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Bibliographie non exhaustive de documents et oeuvres relatives au Rwanda: Sorties 2009: Les Complices de l'inavouable (Patrick de Saint Exupéry) Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry réédite son ouvrage de 2004 qui accuse François Mitterrand, certains de ses proches, une poignée de militaires et plusieurs responsables politiques français, dans le déclenchement du génocide rwandais de 1994. Dans une nouvelle préface, l'auteur s'insurge également contre les autorités françaises de droite comme de gauche, et leurs relais médiatiques qui, quinze ans après les massacres, continuent de dresser des rideaux de fumée pour empêcher la diffusion de la vérité. Demain ma vie. Enfants chefs de famille dans le Rwanda d'après parution le 2 avril, aux éditions Laurence Teper, de ce témoignage d'une jeune femme rwandaise, Berthe Kayitesi, qui vit actuellement au Canada : Demain ma vie. Enfants chefs de famille dans le Rwanda d'après. Le génocide de 1994 emporta ses parents et beaucoup d’autres proches parents, amis et voisins. Ses frères et s?urs et elle-même ayant survécu, ils passèrent l’après-génocide dans divers lieux dont l’orphelinat, les familles d’accueil et les ménages d’orphelins. A travers l'itinéraire d'une adolescente devenue femme, il porte sur l'expérience des orphelins rescapés du génocide, plus particulièrement des orphelins chefs de ménage. L'auteur nourrit une réflexion sur l'après-génocide, le vivre-ensemble des criminels et des victimes, la survivance, la transmission et l'acte de témoignage. http://www.metrofrance.com/loisirs/nous-n-avions-pas-a-mourir/midw!Mih92Sqhe5GW/ RWANDA 94: Mémoire triste, Justice improbable Le génocide rwandais de 1994: une jeune femme témoigne à travers un livre-mémoire. Cela fait déjà quatorze ans et plus, que le Rwanda a sombré dans un génocide atroce qui a fait près d'un million de morts en cent jours selon l'ONU. D'après certaines sources, l'élément déclencheur aurait été la mort du président Habyarimana dans le crash de son avion, jusqu'ici pas élucidé. Entretemps quelques génocidaires ont été arrêtés et jugés mais beaucoup d'autres courent encore à travers le monde (notamment en R.D.Congo) ou sont installés confortablement un peu partout dans le monde. Le régime de Kigali (qui a stoppé le génocide) a été récemment accusé par les juges français et espagnol d'avoir occasionné l'élément déclencheur de ce génocide et il y a même eu l'arrestation de Mme Rose Kabuye, Chef du protocole présidentiel. Kigali, de son côté et preuves à l'appui, a récemment riposté en sortant un rapport démontrant la responsabilité de la France avant, pendant et après le génocide. Ce que Paris a toujours nié bien entendu. Et pourtant, les témoins sortent de l'ombre petit à petit. C'est en bravant tout danger que Campagna Gwiza Dancille nous parle à son tour de son vécu sur cette catastrophe hors du commun dans son livre ‘RWANDA 1994 : MÉMOIRES TRISTES, JUSTICE IMPROBABLE', disponible chez l'éditeur Books on Demand GmbH, https://www.bod.fr, 12/14, rond-point des Champs Élysées, 75008 Paris, France. LE MASSACRE DES BAGOGWE Un prélude au génocide des Tutsi. Rwanda (1990-1993) Diogène Bideri Points de vue HISTOIRE AFRIQUE NOIRE Rwanda Depuis 1959 les Bagogwe étaient considérés par les populations hutu du nord du Rwanda comme une caste inférieure. Ils seront marginalisés par tous les régimes, traités par leurs compatriotes comme des gens non civilisés. A partir du 21 janvier 1991, des centaines de Bagogwe furent massacrés, des femmes violées. Plusieurs éléments laissent penser que le massacre des Bagogwe fut un des prémices du génocide de 1994. Le