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Aux yeux des contemporains, la situation très particulière du fonctionnement de la 5ème est vécue comme la pratique très personnelle du général de Gaulle. En France démocratique, jamais personne n’avait cumulé autant de pouvoir. Tout se fait en décalage par rapport à la lettre de la constitution. Cette ambiguïté peut aussi être due de façon plus pernicieuse à la réforme de la constitution de 1962 qui instaure le suffrage universel pour les élections présidentielles. SECTION 2- UN DOUBLE CIRCUIT DE LEGITIMAION ET D’ATTRIBUTION DU POUVOIR DU GOUVERNEMENT
Or, par rapport à cette situation générale, la situation française est tout à fait particulière. A- La singularité française Au regard des régimes parlementaires modernes, notamment européennes, la situation française est tout à fait singulière parce qu’au circuit classique, la réforme de 1962 ajoute un 2ème circuit d’attribution du pouvoir, il en résulte une situation extrêmement complexe. L’attribution complète du pouvoir gouvernant à un camp politique dépend non pas de une, mais de deux élections, qui toutes deux mobilisent le même corps électoral. Existe bien entendu le risque que ces élections donnent des résultats divergents. La situation est d’autant plus complexe que ces deux modes d’attribution du pouvoir étaient jusqu’en 2000 déconnectées dans le temps : il existait un cycle de 35 ans. 1958 : élections présidentielles et législatives. 1962 : dissolution de l’assemblée nationale. 1965 : élections présidentielles. 1967 : législatives. 1968 : législatives (dissolution). 1969 : présidentielles (démission de de Gaulle). Pompidou. 1973 : législatives. 1974 : présidentielles. VGE 1978 : législatives. 1981 : présidentielles. Mitterrand. 1981 : législatives (deux mois après présidentielles). 1986 : législatives. 1988 : présidentielles. Cohabitation de 1986 à 1988. 1988 : législatives (dissolution). 1993 : législatives. 1995 : présidentielles. Chirac. Cohabitation. 1997 : législatives. Dissolution. 2002 : présidentielles. Chirac. De 1958 à 2002, le pouvoir des gouvernants a été attribué pour des durées très variées. Non seulement on ne sait pas qui gouverne, mais on ne sait pas non plus pendant combien de temps, temps généralement inférieur au mandat de l’assemblée nationale. Ce double circuit d’attribution du pouvoir instaure un mécanisme qui potentiellement réduit la durée du pouvoir gouvernant et porte atteinte à la stabilité du pouvoir exécutif. Le cas français est unique. Examinons maintenant ces deux circuits. B- Le circuit parlementaire : le 1er ministre, les élections législatives et la majorité La 5ème institue une bizarrerie institutionnelle unique en son genre dans les régimes parlementaires qui consiste à attribuer le pouvoir aux gouvernants selon deux circuits. Le circuit parlementaire est le circuit traditionnel des régimes parlementaires, mais cela ne signifie pas que c’est simple. Evidemment, le problème politique fondamental, c’est que les élections législatives ne donnent pas toujours un résultat politique très lisible, c'est-à-dire qu’elles ne permettent pas toujours de distinguer des majorités cohérentes ou un leader ayant vocation à prendre la tête du gouvernement. Il n’y a pas d’équation simple permettant de passer des législatives au gouvernement. Il existe beaucoup de variables liées aux élections, notamment le mode de scrutin. Certains modes de scrutin favorisent le regroupement des partis et la limitation de leur nombre, alors que d’autres modes de scrutin favorisent le multipartisme, et rendent plus difficile la constitution d’une majorité au gouvernement et favorisent l’instabilité gouvernementale. Les scrutins majoritaires favorisent une bipolarisation de la vie politique au détriment d’une juste représentation des électeurs, alors que les scrutins de listes sont plus justes, mais moins efficaces pour produire des gouvernements stables. C’est ce qu’on dit… En réalité, les choses sont beaucoup plus compliquées. Il faut retenir que le scrutin majoritaire, en dépit de sa dénomination, ne conduit pas toujours à une limitation du nombre des partis et à la mise en place d’une majorité stable. En effet, pour qu’un mode de scrutin majoritaire conduise à des majorités, il existe toute une série de variables qui vont peser ou pas dans cet effet majoritaire :
Le système majoritaire n’empêche pas l’émergence de partis politique en dehors des forces majoritaires (FN). Le circuit parlementaire d’attribution du pouvoir au gouvernant ne dépend donc pas que des élections législatives. C- Le circuit présidentiel : le président élu directement par le peuple Examinons d’abord l’histoire de cette évolution, puis son cadre juridique. a- Historique et apprentissages L’élection du PR au s.u est de toute évidence une évolution majeure, ceci dit, ce n’est pas une nouveauté, et l’idée vient de très loin. En effet, fin 19ème s début 20ème s l’idée émerge qu’il faut que le PR, pour pouvoir être véritablement le garant de l’intérêt national, doit être au-dessus des politiques partisanes. Toute la question alors est de savoir quel est le corps électoral qui doit élire le président : l’ensemble des électeurs, ou bien un ensemble plus large que le parlement, mais pas étendu au peuple dans son intégralité :
o De Gaulle craint de se voir opposé le précédent de 1848, et de se voir reprocher un régime autoritaire et plébiscitaire. o Le PR de 1958 est aussi le président de la « communauté » (hors métropole) : devrait-on faire voter ou non les colonies ? o La crainte de la victoire du candidat du PC. Est mis en place un collège électoral élargi, composé de l’ensemble des parlementaires, d’élus locaux, et de représentants de DOM TOM, soit au total un peu plus de 80 000 personnes. Pour la majorité, ce sont des notables locaux, notamment des communes rurales. Ce système favorise la France un peu conservatrice. L’élection de 1965 se fait en appliquant la révision constitutionnelle de 1962, c’est à dire au s.u. Pourquoi ce changement ?
