télécharger 83.4 Kb.
|
RSCA 01 DES MG – 1er semestre DEPT DE MEDECINE GENERALE / UNIVERSITE PARIS DIDEROT RSCA 01 – SECRET MEDICAL et cadre juridique Nom et prénom de l’étudiant auteur de la présente trace : QIU Ten-Ten Nom et prénom du tuteur : AUBERT Jean-Pierre Numéro du semestre du DES au cours duquel cette trace a été produite : 1 Date de réalisation de la trace : 02/03/12 Le maître de stage du stage concerné par cette trace a-t-il évalué cette trace ? : Non COMPETENCES VISEES PAR CETTE TRACE :
Si votre tuteur estime que cette trace mérite d’être publiée sur le site en tant que trace remarquable, acceptez vous qu’elle le soit : Oui
En fin d’après-midi d’une rude journée aux urgences adultes, je reçois un jeune homme de 21 ans, jogging bleu, casquette blanche, amené par sa mère dans un état de détresse psychologique. Celui-ci est suivi en psychiatrie pour dépression avec de multiples tentatives de suicides. Le patient souhaite être hospitalisé en psychiatrie, mais avant l’évaluation du psychiatre, un examen « somatique » s’impose, a fortiori puisque le patient dit avoir ingéré du verre pilé il y a 3 jours !! L’examen clinique est rassurant, pas de signe de perforation digestive (en même temps, en 3 jours, le patient aurait eu le temps de mourir d’une hémorragie interne), le patient décrit une légère rectorragie le lendemain de l’ingestion du verre pilé, sans récidive les jours suivants, et il semblerait que le verre ait été pilé aussi fin que du sable. Le toucher rectal confirme l’absence de rectorragie active. Je rassure alors le patient et sa mère qui s’inquiétaient tout de même un peu, je conclue mon observation et appelle le psychiatre pour son expertise « psychiatrique ». L’heure des transmissions sonne, je transmets mes patients en cours à mes co-internes et rentre chez moi. Le lendemain matin, j’arrive dans le service prêt à affronter une nouvelle journée éreintante, mais je retrouve avec surprise le couloir du secteur « non traumatologique » les portes grandes ouvertes à ces deux extrémités avec des ventilateurs aérant chaque box. Je m’en vais me renseigner auprès du cadre infirmier qui m’informe qu’un individu a mis le feu dans le local de stockage des draps et couvertures. Bilan : un patient intoxiqué au monoxyde de carbone (qui attendait patiemment ses ordonnances devant la fameuse salle lorsque la porte a été ouverte), une dizaine de patients choqués transférés dans les autres Services d’Accueil des Urgences du département, la totalité des 8 boxes du secteur « non traumatologique » inutilisable du fait de l’odeur épouvantable, tous les patients souhaitant s’inscrire redirigés, et une salle de stockage inutilisable pendant plusieurs semaines. L’enquête policière débute, les vidéos de surveillances sont visionnées, et on découvre que le principal suspect n’est autre que le jeune homme de 21 ans que j’ai vu en consultation la veille, casquette et jogging reconnaissable sur les images enregistrées par la caméra de surveillance. Il semblerait qu’il n’ait pas apprécié la durée d’attente avant de voir le psychiatre. On vérifie son identité et son dossier, le patient a bien fugué en cours de soin. Je réagis comme tout interne de premier semestre peu sûr de lui réagirait : je culpabilise, me remets en cause, pour enfin me ressaisir, ce n’est pas de ma faute au final !! Dernier coup dur, étant donné que je suis le seul à avoir vu et interrogé le patient suspect, le cadre infirmier m’annonce que les agents de police responsables de l’enquête souhaitent m’interroger. Quelles informations puis-je leur donner ? Dois-je demander comme dans les séries américaines : « vous avez un mandat » ? Dois-je être exhaustif dans mes déclarations pour mener à bien cette enquête et trouver au plus vite le responsable de l’incendie ? Dois-je me taire et faire valoir le secret médical au bénéfice du patient et au risque que le crime ne soit pas puni ? Concernant le secret médical, une autre question concernant nos pratiques quotidiennes me taraudait mais ne pouvait, à elle seule faire l’objet d’une trace d’apprentissage : pouvons-nous scanner et transmettre par courriel ou par fax des documents concernant un patient sans anonymat du document ? Je n’ai toujours pas été contacté par les agents de police, à ce jour.
« Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas. » Serment d’Hippocrate « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des information la concernant. » Article L1110-4 du Code de la Santé Publique, modifié par la loi n°2011-940 du 10 août 2011, article 2 Excepté dans les cas de dérogation, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes ou toute autre personne en relation de par ses activités avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de santé ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.
Soignant :
Non soignant :
Personnel non médical, non paramédical :
« Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris. » Code de Déontologie Médicale, article 4 - Code de Santé Publique, article R.4127-4 La loi a prévu un certain nombre de dérogation dans certaine situation exceptionnelle : DEROGATIONS AU SECRET PROFESSIONNEL
« Chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. » Code Civil, article 10 « Ce que le médecin a pu connaître à l'occasion des soins donnés ne peut lui être demandé en témoignage devant la justice. Interrogé ou cité comme témoin de faits connus de lui dans l'exercice de sa profession, il doit se présenter, prêter serment et refuser de témoigner en invoquant le secret professionnel. » Code de Déontologie Médicale, article 4 Si on se tient au Code de Déontologie médicale, le respect du secret médical doit être opposé aux demandes irrégulières de renseignements médicaux et de témoignage. Seule la saisie judiciaire du dossier, suivant les règles procédurales (commission rogatoire ou en cas d’enquête de crime et délit flagrant), doit permettre au magistrat de disposer des renseignements nécessaires à la justice. Enfin, bien qu'il n'y soit pas tenu, un médecin peut estimer devoir témoigner en justice si son témoignage peut empêcher de condamner un innocent (art.434 -11 du code pénal). En pratique : Le médecin est tenu au silence par le secret médical en cas de demande de témoignage.
Le code de procédure pénale prévoit que « le juge d'instruction procède conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité ». Il peut procéder à la saisie d'objets ou de documents relatifs aux faits incriminés et « doit provoquer toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». Conformément à l’art. 56–3 « les perquisitions dans le cabinet d'un médecin (...) sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l'Ordre (...) ou son représentant ». La saisie judiciaire d'un dossier médical ne peut donc être faite que par le juge d'instruction (ou le procureur de la République), lequel a toutefois la possibilité de mandater à cet effet un officier de police judiciaire sur commission rogatoire. Toutefois, la loi du 9 mars 2004 (loi dite Perben II) portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité vise à faciliter l’accès des informations détenues par les médecins dans le cadre des enquêtes policières. « L'officier de police judiciaire peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu'avec leur accord. A l'exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, le fait de s'abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d'une amende de 3 750 Euros. Les personnes morales sont responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, du délit prévu par le présent alinéa. » Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité Titre II, chapitre II, section 2, article 80 Les articles 56-1 à 56-3 mentionnent :
Dans ces cas décrits, la perquisition ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale (autorité administrative indépendante chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d'informations ayant fait l'objet d'une classification). Depuis la publication de la loi du 9 mars 2004, toute personne, établissement ou organisme privé ou public ou administration publique susceptibles de détenir des documents intéressant une enquête se voient obligés de fournir ses informations aux officiers de police judiciaire, sans la possibilité d’opposer le secret professionnel « sans motif légitime », sans même présentation d’une commission rogatoire comme c’était le cas avant la publication de cette loi, sous peine d’une amende de 3 750 Euros. Toutefois, le professionnel tenu au secret ne peut en aucun cas témoigner même si l’officier de police judiciaire le demande. Le secret professionnel reste opposable en cas de « motif légitime », sans que cette notion soit définie par la loi. Le principe du secret professionnel est parfois en conflit avec d'autres principes et d'autres intérêts. L'étendue et le caractère absolu du secret médical sont mis en cause quand il constitue un obstacle à la manifestation de la vérité dans certaines affaires judiciaires. La loi du 9 mars 2004 tend à restreindre l’étendu du secret médical, mais les textes de loi n’expliquent pas clairement quels peuvent être les motifs légitimes permettant d’opposer le secret professionnel ce qui diminue la portée de cette loi. En pratique :
