partons de 1849 : 2ème république, s.u masculin.
Durant environ 50 ans, on va assister à une redéfinition complète de la politique. Apparaissent les partis, les professionnels de la politique, ceux qui vivent par et pour la politique comme le dit Weber.
Dans le même temps, on assiste à des transformations sociales absolument considérables : l’urbanisation, le développement des transports, de l’industrie…
Cela donne lieu à la création de classes et de luttes.
Tandis que la démocratie parlementaire s’installe en France, surtout dans la 3ème, et bien les critiques commencent à se multiplier à la fin du 19ème surtout à l’encontre du s.u masculin : les nouveaux professionnels confisquent la souveraineté du peuple, confondent intérêts personnels et intérêts du peuple, favorisent les conflits de classe. C’est un peu la lutte de la France d’en haut et de la France d’en bas.
Le problème est l’apparition d’une classe politique autonome qui confisque le pouvoir.
Les critiques viennent de gauche, mais surtout de droite.
Il y a un énorme racisme de classe.
Discours très conservateurs, très dur contre le s.u car émergence d’une élite populaire qui ne sait pas se tenir…
Les professeurs de droit contestent le régime parlementaire, et proposent de remplacer le principe de souveraineté nationale hérité de la révolution, par le principe de souveraineté de l’Etat.
Pourquoi ? Parce que l’assemblée ne peut être représentative de l’intérêt général : la seule chose qui ne bouge pas, c’est l’Etat : l’Etat, ce sont des personnes, des groupes qui ont adhéré à l’Etat.
Le corps électoral ne serait qu’un organe de l’Etat, de même que le législatif. Le parlement n’aurait pas le droit de définir l’intérêt général… Seul le pourrait l’Etat, par l’intermédiaire des juges… et au final des professeurs de droit, qui forment les juristes, les fonctionnaires, les ministres…
Se diffuse l’idée d’une limitation de la souveraineté parlementaire au profit de ce qu’on appelle l’Etat, par l’intermédiaire des juristes, en particulier des professeurs de droit.
Pour faire contrepoids au s.u, il faudrait une autre forme de représentation, qui serait fondée sur la représentation socioprofessionnelle.
Emerge l’idée d’une conception corporatiste de la société, pour créer un consensus social et donc une meilleure efficacité gouvernementale et sortir des conflits de classe.
Et puis arrive l’évènement fondamental : la guerre de 1914-1918. La langue se nationalise. Le modèle s’infléchit, différents réformateurs vont commencer à redéfinir les qualités nécessaires pour exercer des fonctions politiques : il faut d’autres qualités que celles d’être élu, ou de parler le langage du droit. Il faut être compétent, efficace, prévoir.
L’action publique doit devenir scientifique, rationnelle, pour être plus efficace et permettre une union nationale transcendant les clivages sociaux. L’action publique doit donc être l’affaire des techniciens, et en particulier des experts économiques.
Les instruments de la science économique sont considérés comme la condition première de mise en place d’une politique de création de richesses, de prospérité pour toutes les classes.
Cela amène une critique du magistère de la parole, c'est-à-dire des juristes, des avocats, qui étaient majoritaires au parlement. A l’époque, le langage du droit, c’est celui du conservatisme, de la propriété, etc. C’est l’image d’une France rurale qui ne bouge pas.
Les réformateurs veulent adopter un langage qui s’inscrit dans le mouvement, moderne.
Le langage de l’expertise économique est perçu comme ce langage.
Sur le plan institutionnel, pour les réformateurs, ce dynamisme, cette capacité d’expertise ne peut résider dans le parlement, mais dans le gouvernement, par les forces vives de la nation, c'est-à-dire les représentants des groupes socioprofessionnels.
La représentation publique doit être le fruit d’un dialogue entre gouvernement et représentants des forces vives.
Il s’agit de replacer la place du parlement dans le jeu institutionnel : il ne doit plus être le lieu des impulsions, des décisions de la vie politique : il ne doit être qu’un arbitre ultime en cas d’échec des techniciens pour définir l’intérêt général.
Il y’a d’un côté le gouvernement et ses experts, et de l’autre côté le peuple, et au milieu, le parlement a un rôle moindre.