massacre avait été planifié par les tueurs, aux ordres des autorités politiques et militaires. ISBN : 978-2-296-06972-5 • janvier 2009 • 148 pages version numérique (pdf image-texte) : 3 516 Ko Prix éditeur : 14,5 € UNE JEUNESSE PERDUE DANS UN ABATTOIR D'HOMMES Rwanda, un voyage dans un pays ensanglanté Ephrem Inganji Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994 commençait, au Rwanda, le dernier génocide du XXè siècle et le plus rapide de l'histoire qui, en une centaine de jours, a emporté plus d'un million de vies. Cédric Ngoga attendait son tour parmi une foule de Tutsis en train de se faire tuer par les génocidaires lorsqu'il vit ses assassins se sauver. A 16 ans, il rejoint alors l'armée rebelle qui venait de lui sauver la vie... Dix ans après, désormais installé en Belgique, il décide alors de s'asseoir et d'écrire son histoire. ISBN : 978-2-296-06864-3 • janvier 2009 • 206 pages Sorties 2008 Innocent ( Magali Turquin): Présentation ici (Editions du Jasmin) Rwanda : Un génocide populaire (JP Kimonyo) Il y a 14 ans, au mois d'avril 1994 débutait le terrible génocide du Rwanda. 1 million de morts. Très vite, les Editions Karthala ont publié deux ouvrages de référence sur cet épisode tragique dans l'Histoire des grands lacs d'Afrique. "Aucun témoin ne doit survivre" avec le concours de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme et sous la direction de l'historien Jean-Pierre Chrétien,"Rwanda, les médias du génocide" avec Reporters sans frontières. 14 ans plus tard, nous proposons deux nouveautés sur le même sujet: un témoignage personnel bouleversant et le travail d'un historien politiste rwandais qui plonge ses racines dans l'étude minutieuse du terrain. Jean Paul Kimonyo est sans doute le premier historien rwandais à offrir un travail aussi ambitieux. Son ouvrage, "Rwanda, un génocide populaire" est le résultat d'une très longue enquête de terrain. M. Kimonyo a rencontré les acteurs survivants, il a travaillé sur les comptes rendu des registres municipaux. En employant la méthode de terrain des anthropologues, il réalise un livre d'une très grande portée historique qui explique, à partir du quotidien, comment le génocide a été conçu puis mis en oeuvre. Les deux nouveautés sur le génocide du Rwanda paraîtront dans la première quinzaine d'avril: "Rwanda, un génocide populaire" dans la collection Hommes et sociétés et ""Une jeunesse rwandaise" dans la collection Tropiques. http://www.presseafricaine.info/article-19225208.html Rwanda 1994, Tome 2: le camp de la vie Rwanda, 1994 : entre avril et juillet, 100 jours de génocide... Celui que l'on appelle "Le dernier génocide du siècle" s'est déroulé dans un tout petit pays d'Afrique, sous les yeux du monde entier, sous le joug des politiques internationales, et sous les machettes et la haine de toute une partie de la population. Sur environ 7,5 millions de Rwandais d'alors, 1,5 million de personnes ont été exterminées pour le seul fait d'appartenir à la caste "tutsi" (chiffres officiels de 2004) : hommes, femmes, enfants, nouveau-nés, vieillards... De cette tragédie historique, suite à plusieurs années de recherche dont sept mois passés au Rwanda pour récolter des témoignages, les auteurs ont tiré une fiction éprouvante basée sur des faits réels.Ce second tome couvre les évènements qui se sont déroulés au cours des mois de juin et juillet. Un témoignage poignant et déchirant à lire de toute urgence. Auteurs: Cécile Grenier , Pat Masioni - Editeur: Glénat La Nuit rwandaise, nº 2, revue annuelle Sortie le 7 avril 2008, LIRE ICI, L'implication française dans le dernier génocide du XXème siècle . En hommage à Jean-Paul Gouteux Guerres et Génocides au XXe siècle