L’Education nationale : que faire ?








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INTERVENTION DE M. DIDIER HAMON

Secrétaire général du groupe « Aéroports de Paris »

Président du Comité Freud
J’ai eu dans ma vie de nombreuses activités d’enseignement et j’en ai encore. En particulier, j’ai été pendant neuf ans maître de conférences à Sciences Po (Paris) et à l’Université de Versailles ; j’avais auparavant enseigné à Moscou et à Bruxelles. J’en ai tiré quelque expérience que je souhaiterais partager avec vous sur trois sujets.
Le premier concerne l’enseignement du réel, qui existe beaucoup dans les universités américaines. Dans nos pays, le plus souvent, on tend à présenter de très belles théories sur le fonctionnement de l’entreprise dans une vision quelque peu utopique. Mais cela masque des réalités douloureuses. La majeure partie du temps professionnel (peut-être 70 %) est consacrée à gérer la jalousie, la compétition interne, la méchanceté et non pas à exercer l’activité dont on avait rêvé. Il faudrait apprendre cette réalité aux jeunes, leur faire prendre conscience de la vérité de la vie, de la vie en collectivité professionnelle, de la vie dans cette communauté humaine qu’est l’entreprise.
Le deuxième vise un déficit d’enseignement de l’éthique, peut-être assez bénin dans les études juridiques, mais considérable dans les études scientifiques. Parallèlement, l’influence des religions, qui était sensible dans ce domaine, a pratiquement disparu. Ce déficit a des conséquences de plus en plus graves car, plus les sciences et les techniques progressent, plus on a besoin de se rattacher à des considérations éthiques. Le secteur médical donne un exemple particulièrement frappant avec les manipulations génétiques Mais on observe une tendance comparable dans le domaine civilisationnel au sein de nombreuses sociétés. Car la limite de tout, c’est ce qui se passe dans le cerveau, dans l’âme, dans les consciences ; mais cette réalité est peu enseignée, peu travaillée, peu réfléchie. Il est absurde que, malgré l’évolution des grandes questions de société, l’enseignement supérieur ne donne aucune place à l’éthique professionnelle.
Le troisième point concerne la psychologie et la psychanalyse. C’est un domaine qui a profondément évolué au cours des dernières années, mais dont l’enseignement, contrairement à celui des matières scientifiques, n’a pas été actualisé. De nombreuses filières prestigieuses (dont Polytechnique, HEC et les business schools) le négligent totalement. Il est pourtant difficile d’agir efficacement dans les communautés de travail, notamment dans l’entreprise, sans avoir la moindre ouverture sur les apports fondamentaux de ces disciplines.
L’enseignement du réel, l’enseignement de l’éthique, l’ouverture à la psychologie et à la psychanalyse devraient donc être pris résolument en compte dans les efforts d’amélioration de notre système éducatif.

INTERVENTION DE M. ROLAND GORI

Professeur émérite de psychopathologie clinique – Aix Marseille Université

Chaire de philosophie à l'école des sciences philosophiques et religieuses

Université Saint Louis de Bruxelles
Je focaliserai mon exposé sur une question qui me paraît essentielle lorsqu’on prétend évoquer les questions d’éducation, c’est le rapport au temps. Je commencerai par quelques citations :


  • « Dans un univers où le succès est de gagner du temps, penser n’a qu’un défaut, mais incorrigible : d’en fait perdre » (Jean-François Lyotard, Le postmoderne expliqué aux enfants).




  • « Nous serions capables d’éteindre le soleil et les étoiles parce qu’ils ne versent pas de dividendes » (citation de Keynes [1933], appréciée par mon ami Bernard Maris, assassiné à Charlie Hebdo).




  • « Ce n’est pas la technique qui nous asservit, mais le sacré transféré à la technique » (Jacques Ellul, Les Nouveaux Possédés).