Un tel schéma institutionnel suppose une véritable autonomie de l’exécutif, et en particulier un renforcement de la séparation des pouvoirs sur le modèle du présidentialisme américain.
o Le président de la république ne doit plus être élu par le parlement, mais par un collège élargi. L’idée du suffrage universel direct n’est pas encore acceptée du fait qu’il a été utilisé pour Napoléon.
o Ce président de la république, c’est lui qui doit choisir le 1er ministre, qui doit être détaché de portefeuille ministériel, c'est-à-dire qu’il doit avoir comme seule tâche de diriger le gouvernement.
o Le gouvernement lui-même est considéré comme une instance collégiale et solidaire. Ces ministres doivent être recrutés en dehors du parlement sur des critères de compétences techniques. Sous la 3ème, les ministres sont soient issus du parlement, soit des militaires. Les ministres sont avant tout responsables devant le président, et non pas devant le parlement (seulement subsidiairement).
On cherche un renforcement de l’autorité gouvernementale liée à la fois à l’autonomisation la plus forte possible du gouvernement, mais aussi aux qualités des ministres.
En plus de ce renforcement du gouvernement, on cherche aussi une sorte de mystique du chef, un chef au-dessus des partis, des contingents politiques, une sorte d’oracle. Naît l’idée que la cohésion de la société française n’est possible que s’il y a un chef.
Arrive la 2nde ww, qui s’avère être une période incroyable de discussion institutionnelle :
o D’abord à Vichy, où va s’expérimenter ce rêve un peu technocratique de la France, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a plus de parlement, mais que des hauts fonctionnaires Ex : tous les gens ont été fichés grâce au numéro de sécurité sociale qui a été inventé à l’époque.
o Cela est encore plus flagrant chez de Gaulle, via le comité général d’études, qui est un cabinet de la résistance qui va pousser très loin la réflexion constitutionnelle.
En réalité, en 1946, le discours de Bayeux de de Gaulle est somme toute très banal : il n’est que l’expression des idées qui germent depuis 1920.
C’est la fin du rêve technocratique : c’est un régime parlementaire qui est mis en place en 1946.
Le mouvement va repartir dans une action beaucoup plus large. B- La mobilisation réformatrice Politiques, spécialistes des sciences sociales et hauts fonctionnaires vont être à l’origine d’un grand mouvement de mobilisation : on assiste à une redéfinition du pouvoir, de l’action publique, par des hommes comme Pierre Mendès France.
1er facteur de mobilisation : facteur de modernisation
Ce mouvement a pour particularité de reprendre des idées des années 30, telles que la valorisation du langage économique au détriment du langage juridique classique, celle du gouvernement au détriment du parlement…
Nous sommes dans une période de reconstruction : la France est alors malade… Les bidons villes pullulent, la tuberculose apparaît…
Il va falloir investir énormément pour tout reconstruire et planifier cette reconstruction, reconstruction des logements, de l’activité industrielle, de la production agricole…
La France s’engage dans une politique de planification étatique.
Ce contexte là est un peu euphorique, dynamique, ce qui est porteur pour les groupes qui veulent reconstruire la France. On prend des initiatives de modernisation du pays.
2ème facteur : les progrès économiques
Avec l’émergence de la diffusion des théories keynésiennes, qui portent en elles un modèle où l’Etat joue un rôle majeur. On met aussi en place une comptabilité nationale et des nouveaux instruments statistiques…
L’économie apparaît alors grâce à ses modèles macroéconomiques comme un modèle de rationalisation de l’Etat, de mesure de l’efficacité.
L’économie devient politique : les réformateurs vont trouver des alliés chez les économistes.
Un 3ème facteur : un courant de pensée des EU et proclamant la fin des idéologies
Selon ce courant, on arrive dans une société de masse, plus harmonieuse, consensuelle, qui aspire avant tout au bien être matériel, et où les individus ne sont pas intéressés par les luttes partisanes, politiques, où les gouvernants agissent par persuasion, et où les conflits ne sont plus que des conflits techniques d’allocation de ressources.
La société conflictuelle de la fin du 19ème s laisse la place à une société plus matérielle, plus apaisée.
Cette idée est reprise à droit comme à gauche.
Ce n’est pas une idée complètement stupide, redisons le encore : on entre dans la modernité (électroménager…).
La Vème république, c’est la machine à laver… plus les cadres : cette catégorie professionnelle apparaît dans le milieu des années 50 que créé l’INSEE, et qui la définit en fonction du niveau d’instruction.
La compétence technique va être le moteur de la société.
Le commissariat général au plan :
Ce projet de réforme existe physiquement au sein de l’administration de la planification, qui est le fer de lance de la reconstruction, c'est-à-dire au sein du commissariat général au plan, dont la tâche est avant tout de gérer la reconstruction. Il est relié au 1er ministre.
