Le Cromleck de Rennes-les-Bains








télécharger 0.79 Mb.
titreLe Cromleck de Rennes-les-Bains
page4/17
date de publication07.07.2017
taille0.79 Mb.
typeDocumentos
l.21-bal.com > loi > Documentos
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   17
to add, ajouter, dam, la mère.

L'Ecriture Sainte donne au premier des enfants d'Adam, le nom de Caïn. A sa naissance, Eve, sa mère, s'écria : « Je possède un homme par la grâce de Dieu.  »

Caïn, en hébreu, implique l'idée de possession, et il vient de la racine Kana, posséder. Adam et Eve regardaient donc leur fils comme leur bien et leur acquisition particulière ; au reste, la puissance du père sur son enfant n'est-elle pas de droit naturel? Eve a eu grandement raison d'appeler son premier fils, Caïn, sa possession.

La langue celtique retient, non pas le verbe Kana, posséder, mais le verbe Can, pouvoir. La signification du nom de Caïn serait alors le pouvoir, la faculté de posséder un homme par la grâce de Dieu, et cette différence n'est point




(1) Gen. C. II. 18.

– 40 –
sensible dans la pensée qu'Eve a dû attacher aux paroles prononcées par elle à la naissance de son fils.

Dans le texte hébraïque, Caïn est écrit Qin : en langue celtique to coin (coïn) se traduit par battre monnaie, inventer. Ne serait-ce pas là le sens véritable de Caïn qui aurait imaginé, inventé la valeur conventionnelle des monnaies? L'amour trop vif de l'or et de l'argent étouffe sûrement les sentiments généreux, et arme ordinairement du fer meurtrier la main des assassins. Caïn avait cent seize ans lorsqu'il commit le crime affreux qui le fit maudire. On peut croire avec juste raison que les hommes étaient déjà nombreux, puisque Caïn répondant à la menace divine, disait : « Quiconque donc me trouvera, me tuera. » La multiplication rapide du genre humain a dû faire naître, dans l'esprit de Caïn, la pensée de remplacer les échanges par une valeur conventionnelle attachée aux métaux précieux, or et argent.

Abel est le second fils d'Adam et d'Eve, mais sa mère ne lui a point donné ce nom. Josèphe le fait dériver du mot hébreu ebel deuil ; car, par la mort d'Abel, le deuil a fait sa première apparition sur la terre. Pour bien saisir le sens du mot Abel, tel que l'indique Josèphe, il ne faut point perdre de vue une

– 41 –
expression très fréquente dans les livres saints désignant la mort et le tombeau; c'est l'expression inferi, les enfers, tandis que le lieu du supplice des réprouvés et des maudits est l'infernus ; et c'est dans le premier sens que David, étant près de mourir, recommanda à Salomon, son fils de punir Joab de ses crimes : « Vous ferez, dit-il, à son égard, selon » votre sagesse ; et vous ne permettrez pas qu'après avoir » vieilli dans l'impunité de son crime, il descende en paix » dans le tombeau ; et non deduces canitiem ejus ad » inferos. » (1)

Abel présente la première image de la mort par le crime affreux de son frère aîné, – to ape (épe), imiter, présenter, l'image de..., hell, enfers. – Le terme ebel ou épel serait ainsi appliqué au second fils d'Adam seulement après le fratricide de Caïn, et la désignation de leur fils par une telle expression a dû, pendant de longues années, raviver dans l'âme de ses malheureux parents la douleur de sa perte.

Nous nous sommes attaché dans cette interprétation à suivre le sens donné par Josèphe : toutefois, comme les premiers hommes étaient souvent connus sous plusieurs noms présentant des significations différentes, nous croyons pou-




(1) Troisième liv. des Rois, c. II. 6.

– 42 –
voir expliquer d'une autre manière le nom d'Abel, en conservant avec rigueur la prononciation donnée par l'Ecriture Sainte.

Il est indubitable pour tout esprit sérieux qu'Adam avait reçu de Dieu les communications les plus précieuses, non seulement sur les vérités religieuses, mais encore sur les industries humaines nécessaires à l'état social, et Adam transmettait à ses enfants et la science religieuse et en même temps les principes des arts industriels. « Le monde, disait « Origène à Celse, ayant été créé par la Providence, il faut « nécessairement que le genre humain ait été mis, dans les « commencements, sous la tutelle de certains esprits « supérieurs, et qu'alors Dieu se soit manifesté aux hommes. « C'est aussi ce que l'Ecriture Sainte atteste... et il « convenait, en effet, que dans l'enfance du monde, l'espèce « humaine reçut des secours extraordinaires, jusqu'à ce que « l'invention des arts l'eût mise en état de se défendre elle-« même et de n'avoir plus besoin de l'intervention divine. » (1)

Abel était pasteur; il offrait à Dieu des sacrifices, choisissant à cet effet les agneaux les plus beaux et les plus gras de son troupeau, et le Seigneur regardait favorablement ses présents. (2)




(1) Soirées de Saint-Petersbourg, 2e entretient, note VI

(2) Gen. c. IV. 2-4.

– 43 –
L'Ecriture Sainte, en marquant avec soin la profession pastorale d'Abel, semble indiquer la provenance de son nom. Abel recueillait les belles toisons de son magnifique troupeau ; sa main filait la laine soyeuse, et ces fils entrelacés, formant et la chaîne et la trame, lui donnaient un excellent tissu dont il se pouvait vêtir, – abb, trame de laine, – to ell, mesurer.

Un châtiment juste et sévère suivit de près le crime horrible de Caïn. Le Seigneur avait dit au fratricide : « Vous serez fugitif et vagabond sur la terre » , et le coupable avait répondu : « Vous me chassez aujourd'hui de dessus la terre « et j'irai me cacher de devant votre face, et je serai fugitif « et vagabond sur la terre. Donc quiconque me rencontrera, « me tuera.  » Le Seigneur lui répondit : « Non, cela ne sera « pas ainsi ; mais quiconque tuera Caïn sera puni sept fois « plus.  » Et le Seigneur « mit un signe sur Caïn, afin que « ceux qui le trouveraient ne le tuassent point.  »

« Caïn, s'étant retiré de devant la face du Seigneur, habita « en fugitif sur la terre vers la région orientale d'Eden.  » (1)

Le texte hébraïque, au lieu de ces paroles : Caïn habita en fugitif sur la terre, porte : Caïn




(1) Gen. c. IV. 14-16.

– 44 –
habita dans la terre Nod. Josèphe fait de nod un nom propre de lieu, parce qu'il n'a pu arriver à découvrir le sens exact de cette expression de la langue primitive. Le terme nod existe dans l'anglo-saxon et il donne la connaissance du signe de la malédiction divine attaché à Caïn ; to nod signifie, faire un signe de tête, saluer en baissant la tête. La note d'infamie, marquée sur la personne du fratricide, devait donc consister en un mouvement nerveux et convulsif de la tête, obligeant Caïn à la baisser honteusement devant tous ceux qu'il rencontrerait. D'après la tradition, le signe de malédiction porté par Caïn était un tremblement continuel du corps, tremblement révélateur de son forfait.