  • « Si les hommes doivent travailler et produire dans l’usine de la science avant de parvenir à maturité, la science sera bientôt minée, de même que les esclaves trop tôt employés dans cette usine. Je regrette qu’il faille utiliser le jargon des négriers et des patrons pour traiter de matières auxquelles l’utilité et le besoin matériel devraient rester étrangers ; mais les mots « usines, marchés du travail, offre, productivité » –avec toute la terminologie usuelle de l’égoïsme– viennent inévitablement aux lèvres lorsqu’on veut dépeindre la nouvelle génération de savants » (Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles).


Il faut bien reconnaître :


  • que la religion du marché est indissociable des monstres qu’elle a pu produire, notamment des mouvements « religieux » extrémistes radicaux que j’appelle les théofascistes ;




  • que la technique crée une hégémonie culturelle et exerce une très forte emprise sur nos modes de penser et de gouverner. Il y a aujourd’hui une sorte de sacralisation de la technique qui participe d’une sorte d’hégémonie culturelle. Les pratiques sociales qui mettent en œuvre cette civilisation culturelle de mœurs constituent ce que l’appelle un « thechnofascisme » (cf. L’individu ingouvernable).


Pour avoir sévi dans diverses universités et avoir exercé quelques activités d’expertise au ministère de la recherche et au conseil national des universités, je peux vous dire que nous avons fortement pâti, au cours des dernières années, de ce que Nietzsche annonçait il y a un siècle et demi. La religion du marché s’est introduite dans tous les secteurs du savoir et du soin par le vecteur des nouvelles formes de l’évaluation, qui en ont constitué le Cheval de Troie.
Les formes d’éducation, les modes de transmission du savoir sont inséparables des pratiques sociales et des formes de pouvoir. Elles contribuent et légitiment des logiques de domination et de soumission sociales. Elles offrent des dispositifs qui fabriquent des êtres prédisposés à agir d’une certaine manière, à acquérir des habitus. Ces nouveaux modes d’évaluation –quantitatifs, procéduraux et formels– fabriquent des conformismes et des impostures (cf. La Fabrique des imposteurs).
L’une des finalités de l’éducation, c’est évidemment le gouvernement de soi ; et celui-ci est indissociable du gouvernement des autres, consubstantiel au champ du politique. C’est la fameuse réponse de Socrate à Alcibiade qui lui demandait comment gouverner les autres : « Commence par te gouverner toi-même » ou « Sois ton propre thérapeute » ! Chacune des traductions –« se gouverner » ou « être le thérapeute de soi »– implique une éthique et une métaphysique différentes dans les manières d’éduquer.
On voit bien effectivement que, dans la philosophie de l’éducation, on peut aller du côté de la maîtrise ou du côté du soin. Cette idée me paraît essentielle. La maîtrise débouche sur une rationalité instrumentale, une emprise technique sur la nature, l’autre et soi-même. Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas de critiquer les techniques, mais plutôt l’essence de la technique, le sacré déporté vers la technique, la technique comme système technicien. La prise en compte du soin, le souci de la vulnérabilité implique une autre conception de l’éducation, et du même coup de la liberté, à contre-courant des différentes versions proposées par les libéralismes. Il s’agit alors moins d’une liberté dans laquelle le sujet se voudrait « l’entrepreneur de lui-même » que d’une liberté politique et subjective qui émancipe, mais qui « requiert la présence d’autrui », comme l’écrivait Hannah Arendt.