Yves Ternon est un historien français. Il est docteur en histoire à l'université de Paris IV (La Sorbonne) .Il a d'abord été chirurgien, interne des hôpitaux de Paris. Il s'est ensuite consacré à la recherche sur les crimes contre l'humanité et, tout particulièrement, sur les génocides juif, arménien et du Rwanda, à propos desquels il a écrit de nombreux ouvrages. Il a aussi participé à la Commission d'enquête citoyenne sur l'implication de la France au Rwanda en tant que vice-président. Ternon est aussi l'auteur s'est également intéressé à la question du négationnisme LIRE ICI Sorties 2007 Paysage après le génocide. Une justice est-elle possible au Rwanda? Journaliste à L'Humanité, Jean Chatain a couvert le génocide au Rwanda et est retourné à plusieurs reprises dans ce pays depuis 1994. Dans ce livre dense mais clair, il s'interroge sur les conditions rendant possible une véritable justice dans des circonstances aussi extrêmes. Il fait le bilan de l'action des tribunaux traditionnels (gacaca) et analyse les difficultés rencontrées par le gouvernement de Kigali pour mettre la fonction judiciaire au service de la réconciliation nationale. Si beaucoup d'encre a coulé au Rwanda, l'intérêt des réflexions exposées par Chatain est de faire le lien entre travail journalistique et travaux universitaires, ainsi que de mettre en résonance les événements rwandais avec les problèmes de l'Afrique en général : instrumentalisation de l'ethnisme par les milieux politiques locaux, qui s'en servent pour prendre ou conserver le pouvoir ; absence de démocratie et ingérence étrangère étouffante qui contribuent au recours à la violence. Chatain explique aussi pourquoi et comment le régime génocidaire a longtemps bénéficié de sympathies, plus ou moins aveugles, en France et en Belgique. La Nuit rwandaise, nº 1, revue annuelle coéditée de Izuba et l'Esprit frappeur, 2007, 310 pages, 10 euros (38, rue Keller, Paris 11e). Se définissant comme revue annuelle (devant paraître chaque 7 avril, date anniversaire du début des massacres des familles tutsi et des démocrates hutu), la Nuit rwandaise ambitionne de faire la lumière sur l'implication française dans le dernier génocide du XXe siècle. Son titre est un hommage explicite à Jean-Paul Gouteux, chercheur à l'ORSTOM, décédé en juillet 2006, reprenant celui de son ouvrage central (publié en 2002 à l'Esprit frappeur), référence essentielle à ce propos. Plusieurs de ses textes les plus récents figurent dans ce numéro un, dont celui concernant le rôle de la hiérarchie catholique dans le processus ayant conduit au crime raciste de 1994. Au niveau de l'actualité immédiate, à signaler la minutieuse analyse par Jacques Morel et Georges Kapler de l'ordonnance de soit-communiqué du juge Bruguière mettant en cause Paul Kagame pour l'attentat du 6 avril 1994 à Kigali. Parmi les nombreux textes historiques complétant cette livraison, l'interview de Nicole Merlo, présente au Rwanda lors du début des massacres, apporte un éclairage inédit : pour la première fois une Européenne témoigne, en son nom et à visage découvert, de la participation physique de soldats français aux barrières mises en place par les miliciens interahamwe. Afin de contrôler la mention ethnique figurant sur les cartes d'identité (une invention du colonialisme belge) : si le terme « tutsi » y était inscrit, son ou sa propriétaire était aussitôt mis à mort. Enfants compris. Paysage après le génocide (Jean Chatain) Entre mes stériles réflexions autour des récits sur l'immigration et ce Paris morose (je parle du climat ; sinon, le reste, « ça semble aller », comme disait il y a très longtemps mon pote Malemnbe), et en attendant d'aller voir Bamako