Abel, l'enfant pieux et pur fut remplacé par Seth, et Eve disait : « Le Seigneur m'a donné un autre fils au lieu d'Abel « que Caïn a tué. » (1) En hébreu suth signifie mettre et placer : dans la langue des Tectosages, le verbe to set retient le même sens de mettre et placer. Seth était le remplaçant d'Abel et destiné à devenir le père des hommes fidèles à leur Créateur.

Les tissus de laine fabriqués par Abel ne reparaissent plus dans le nom des premiers hommes et cèdent la place à la mention des ouvrages de




(1) Gen. c. IV. 25.

– 45 –
fer et de bronze. Il ne faut pas descendre fort longuement dans la généalogie des enfants d'Adam pour y rencontrer la science des métaux, car Malaleel, – to mall frapper avec un maillet, – to allay (allé) mélanger les métaux, – to ell, mesurer, – était l'arrière petit-fils de Seth. Suivant la chronologie ordinaire, lorsqu'à l'âge de soixante-dix ans Malaleel est devenu père de Jared, les hommes habitaient le monde depuis seulement trois cent quatre-vingt-quinze ans. Adam était encore au milieu de ses descendans pour les aider de ses conseils et les initier aux travaux industriels. Parce que la science des métaux est inscrite dans Malaleel, est-ce à dire que ceux qui l'avaient précédé ignoraient l'usage du fer et les alliages de cuivre et d'étain constituant le bronze? Nous sommes bien loin de le croire ; Adam assistait aux travaux de ses enfants, et sa présence indique suffisamment d'où venaient les connaissances acquises et d'où partait l'impulsion donnée aux diverses industries.

Il n'était pas possible d'écrire dans le nom d'un seul homme la somme des sciences possédées à l'origine du monde et on les a gravées peu à peu dans le nom des chefs de famille. Malaleel nous dénote les ouvrages de fer et de bronze, et afin que les générations futures ne se méprennent pas et ne voient pas en lui un artisan unique, il

5

– 46 –
appelle son fils Jared, – to jar (djar), tinter, cliqueter, – to head (hèd) être à la tête de, commander, – prouvant ainsi qu'il était à la tête de nombreux ouvriers en métaux.

Ces noms propres d'hommes, renfermant la mention des connaissances matérielles des premiers temps du monde créé, indiquent ainsi que la marche de la civilisation humaine n'a point été ascendante et que l'âge de pierre et de bronze n'ont aucunement précédé l'âge de fer au berceau de l'humanité.

Le petit-fils de Jared, Mathusalem dont la longévité a surpassé celle des autres hommes, nous initie à une autre branche d'industrie : les lits moelleux n'étaient guère alors en usage, et ces produits d'une civilisation trop avancée étaient remplacés par des nattes sur lesquelles on prenait un repos nécessaire dans sa demeure, – to mat, couvrir de nattes, – to use (iouse) se servir de, – hall, salle, maison.

Les enfants de Seth ne sont point seuls à dévoiler les secrets des arts parmi les premiers hommes, et en parcourant la brève lignée des descendans de Caïn, nous remarquons Tubalcaïn « qui fut habile en toutes sortes » d'ouvrages d'airain et de fer.  » (1) Néanmoins cette habi-




(1) Gen. c. IV. 22.

– 47 –
leté à travailler le fer et le bronze n'est point écrite dans son nom ; elle y est remplacée par la mention d'une autre connaissance, celle de l'art nautique.

Les hommes étaient en état de construire de bons vaisseaux et on comprend ainsi comment ils ont prêté une médiocre attention à l'arche destinée à Noé et faite suivant la forme et les dimensions données par Dieu lui-même. Peut-être même ont-ils compté sur eux pour tenter de se soustraire aux effets des menaces divines. Il y avait cependant une différence bien sensible entre la construction de leurs vaisseaux et celle de l'arche dont disposerait Noé. Celle-ci était un vrai navire ponté, protégé contre la pluie du ciel et les grandes lames de la mer, tandis que les vaisseaux ordinaires, complètement découverts, n'étaient point défendus contre les grandes pluies ni contre les hautes lames. Le premier mot qui entre dans la composition du nom de Tubalcaïn retrace la forme de ces premiers bâtiments, – tub, vaisseaux découvert, cuve, baquet, – hall, maison, – to coin (coïn), inventer.


– 48 –

III
NOÉ ET SES ENFANTS.
Les sciences possédées par les hommes les entraînèrent à la révolte la plus audacieuse contre Dieu. Les crimes contre nature s'accumulèrent, et, fatigué de cette obstination dans le mal, le Seigneur dit à Noé : « J'ai résolu de faire périr « tous les hommes : ils ont rempli toute la terre d'iniquités, « et je les exterminerai avec tout ce qui vit sur la terre. » (1)

Noé était juste, et ayant trouvé grâce devant Dieu, il était devenu comme le confident de ses desseins vengeurs. Il construisit l'arche sur l'ordre donné par le Seigneur, et s'enfermant avec sa famille et les animaux qui devaient être conservés sur la terre dans ce vaisseau placé sous la protection divine, il fut sauvé du déluge dans lequel périrent tous les hommes criminels. Noé proclame qu'il avait la connaissance du châtiment futur des hommes, de la manière dont il serait infligé et aussi la connaissance de sa propre conservation et de celle de sa famille, – to Know (), connaître, savoir, – how (haou), comment, de quelle manière.




(1) Gen. c. VI. 13.

– 49 –
Après la destruction violente du genre humain par le déluge, Dieu bénit Noé et ses enfants et leur dit : « Croissez « et multipliez-vous et remplissez la terre. Noé avait donc « trois fils qui sortirent de l'arche, Sem, Cham et Japheth. Or « Cham est le père de Chanaan. Ce sont là les trois fils de « Noé ; et c'est d'eux qu'est sortie toute la race des hommes « qui sont sur la terre. » (1)

Le déluge et le salut miraculeux de Noé et de ses enfants étaient des événements trop considérables dans l'histoire de l'humanité pour que le nom d'un des fils de Noé n'en reproduisit point quelque trait essentiel. L'arche ayant flotté sur l'eau pendant sept mois avant de toucher le sommet des montagnes d'Arménie, Noé a voulu écrire ce souvenir intéressant dans le nom de son fils aîné, Sem, – to swim (souim) flotter sur l'eau.

Le second de ses enfants, grossier et impudent, attira sur sa postérité la malédiction paternelle par une faute lamentable demeurée à jamais sa honte et son opprobre ; aussi son nom Cham – to shame, couvrir de honte, – redit son acte infame et la malédiction qui l'a suivi.

L'Ecriture Sainte dit fort clairement que de




(1) Gen. c. IX. I. 18. 19.

5a

– 50 –
Sem, Cham et Japheth est sortie toute la race des hommes qui sont sur la terre.

