Art moderne Annibal Carrache : il a l’envie de faire une synthèse
il reprend chez Titien : la couleur et la lumière,
chez Michel-Ange : le traitement des corps
chez Raphaël : la grâce.
Annibal Carrache, Palais Farnèse, voûte du Camerino, 1597/1602, fresque
 On retrouve ce jeu où il essaye de synthétiser, de prendre ce qu’il y a de meilleur chez les peintres précédents (Raphaël : plafond, dans le choix des thématiques, référence à l’antique (Hercule à la croisée des chemins), recours à la couleur et aux coloris vénitiens : paysage, lumière diffuse qui sert la construction du tableau.
Le point culminant de cette synthèse sera cette voûte du palais Farnèse, au niveau de la composition il se nourrit de la composition de Michel -Ange avec ces tableaux : choix des quadri riportati mais il va également essayer de renouer avec une esthétique inspirée de l’antique, ce qui en fera un grand style classicisant : Triomphe de Bacchus ou les noces de Bacchus et d’Ariane
 = composition en frise, loi d’isocéphalie, l’effet de profondeur est supprimé au profit d’une scène très lisible, claire, évidente. Tout un ensemble de références à des figures phares de l’antiquité : sculpture antique Diane endormie permettent de créer comme une sorte de langage qui reprend, intègre, essaye de faire fusionner des œuvres nouvelles avec des œuvres qui ont marquées l’histoire, des chefs d’œuvres de l’antiquité.
Observation attentive, manière de les sélectionner
Choix des coloris, couleurs claires : composition Titien, La bacchanale des Andriens, 1520, musée du Prado, Madrid
 Galerie Farnèse, Apollon et Marsyas
Intérêt porté à la musculature, ce sont les corps en mouvement qui créent cela, même la monumentalité des formes renvoie à une forme d’expression de Michel-Ange. Courant du dessin et courant de la couleur pour parvenir à une sorte de merveille de l’observation artistique. En dépit du caractère de lisibilité de chaque scène, ce grand décor va éblouir tout en développant des scènes autonomes et créer une certaine forme d’unité. Cette fresque fut construite pour être d’abord saisie dans sa globalité, c’est une merveille de la création qui témoignait en outre de cette capacité de la peinture à imiter l’ensemble des autres arts : sculpture (figures en stuc ou en bas-relief), architecture (colonnes, élément structuraux simulés en peinture).
« Le véritable objet, plus que la narration, semble être avant tout cet effet de merveille que produit l’effet d’ensemble de cette composition », Annibal Carrache va être le premier à essayer de concevoir le grand décor du palais Farnèse comme une sorte de grand poème épique : effet de description, de narration, d’histoire.
Epique : narration
Tragique : action, représentation
Vers un essai d’adaptation au grand décor du style du poème épique
Dans sa poétique en essayant de reprendre les règles d’Aristote, il veut montrer comment arriver au sublime (forme élevée de l’art)
C’est une peinture qui n’a plus seulement une forme ornementale (maniérisme) mais il y a une recherche d’un effet qui vise au sublime, qui questionne le spectateur, l’emporte, tel qu’il venait d’être développé dans la littérature à cette époque. Cette galerie a eu une influence importante (Rubens, Poussin, Charles Le Brun : reprend la composition unitaire et en même temps composée) mais elle est aussi à l’origine de la fin tragique d’Annibal Carrache. Il fut découragé et tomba dans une très profonde mélancolie car il attendait du prince une reconnaissance, une récompense. Au bout de 10 ans de travail, il toucha la modique somme de 500 écus d’or, il quitta Rome pour Naples et mourut quelques années plus tard.
On peut déceler cette mélancolie dans les dernières œuvres qu’il produisit :
Pietà, 1599/1600, h/t, Museo Nazionale di Capodimonte, Naples

