VII.2Exposition externe ajoutée par les installations minières
VII.2.aLes sites miniers réaménagées Un impact radiologique significatif…
Dans la situation la moins pénalisante, l’exposition externe ajoutée par les activités minières s’établit à 0,06 µSv/h (partie supérieure des verses de Rabéjac). Le seuil au dessous duquel la réglementation considère que l’impact est négligeable (10µSv par an) est alors atteint en 166 heures. Quelques mètres plus loin, dans la partie inférieure des verses, où l’exposition externe ajoutée est de 0,50 µSv/h (avec 0,69 µSv/h mesuré sur un point moyen), 20 h suffissent pour atteindre ce seuil. Dans cette zone, le seuil de 300 µSv/an au delà duquel l’exposition, due à une seule pratique, devient inacceptable est atteint en 600 heures de fréquentation. Sur les abords des mines de Mas d’Alary, au croisement de la piste Cogema avec la route départementale de Soumont, 1000 µSv sont atteints en 1450 heures et 300 µSv en 430 heures. Le stationnement pendant une durée de 14 heures seulement à cet endroit conduit déjà à un risque non négligeable. Des calculs comparables peuvent être réalisés pour l’ensemble des sites de la Division Minière de l’Hérault.
Du seul fait de l’exposition externe, quelques heures à quelques dizaines d’heures de présence dans l’année sur les sites de la Cogema suffisent pour atteindre un niveau de risque non négligeable (limite de 10 µSv par an) et quelques centaines heures conduisent à dépasser les seuils d’un niveau de risque inacceptable (300 µSv par an pour une seule pratique, ce qui est le cas des activités minières, et 1000 µSv par an pour l’ensemble des pratiques). Les personnes fréquentant ces sites, subissent donc même après réaménagement un impact radiologique significatif.
En effet, nos mesures concernent des lieux rendus au public (que les procédures administratives soient déjà finalisées ou soient encore en cours d’instruction) parfaitement accessibles et non clôturés. Certaines de ces mesures concernent même le domaine public : entrée de la mine ouest de Rabéjac, bordures de la route départementale de Soumont… Des scénarios d’exposition réalistes, qui conduisent à dépasser les normes de radioprotection peuvent facilement être envisagés. Ainsi, une promeneuse et un chasseur parcourant les verses ou un enfant jouant sur ces sites miniers peuvent en quelques heures atteindre le seuil du risque non négligeable. Si leur activité se renouvelle plusieurs fois et, qu’au total, ils fréquentent ces terrains quelques centaines d’heures dans l’année, ils pourront atteindre les seuils du risque inacceptable (300 µSv atteints en 430 heures de présence devant l’entrée des verses de Mas d’Alary et 600 h sur la partie inférieure des verses de Rabéjac).
…décuplé par la présence de points chauds
En effet, ces calculs sont réalisés à partir de valeurs représentants des points moyens du complexe minier et en envisageant des pratiques de fréquentation peu courantes : les personnes se promenant devant prendre garde à bien contourner les points particulièrement actifs et éviter de s’asseoir sur le sol formé de « stériles miniers » de ces collines reconstituées.
En prenant en considération la présence de ces points chauds, qui, comme nous l’avons vu, n’a rien d’anecdotique (cf. encart points chauds), l’exposition externe ajoutée par les activités minières est notablement amplifiée. Concernant la dose au corps entier, établie avec des mesures réalisées à 1 m du sol, moins de 8 heures suffisent pour dépasser le seuil de 10 µSv en stationnant sur les points les plus actifs des verses de Rabéjac ou de Mas d’Alary (1,5 µSv/h). Les débits de dose mesurés au contact, nettement plus élevés, peuvent atteindre plusieurs dizaines de µSv par heure (jusqu’à 78 µSv/h sur les points prospectés). Ces mesures, réalisées au moyen de la sonde LB1236, sont largement sous-estimées et ne rendent que partiellement compte de l’exposition externe totale : elles ne prennent pas en considération les composantes bêta et alpha du rayonnement, qui deviennent majoritaires au contact. L’exposition externe par contact à la peau, qui nécessite des mesures complémentaires, ne peut donc être évaluée précisément.