On a cru pouvoir abandonner ce point de départ tout à fait historique pour s'attacher à un autre ordre d'idées, permettant de distinguer les variétés humaines d'après la couleur de la peau et les degrés de l'angle facial. Il serait bien long d'énumérer toutes les classifications mises en avant, et il nous paraît préférable de s'arrêter à la division de Cuvier distinguant le variétés suivantes : 1° La Blanche ou Caucasique ; 2° la Jaune ou Mongolique ; 3° la Nègre ou Ethiopique.

« La variété blanche, Caucasienne, Arabe Européenne se reconnaît principalement à la forme ovale de la tête, à la couleur de la peau plus ou moins blanche, aux lèvres petites, aux traits réguliers. Son centre principal serait en Europe et dans l'Asie Mineure, l'Arabie, la Perse et l'Inde jusqu'au Gange, et l'Afrique jusques et y compris le Sahara. »

« La variété Jaune ou Mongolique se reconnaît à la face carrée, aplatie, au nez plus enfoncé, aux yeux placés obliquement, à la peau olivâtre et basanée. Elle aurait en quelque sorte son foyer sur le plateau de la Grande Tartarie et du Thibet. »

« La variété Nègre ou Ethiopique a le teint noir ou noirâtre, le crâne déprimé, le nez épaté

– 51 –
et les lèvres grosses. Elle couvre la plus grande partie de l'Afrique et quelques îles de l'Océanie. »(1)

Nous ne rechercherons pas les inconvénients d'une classification renfermant dans une même variété les Arabes, les Abyssins, les Egyptiens et les nombreux rameaux celtiques ; il nous suffit de retrouver en Japheth, troisième fils de Noé, la souche réelle et incontestable de la variété humaine la plus blanche. Les enfants de Sem dont le type le mieux conservé est retracé dans les Arabes, ont le teint plus ou moins basané, mais le trait particulier de la famille se montre dans les yeux et les cheveux noirs. Ce ne peut être toutefois qu'un caractère général ; et, parmi les Hébreux, descendans directs de Sem, l'Ecriture Sainte constate une exception en la personne de David dont les cheveux étaient roux.

Dans la famille de Japheth, à la peau blanche et aux cheveux ordinairement peu foncés se joignent les yeux bleus ou quelque peu décolorés. Cette couleur plus claire des yeux était tellement sensible dans le troisième fils de Noé qu'il en a gardé le nom d'oeil décoloré ou Japheth, Iphth, dans le texte hébraïque, – eye () oeil, to fade (féde) se décolorer.




(1) Géographie par Maltebrun.

– 52 –
Gomer, fils aîné de Japheth, devait présenter cette marque distinctive de l'oeil décoloré, puisqu'il en a été proclamé le véritable héritier, – to come (keume) devenir, – heir (ér) héritier. Il ne s'agissait point ici des faveurs essentielles conférées par le droit d'aînesse et permettant à l'héritier ordinaire, au fils aîné, d'offrir à Dieu les sacrifices, de commander à ses frères et de conserver les biens paternels ; car ces droits appartenaient aux aînés de toutes les familles. Ce terme d'héritier s'appliquait plutôt aux qualités corporelles remarquées dans Gomer et transmises à sa postérité formant l'immense famille celtique.

Les hommes s'étaient fort multipliés après le déluge : « Il n'y avait alors qu'une langue et une même manière de parler pour tous les hommes. » Obligés qu'ils étaient de s'étendre par suite de leur rapide accroissement, ils dirent : « Venez, faisons-nous une ville et une tour dont le sommet arrive jusqu'au ciel : et rendons notre nom célèbre, avant de nous disperser sur la terre. » (1)

Ils tenaient cet orgueilleux langage dans les plaines de Sennaar, et ils se mirent à l'oeuvre, se servant de briques à la place de pierres et de bitume en guise de ciment.




(1) Gen. c. XI. 4.

– 53 –
Or, le Seigneur fut irrité de ce travail insensé ; et il dit : « Ils ne sont tous maintenant qu'un seul peuple et ils ont un même langage : ils ont commencé cet ouvrage et n'abandonneront point leur dessein qu'ils ne l'aient entièrement terminé. Venez donc, descendons en ce lieu, et confondons-y leur langage, de telle sorte qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres.

« C'est de cette manière que le Seigneur les dispersa de ce lieu dans tous les pays du monde, et qu'ils cessèrent de bâtir la ville.

« C'est aussi pour cette raison que cette ville fut appelée Babel, parce que là fut confondu le langage de toute la terre : et le Seigneur les a dispersés ensuite dans toutes les parties du monde. » (1)

Babel, d'après les termes de l'Ecriture Sainte, porte en soi l'idée de la confusion, et les Hébreux, en recherchant soigneusement Babel dans leur langue, n'ont pu retrouver que balal, confusion, pour expliquer ce Babel qu'ils ne possèdent plus. Mais balal est bien loin d'avoir la valeur du verbe celtique to babble, babiller, jaser : babil incohérent, confus, remplissant de honte les hommes qui n'entendent plus le langage qu'ils comprenaient très bien la veille.




(1) Gen. c. XI. 6-9.

– 54 –
La langue primitive est-elle disparue au milieu de cette confusion? Nous pouvons dire avec assurance, qu'elle est demeurée en usage dans la bouche d'une partie des enfants de Sem et aussi d'une partie des enfants de Japheth ; et cette langue primitive est comme le point de départ des autres langues parlées dans le monde, comme une source donnant naissance à des ruisseaux sans nombre qui vont décrire au loin des méandres capricieux. Ce langage s'est perpétué dans un état parfait parmi les Hébreux jusqu'à ce que le séjour du peuple de Dieu dans la Chaldée l'ait fait modifier d'une manière très sensible.

Les enfants de Gomer l'ont-ils transmis intact, au moins dans ses parties essentielles? Nous essaierons de démontrer que l'intégrité de la langue primitive s'est conservée dans la famille de Japheth plus sûrement que dans la famille de Sem, peut-être à cause de la domination universelle promise par Dieu à la postérité de Japheteh. Cette démonstration peut se faire en interprétant par la langue celtique les noms propres des hommes les plus célèbres, conservés dans l'histoire du peuple hébreu ; toutefois, il ne faut pas perdre de vue que le nom propre d'un homme, après la confusion des langues comme au premier âge du monde, retient ordinairement la mémoire d'une action remarquable de sa vie,

– 55 –
ou bien le souvenir d'une qualité, d'un défaut corporels, et quelquefois aussi représente l'état des moeurs de l'époque.

Nous avons vu par le récit de la Genèse les hommes abandonnant la construction de la ville et de la tour de Babel. Dans cette ville inachevée, le farouche Nemrod, petit-fils de Cham, établit sa demeure et fonda le royaume de Babylone. Ce violent chasseur devant le Seigneur n'attaquait point les bêtes fauves ; il était chasseur d'hommes, opprimant ses semblables, semant partout l'épouvante et méritant bien le nom sous lequel il était connu, car Nemrod signifie un épouvantail renommé, – name (néme) réputation, – rawhead (râuhèd) épouvantail.

