Tendre l’oreille Par le conseil social au sein d’un service de consultation, le travail de l’assistante sociale vise à maîtriser, avec la personne concernée, la vie avec une déficience visuelle à l’aide de stratégies individuelles. Beatrice Acuña
Madame E. vient me voir aujourd’hui pour un entretien de conseil. Je prépare un petit choix de moyens auxiliaires usuels : réveille-matin muni de gros chiffres, appareil électronique de lecture de livres et de mémos audio, canne blanche pliable. Par ailleurs, j’ai réuni des informations sur des cours, des activités et l’adhésion à la Fédération suisse des aveugles et malvoyants (FSA). Au téléphone, Madame E. a exprimé qu’elle se sentait prête, désormais, à s’initier aux moyens auxiliaires et à l’offre de cours.
De l’espace pour discuter
En situation de crise, la pensée, le vécu et l’action sont obnubilés par des sentiments accablants. La réflexion tourne en rond. Il devient difficile de reconnaître ses capacités, ses capacités d’agir, ses potentiels. C’est pourquoi il est important, au cours de l’entretien de conseil de la consultation sociale, que les personnes affectées d’un handicap visuel trouvent pour leurs problèmes une écoute attentive.
Madame E. est venue dans notre service de consultation il y a deux mois pour un premier entretien. Elle nous avait été adressée par son ophtalmologue, afin de vérifier par une évaluation low-vision comment son acuité visuelle résiduelle pouvait être utilisée au mieux. Madame E. plaçait beaucoup d’espoir dans cette évaluation et fut très déçue d’apprendre que sa capacité de lecture ne pouvait guère être améliorée. A la fin de l’évaluation, elle eut un entretien avec moi, l’assistante sociale.
Lors de ce premier entretien, Madame E. ne manifesta pas d’intérêt pour les moyens auxiliaires, les conseils bien intentionnés et les techniques spécifiques à la malvoyance. Elle était complètement accaparée par ses sentiments. Quand je lui ai demandé comme elle se sentait, elle explosa : on ne pouvait rien faire, la maladie était incurable ; elle ne savait pas comment ça allait continuer; elle ne pouvait plus lire, elle ne pouvait plus s’adonner à ses occupations favorites. Madame E. parla de sentiments de colère et de tristesse, elle exprima ses appréhensions et ses peurs.
Il faut une soupape pour ces sentiments accablants. Le service de consultation, un lieu neutre, rend possible ce qui ne trouve en général pas de place dans le cercle familial. Car, le plus souvent, les proches sont eux aussi très affectés par la situation. C’est pourquoi la personne malvoyante s’efforce d’être courageuse et de garder sa souffrance secrète.
Nouveaux points de vue
Une déficience visuelle a des effets brutaux sur la vie quotidienne. Il est alors indispensable de fixer d’autres priorités, de modifier les points de vue et de s’initier à de nouvelles techniques.
Nettoyer les vitres à fond est, pour les personnes malvoyantes, une entreprise généralement vaine. A l’aide de la contribution d’assistance, elles peuvent en revanche s’offrir une femme de ménage. Ainsi, une femme déficiente visuelle n’est pas une mauvaise maîtresse de maison mais une bonne gestionnaire.
Pour parvenir à cette attitude assurée, il faut le temps de faire le processus de deuil avant de pouvoir s’ouvrir à la nouveauté. Dans les services de consultation pour personnes malvoyantes, l’accompagnement des personnes concernées dans un tel processus fait partie des tâches des travailleurs sociaux.
Maintenant que Madame E. a digéré le premier choc, elle est intéressée à en savoir davantage sur les moyens auxiliaires, les techniques et les opportunités de loisirs. Il en existe une quantité que je peux désormais lui faire connaître.
Encadré: Beatrice Acuña est assistante sociale et dirige le Service de consultation pour déficients visuels de la Fédération suisse des aveugles et malvoyants à Zurich.
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