envers celles ou ceux qui parviennent à le susciter. Il est peu probable que les élèves de CM2 se passionnent pour l’habiter, pour le rôle des conseillers régionaux, pour le découpage territorial de la France ; ce n’est pas très attractif quand on a 8 ou 9 ans ! Les manuels privilégient la fonctionnalité des territoires à la beauté des paysages. On oublie le rêve, l’échappée belle, au-delà de l’horizon d’une barre d’HLM ; on oublie la richesse culturelle et gastronomique des multiples pays agrégés dans la nation, en un mot cette vivante diversité qui fait l’être de la France.
Il faut susciter auprès des élèves la gourmandise géographique, les rendre sensibles à la richesse du patrimoine naturel et culturel de la première destination touristique du monde. Dire la France avec des mots qui donnent envie de la connaître et de l’aimer comme dans le Dictionnaire amoureux de la France, de Denis Tillinac. Rendre les élèves amoureux de la France, quel défi ! Quel défi pour la géographie, pour la République une et indivisible dont le territoire aux multiples facettes constitue le socle ! Ce socle républicain ne se réduit pas à un corpus de valeurs plus ou moins abstraites. Il est une entité géographique globalisante où se reconnaissent les Bretons, les Alsaciens, les Auvergnats… et les émigrés qui ont choisi la France. Ce socle est aujourd’hui menacé par les communautarismes qui tournent le dos à la mémoire nationale, ignorent la terre qui l’a engendrée au cours des siècles, lui opposent des normes théologiques remettant en cause les fondements de la nation.
Dire la France, c’est contribuer à construire le nous qu’interroge non sans inquiétude Natacha Polony dans Nous sommes la France. Puisse la géographie de la France, kaléidoscope vivant de terroirs bigarrés, remplir sa fonction de matrice identitaire concourant dans ses diversités à faire vivre, aux côtés de la langue, la nation française car les lieux et les langues sont le fondement des reconnaissances affectives qui situent les individus dans le collectif. C’est pourquoi la question de de la géographie est aussi cruciale. Au-delà de la nostalgie des cartes de Vidal de La Blache, l’école reste notre avenir.
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