La dispersion des hommes est déterminée et fixée par Phaleg dont la traduction, en hébreu, est division, « parce que la terre fut divisée de son temps » entre les peuple parlant des langues différentes. (1) La langue des Tectosages nous représente dans Phaleg, les hommes poussés à diminuer leur trop grande concentration dans une seule contrée du monde, – to fall, diminuer, – to egg, pousser, exciter.

Phaleg était le fils aîné d'Héber ; les Hebreux sont les descendans d'Héber et celui-ci




(1) Gen. c. X. 25.

– 56 –
leur a laissé son nom, pour témoigner que ses enfants possédaient par lui l'héritage des bénédictions divines promises à Sem et à sa postérité directe, – Heber se décompose ainsi : to ebb, descendre, – heir (ér) héritier.

IV
ABRAHAM ET LES PATRIARCHES.

Le grand Abraham appartenait à la lignée d’Heber et l'Ecriture Sainte a soin de l'appeler Abram hébreu, accusant par là l'importance attachée à ce titre. Abram, premier nom de ce patriarche, est le précis exact et fidèle des ordres reçus de Dieu. Le Seigneur lui avait dit : « Sortez de votre pays, de votre parenté et de la maison de votre père et venez en la terre que je vous montrerai.

« Je ferai sortir de vous un grand peuple, je vous bénirai, je rendrai votre nom célèbre et vous serez béni.

« Je bénirai ceux qui vous béniront, et je maudirai ceux qui vous maudiront ; et tous les peuples de la terre seront bénis en vous. Abram

– 57 –
sortit donc comme le Seigneur le lui avait ordonné, et Loth le suivit. » (1)

Les hébraïsants traduisent Abram par le père illustre ab-ram, et Abraham par le père illustre d'une multitude ab-ram-amon. Cette explication paraît un peu obscure quoique déterminée par un fait de tous points conforme à la vérité.

Abram, d'après les ordres divins, devait porter ses pas dans une terre étrangère qui lui serait montrée par Dieu. Abandonnant le sol natal, sa parenté et la maison de son père, il devenait en réalité un étranger pour les habitants des pays qu'il traversait, il imitait le voyageur errant, allant çà et là, en attendant que le lieu de son séjour fut fixé avec certitude, – to ape (épe) imiter, to err, errer, aller çà et là, ham, jambe – aperrham. L'expression arabe berrani, étranger et le terme Kabyle aberrani, signifiant aussi étranger, viennent confirmer cette interprétation du premier nom d'Abram.

Obéissant à la parole du Seigneur, Abram parcourut le pays de Chanaan ; il dut le quitter bientôt à cause de la famine qui sévissait dans la contrée : il se retira en Egypte, toujours protégé d'une manière visible, et, après y être demeuré




(1) Gen. c. XII. 1-4.

– 58 –
quelque temps, il revint dans le pays de Chanaan, avec sa femme et tout ce qu'il possédait. Il était fort riche ; l'or et l'argent abondaient dans sa tente. Lot accompagnait Abram, et lui aussi avait des troupeaux de brebis et des troupeaux de boeufs.

Une querelle s'étant élevée entre les pasteurs de Lot et d'Abram, celui-ci dit à son neveu : « Qu'il n'y ait point, je vous prie, de dispute entre vous et moi, entre vos pasteurs et les miens, parce que nous sommes frères. Vous avez devant vous toute la terre : retirez-vous, je vous prie, d'auprès de moi ; si vous allez à la gauche, je prendrai la droite ; et si vous choisissez la droite, j'irai à la gauche. » (1)

Cette circonstance de la vie d'Abram valut à son neveu le nom de Lot – to lot, diviser en lots, en portions. – Lot choisit le pays qui lui parut le plus fertile et vint s'établir dans Sodome.

Les habitants de cette ville et des cités voisines, livrés aux excès de la débauche la plus éhontée, avaient irrité contre eux la justice divine. Par un jugement d'une équité redoutable, le Seigneur avait condamné à la destruction par le feu et les habitants de Sodome et le sol lui-même qu'ils avaient souillé – sod, le sol, – to doom (doum) juger, condamner.




(1) Gen. c. XIII. 1-9.

– 59 –
Cependant Lot était juste et Dieu ne voulait pas l'envelopper dans la punition des coupables. Deux anges lui furent envoyés pour l'entraîner hors de ce lieu maudit. Le récit des Livres Saints nous donnera la raison pour laquelle la petite cité où Lot trouva refuge, a porté dans la suite le nom de Segor.

« A la pointe du jour, les anges pressaient Lot de quitter la ville en lui disant : levez-vous, emmenez votre femme et vos deux filles, de crainte que vous ne périssiez vous-même dans la ruine de la Cité.

« Voyant qu'il différait toujours, ils le prirent par la main et emmenèrent aussi sa femme et ses deux filles, car le Seigneur voulait le sauver. Ils le conduisirent ainsi hors de la ville et lui dirent : sauvez votre vie, ne regardez point derrière vous et ne vous arrêtez point dans le pays alentour, mais sauvez-vous sur la montagne, de peur que vous ne soyez enveloppé dans la destruction.

« Lot leur répondit : Seigneur, puisque votre serviteur a trouvé grâce devant vous, et que vous avez montré envers lui votre grande miséricorde en sauvant ma vie, voyez, je vous prie, que je ne puis me sauver sur la montagne, car le danger peut me surprendre auparavant et me faire périr.

– 60 –
« Mais il y a là, tout près, une ville dans laquelle je puis me réfugier ; elle est petite et je m'y sauverai ; vous savez qu'elle n'est pas grande ; et elle me sauvera la vie.

« L'ange lui répondit : j'accorde encore cette grâce à la prière que vous me faites de ne pas détruire la ville pour laquelle vous me parlez. Hâtez-vous et sauvez-vous parce que je ne pourrai rien faire jusqu'à ce que vous y soyez entré. C'est pour cela qu'on a donné à cette ville le nom de Segor. Le soleil s'élevait sur la terre, lorsque Lot entra dans Segor. » (1)

La pensée essentielle se dégageant de ce récit peut se traduire ainsi : les anges pressaient Lot de quitter Sodome, car approchait l'heure fixée pour le châtiment, et Lot, de son côté, alléguant sa faiblesse, cherchait à retarder cette heure de l'expiation suprême. Il a fallu qu'un ange le prit par la main, le forçant ainsi à le suivre, et alors Lot, voulant à tout prix sauver une partie des habitants de la région, demanda à se réfugier dans la petite ville nommée Segor : sa prière fut écoutée ; mais, dit encore l'ange, hâtez vous !

Cette insistance de l'ange à répéter que l'heure était pressante est parfaitement reproduite dans Ségor – to say () répéter, – to egg, pousser, exciter, – hour (haour) heure, moment.




(1) Gen. c. XIX

– 61 –
Lot était en sûreté dans Segor, « et le Seigneur fit descendre du ciel une pluie de soufre et de feu sur Sodome et Gomorrhe. (1) » Gomorrhe nous dévoile la transformation de la belle vallée en un marais aux eaux stagnantes : to come (keume) devenir, – moor (mour) un marais. Les eaux de ce lac semblent empoisonnées : elles ont une telle densité que le corps humain ne peut s'y enfoncer complètement ; leur amertume est extrême et le sel dont elles sont saturées les rend pesantes à ce point que le vent le plus impétueux semble impuissant à leur communiquer quelque mouvement. Les rives présentent une affreuse aridité ; le regard n'y rencontre point le vert feuillage des arbres pour s'y reposer. L'image de la désolation y est peinte partout ; la malédiction divine est passée dans la vallée.