gratos à la Villette, j'ai piqué chez Anne un bouquin. C'est un livre sur le Rwanda qu'il faut impérativement lire. Un livre tout de vert et d'africain vêtu écrit par un connaisseur : Jean Chatain de l'Humanité. Il fut l'un des premiers journalistes français à couvrir de près le génocide rwandais....En attendant pour bientôt ma petite fiche de lecture, je vous propose la quatrième de couverture, en fait, un extrait de la préface de José Kagabo (maître de conf à l'EHEES) qui a l'avantage non seulement de présenter le livre mais aussi de situer l'auteur. CHATAIN,Jean. « Paysage après le génocide. Une justice est-elle possible au Rwanda», Paris, Le Temps des Cerises, 2007 « Tant de livres ont été et sont encore écrits sur le génocide « rwandais » qu'il serait tentant d'en esquisser une comparaison. Mais comment rapprocher des genres aussi différents que les témoignages à chaud d'acteurs de l'humanitaire présents sur le terrain pendant la période des massacres [..], les enquêtes institutionnelles ou d'ONG de défense des droits de l'homme [..], des témoignages de rescapés du génocide, des travaux universitaires, qui apportent, à partir de points de vue, de connaissances diverses et de pratiques professionnelles différentes, deséclairagestout aussi diversifiés ? Jean Chatain connaît bien toute cette production, et il le montre dans l'usage qu'il en fait dans son livre, Paysage après le génocide. Cependant, il a un parti pris, qui est celui d'un journaliste et qu'il assume totalement, dans la forme narrative comme dans la perspective d'analyse. Journaliste à L'Humanité, Jean Chatain est un des rares grands reporters français (avec sa consoeur Monique Mas de Radio France Internationale qu'il cite abondamment) à avoir couvert la période des massacres et du génocide (avril-juin 1994) en suivant dans ses mouvements le Front patriotique rwandais (FPR) qui combattait les forces du gouvernement rwandais et l'armée régulière sous la responsabilité desquels étaient commises les atrocités. Il a donc enquêté « à chaud »,et c'est, entre autres aspects intéressants, cela qui confère à son livre un caractère saisissant. » ( Extrait de la préface de José Kagabo) La Stratégie des Antilopes (Jean Hatzfeld) Grand reporter à Libération jusqu'en 2006, Jean Hatzfeld a couvert de nombreux conflits. Profondément marqué par son expérience au Rwanda, il publie Une saison de machettes (Seuil, 2003), dans lequel il rapporte ses entretiens avec les auteurs des massacres, et Le nu de la vie (Seuil, 2005), où il laisse la parole aux rescapés. La stratégie des antilopes, le troisième volet, est le récit des Tutsis réfugiés dans les forêts. Jean Hatzfeld y soulève la question du pardon et de la coexistence des bourreaux et de leurs victimes. "Quand Satan a proposé les sept péchés capitaux aux hommes, l'Africain a tiré la gourmandise et la colère. J'ignore s'il les a choisis au premier tour ou au dernier. Ni ce que les Blancs ou les Asiatiques ont attrapé pour eux, car je n'ai pas voyagé dans le monde. Mais je sais que ce choix nous sera toujours contrariant. La convoitise souffle sur l'Afrique plus de chamailles et de guerres que la sécheresse ou l'ignorance. Et dans le brouhaha, elle a réussi à souffler un génocide sur nos mille collines.» OAS_AD('Position2'); Comme pour les alléger, Claudine Kayitesi interrompt ces paroles sur un lent sourire, et ajoute: «Je suis contente d'être africaine, car sinon je ne pourrais être contente de rien. Mais fière en tout cas pas. Peut-on être fière si on se trouve gênée? Je suis simplement fière d'être tutsie, ça oui, absolument, parce que les Tutsis devaient disparaître de la terre et que je suis bien toujours là.» Lors de