L’apparent pêcheur et vrai poivrot Et au même moment Le long des eaux entraînantes Pour ne pas dire amicales et pacifiques et guillerettes et Rapides de la rivière Dont les bords rebondissaient de glace épaisse Le reflux du haut le long des rives gelées se faisait très délicatement, doucement Vers le bas, vers le fond En frottant légèrement sur le gravier Donc de petits cailloux fins Et des galets Donc des pierres plus grosses Et par-dessus la pierraille Donc des cailloux plus grossiers Et les polissait légèrement Donc les ponçait par-dessus Et fouissait un peu le gravier et le brassait un peu Le faisait tourbillonner Si bien que les petits cailloux se frottaient entre eux Et frottaient les cailloux plus rustiques Donc ils frottaient et crissaient passablement Mais à cause du léger couvercle de glace le son était assez différent Et le fait est que ce couvercle glacé altérait le crissement Qui s’élevait pacifiquement du fond En une aimable sourdine et le réprimait L’opprimait donc et le rendait donc presque inaudible Et du coup crissait lui-même et plus fort Pour sa part sous la pression du courant Qui était fort Et couvrait ainsi le son Qu’en bas les petits cailloux produisaient à cause du reflux Et c’est ainsi qu’à force de gentillesse Le reflux perdit courage Et perdit donc en tout cas Autant dire de toute façon Sa timide réticence et perdit son propre chemin de retour Renonça donc Céda donc Capitula donc Se relâcha donc Se montra désormais désireux De reprendre le chemin ordinaire vers le courant Conflua pour ce faire vers le milieu de la rivière et se rangea dans le courant Se perdit dans le courant entraînant Désespéra S’embarrassa S’abandonna Se laissa aller Participa de bon cœur Fit pacifiquement sa part Suivit vite le rythme Se plia au courant Mais ressentit ensuite à nouveau une réticence Quoique débonnaire Bon enfant Légère Reprit courage Pour éviter de continuer à participer quand même Quand même éviter de marcher du même pas Se faufila légèrement vers l’extérieur Contre les rives Bifurqua hors du courant Se poussa en toute confiance sous la glace Pour à nouveau rechigner et résister Et redevenir un contre-courant au courant Et y parvint et se fit à nouveau un peu non-conformiste Entretemps la nuit était vraiment tombée et absolument normale et bien claire Donc d’une teinte unie et bien bleu marine partout Et la lune vraiment était tout à fait d’or pâle et gigantesque et Pleine Et la rivière était large et elle était bleu marine Comme l’immobile ciel nocturne Car dans le ciel là-haut il n’y avait pas d’étoile C’était donc un bleu marine glabre et austère sauf la lune solitaire Nue Donc pure Donc dépouillée Donc étincelante Pleine Donc entière Donc potelée Donc pansue Donc grasse et rebondie Donc énorme Lasse Donc fade Donc paresseuse Donc mate Donc hâve Donc pâle Donc une lune d’or blanc Mais les étoiles étaient visiblement tombées là sur la rivière Et papillonnaient et chaloupaient et scintillaient et rutilaient avec éclat de leur or blanc Sur les rapides Donc fuyant en toute hâte Flots bleu marine
Souples Apparemment les étoiles étaient tombées sur la rivière Mais n’étaient pas tombées dans la rivière Elles n’avaient donc pas sombré Aussi n’y avait-il pas de lumière dans la rivière Pas de bleu marine et pas d’or Pas au milieu Où le courant était fort Pas au bord sous la glace Aussi en cet endroit il faisait noir de noir Et dans ce noir tourbillonnait un hameçon Une fois vers le haut Une fois vers le bas Et fouissait au fond dans les petits graviers et s’accrochait aux pierres Un lourd hameçon tout seul et sans rien Accroché à une ficelle Qui remontait dans le noir de noir puis surgissait dans la nuit bleu marine
Et là Dans une nuit si bleue Le long de la rivière Sur le couvercle de glace bleu marine Un bonnet de fourrure sur la tête Muni d’une pièce qu’on pouvait abaisser De sorte qu’il descendait bien bas et couvrait chaudement les oreilles comme un duvet Dans une épaisse veste Ouatée Moelleuse Dans des bottes de sorte Donc lourdes Fourrées Dans un pantalon de laine gris anthracite La longue gaule dans une main La poignée plus épaisse coincée sous l’aisselle Dans l’autre main une petite flasque de métal Argentée avec un bouchon à vis Dont le couvercle pendouillait à une chaînette le long de son corps Et dont l’orifice du goulot était à la bouche de celui à qui appartenaient les mains Qui écoutait le son de la rivière bizarrement atténué et contenu à cause de la glace Et qui entendait Venant de la ville au loin Sonner des cloches tendrement cristallines Et celles brutalement basses de l’irrévérencieuse cathédrale
Qui reniflait constamment Donc en plissant son nez à la teinte de pourpre cardinalice Qui était vaguement bleu marine dans l’obscurité Et semblait donc dans l’ensemble violet Mais que nul ne voyait Car nul n’était dans les parages Donc nul n’en était gêné La piquette froide Qui donnait agréablement chaud À la bedaine Que l’on sentait donc arriver dans le ventre
L’allègre Donc amical et paisible et convivial Apparent pêcheur et vrai poivrot Considérant le cours d’eau glacé Et la glace écrasée crissant sous ses bottes Et sonné par la chaleur Qui l’envahissait à chaque gorgée Eleva sa voix ébréchée et rauque de rhapsode dans la nuit Et psalmodia Et modula Alléluia Alléluia
Photo: Sur fond noir, rempli d'un breuvage rouge intense, le verre d'apéritif et les glaçons se révèlent à la lumière. Avec pour légende: Les pronostiqueurs des tendances de la mode se livrent une lutte acharnée: après le Hugo orange de 2012 et le Lillet jaune miel de 2013, quel sera le prochain drink de l’été. Se peut-il, comme le suggèrent Erik Wåhlström et Daniel Carsten, qu’il s’agisse d’un simple Campari Soda rouge grenat proposé dans le verre le plus simple qui soit? Erik Wåhlström / Daniel Carlsten
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