« Plusieurs voyageurs, entre autres Troïlo et d'Arvieux, « disent avoir remarqué des débris de murailles et de palais « dans les eaux de la mer Morte. Ce rapport semble « confirmé par Maundrell et le père Nau. Les anciens sont « plus positifs à ce sujet ; Josèphe, qui se sert d'une « expression poétique, dit qu'on aperçoit au bord du lac les « ombres des cités détruites. Strabon donne soixante stades « de tour aux




(1) Gen. c. XIX.

6

– 62 –
« ruines de Sodome. Tacite parle de ces débris : comme le « lac s'élève ou se retire selon les saisons, il peut cacher ou « découvrir tour à tour les squelettes des villes « réprouvées. »(1)

Quelques années avant ces événements redoutables, Abram qui était sans postérité, fut prié par Saraï d'épouser Agar sa servante, afin d'accomplir les promesses divines. Mais Agar, peu reconnaissante, commença à mépriser sa maîtresse : celle-ci indignée de son insolence, se plaignit d'abord à Abram et châtia Agar avec tant de sévérité, qu'elle la contraignit de prendre la fuite. Cet accident de la vie de Saraï a produit ce premier nom – to say (), raconter, – row (raou) bruit, querelle, high (haï), violent.

Agar, – to hag, tourmenter, harasser – to hare (hère), courir çà et là, – se rendait en Egypte par la voie du désert lorsqu'un ange lui apparut et lui ordonna de retourner à sa maîtresse et de s'humilier sous sa main. Il ajouta : « Je « multiplierai votre postérité de telle sorte qu'elle sera « innombrable... Vous enfanterez un fils ; et vous « l'appellerez Ismaël parce que le Seigneur a entendu votre « affliction. » (2)




(1) Itinéraire de Paris à Jérusalem par le vicomte de Château- briand.

(2) Gen. c. XVI. 9-11.

– 63 –
Ismaël marque la fin des froissements produits enter Saraï et Agar ; la servante a été délivrée des mauvais traitements par sa docilité à s'humilier sous la main de sa maîtresse – to ease (ise) délivrer, – to maule (mâule) froisser.

En annonçant la naissance d'Ismaël, l'ange du Seigneur avait dit à Agar : « Ce sera un homme fier et sauvage : il lèvera la main contre tous et tous lèveront la main contre lui ; et il dressera ses tentes vis-à-vis de tous ses frères. » (1) C'est la peinture fidèle du caractère des Arabes, descendans d'Ismaël. D'une nature fougueuse et ardente, aimant avec passion la liberté et l'indépendance, ils ont toujours recherché le pillage et les aventures. Leurs tentes de peaux de chèvres les abritent à peine quelques instants et bientôt, dégageant des entraves leurs chevaux toujours sellés, ils dévorent dans une course rapide les sables brûlants du désert. Leur couverture de laine blanche jetée sur leur tête comme un voile vient les désigner au loin aux regards inquiets des voyageurs qui se hasardent à traverser leur pays aride et sans arbres – to hare (hére), courir çà et là – abb, trame de laine. – Durs à la fatigue, supportant facilement la faim et la soif, dédaignant le




(1) Gen. c. XVI. 12.

– 64 –
repos sur un lit moelleux, ils ont mérité le nom de Bédouins sous lequel ils sont aussi connus – bed, lit, – to wean (ouin), priver de.

Treize ans s'étaient écoulés depuis la naissance d'Ismaël ; Dieu apparut à Abram et lui dit : « Je suis le Dieu tout puissant, marchez en ma présence et soyez parfait.

« Je ferez alliance avec vous et je multiplierai votre race jusqu'à l'infini...

« Vous ne vous appellerez plus Abram, mais Abraham, parce que je vous ai établi pour être le père d'une multitude de nations. » (1)

Le changement opéré par Dieu même dans le nom du grand patriarche porte en entier sur la dernière syllabe d'Abram : c'est dans la composition celtique de ce nom, ham, jambe, qui est transformée en heam (him) l'enfant qui n'a pas encore vue le jour, et cet heam renferme en lui-même l'assurance de la multiplication de sa famille. Ainsi, Abram, l'étranger est devenu Abraham – to ape, imiter, – to err, aller çà et là, – heam (him), l'enfant qui n'a pas encore vu le jour, – c'est à dire l'étranger à la nombreuse descendance.

Cette interprétation par la langue celtique fait aisément comprendre pourquoi les Arabes appel-




(1) Gen. c. XVII. 1-5.

– 65 =
lent Ibrahim ce patriarche père d'Ismaël et souche de leur famille.

Après avoir prescrit à Abraham la circoncision comme signe de son alliance, Dieu, renouvelant la promesse déjà faite d'une magnifique postérité, lui dit : « Vous n'appellerez plus votre femme Saraï, mais Sara. Je la bénirai et je vous donnerai d'elle un fils que je bénirai aussi. Il sera le père de plusieurs nations, et des rois de peuples sortiront de lui. »(1)

Après cet ordre donné par Dieu à Abraham d'appeler sa femme Sara, l'Ecriture Sainte la nomme désormais Sara, qu'elle écrit Saré – to say (), dire, – to ray () rayonner. Ce rayonnement autour de Sara devait provenir de la belle postérité annoncée par le Seigneur. Abraham était alors âgé de cent ans et Sara de quatre-vingt-dix. Le saint patriarche était fort tourmenté à la pensée que son âge et celui de sa femme seraient sans doute un bien grand obstacle à l'accomplissement de la parole divine : il croyait cependant à cette parole dans la persuasion intime que Dieu opérerait pour lui un prodige.

Pendant qu'il était livré à ces anxiétés, Dieu lui dit encore: « Sara votre femme vous donnera




(1) Gen. c. XVII. 15, 16.

6a

- 66 –
un fils que vous nommerez Isaac. Je ferai un pacte avec lui et ses descendans afin que mon alliance avec eux soit éternelle. » (1)

« Sara conçut et enfanta un fils en sa vieillesse, dans le temps que Dieu lui avait prédit. Abraham donna le nom d'Isaac à son fils qui était né de Sara.

Et il le circoncit le huitième jour selon le commandement qu'il en avait reçu de Dieu... Et Sara dit : Dieu m'a donné de sourire de joie : quiconque le saura, prendra part à mon sourire de bonheur. » (2)

En hébreu-chaldéen, Isaac dérive du verbe tsachak, sourire de satisfaction, être félicité, et le sens est en rapport parfait avec le texte sacré. En examinant le terme Isaac dans sa composition celtique, on y découvre l'assurance infaillible de l'accomplissement des promesses divines, assurance qui doit délivrer Abraham de tous les tourments d'esprit causés par la vue d'une impossibilité naturelle – to ease (ise) délivrer, – to hag, tourmenter.