ma dernière visite, deux ans plus tôt, Claudine occupait l'ancienne maison de sa cousine, en compagnie d'une marmaille des environs, en haut d'un chemin abrupt sur la colline de Rugarama. Une maison en pisé, déjà très lézardée et couverte de tôle rouillée, mais entourée d'un magnifique jardin odorant, soigné de ses propres mains. Derrière, une cahute abritait les marmites et l'enclos d'un veau. Depuis, les paysans des champs limitrophes sont sortis du pénitencier, en particulier l'assassin de sa soe; ur, qu'elle appréhende de croiser à la nuit tombée. Elle a donc été soulagée de quitter les lieux et de suivre, sur une autre parcelle, son mari Jean-Damascène, ancien camarade d'école primaire, au lendemain d'un mémorable mariage qu'elle raconte ainsi: «Avec mon époux, on s'est reconnus il y a deux ans, on s'est d'abord échangé des paroles d'amitié, on s'est envisagés à la Nouvelle Année, on s'est accordés en juillet. Le mariage a été une fête grandiose, les choristes l'ont préludé en pagnes ornementaux, comme sur les photos; j'ai vêtu les trois robes traditionnelles, mon mari a caché ses mains dans les gants blancs, l'église a proposé son enclos et ses nappes, trois camionnettes transportaient la noce, des Fanta, du vin de sorgho et des casiers de Primus, évidemment. L'ambiance nous a pris quelque trois jours inimaginables. Grâce au mariage, le présent montre un gentil visage, mais le présent seulement. Parce que je vois bien que l'avenir est déjà mangé par ce que j'ai vécu.» Aujourd'hui, Claudine habite un pavillon de construction récente, aligné parmi les dizaines de pavillons identiques d'un moudougoudou encastré sur un versant de rocailles et de broussailles, un peu au-dessus de la grande route de Nyamata, à quelques kilomètres de Kanzenze. A notre arrivée, elle pose une gerbe de fleurs en tissu sur la table basse pour rehausser les bouquets naturels, éloigne de la cour une meute de gamins curieux, tire les rideaux, s'assoit dans l'un des fauteuils en bois avec une mimique amusée. «Encore des questions? feint-elle de s'étonner. Toujours sur les tueries. Vous ne pouvez donc cesser. Pourquoi en ajouter de nouvelles? Pourquoi à moi? On peut se sentir embarrassée de répondre. On peut se trouver blâmable en première ligne d'un livre. Dans les marais, les Tutsis ont partagé la vie des cochons sangliers. Boire l'eau noirâtre des marigots, fouiller la nourriture à quatre pattes dans la nuit, faire ses besoins à la va-vite. Pis, ils vous l'ont dit, ils ont mené l'existence du gibier, ramper dans la vase, écouter les bruits, attendre la machette des chasseurs. Mais une chasse surnaturelle, parce que tout le gibier devait bien disparaître, sans même être mangé. En quelque sorte, ils ont vécu la lutte du Bien et du Mal, directement sous leurs yeux, sans fioritures, si je puis dire. «Moi, je dois bien penser que le Bien a finalement gagné, puisqu'il m'a offert l'opportunité de fuir et de survivre et que je suis désormais convenablement entourée. Mais le papa, la maman, les petites soe; urs et tous les agonisants qui murmuraient dans la boue, sans oreilles apprêtées pour entendre leurs derniers mots, ils n'ont plus à répondre à vos questions. Toutes les personnes coupées qui soupiraient après un souffle humain de réconfort, tous les gens qui savaient qu'ils s'en allaient tout nus, parce que leurs habits leur étaient volés avant la fin. Tous les morts qui pourrissaient enfouis dans les papyrus ou qui séchaient sous le soleil, eux tous, ils n'ont plus à qui dire qu'ils pensent le contraire.» Claudine garde un secret mais elle ne se plaint jamais de rien. Tous les matins, elle descend avec son mari dans le champ, à midi elle allume le feu