Qu’en est-il, aujourd’hui, de nos préférences en matière de gouvernement des conduites, de leur surveillance, de leur contrôle et de leur normalisation ? Que révèlent ces préférences, en matière de pédagogie et de soin, si ce n’est le choix d’une solution technicienne pour traiter les problèmes humains, quitte à placer les sujets et les peuples sous curatelle, à prononcer une obsolescence programmée de l’humain (cf. Günther Anders, L’obsolescence de l’homme) ? C’est cette prévalence du langage de la machine qui a transformé aujourd’hui le soin, l’éducation, la culture, la justice, l’information, le travail social… en dispositif de contrôle et de normalisation. Un seul exemple pour montrer la manière dont notre société conçoit l’aide aux personnes en difficulté.
J’aime bien évoquer une expérience qui a eu lieu à Londres, mais qui est menée depuis longtemps aux Pays-Bas et aux Etats-Unis. Une loi britannique de 2002 réprime très sévèrement les personnes prises dans des troubles sociaux légers (tels qu’injures ou altercations) qui peuvent être liés à des excès d’alcool. Il faut rappeler qu’à Londres 40% des urgences sont liées à des excès éthyliques : il s’agit donc d’un problème de santé publique. Mais ce qui me paraît le plus intéressant, le plus symptomatique, c’est la manière dont ce problème est traité, dans une démocratie « libérale », par des solutions techniciennes. Plutôt que d’aller pointer au Commissariat, on propose de porter à une cheville un bracelet électronique qui, toutes les 30 minutes, mesure le taux d’alcoolémie à partir de l’analyse de la sueur. Si ce taux est excessif, la machine envoie une alerte qui peut conduire la personne à devoir se rendre au Commissariat, être transférée à un tribunal etc. Ce qui me paraît très important, c’est la réaction de l’opinion et des médias. Ainsi, Le Monde écrivait : « On ne vise pas les délinquants, on ne vise pas les malades, on vise les gens qui exagèrent un peu trop un vendredi ou un samedi soir. Ils se retrouvent impliqués dans des délits, liés par exemple à des bagarres, et plutôt que de les emprisonner on peut les aider avec cet appareil. C’est moins cher et plus efficace. » Mais la forme de soin ainsi fabriquée par notre société, cette prescription de comportements subordonnée à un logiciel de machine bouleverse le lien social et conduit à d’autres formes de violence, de morbidité, comme le théofascisme que nous connaissons aujourd’hui. Ce qui est révélateur, c’est la justification, le discours de légitimation sociale de cette expérience : « C’est moins cher et plus efficace ». Dans cette formule, on retrouve la curatelle technico-financière qui domine notre société actuelle dans le gouvernement des peuples et des individus