On va assister en son sein à une alliance entre hauts fonctionnaires et représentants des forces vives. Le commissariat général au plan va être vécu comme une alternative institutionnelle au parlementarisme, qui semble incapable de gérer la reconstruction. La démocratie va se faire par la participation des groupes socio professionnels à la définition de l’intérêt général. C’est un lieu neutre, d’universalisation des intérêts particuliers.
Petit à petit, ce commissariat général au plan va devenir un lieu de rencontre, de circulation des idées. Dans ce réseau donc, on retrouve :
Des hauts fonctionnaires, qui sont très jeunes (environ 30 ans), généralement passés par les réseaux de la résistance. Les vieux eux sont un peu mouillés par le régime de Vichy. Ils ont des profils un peu atypiques, sont tous liés du fait de la résistance, et se retrouvent ainsi à des positions clefs de l’Etat.
Ils rêvent d’une administration scientifique de l’Etat, débarrassée des calculs politiques.
Des fractions modernisatrices du syndicalisme ouvrier chrétien, et en particulier un mouvement de la CFTC, qui s’appelle Reconstruction. Associés à la CGT entre autres, ils essaient de mettre en place un syndicalisme responsable, gestionnaire, et non pas uniquement de contestation.
Des représentants du syndicalisme patronal, issu du centre des jeunes patrons, qui cherchent à imposer l’idée d’un patron de compétences, en opposition à l’image du patron propriétaire.
Des réformateurs du syndicalisme paysan, pour rationaliser les processus de culture…
Des spécialistes des sciences sociales : sociologues, économistes, politologues.
Tous ces acteurs très hétérogènes vont se retrouver dans la planification où ils vont trouver un relais à la planification et à la rénovation ; ils sont reliés par un certain nombre d’idées, c’est la revendication d’un leadership fondé sur la compétence technique :
C’est l’idée que les gouvernants doivent avant tout être compétents.
C’est l’idée que l’économie doit être l’instrument de décision politique.
C’est l’idée de l’anachronisme des luttes de classe.
C’est l’idée du rejet du parlementarisme et des députés préoccupés par leur intérêt personnel, et de toutes ces choses intentatoires à la démocratie.
L’influence de la planification se fait sentir au-delà :
Tous les acteurs vont très rapidement investir les écoles de formation des élites en France (Science-po, ENA…).
On forme à l’économie tous les ingénieurs en France.
Se créé une nouvelle presse destinée aux cadres, aux réformateurs. Le Monde aussi joue un rôle de relais des idées.
Derrière cette vague modernisatrice s’opposent en réalité deux mouvements :
Les parlementaristes : conservateurs.
Les modernisateurs : révolution institutionnelle visant à renverser les rapports de force.
Au moment où se met en place la 5ème, c’est ce conflit qui occupe la scène publique.
SECTION 2 : COUP D’ETAT SYMBOLIQUE ET RELAIS D’ELITES Le changement constitutionnel, nous l’avons vu, est étroitement lié à la guerre d’Algérie, ce qui explique que le pouvoir politique ait démissionné face au général de Gaulle, pour légitimer l’activité politique et retourner à la paix civile. Aux yeux des contemporains, est aussi en jeu une sorte de transformation des élites, l’avènement de la 5ème signifie pour beaucoup la fin des politiques traditionnelles et l’apparition au sein des gouvernants de nouveaux acteurs : les technocrates.
On peut ainsi parler de coup d’Etat symbolique : redéfinition brutale, conflictuelle de l’Etat, de ses acteurs, des modes de légitimation de l’action au sein de l’Etat.
Pour les contemporains du changement constitutionnel, qui savent qu’ils ont échappé de peu à un coup d’Etat, est donc en jeu le changement d’élites. Coup d’Etat symbolique :
C’est d’abord la procédure d’élaboration de la constitution elle-même, qui rompt de façon très nette avec la tradition démocratique, notamment par l’exclusion d’une assemblée constituante, que ce soit par une assemblée ad hoc ou par le parlement.
Il y a une redéfinition en acte des qualités requises pour agir en espace public.
o Le fait que le ccc soit composé de non professionnels de la politique et qu’en plus qu’il ne délibère dans les formes habituelles de la délibération (il ne vote pas), et bien c’est quelque chose de vraiment… nouveau.
o En 2nd lieu, pour ajouter à la rupture, le travail constitutionnel se fait en secret, de façon bureaucratique, alors qu’avant, la procédure se faisait sous les yeux du public.
La décision politique ne se fait plus tel qu’on y était habitué.
On se demande alors qui est l’auteur de la constitution. Par facilité, on va dire que c’est le général de Gaulle, en ignorant Debré (garde des sceaux) et les hauts fonctionnaires.
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