Isaac hérita, non seulement des grandes richesses de son père, mais aussi de sa foi et de son obéissance au Seigneur. Avant leur naissance, ses deux fils Esaü et Jacob, – to jog,




(1) Gen. c. XVII. 19.

(2) Gen. c. XXI. 2-6.

– 67 –
pousser, remuer, – up (eup) en haut, pardessus, – s'entrechoquaient dans le sein de leur mère Rebecca, et celle-ci effrayée, consulta le Seigneur qui lui dit : « Deux nations sont dans votre sein, deux peuples divisés l'un contre l'autre en sortiront ; l'un de ces peuples surmontera l'autre peuple et l'aîné sera assujetti au plus jeune.  » L'aîné des deux enfants était velu et il fut nommé Esaü ; son frère fut appelé Jacob.

Esaü portait aussi le nom de Seir – to say () raconter – hair (hér) poil – confirmant la remarque contenue dans les livres saints sur le poil étrange dont son corps était couvert. L'appellation d'Esaü – to haze (hèze) effrayer, – how (haou) comment de quelle manière – se rapporte à la fureur dont il fut saisi lorsque son frère Jacob après lui avoir d'abord acheté son droit d'aînesse, lui ravit la bénédiction paternelle. La haine d'Esaü devint si violente que Jacob, plein d'effroi, se vit contraint de fuir la maison paternelle et de se réfugier quelque temps chez Laban.

C'est poussé, excité par l'insistance et les conseils de sa mère Rebecca – rape (rèpe) l'action de ravir, de transporter, – to egg, pousser, exciter – que Jacob avait consenti à se servir




(1) Gen. c. XXV. 23.

– 68 –
de la ruse maternelle pour enlever la bénédiction destinée à son frère Esaü.

Jacob passa quatorze années auprès de son oncle Laban – to lap, envelopper, entortiller, – to hand, se saisir de – avant d'épouser Rachel. Ce temps avait été pour lui un véritable temps de vexations douloureuses qu'il a voulu marquer dans le nom de Rachel – to rack, harasser, tourmenter – to ail (él) causer de la douleur.

Les tourments multipliés subis dans la maison de Laban permettaient à Jacob de dire avec vérité à Lia et à Rachel : « Vous savez que j'ai servi votre père de toutes mes forces. « Il a même usé de tromperie envers moi, et a changé dix « fois ce que je devais avoir pour récompense : et cependant « Dieu ne lui a pas permis de me nuire. » (1)

On sait par quelle suite particulière d’événements Dieu conduisit en Egypte le patriarche Jacob et ses nombreux enfants. Joseph, la joie de sa mère Rachel et l'espoir de sa fécondité, (2) to joy (djoï) se réjouir, se féliciter, safe (séfe) sauf, hors péril – avait fait donner à ses frère la partie orientale de l'Egypte, et les




(1) Gen. c. XXXI. 6-7.

(2) Gen. c. XXX. 23. 24.

– 69 –
Hébreux s'étaient multipliés à tel point que le Pharaon qui gouverna plus tard le pays, ignorant les immenses services rendus par Joseph à son royaume, résolut d'arrêter par tous les moyens cette propagation, inquiétante pour sa politique ombrageuse. Les mesures les plus iniques furent décrétées contre les enfants mâles des Hébreux qui venaient au monde, et ordre fut donné de les jeter dans les eaux du Nil. Pendant que les jeunes enfants étaient ainsi exterminés, les officiers publics accablaient les Hébreux sous le poids de travaux écrasants et rendaient leur vie tout à fait amère.

V
MOISE ET LES HÉBREUX DANS LE DÉSERT.

Moïse naquit au milieu de ces circonstances déplorables, et sa mère, après l'avoir tenu caché durant trois mois, l'exposa sur le bord du fleuve où Dieu, par une disposition miséricordieuse de sa Providence, attira la fille de Pharaon. Touchée de la beauté de l'enfant, « elle l'adopta pour son fils et le nomma Moïse, parce que, disait-elle, je l'ai retiré de l'eau. » (1)




(1) Exode, c. II. 10.

– 70 –
Le nom de Moïse se refuse à une interprétation rigoureuse par l'hébreu-chaldéen ; du reste, ce nom est une allusion à la position particulière de l'enfant élevé à la cour de Pharaon et à l'action de la fille du roi retirant cet enfant des bords du fleuve où il était exposé. L'adoption de Moïse par la fille de Pharaon l'avait délivré des travaux des champs et aussi de l'oppression effroyable sous laquelle gémissaient ses frères. Il n'était plus, par conséquent, obligé de moissonner, de transporter les fruits récoltés dans les granges disposées à cet effet, et c'est là l'explication fort simple et très claire du nom de Moïse par la langue celtique – to mow (), moissonner, faucher, – to ease (ise), délivrer. – Josèphe fait remarquer que le nom de Moïse, le délivré des eaux, était de composition égyptienne, car dit-il, mo indique l'eau et ise se traduit par délivrer. Il est bien probable que l'appellation égyptienne donnée à Moïse par la fille de Pharaon signifiait qu'elle l'avait sauvé des eaux du Nil, tandis que celle par laquelle les Hébreux ses frères le connaissaient, se rapportait surtout à son éducation à la cour du roi.

Nous n'insisterons pas sur les événement miraculeux par lesquels Dieu conduisit le peuple Hébreu à travers le désert pour le mettre en possession de la terre de Chanaan à l'heure

– 71 –
voulue par sa Providence ; nous nous contenterons d'ajouter quelques termes qui sont une démonstration bien sensible du langage parlé à cette époque par les descendans de Jacob. Engagé dans le désert, le peuple après trois jours de marche dans cette aride contrée, parvint auprès d'une fontaine dont les eaux étaient impropres à la boisson à cause de leur mauvais goût, et il se prit à murmurer. Moïse se mit en prières et le Seigneur lui montra un arbuste dont il jeta le bois dans les eaux et elles devinrent fort douces. Les eaux de cette fontaine nommée Mara n'étaient pas seulement amères ; elles étaient encore corrompues, et cette altération repoussante est bien indiquée par le verbe celtique to mar, gâter.

En arrivant dans le désert de Sin peu éloigné du Sinaï, les Hébreux ayant consommé les provisions apportées d'Egypte, se livrèrent à de violents murmures contre leur chef, et alors Moïse leur dit : « Ce soir, vous saurez que c'est « le Seigneur qui vous a tirés de l'Egypte, et demain « matin vous verrez éclater la gloire du Seigneur... Moïse « ajouta : Le Seigneur vous donnera ce soir de la chair à « manger et, au matin, il vous rassasiera de pains. » (1)




(1) Exod. c. XVI. 6-8.