Car il faut bien comprendre que ce type d’appareil ne concerne pas uniquement les alcooliques, mais beaucoup d’autres personnes, comme les seniors en cavale de leur maison de retraite, les bambins tentés par l’école buissonnière et tous ceux qui chagrinent les policiers et les infirmiers. La bonne nouvelle, c’est qu’une start-up de Polytechnique vient de mettre au point aussi un bracelet électronique qui mesure un certain nombre de marqueurs comportementaux, physiologiques et autres pouvant révéler une dépression. Parallèlement, des efforts importants sont consacrés à la mise au point d’un logiciel de contrôle des comportements de personnes isolées qui leur permet, en quelque sorte, de sortir de leur isolement. Mais en fait, n’est-ce pas la désolation ? Est-ce vraiment plus efficace que la conscience morale et que le discours d’émancipation des Lumières ? Des observations faites aux Etats-Unis, notamment dans l’Etat du Dakota du Sud, montrent que le taux de récidive est nettement réduit lorsque les gens portent le bracelet électronique, mais qu’il revient à la moyenne générale dès qu’ils l’enlèvent. Ce phénomène concerne le lien social et contribue à la formation de la conscience morale et de sa substance éthique profonde : la machine (matérielle ou algorithmique) remplace la raison critique et la loi morale. Si on les enlève, le sujet est livré à sa « sauvagerie ». Ce technofascisme favorise l’émergence des théofascismes d’aujourd’hui (cf. L’individu ingouvernable).
Les méthodes éducatives traduisent des conceptions du sujet humain, des visions du monde, des métaphysiques. Aujourd’hui, cette rationalisation technico-administrative de tous les métiers correspond à une prolétarisation généralisée de l’existence. Je m’explique : quand Marx parle des prolétaires, il ne vise pas uniquement les conditions matérielles de la vie de l’ouvrier, mais il s’intéresse à des professionnels dont le savoir-faire, le savoir-être se trouvent confisqués par les exigences de la machine. Tout se passe comme si, à ce moment-là, le lieu de la décision se trouvait transféré de l’être de l’ouvrier vers le mode d’emploi de la machine.
Or, depuis la deuxième révolution industrielle, nous assistons à une sorte de taylorisation non seulement des tâches professionnelles, mais des manières de penser, des manières de vivre, des manières de rentrer en relation avec nous-mêmes et avec les autres. C’est le défi que nous avons aujourd’hui avec la question de l’éducation, bien sûr, mais aussi du soin, de la recherche, de l’information, de la culture, de la justice, du travail social etc. Dans tous ces domaines, les professionnels se voient prolétarisés. Formés comme des artisans, ils se voient aujourd’hui, quel que soit le secteur dans lequel ils exercent, invités à travailler sur des « chaines de production » standardisées par les évaluations et les procédures algorithmiques.
Vous avez remarqué que j’aime beaucoup les citations, considérant que les auteurs que je cite ne sont pas, pour moi, des figures d’autorité, mais des compagnons de vérité. Alors je terminerai avec ce terrible diagnostic prémonitoire d’Henry Miller (Souvenir, souvenirs) : « Le soin et l’amour dont on entourait jadis le corps humain vont maintenant aux machines. Les machines reçoivent la meilleure nourriture, la plus grande attention, les machines coûtent cher ; les vies humaines sont bon marché. Jamais dans l’histoire du monde la vie n’a été à meilleur marché qu’aujourd’hui. Il est naturel, dès lors, que le soutien de la vie soit totalement dénué de valeur. » (Henry Miller – Souvenir, souvenirs). Je crois exprimer ainsi le défi que nous avons à relever.