Toutes ces transformations politiques facilitent l’instauration du s.u. Mais le régime de la 5ème reste fragile, tout du moins dans la pratique instaurée par de Gaulle, du fait que le régime tient sa signification entièrement sur les épaules du général. D’ailleurs, le déclencheur de la révision de 1962 est un attentat contre de Gaulle au Petit Clamart… Que serait-il advenu si de Gaulle était mouru ? Seul contre tous, de Gaulle engage cette révision, et ce sera un succès, adopté par référendum du 28 octobre 1962 à 62,5%. Double victoire, du fait que les législatives qui suivent sont remportées par les gaullistes. La question, c’est qu’au-delà de cette victoire, on se demande si l’instauration du s.u suffira à pérenniser la pratique de de Gaulle.
b- Les règles juridiques constitutionnelles On va analyser 3 dimensions : la période électorale, la candidature, et la campagne. La période électorale. Il faut distinguer la situation normale de celle… pas normale.
La candidature La constitution prévoit une élection à 2 tours, du moins si l’un des candidats n’a pas obtenu la majorité absolue des suffrages au 1er tour.
o En 1962, il fallait au moins 100 signatures de parlementaires ou d’élus locaux dans au moins 10 départements. o Mais cela ne suffit pas, et le conseil constitutionnel, le 24 mai 1974, en même temps qu’il proclame l’élection de VGE, propose d’instaurer un filtrage plus sévère aux candidatures. o Est instauré donc en 1976 un système de filtrage plus sévère : dorénavant, toute citoyen ayant capacité d’électeur peut se présenter aux élections à la condition de recueillir le parrainage de 500 élus locaux, parrains devant appartenir à 30 départements différents, et le nombre de parrains issus d’un même département ne doit pas dépasser 10%. Il suffit en effet d’empêcher la candidature de notables locaux. Ce parrainage doit parvenir au conseil constitutionnel 18 jours avant le…1er jour de scrutin (?) Les parrains ne peuvent parrainer qu’un seul candidat. Les noms des parrains sont publiés (dans la limite de 500). La liste des candidats est publiée 15 jours au moins avant le 1er jour de scrutin. Les candidats doivent aussi fournir des déclarations de patrimoine : seule celle de l’élu est publiée au JO. Ce durcissement est très relatif : 16 candidats en 1002. Si un candidat décède avant la fin des élections, les élections peuvent être faussées. La constitution dispose désormais, depuis 1976, que : o Si moins de 30 jours avant la date de clôture des parrainages, une personne a fait connaître son intention d’être candidate. Si cette personne décède dans les 7 jours avant la date de clôture de la fin des parrainages, alors le conseil constitutionnel peut décider du report des élections. o Si le décès ou l’empêchement intervient après la clôture du dépôt de candidature, à ce moment là, le conseil constitutionnel est obligé de reporter les élections, qui décide seulement de combien elles sont reportées.
La réglementation de la campagne électorale Officiellement, elle est très brève : 15 jours pour le 1er tour, 8 jours pour le 2nd. En réalité, elle est beaucoup plus longue : nous sommes déjà en campagne pour les présidentielles de 2007. Mais ce n’est que cette campagne officielle qui est réglementée, et de plus en plus réglementée : Elle est placée sous la surveillance d’une commission nationale de contrôle, dont la mission est de s’assurer de l’égalité de tous les candidats sauf dans le domaine audiovisuel (rôle du CSA). |