sous la marmite, l'après-midi, elle va de-ci de-là, ses copines, la paroisse, Nyamata. Elle ne réclame plus réparation, renonce à la justice. Elle ne coopère guère, ne fait semblant de rien, ne craint pas les mots. Elle ne dissimule pas ses angoisses et sa haine des tueurs, ni sa jalousie envers ceux qui peuvent encore présenter leurs parents à leurs enfants, ni la frustration de n'avoir pas décroché un diplôme d'infirmière: «J'échange des mauvais regards avec les difficultés de rencontre sans baisser les yeux», résume-t-elle; mauvais regards qui contrastent avec la gaieté de son visage, ses robes en étoffe écarlate, la turbulence de ses deux enfants qui ne cessent de lui tourner autour. Elle anticipe une question et sourit: «Oui, le calme est bien là. J'ai de beaux enfants, un champ un peu fertile, un mari gentil pour m'épauler. Il y a quelques années, après les tueries, quand vous m'avez rencontrée pour la première fois, j'étais une simple fille au milieu d'enfants éparpillés, dépourvue de tout, sauf de corvées et de mauvaises pensées. Et depuis, ce mari m'a fait devenir une dame de famille, d'une façon inimaginable. Le courage me tire par la main le matin, même au réveil de mauvais rêves, ou pendant la saison sèche. La vie me présente ses sourires et je lui dois la reconnaissance de ne pas m'avoir abandonnée dans les marais. «Mais pour moi, la chance de devenir quelqu'un est passée. A vos questions, les réponses de la vraie Claudine, vous ne les entendrez jamais, parce que j'ai un peu perdu l'amour de moi. J'ai connu la souillure de l'animal, j'ai croisé la férocité de la hyène et pire encore, car les animaux ne sont jamais si méchants. J'ai été appelée d'un nom d'insecte, comme vous le savez. J'ai été forcée par un être sauvage. J'ai été emportée là-bas d'où l'on ne peut rien raconter. Mais le pire marche devant moi. Mon coe; ur va toujours croiser le soupçon, lui sait bien désormais que le destin peut ne pas tenir ses simples promesses. «La bonne fortune m'a offert une deuxième existence que je ne vais plus repousser. Mais elle va être une moitié d'existence, à cause de la coupure. J'ai été poursuivie par la mort quand je voulais survivre de n'importe quelle manière. Puis j'ai été harcelée par le destin quand je demandais à quitter le monde et la honte qui gâchait mon intimité. «J'avais offert ma confiance de jeune fille à la vie, sans manigances. Elle m'a trahie. Etre trahie par les avoisinants, par les autorités, par les Blancs, c'est une terrible malchance. On peut mal se conduire par après. Par exemple, un homme qui refuse de prendre la houe pour s'attarder au cabaret, ou une femme qui délaisse ses petits et ne veut plus se soigner. «Mais être trahie par la vie, qui peut le supporter? C'est grand-chose, on ne sait plus se laisser aller dans la bonne direction. Raison pour laquelle, à l'avenir, je me tiendrai toujours un pas de côté.» A la saison sèche, une torpeur poussiéreuse et néanmoins éblouissante fige la région de Rilima, la plus aride du Bugesera, où, sur une butte, s'élèvent les murailles en briques du pénitencier. Toutefois, en ce début janvier, une foule de prisonniers, sautillant sur place dans la cour, paraît indifférente à la canicule lorsque s'ouvrent devant elle les immenses portails. Ces détenus, revêtus de fripes disparates, s'élancent à petits pas précipités, comme s'ils voulaient sortir au plus vite sans risquer la moindre bousculade. Sous les ordres de bidasses désabusés, ils se rassemblent à l'ombre d'un bois d'eucalyptus, seul îlot de verdure à l'usage des fonctionnaires de la forteresse. Ils ne chantent pas, comme d'autres prisonniers qui, plus loin, dans leurs uniformes roses, sans un regard