Néanmoins, si le chasseur décide de se poster à l’affût ou le promeneur de pique-niquer et de se reposer sur l’un de ces points, comme, par exemple, à quelques mètres de la table panoramique surplombant le site Cogema-Simo (78 µSv/h au contact), ils subiront, à leur insu, une dose très significative du simple fait de l’exposition externe. Si l’enfant ramasse un de ces cailloux présents à la surface du sol, qui sont en fait des morceaux de minerai d’uranium, se rajouteront, à cette exposition externe, les doses reçues par les différentes voies d’exposition interne (transfert cutané, migration au niveau des lésions de la peau, ingestion). Dans les tous les cas, s’ajouteront également les risques liés à l’inhalation de radon.
VII.2.bLa dispersion par l’utilisation de stériles comme matériau de remblais Dans les villages environnants la Division Minière de l’Hérault, les mesures radiamétriques ont montré qu’il y a eu dispersion de matériaux radioactifs, utilisés comme remblais de voirie et d’entrées de propriétés privées. Ces matériaux, dispersés sur une vaste aire géographique et, parfois déversés à proximité même des habitations, conduisent à une augmentation significative de l’exposition externe mesurée à 1 m du sol :
à Saint-Julien, l’exposition ajoutée due à la dispersion de « stériles miniers » s’étend de 0,55 µSv/h à 0,85 µSv/h (bordure du terre plein du château d’eau, bas coté de la route d’accès au village),
dans le village de Mas Lavayre, elle est de 0,32 µSv/h à l’entrée d’une villa et atteint 0,81 µSv/h sur un terre-plein bordant la route départementale D144E5.
Sur ces lieux, qui ne sont cités qu’à titre d’exemple (d’autres situations comparables ayant été identifiées de façon non exhaustive), seulement 12 à 31 heures de présence dans l’année conduisent à dépasser le seuil de l’impact significatif (10 µSv par an). Environ 350 à 940 heures conduisent à atteindre la limite de 300 µSv par an et 1200 à 3100 heures de présence annuelle conduisent à une exposition inacceptable (plus de 1000 µSv par an). De plus, par la présence de points chauds, dus à des morceaux de minerai uranifère en surface, les doses pouvant être reçues du fait de l’exposition externe à leur contact et par les autres voies d’exposition sont préoccupantes dans ces milieux habitées.
VII.2.cLa dispersion due aux rejets et aux écoulements diffus
Six ans après l’arrêt de l’exploitation des sites miniers, l’impact environnemental des activités minières sur les berges des cours d’eau qui longent les installations de la Cogema, peut toujours être mis en évidence. Les mesures de flux gamma ont, en effet, permis de détecter cet impact sur plusieurs kilomètres de leur parcours, jusqu’à la confluence avec la Lergue. Ces niveaux significatifs concernent, non seulement les cours d’eau ayant reçus les rejets des installations (Riviéral et Rivernoux), mais aussi ceux qui bordent les anciens sites d’extraction et leurs verses. Les analyses en spectrométrie gamma ont confirmé que les berges de ces cours d’eau étaient contaminées par des radionucléides de la chaîne de l’uranium 238. Le tableau IV ci-dessous récapitule les principaux résultats des mesures radiamétriques et des analyses en laboratoire.
Tableau IV : Principaux résultats des mesures radiamétriques et des analyses en spectrométrie gamma des échantillons prélevés sur les berges des cours d’eau (Bq/kg sec) Lieu de prélèvement
| Profondeur
(cm)
| Flux Gamma DG5 au contact (C/S)
| Flux Gamma SPP2 au contact (C/S)
| U 238
(Th 234)
(Bq/kg sec)
| Ra 226
(Bq/kg sec)
| Rapport Ra 226 /
U 238
| Riviéral Aval ancienne station de traitement
| 0-4
| 3350
|
| 2760
| 18312
| 6,63
| Riviéral Aval ancienne station de traitement
| 4-8
| 3350
|
| 2631
| 21351
| 8,12
| Riviéral Aval ancienne station de traitement
| 0-10
|
| 2500
| 2420
| 20154
| 8,33
| Riviéral confluence Rivernoux (radier)
| 0-5
|
| 1400
| 1373
| 6186
| 4,51
| Riviéral confluence Rivernoux (radier)
| 5-10
|
| 1400
| 1283
| 4887
| 3,81
| Rivernoux Amont confluence Riviéral
| 0-5
|
| 100
| 80
| 61
| 0,76
| Rivernoux Amont confluence Riviéral
| 5-10
|
| 100
| 91
| 66
| 0,73
| Rivernoux Aval Riviéral (pont A75)
| 0-8
| 700
| 450
| 1050
| 2246
| 2,14
| Rivernoux Aval Riviéral (pont A75)