– 72 –
Le soir étant venu, un grand nombre de cailles couvrit le camp, et le matin on vit paraître dans le désert quelque chose de grenu et comme pilé au mortier, qui ressemblait à la gelée blanche dont se couvre le sol pendant l'hiver. Ainsi le Seigneur faisait éclater sa puissance aux regards des Hébreux et cet éclat de pouvoir divin a valu à cette partie du désert le nom de Sin – shine (shaïne), éclat. – Le peuple, à la vue de cette nourriture extraordinaire destinée à remplacer le pain, l'aliment essentiel, s'écria : « Man hu ? « C'est-à-dire, qu'est-ce que cela? Car ils ignoraient ce que « c'était. Moïse leur dit : « C'est là le pain que Dieu vous « donne à manger. » (1)

Les deux mots man hu sont tout à fait dignes d'être remarqué ; man, en celtique, signifie essentiel, important, main (mén), et hu correspond à l'adverbe celtique how (haou), comment de qu'elle manière. Les Hébreux ont dû s'exprimer ainsi : « Est-ce donc là l'aliment principal, main how ? » Et ils appelèrent man cette nourriture que Dieu leur distribua pendant tout le temps de leur séjour au désert. Ils la nommèrent ainsi parce que c'était en vérité le fondement essentiel de leur alimentation quotidienne, tenant




(1) Exod. c. XVI. 15.

– 73 –
lieu du blé qu'ils ne pouvaient point récolter dans leur voyage. Nous insistons sur cette expression d'une manière spéciale, parce que l'adjectif celtique main (mén) principal, essentiel, est entré dans la composition des mots ménir, dolmen, désignant des monuments celtiques, des pierres levées, et elle devient d'un secours précieux pour l'explication de ces expressions couvertes jusqu'à ce moment d'un voile impénétrable.

Moïse se trouvait encore dans le désert de Sin quand Jethro son beau-père vint lui ramener sa femme et ses enfants. Le nom de Jethro, prince et prêtre de Madian, est intéressant ; il résume le conseil donné à Moïse pour l'établissement de juges inférieurs destinés à rendre la justice au peuple dans les affaires les plus aisées et les plus communes. Jethro ayant vu Moïse assidu à rendre justice au peuple qui se présentait à lui depuis le matin jusqu'au soir, lui dit : « Pourquoi agissez-vous ainsi à l'égard du peuple ? « Pourquoi êtes-vous seul assis pour le juger, de telle sorte « que tout ce peuple attend depuis le matin jusqu'au soir ? « Vous ne faites pas là une bonne chose.

« Vous vous fatiguez ainsi imprudemment, vous et votre « peuple, par un travail inutile : cette occupation surpasse « vos forces et vous ne pourrez la soutenir seul.

– 74 –
« Mais écoutez le conseil que j'ai à vous donner, et Dieu sera avec vous. Soyez assidu au peuple pour les choses qui regardent Dieu... et pour lui apprendre ce qu'il doit faire pour plaire au Seigneur.

« Choisissez parmi le peuple des hommes fermes et « craignant Dieu, pleins de vérité et ennemis de l'avarice, et « donnez la conduite aux uns de mille hommes, aux autres « de cent, aux autres de cinquante, et aux autres de dix.

« Qu'ils réservent pour vous les grandes affaires et qu'ils « jugent seulement les plus petites : ainsi le fardeau de la « justice étant partagé avec d'autres, vous deviendra plus « léger. »(1)

Moïse suivit ces avis dont la sagesse était évidente et distribuant la lourde charge de rendre la justice, il se trouva ainsi protégé contre une occupation tout à fait écrasante, qu'il avait pensé pouvoir mener à bonne fin sans succomber.

Le nom de Jethro reproduit avec exactitude le fond du judicieux conseil donné à l'inexpérience de Moïse – to Shade (chède), protéger, mettre à l'abri, – raw (râu) nouveau, sans expérience.

Il ne faudrait pas s'étonner de voir Moïse tout nouveau dans le gouvernement du peuple hébreu,




(1) Exod. c. XVIII. 13-22.

– 75 –
puisque Dieu lui avait imposé ce pénible fardeau depuis six semaines seulement.

Quarante-huit jours après la sortie d'Egypte, les Hébreux atteignirent le Sinaï. Dans ce lieu, le peuple reçut du Seigneur les préceptes religieux, politiques et judiciaires qui le devaient régir. La loi y fut proclamée au milieu des clartés fulgurantes, au bruit des éclats d'un tonnerre incessant, et dans la splendeur immense d'une montagne en feu. Ce brillant appareil dans la proclamation de la loi a fait donner à cette montagne le nom de Sinaï – to shine (shaïne) briller, étinceler, éclater – to eye () regarder, avoir l'oeil sur. – Au sommet du Sinaï où Dieu l'avait appelé, Moïse reçut l'ordre de construire le tabernacle et l'arche d'alliance, et le Seigneur désigna nommément à son serviteur les deux hommes qu'il avait remplis d'intelligence, de sagesse et de science pour inventer tout ce que l'art peut faire avec l'or, l'argent et l'airain. L'interprétation de Bèzeléel – bezel (bèzel), chaton d'une bague, – to lay (), mettre, projeter, – to ell, mesurer, – et celle de Ooliab, – wool (ououl) laine, – to eye () avoir l'oeil sur, – abb, trame de laine, – nous apprennent que Bèzeléel dut faire en or battu les deux Chérubins – share (shére) partage – up (eup) en haut - placés de chaque côté du propitiatoire, tandis

– 76 –
que Ooliab fut chargé d'exécuter les riches broderies des rideaux du tabernacle et les vêtements destinés au ministère du Grand Prêtre. (1)

Après plus d'une année de séjour au pied du Sinaï, le peuple Hébreu, conduit par la main divine, fut amené dans la grande solitude de Pharan – to fare (fère) passer, voyager, – to hand, conduire par la main – où ses tentes demeurèrent dressées jusqu'à ce qu'il reçut l'ordre de se diriger vers la terre promise pour en prendre possession. Moïse y avait envoyé des explorateurs, et les Hébreux connaissaient le pays de Chanaan par leurs rapports Josué était au nombre de ces explorateurs, et probablement aussi leur chef, puisqu'à cette occasion Moïse changea le nom qu'il portait précédemment en celui de Josué. La conduite de la nation fut, plus tard, confiée à Josué, lorsque Moïse, peu de temps avant de mourir, lui adressa ces paroles devant tout le peuple assemblé : « Soyez ferme et courageux, car « c'est vous qui ferez entrer ce peuple dans la terre que Dieu « a juré à leurs pères de leur donner, et c’est vous aussi qui la partagerez au sort. » (2)




(1) Exod. c. XXXI.

(2) Deut. c. XXXI. 7.