INTERVENTION DU PROFESSEUR JACQUES MILLIEZ,

Médecin, Essayiste
L’enseignement des mathématiques en médecine
Traditionnellement, les facultés de médecine ont eu le monopole de la formation des médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et autres. C’est exclusivement là que se faisait la sélection. Ensuite, en deuxième cycle on commençait l’enseignement de la médecine ; il y avait des certificats optionnels, notamment en matière de statistiques. Il y a évidemment des passerelles pour les licenciés, notamment en mathématiques, et des sentiers privilégiés pour des étudiants des grandes écoles (Polytechnique, Normale supérieure…) qui souhaitent s’orienter vers la médecine. Mais, quand ils ont terminé les études correspondantes, très peu d’entre eux pratiquent effectivement le métier de médecin. La plupart vont vers l’administration ou la recherche.
Il n’y a pas de programme de mathématiques commun à toutes les facultés de médecine. Il y a certes, pour la première année commune des études de santé (PACES), un programme national qui comprend sept unités d’enseignement (UE) mais, pour quatre d’entre elles, le volume horaire n’est pas fixé et varie fortement selon les facultés. L’UE7, consacrée aux sciences humaines (santé, société et humanités) représente 20% des notes. Il y a dans l’ensemble beaucoup de sciences naturelles. Pourtant, ce sont généralement les étudiants issus de de la filière scientifique S qui réussissent le mieux et, parmi eux, les premiers reçus sont systématiquement ceux qui ont obtenu des mentions très bien ou bien. En toile de fond, nous avons donc une population beaucoup plus ouverte au domaine mathématique que ne l’exigerait la médecine elle-même. Les programmes de mathématiques sont très différents d’une faculté à l’autre. A Nancy, par exemple, on traite des fonctions d’une variable réelle A Paris VI, c’est un cours de statistique de 15 jours relativement complexe (probabilités, échantillonnage statistique, tests d’hypothèses etc.) ; les étudiants n’en sont pas satisfaits (« c’est trop compliqué, on ne comprend rien, le prof va trop vite etc. »). Mais ils manifestent une certaine indifférence et ne protestent pas trop car les maths, c’est coefficient 1.
Le numerus clausus national pour les médecins, c’est 7613 places. L’enseignement des mathématiques en médecine, c’est très peu ; peut-être oublie-t-on qu’on est au XXIème siècle. Mais, dépassant cette première impression, je me suis demandé quand j’avais eu (ou aurais eu) besoin des mathématiques dans l’exercice de ma profession : Presque jamais ! Quand on publie des études scientifiques, il y a toujours un statisticien qui est là pour vous conseiller. Personnellement, j’ai eu deux fois besoin des mathématiques, mais j’ai pu compter sur une aide familiale, en l’occurrence celle de ma fille. La première fois, c’est quand, en tant qu’obstétricien, je me suis intéressé au taux optimal de césariennes dans un pays comme la France, compte tenu du fait que le taux de décès est trois fois plus élevé après une césarienne qu’après un accouchement normal. J’ai d’ailleurs pu constater que le taux de césariennes pratiqué en France était très proche de l’optimum auquel conduisaient mes travaux.
Ma deuxième expérience, c’est quand j‘ai essayé de comprendre comment fonctionnait le cerveau fœtal in utero, afin de progresser dans la recherche d’innervants. Au cours des observations sur l’écran de l’ordinateur, je n’arrivais pas à me représenter les trajectoires des mains et des bras, qui sont évidemment des courbes dans un espace à trois dimensions. A cette occasion, j’ai notamment compris que mon intelligence était transmise par les formes. Puis j’ai été conduit à m’intéresser à la géométrie riemannienne, qui assimile en quelque sorte les bras et les mains du fœtus à des ondes (dépassant ainsi les limites introduites par les trois dimensions euclidiennes) et qui permet, en quelque sorte, de généraliser les notions de longueur de courbe.
Mais, au-delà de mon vécu personnel, je constate que les mathématiques sont omniprésentes en médecine et qu’elles sont à l’origine de progrès considérables aux plans technique et thérapeutique. Les méthodes de la statistique ont été introduites dans le monde médical français per le Professeur Daniel Schwartz. Mais c’est peut-être la transmission de l’information (donc l’informatique) qui a permis les progrès les plus spectaculaires.
La méthode algorithmique, promue notamment par Gérard Berry, Professeur au Collège de France, apporte une contribution considérable au diagnostic. En effet, le diagnostic d’une maladie peut se faire de deux façons : On bien le médecin reconnaît, par un raisonnement analogique, une maladie qu’il a déjà vue au préalable, ce qui suppose expérience et mémoire. Ou bien le médecin recueille tous les signes présents et formule un diagnostic à partir de ces signes ; c’est un raisonnement analytique, qui implique la capacité d’identifier correctement les signes présents (séméiologie) et de connaître les signes des différentes maladies (nosologie), mais qui permet de diagnostiquer des maladies que l’on n’a pas préalablement rencontrées. Le raisonnement analytique s’appuie sur des algorithmes qui permettent de réaliser une démarche diagnostique analytique. Toutefois, chaque algorithme possède des limites :


  • Une bonne démarche diagnostique tient compte de très nombreux éléments qu’il n’est possible d’intégrer dans un algorithme.




  • Un algorithme propose une démarche qui repose sur une suite de questions qui s’enchaînent ; de ce fait, si la réponse à une question est fausse, toute la suite le sera. 