Goût prononcé pour l’expression des passions, œuvre commandée par Edouardo Farnèse.
Il témoigne de ce procédé de récupération des modèles anciens : la pietà de Michel-Ange par cet intérêt porté à la représentation de naturalisme du corps du Christ, mais aussi par le choix du visage juvénile de la Vierge qui rompt avec la tradition iconographique, ce qui rappelle une certaine forme d’art poétique (poème de Dante).
C’est une manière de suggérer que dans le pathétisme, la mélancolie, se trouve une vérité de l’histoire.
Ici le Christ ne porte aucune plaie, aucun stigmate mais c’est une représentation idéalisée d’une forme d’un corps humain qui glisse doucement des genoux de la Vierge.
A côté se trouve deux anges, il y en a un qui renvoie à une certaine forme d’art de l’antiquité, deux génies funéraires : Hypnos et Thanatos, les dieux de la mort et du sommeil, là associés à une iconographie chrétienne, annonçant cette idée de la résurrection, un moment hors du temps mais qui produit pour le spectateur un fort sentiment de tristesse, de mélancolie il n’y a pas vraiment une fin, mais une sortie vers le divin. Il y a eu plusieurs versions de cette pietà par Annibal Carrache, il fixe comme étant un élément fondamental cette idée de l’expression des passions (rhétorique qui vise à construire un langage au sein de l’image).
Le Christ mort pleuré par les trois Marie, vers 1600, h/t, Londres, The National Gallery

Tableau qui peut être lu uniquement à travers cette représentation des passions. La fuite en Egypte, 1603, h/t, Galleria Doria Pamphili, Rome
 Annibal Carrache va renouveler l’art du paysage en créant le paysage idéaliste.
Il s’agit d’une des lunettes de la chapelle Aldobrandini, qui appartenait au cardinal Pietro, neveu du pape Clément VIII, des scènes relatant la vie de Marie et de Jésus, une commande pour Carrache, plusieurs artistes travailleront à ces peintures (il travaille avec ses disciples).
Il intègre ex et composition de peintres paysagistes nordiques.
Par rapport aux modèles réalistes des flamands, ici c’est une composition qui utilise une certaine sélection et une recomposition pour parvenir à un paysage sublimé, à un lieu qui puisse servir la thématique religieuse.
On voit à quel point dans cette représentation de scènes qui retracent la vie de la Vierge, que le sujet lui-même tend à disparaitre au profit de cette évocation du paysage qui prend toute la place de la composition. La Vierge est devant une rivière devant une vaste composition qui évoque une sorte de lieu poétique, une forme d’arrière pays poétique créé dans ce tableau où la narration s’efface au profit d’une vision idéale d’un temps mythique, ce temps qu’à vécu le Christ dans les bras de sa mère, certains éléments : ces arbres, souches rappellent ces premiers tableaux de jeunesse :
La chasse, vers 1585/1588, h/t, musée du Louvre, Paris

La pêche, vers 1585/1588, h/t, musée du Louvre, Paris
 C’est une sorte de mirage naturaliste, une nature parfaite qui cherche à retranscrire une forme de vérité au détriment du réalisme.
Cette nouvelle composition du paysage influencera par la suite le courant classique du paysage : Guido Reni, L’Albane etc … reprendront les principaux points de ces compositions.
Il y a des différences dans le naturalisme approche de la nature dans deux conceptions :
Une nature chez le Caravage qui va être reproduite de façon très crue, très réelle mais transformée par un ensemble d’artifices : fond noir, la lumière, c’est une nature qui va être construite.
Une nature chez Carrache qui reprend la nature telle qu’elle l’est mais refuse de la représenter comme une fenêtre ouverte sur le monde, mais il va essayer pour en trouver la vérité d’aller puiser tout ce qu’il peut y avoir de mieux, de meilleur à travers les modèles, ou en prenant plusieurs parties à un personnage pour en reconstruire un qui soit parfait.
Il reprend le coloris de Titien, la grandeur de Michel-Ange, la grâce du Corrège.
Loin d’une approche réaliste, il s’agit d’une reconstruction.
Le courant caravagesque:
Le Caravage a eu une influence chez d’autres artistes qui vont essayer certains de théoriser certaines de ces compositions.
En Italie et dans l’Europe toute entière, peu en France mais beaucoup dans les pays nordiques, flamands et hollandais.
On ne peut pas parler d’école caravagesque car certains vont reprendre des éléments :
clair-obscur,
lumière,
sujet
Mais ils vont systématiquement proposer des œuvres qui diffèrent des œuvres du maitre. Orazio Gentileschi (Pise 1563/Londres 1639)
C’était tout d’abord un grand peintre maniériste qui va découvrir l’œuvre du Caravage par la suite. Il est celui qui va le mieux reprendre son interprétation de la lumière, un art globalement plus lyrique, moins torturé, il va être l’auteur d’un courant : le caravagisme adouci, plus idyllique, moins brutale.
Gentileschi, David, vers 1610, Galleria Spada, Rome