| 0-8
| 750
| 500
| 709
| 938
| 1,32
|
|
|
|
|
|
|
| Doumergoux Aval site Simo-Cogema
| 0-5
|
| 1300
| 1552
| 4389
| 2,83
| Doumergoux Aval site Simo-Cogema
| 5-10
|
| 1300
| 1438
| 4666
| 3,24
| La Tuilière Aval ruisseau de Tréviels
| 0-5
|
| 850
| 1064
| 5761
| 5,41
| La Tuilière Aval ruisseau de Tréviels
| 5-10
|
| 850
| 1140
| 5840
| 5,12
|
|
|
|
|
|
|
| Lergue Amont Rivernoux
| 0-8
| 120
|
| 41
| 73
| 1,78
| Lergue Aval Rivernoux (Pétout)
| 0-5
| 210
|
| 88
| 103
| 1,17
| Lergue Aval Rivernoux (Pétout)
| 5-15
| 210
|
| 157
| 314
| 2,00
| Du point de vue de la réglementation des substances radioactives, l’activité de la plupart de ces échantillons est supérieure aux seuils réglementaires. S’il s’agissait de déchets, ils devraient être traités comme des déchets radioactifs. Si ces matériaux doivent être utilisés par une entreprise, il est probable que cela ne sera pas autorisé et si tel était le cas, le personnel devrait faire l’objet d’une surveillance radiologique et le fonctionnement de l’installation soumise à toutes les règles de radioprotection ad hoc.
L’analyse du rapport Ra 226 /U 238 permet de montrer qu’il ne s’agit pas d’une situation naturelle : dans un cours d’eau n’ayant pas subi l’incidence des sites miniers (Rivernoux en amont du Riviéral) le rapport est proche de l’unité, ce qui montre que ces radionucléides sont en situation d’équilibre séculaire (comme cela est le cas en situation naturelle). Au contraire, pour le Riviéral et le Rivernoux en aval de la confluence, le rapport est nettement inversé. D’autre part, plus la station est proche du rejet, plus l’activité en radium est proportionnellement élevée. Ceci montre, outre des comportements chimiques différents, la présence d’un apport contaminant en amont dont l’effet s’estompe proportionnellement à la distance.
L’analyse des terres des berges du Doumergoux et du ruisseau de la Tuilière, qui ne sont en principe pas concernés par des rejets, suggère l’existence de phénomènes de transport de radionucléides par les eaux à partir des installations minières et des lieux de stockage des déchets24. L’analyse des strates de profondeurs différentes ne permet pas de déterminer si les écoulements qui ont contaminé les berges de l’ensemble de ces petits cours d’eau sont des phénomènes passés ou se produisent encore actuellement. Des analyses concernant les eaux pourraient permettre de répondre à cette question. D’autres analyses complémentaires sont nécessaires pour caractériser l’impact sur la Lergue.
Contribution à l’exposition externe
Pour une personne stationnant sur les berges des petits cours d’eau ou parcourant leur lit, l’exposition externe ajoutée varie, suivant les cours d’eau et la station de mesure considérée, entre 0,84 µSv/h (Riviéral, en aval direct du rejet) et 0,22 µSv/h (ruisseau de la Tuilière) (les calculs étant réalisés en retirant, aux mesures de débit de dose, la valeur de 0,17µSv/h, mesurée sur la partie Amont du Rivernoux).
A 1,5 km environ de l’ancien rejet de la Cogema, sur les berges du Riviéral, l’exposition externe ajoutée est encore significative : 0,48 µSv/h et 0,55 µSv/h. Nous n’avons pas réalisé de mesures de débit de dose, à la confluence du Rivernoux avec la Lergue, à 4 km du rejet, mais le niveau de flux gamma montre que l’exposition externe est loin d’être négligeable (400 à 450 c/s DG5 à 1m du sol).
Dans tout cet environnement, jusqu’à plusieurs kilomètres des installations, une dizaine d’heures à quelques dizaines d’heures de présence dans l’année suffisent pour atteindre le seuil de 10 µSv (au delà duquel le risque n’est plus considéré comme négligeable). La contrainte de dose de 300 µSv est atteinte pour des durées de séjour comprises ente 350 et 1400 heures. Malgré la présence de broussailles sur certaines sections, des scénarios de fréquentation de ces cours d’eau sont parfaitement envisageables en de nombreux endroits, témoin le panneau délabré « baignade interdite » disposé sur les berges du Riviéral à 1,5 km du rejet. D’autre part, les activités pratiquées sur les cours d’eau (pêche, baignade) peuvent augmenter la contribution des autres voies d’exposition à l’exposition totale.
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