pour eux, vont et viennent jusqu'au lac en deux files impeccables pour la corvée d'eau. Leurs chuchotements ne parviennent pas à dissimuler leur excitation. A la fois dociles et fébriles, inquiets et enjoués, ils ne semblent pas savoir quelle attitude adopter; non sans raison car, à la surprise de tout le monde et principalement d'eux-mêmes, ils viennent d'être libérés sans explication, après sept années de captivité. La radio a diffusé l'information trois semaines plus tôt dans un laconique communiqué présidentiel lu tel un bulletin météo. Il annonçait la libération d'une première vague de quarante mille détenus, tous de grands tueurs condamnés pour génocide, dans six pénitenciers à travers le pays. Au coup de sifflet, ces prisonniers de Rilima franchissent la barrière de l'enceinte avec des gestes obséquieux à l'adresse des gardes, dévalent un versant de rocailles et sautent par-dessus les taillis. Parmi eux se trouvent, une nouvelle fois ensemble, les gars de la bande de la colline de Kibungo, ceux qui participèrent au livre Une saison de machettes. Pio Mutungirehe, le benjamin de la bande qui n'est plus si jeune; Fulgence Bunani, l'éternel apprenti vicaire qui a miraculeusement sauvegardé ses sandales blanches pendant sa captivité; Jean-Baptiste Murangira, droit comme un i dans son rôle de président d'une association de repentance; Alphonse Hitiyaremye qui n'en peut plus de gesticuler ou de sourire, aux gardes, aux passants, aux collègues; Léopord Twagirayezu, à l'inverse, solennel; Pancrace Hakizamungili plus méfiant, presque aux aguets, mais qui pense déjà à sa première Primus; Adalbert Munzigura débordant d'énergie en tête du cortège, comme il l'était en première ligne des expéditions de tueries. Tous ensemble, à l'exception de Joseph-Désiré Bitero, confiné pour longtemps dans le quartier des condamnés à mort. Pancrace se souvient de ce dernier jour au pénitencier: «Vraiment, je ne croyais pas à cette chance extraordinaire de sortir un jour de prison. On entendait bien des ouï-dire de visiteurs, mais je ne comprenais pas comment ce pouvait être vrai. Le 2 janvier 2003, quand la radio nous a lu le communiqué présidentiel, on était trop réjouis, ça débordait des lèvres, on n'échangeait rien de plus que de simples paroles revigorantes. On a passé la dernière nuit en chantant. Nombre ne voulaient même plus manger. Deux ambiances dans la prison rivalisaient, les avouants échangeaient des alléluias, tandis que les désavouants lançaient des mots injurieux et des paroles frustrées.» Son vieux compère Ignace Rukiramacumu: «J'ai pensé à l'urwagwa qu'on allait boire. J'avais cru qu'on n'en goûterait plus jamais de la vie, qu'ils avaient tiré la porte derrière nous jusqu'à la fin du monde. Avant cette libération, chaque fois que de furieuses épidémies nous attaquaient, on s'imaginait bientôt enterrés en prison. On comptait le nombre de morts et le nombre qu'on restait, et on calculait le temps qu'on allait durer. «Suite à mon grand âge, j'ai embarqué sur un camion réservé aux vieux et aux malades. On a stoppé à Nyamata dans les ténèbres. On n'osait pas monter par la forêt directement, on s'est blottis la première nuit dans la cour du district. Au matin, on a pris nos sacs. C'était jour de marché. On a contourné deux fois, sans oser s'approcher, puis on a grimpé les chemins. Parmi les gens croisés qui descendaient au marché, on reconnaissait des rescapés. J'ai entendu des cris de méchanceté au passage, des avis de vengeance, mais ça n'a pas duré. Il y en a qui lançaient des bonjours, même s'il s'entendait qu'ils ne venaient pas de bon coeur.» La stratégie des antilopes Jean Hatzfeld SEUIL 312 pages. Prix : 19 € / 124,63 FF. |