La transmission d’information par courriel ou par fax a permis de faciliter les échanges d’information afin d’assurer un meilleur suivi de l’état de santé des patients et d’assurer une meilleure qualité des soins. Ces données sont le plus souvent nominatives et se pose alors la question de leur sécurité lors de leur transmission. Une erreur dans l’adresse e-mail du destinataire, une erreur de numérotation d’un fax peut conduire à divulguer des informations couvertes par le secret médical à des personnes non habilitées, et l’informatisation des informations médicales s’expose au risque d’intrusion dans les systèmes informatiques internes. La communication d’informations entre médecins a essentiellement pour objectifs :
Un rapport adopté par le CNOM en avril 2001 porte sur la sécurité des échanges électroniques d’informations médicales nominatives et indique quelques règles à respecter. « Intégrité, disponibilité et confidentialité sont les trois aspects fondamentaux de la sécurité des informations. » « Dans les établissements de santé et dans les cabinets médicaux une affichette doit avertir les patients que leurs informations médicales personnelles sont susceptibles d'être enregistrées sur support informatique et que la loi leur donne des droits à ce propos. » « Les échanges électroniques d'informations médicales nominatives entre médecins se font maintenant le plus souvent par voie télématique sous forme de messagerie électronique, ce qui constitue une très grande amélioration par rapport à l'insécurité de la télécopie. On rappelle que cette dernière doit être bannie à plus ou moins longue échéance des transmissions d'informations personnelles tant les risques d'insécurité sont grands. » « (…) la messagerie électronique permet de transmettre un message écrit d'une personne à une autre, de manière analogue au courrier protégé par le secret de la correspondance. Intercepter ou détourner ces correspondances privées, utiliser ou divulguer des communications interceptées ou détournées par autrui constituent des délits punis par l'article 226-15 du code pénal. » « La sécurité des échanges électroniques d’informations médicales nominatives entre médecins », Pr. Liliane DUSSERRE, avril 2001 En pratique :
Ces règles de sécurité sont précisées dans une fiche pratique éditée sur le site internet de la CNIL. Concernant les messageries électroniques, l’utilisation d’une messagerie sécurisée est impérative, intégrant un module de chiffrement des données, appelé cryptage. Les messages envoyés à partir des ces messageries électroniques professionnelles transitent sur des serveurs intermédiaires et restent stockés sur le serveur de messagerie jusqu’à ce qu’ils soient téléchargés. Concernant l’utilisation des fax, d’autres précautions sont à prendre :
Le secret médical est un des fondements de la médecine libérale dont la violation est réprimée par le code de la santé publique et le code pénal. La violation du secret médical peut donner lieu à des sanctions pénales, civiles et professionnelles.
La violation du secret professionnel est un délit passible d’emprisonnement et d’une amende prévue par le Code pénal. La loi punit le professionnel révélant des informations couvertes par le secret médical et également toutes personnes tentant d’obtenir ces informations. « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par état, ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. » Code pénal, article 226-13 « Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. » Code de Santé publique, article L1110-4
Le patient peut également obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Il suffit au patient qu’il prouve la révélation pour que la faute du médecin soit retenue.
Un médecin peut être jugé par un tribunal et devant l'Ordre pour les mêmes faits ou accusations. La saisine de la juridiction professionnelle ne fait obstacle à aucune action judiciaire de droit commun. La violation du Code de Déontologie médicale implique un jugement par le Conseil de l’Ordre qui prononce alors librement les sanctions qu'elle inflige :
La notion de secret médical reste un sujet difficile et vaste, à l’origine de nombreuses interrogations. Bien que l’obligation de respect du secret médical semble simple au premier abord, elle est en pratique parfois difficile du fait des impératifs de la vie actuelle (transmission et partage d’information entre confrère, déclarations obligatoires, permissions de la loi, jurisprudence). Le respect du secret est indispensable à la relation de confiance, principe de base de la relation médecin-malade et les informations confidentielles que l’on obtient ou qui nous sont confiées sont convoitées par de nombreux organismes. Elles peuvent être nécessaire dans le cadre d’enquête policière, et dans ce cas, le principe du secret professionnel est remis en cause quand il constitue un obstacle à la résolution d’affaires judiciaires. L’augmentation des possibilités de communications exposent les professionnels de santé et les patients à un risque de fuite des informations secrètes d’où la nécessité de rester vigilant et de respecter des règles de sécurité.
- - |