– 77 –

VI

JOSUÉ – JÉSUS SAUVEUR. – GOLIATH ET DAVID.
La mission de Josué était bien déterminée par ces paroles. Il était établi chef de guerre des Hébreux, devait conquérir la terre de Chanaan et la partager au sort entre les tribus, mais l'autorité qu'il recevait ne devenait point héréditaire dans sa famille : il avait simplement à remplir la fonction de lieutenant du Seigneur, et Dieu s'était réservé d'une manière absolue le commandement de son peuple. Le gouvernement direct de Dieu sur les Hébreux a duré depuis la sortie d'Egypte jusqu'au jour où le peuple a demandé un roi possédant les mêmes droits que les rois des nations voisines. Samuel, à qui le peuple s'était adressé pour obtenir le gouvernement monarchique, reçut cette proposition avec déplaisir et offrit sa prière à Dieu pour connaître sa volonté, « et le Seigneur lui dit : « Ecoutez la voix de ce peuple dans « tout ce qu'ils vous disent ; car ce n'est pas vous, mais c'est « moi qu'ils rejettent, afin que je ne règne point sur eux... « mais auparavant, faites-leur bien comprendre et déclarez- « leur le droit du roi qui leur commandera. » Samuel exposa aux Hébreux ce

7

– 78 –
que serait pour eux l'autorité royale qu'ils sollicitaient avec tant d'insistance ; mais « le peuple se refusa à écouter ces « explications : Non, lui dirent-ils, nous voulons un roi qui « nous gouverne. » (1)

La résistance de Samuel à l'insulte que le peuple adressait à Dieu par sa demande, la réponse du Seigneur et l'obstination du peuple démontrent avec évidence l'exercice direct de l'autorité divine sur les Hébreux. Ce gouvernement théocratique est gravé dans le nom de Josué, ou Iehosuah, comme porte le texte hébraïque. La première partie de ce nom se compose des lettres, i, he, u, i, renfermés dans Jehova, et la deuxième partie comprend le verbe to sway (soué), gouverner, commander ; ces deux parties, dans leur réunion, produisent Iosoué, c'est-à-dire, gouvernement de Jehova.

La langue hébraïque-chaldéenne est impuissante à traduire littéralement Josué. La seule expression qu'elle ait pu avancer pour son interprétation est iehoscua, sauveur, et elle est encore fort loin de la composition exacte de Josué. Aussi la traduction hébraïque de Josué par iehoscua, sauveur, a-t-elle fait supposer que le nom de Jésus, sauveur et rédempteur du genre




(1) Premier liv. Rois. c. VIII.

– 79 –
humain, devait dériver de la même racine ; car l'ange apparaissant à saint Joseph lui adressa ces paroles : « Joseph fils de David, ne craignez point de prendre avec « vous Marie votre épouse, car ce qui est né en elle, est « l'ouvrage du Saint-Esprit : et elle enfantera un fils à qui « vous donnerez le nom de Jésus : en effet, il sauvera lui-« même son peuple en le délivrant de ses péchés. » (1)

Le sens de sauveur et libérateur doit donc être renfermé dans le nom du Seigneur Jésus, d'après l'explication de l'ange, et l'expression de ce sens est parfaitement rendue par les deux verbes celtiques to ease (ise), délivrer, to sway (soué) commander, gouverner, qui correspondent parfaitement aux caractères hébraïques reproduits dans issâ, Jésus, et constituent une notable différence entre le nom de Josué et celui de Jésus. La langue arabe confirme cette différence entre les deux noms ; on sait que les Arabes traduisent, Jésus fils de Marie, par Aïssa ben Mariam.

Ces interprétations si faciles des noms hébreux par la langue des Tectosages nous prouvent que ce dernier langage était bien celui des premiers temps. Pour terminer la preuve et la




(1) Saint Math. c. I. 21.

– 80 –
rendre, pour ainsi dire, tangible, nous pouvons tenter encore de décomposer les deux noms de Goliath et David.

Personne n'ignore les incidents du combat singulier entre Goliath et David. Il est cependant nécessaire de rappeler certains détails qui expliquent parfaitement le nom donné par les Hébreux au géant philistin. L'armée des Philistins et les soldats de Saül étaient en présence lorsque Goliath se plaçant devant les bataillons d'Israël leur criait : « Pourquoi « venez-vous livrer bataille ? Ne suis-je pas Philistin, et « vous serviteurs de Saül ? choisissez un homme parmi « vous, et qu'il vienne se battre seul à seul.

« S'il peut me combattre et me frapper, nous serons vos « esclaves ; mais si je suis moi-même vainqueur et que je le « tue, vous serez nos esclaves et vous servirez. »

« Et le Philistin disait : « J'ai défié aujourd'hui tous les « bataillons d'Israël et je leur ai dit : Donnez moi un homme, « et qu'il vienne se battre contre moi.

« Cependant ce Philistin se présentait au combat le matin « et le soir, et il agit ainsi durant quarante jours. » (1)




(1) Premier liv. des Rois. c. XVII. 8-16.
– 81 –
Le but, la fin du combat proposé par le Philistin était l'assujettissement du vaincu au vainqueur ; en regardant la stature du géant, les Hébreux furent saisis d'effroi, et l'audacieux Philistin put jeter quarante fois son défi aux plus valeureux des soldats de Saül, sans que personne osât le relever, – goal (gol), but, fin, to eye () voir, regarder, – to add, additionner. –

Cependant un beau jeune homme, indigné de ces outrages, s'armant seulement d'une fronde et d'un bâton, s'offrit à vaincre Goliath au nom du Seigneur des armées. Le géant s'avança d'un air méprisant ; mais « David se hâta et « courut au combat. Il mit la main dans sa panetière, il en « prit une pierre, la lança avec sa fronde – davit (dévit) « moulinet – et en frappa le Philistin au front. La pierre « s'enfonça dans le front du Philistin, et il tomba le visage « contre terre, (1) – to dive (daïve), – s'enfoncer, – to hit, « frapper. »

Ces exemples nous paraissent devoir suffire pour offrir un appui solide à cette assertion que la langue celtique et en réalité la langue primitive, et nous ne poursuivrons pas plus loin ce commencement d'études étymologiques sur la postérité de Sem.




(1) 1er Liv. des Rois. c. XVII. 48, 49.

7a



1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   17

similaire:

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconPhilippe lamour l’affaire seznec plaidoirie prononcée le 5 Octobre...

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconL’union des patros de Rennes
«Cadets de Bretagne» ont 150 ans, la «Tour d'Auvergne» a fêté son centenaire en 1997. «Jeanne d'Arc» a vu le jour en 1929, deux ans...

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconBoulangerie, patisserie, confiserie, chocolaterie, glacier, à l’enseigne «four neuf»
«four neuf» sis et exploité au n° 5 boulevard Georges Andrier à 74200 thonon-les-bains

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconReglement du jeu et du tirage au sort «defi inter-entreprises- tous éco-mobiles !»
...

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconLes 4 dimensions Source : académie de Rennes

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconLa Nature humaine: une illusion occidentale
«civi occidentale» à trois heures de lecture. J’en appelle au principe nietzschéen: les grands problèmes sont comme des bains d’eau...

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconDes étudiants de Rennes

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconPca rennes la janais

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconComme à Strasbourg, la vie nocturne divise les villes de province
«droit au sommeil». Petit tour d’ambiance à Lille, Nantes, Toulouse, Rennes, et Clermont-Ferrand

Le Cromleck de Rennes-les-Bains iconAdresse : 2 avenue André Mussat 35000 Rennes








Tous droits réservés. Copyright © 2016
contacts
l.21-bal.com