En médecine, les mathématiques et la méthode algorithmique ont évolué ensemble et se sont largement interpénétrées. Elles conduisent à une exploitation systématique des grands fichiers, des big data qui permettent de recueillir de très nombreuses informations, par exemple sur le génome humain ou sur les pathologies de masse. On peut comparer des échantillons qui concernent un nombre considérable d’individus et construire des référentiels qui permettent d’évaluer l’efficacité de certains remèdes comme les chimiothérapies ou de préciser leurs règles d’emploi. La médecine réalise, grâce à cette démarche, des progrès considérables.
Mais l’utilisation de l’informatique permet aussi de recueillir, de traiter et de stocker un très grand nombre d’images. Ces images permettent de mieux comprendre comment fonctionne le corps humain et de progresser dans sa modélisation. Elles sont très utiles aussi dans la formation des étudiants. Nous sommes plongés dans une évolution vertigineuse dont témoigne Nicolas Ayache dans Le patient numérique personnalisé. Evidemment, l’imagerie du cerveau tient, dans ce cadre, une place éminente. L'IRM cérébrale permet de visualiser le cerveau ; elle fournit des informations très fiables sur la plupart des  anomalies de ses structures anatomiques, permettant de définir aussi bien leur localisation que leur nature et leur origine. Elle est notamment utilisée dans la détection des anomalies vasculaires, comme l’AVC, ou tumorales et pour l'évaluation de diverses maladies neurologiques, comme la sclérose en plaque. Une IRM cérébrale permet d’analyser la partie superficielle du cerveau (la substance grise), sa partie profonde (la substance blanche), ses ventricules et leur contenu (liquide céphalo-rachidien) ; elle fournit aussi des informations précises sur la fosse postérieure du cerveau, zone qui reste peu visible au scanner.
L’imagerie médicale computationnelle (traitement informatique des images médicales) permet de concevoir des algorithmes de traitement des images médicales afin d’en extraire l’information cliniquement pertinente et de la présenter au médecin dans un cadre unifié et intuitif. Elle peut ainsi l’aider dans le diagnostic, puis dans la planification et la conduite de l’intervention thérapeutique ; elle offre la possibilité d’apprécier en temps réel le déroulement d’interventions chirurgicales, de mettre en évidence les anomalies ou les erreurs et de les corriger immédiatement. Elle permet aussi de cons­truire un modèle numérique du patient pour simuler l’évolution d’une pathologie ou l’effet d’une thérapie. Enfin, elle donne un outil de simulation qui permet aux praticiens de s’entraîner aux gestes chirurgicaux qu’ils auront à accomplir. Certains considèrent que parallèlement la robotisation continuera à progresser et que nous nous acheminons vers une chirurgie sans chirurgien. Le médecin conservera néanmoins son rôle d’écoute, de consolation et de conseil…
Il semble donc que l’on soit à une croisée des chemins pour l’enseignement des maths en médecine Enseignement trop développé s’il s’agit de former à l’exercice médical, enseignement insuffisant si les bio-ingénieurs doivent s’en contenter. Qui voulons-nous former : des praticiens qui écoutent, palpent, apaisent et soignent, sans maths, ou des robots qui sondent, jaugent, extirpent et guérissent à grands coups de logiciels ? Tout se passe comme si nous allions vers une médecine sans médecin, en tout cas sans chirurgien, une médecine qui transférera ses tâches à la machine ; les infirmières feront le reste ; elles resteront fidèles à elles-mêmes, ne calculant ni leur temps ni leur dévouement.
Mais voilà que les experts de Harvard expliquent (Golbal Surgery 2030 : Lancet 2015) que 5 milliards d’êtres humains ont peu d’accès à la chirurgie, que 2 milliards n’y ont jamais pensé et qu’il y a chaque année, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI), 17 millions de décès qui auraient pu être évités par l’intervention de services chirurgicaux de base. Cette étude est sous-titrée « la chirurgie dans la lutte contre la pauvreté », la pauvreté visée étant celle des PRFI et incluant la pauvreté en médicaments. Pour leur bien-être, leur prospérité économique, il leur faudra des têtes, des cœurs et des mains, pas seulement des machines à intégrales.
Je compléterai mon propos en l’illustrant d’une courte anecdote des années 80. Un médecin russe, arrivé depuis peu au Mali va être lynché parce qu’il a opéré un enfant de l’appendicite à gauche et que cet enfant est mort. Le vieux sage dit alors : « Attention, vous allez tuer un homme, mais après nous n’aurons plus personne. »
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