Caravage, David, 1600, Museo del Prado, Madrid
 Gentileschi reprend à quelques détails prêts la composition du Caravage, David est penché vers la tête de Goliath.
Si des détails se remarquent : la manière de traiter un naturalisme poussé avec une représentation de la chair : tendons, rides etc, mais Gentileschi va transformer le modèle naturel par le choix du moment choisi :
chez le Caravage c’est une action qui suggère une immédiateté : David retire l’arme, au-delà de la trivialité, David est affairé dans le quotidien donc il ne parait pas si cruel, un quotidien qui empêche l’effet dramatique.
Chez Gentileschi : c’est une ouverture sur le ciel qui crée une percée, ce qui permet au regard de s’extraire de l’obscurité immédiate. Choix de ne pas représenter David en train de s’affairer mais en train de méditer sur cet acte de barbarie : il vient d’assassiner un géant, un homme, ce qui transforme ce David en une certaine forme de héros méditant sur la portée de son acte, là où le Caravage l’avait réduit à ce qu’il avait été : un jeune enfant capable de s’opposer à une bête cruelle.
Manière de récupérer certains artifices : cadrage serré, clair-obscur, lumière reprise et transformée. Judith tenant la tête d’Holopherne, h/t, vers 1611/12, Rome, Vatican
 Une œuvre qui renvoie elle aussi à la Judith et Holopherne du Caravage, elle aussi emblématique :

On voit que tout en s’inspirant de la technique du peintre :
fond noir,
cadrage serré,
expression des passions,
monumentalité des personnages,
réalisme des vêtements,
Au niveau de la manière de les représenter : Gentileschi utilise des vêtements contemporains, là où le Caravage avait focalisé son attention sur l’horreur, sur le tragique de la scène, avec cette bouche atroce d’Holopherne qui hurle, le sang qui gicle de son cou, avec l’épée qui a tranché toute la tête.
Gentileschi sort de ce tragique de la scène pour en faire une sorte de méditation sur la nécessité d’avoir réalisé cet acte de barbarie pour permettre la grandeur, la survie du peuple juif.
En choisissant un moment postérieur, sur un plateau après, c’est un rappel à Jean Baptiste décapité par Salomé intégration de l’image dans une suite successive d’iconographie. Il quitte Rome pour Gênes où il réalisera plusieurs commandes pour un de ces principaux commanditaires, il sortira un peu du registre de ces compositions aux procédés artificiels comme le Caravage, mais il ira vers un jeu sur la lumière plus vibrant qui se rapproche de la peinture issue du Corrège pour parvenir à un art capable de séduire, un art plus tendre.
Joueuse de luth, 1615, h/t, Washington, National Gallery
 Son évolution le conduit
La Félicité publique triomphant des dangers, vers 1623/1625, huile sur toile, musée du Louvre, Paris

Pour Marie de Médicis, influence des peintres classicisants. Œuvres réalisées à Londres :
Joseph et la femme de Putiphar, h/t, 1626/1630, Windsor, Castle Library

Allégorie de la paix et des arts
Gentileschi développe un style ou la couleur, la lumière est adoucie par une lumière plus rayonnante, plus scintillante.
Artemisia Gentileschi (Rome 1593/Naples 1651)
Violée, un lourd passif, ce qui a peut être influencé ce gout pour les sujets tragiques et morbides. Autoportrait, 1630, h/t, royal collection, Windsor, Royal Collection, Angleterre

Témoigne de l’essor important des femmes dans l’histoire de l’art en tant que membre important de la société. |