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Le Japon en guerre
En juillet 1937, à la suite d'altercations entre troupes japonaises et armée chinoise nationaliste près du pont Marco Polo, le Japon envahit les régions côtières de la Chine. Par des offensives éclaires, l'armée japonaise occupe rapidement les principales villes et voies ferrées. Bien que la Chine soit faible, divisée entre communistes et nationalistes, l'armée japonaise rencontre une importante résistance en s'enfonçant dans l'intérieur des terres. Les troupes japonaises pénètrent dans Nankin, la capitale nationaliste, et provoquent le plus grand massacre en Extrême Orient pendant la deuxième guerre mondiale : sac de Nankin, 300 000 morts. A l'heure actuelle le gouvernement japonais refuse toujours de reconnaître une partie des faits. Pour accélérer la conquête de la Chine, le Japon met au pouvoir à Nankin en mars 1940 Wang Jingwei, qui contrôle les régions côtières au profit du Japon; et signe avec ce faux gouvernement chinois un traité de paix le 30 juillet 1940. Ce traité tente de légitimiser les opérations militaires japonaises à l'intérieur des terres. Malgré de nombreux bombardements, les Japonais ne parviennent pas à s'assurer le contrôle de la totalité de la Chine. Le conflit s'éternise jusqu'en 1945. Bien entendu, à la défaite japonaise, les satellites japonais en Chine que sont le Manzhouguo de Puyi et le gouvernement de Nankin de Wang Jingwei disparaissent.
Cette période de guerre est aussi marquée par des réformes de l'économie. Dès mars 1938 est votée la loi de mobilisation générale, "Sôdôinhô", destinée à contrôler différents aspects de la société, notamment l'économie, pour mettre en place un effort de guerre efficace. En 1937 déjà le Kikakuin, (agence de planification) regroupement de hauts fonctionnaires, avait pour mission d'adapter l'économie à l'effort de guerre. La loi de mobilisation générale, Sôdôinhô, assure le contrôle des mouvements de capitaux, des investissements, des prix, des importations de matières premières et des salaires. Elle permet de museler la presse. Elle est à l'origine de la cartellisation des entreprises, concentration des forces, qui bénéficie largement aux zaibatsu. La branche industrie lourde de Mitsubishi voit son capital multiplié par 20 entre 1937 et 1945. La moitié des banques disparaissent au profit des banques des zaibatsu. Sur le plan social, il est créé en 1938 une "association patriotique pour le service industriel" Sangyôhôkokukai, censée remplacer les syndicats de travailleurs et de patrons. L'idée que patrons et travailleurs puissent avoir des intérêts divergents s'oppose à l'idéologie impérialiste ultra-nationaliste. L'image du patron oeuvrant main dans la main avec ses ouvriers pour le bien de la nation se veut le modèle à suivre par tous. Les syndicats sont dissolus en 1940, même s'ils avaient déjà fortement diminué dans les années 30 suite à cause de persécutions. Les réformes changent le paysage économique et social du Japon durablement, par exemple installent les zaibatsu sur le devant de la scène. On compte aussi parmi ces reformes quelques acquis sociaux, comme la mise en place de caisses de retraite dans les entreprises, d'un salaire à l'ancienneté, et surtout mensuel (avant cela, les employés étaient payés à la journée, et selon le bon vouloir de leur employeur). Ces lois sociales sont acceptées dans l'optique de la mobilisation générale et des idéaux impérialistes, les ouvriers étant tous des serviteurs de l'empereur. Les réformes faites à l'époque du système financier sont toujours en vigueur aujourd'hui. Avant la deuxième guerre mondiale, le système financier japonais ressemblait au système occidental : il y avait de grandes entreprises aux mains de grandes familles, et des actionnaires, ce qui donnait un rôle important à la bourse. Le Kikakuin, pour s'assurer que les bénéfices engrangés par les entreprises vont au bon endroit, sont bien investis et réinvestis, limite le montant des dividendes distribués aux actionnaires. Il crée des relations privilégiées entre certaines banques et les industries, ces banques sont obligées de financer des entreprises d'armement. Ce système d'investissement par des banques contrôlées par l'Etat est toujours de mise aujourd'hui, et l'actionnariat limité.
A partire de 1941, le Japon entre dans une nouvelle phase de la guerre. En septembre 1940, Matsuoka Yôsuke, ministre des affaires étrangères, signe le pacte tripartite avec l'Allemagne et l'Italie, puis un pacte de neutralité avec l'URSS en avril 1941. Le gouvernement japonais est persuadé que ces pactes persuaderont les Etats Unis et l'Angleterre de laisser libre cours à sa politique d'expansion en Asie. Mais il n'en est rien. Bien au contraire, en juillet 1941 les USA imposent un embargo sévère au Japon sur le pétrole et l'acier. Cet embargo met le Japon à mal, mais les troupes japonaises continuent leur avancée vers le sud de l'Asie, envahissent l'Indochine et s'embourbent en Thaïlande et Birmanie. En octobre 1941, Konoe abandonne le pouvoir en faveur de son ministre des armées, le général ultra-nationaliste Tôjô Hideki. Aussitôt à la tête de l'Etat, Tôjô décide d'attaquer les Etats Unis sous prétexte de l'embargo. La marine attaque par surprise le 7 décembre 1941 la base militaire américaine de Pearl Harbor, sur l'île de Hawaii. Les Etats Unis entrent à cette date dans la guerre. Le Japon justifie aujourd'hui encore cette attaque par l'embargo sur le pétrole et l'acier qu'il subissait à l'époque. Les forces japonaises envahissent ensuite les Philippines, l'Indonésie et les îles du Pacifique jusqu'à Midway, île située comme son nom l'indique à mi-chemin entre Japon et Etats Unis. Les Etats Unis sont pris de cours, mais à partir de mi-1942, ils contre-attaquent. Le Japon à du mal à garder le contrôle des pays d'Asie du sud-est. Il les avait envahis au nom de "Daitôakyôeiken", la "sphère de co-prospérité de la Grande Asie". Le Japon se prétendait le devoir de libérer les peuples asiatiques de l'emprise des Occidentaux et de les rassembler sous sa coupe, dans une "sphère de copropriété asiatique". Cette idéologie véhiculée par les théoriciens ultra-nationalistes avait au départ séduit quelques-uns uns, en Inde notamment, mais l'occupation japonaise va se révéler autrement qu'idyllique, et les mauvais traitements que les populations locales vont subir de la part de l'armée vont retirer toute crédibilité à l'idéologie ultra-nationaliste. Le Japon ne va pas réussir à mobiliser les ressources nécessaires pour une guerre qui dépasse ses moyens, les Etats Unis étant à un niveau économique et militaire incomparable. Les ressources japonaises s'épuisent. En juin 1942, premier tournant de la guerre du Pacifique, l'armée états-unienne inflige une défaite aux troupes japonaises sur l'île de Midway. A partir de ce moment, les Etats Unis enchaînent les succès, et reconquièrent les îles du Pacifique. Autre victoire importante, en septembre 1942, à Guadalcanal, au large de la Nouvelle Guinée. Les pertes humaines sont nombreuses, mais les combats suivants apportent des victoires sans trop de peines. En juillet 1944, les Etats Unis prennent le contrôle de l'île de Saipan, à partir de laquelle ils vont pouvoir faire décoller leurs bombardiers qui vont aller pilonner les villes japonaises. Ces bombardements, notamment celui de Tôkyô, réduite en cendre, causeront plus de mort que les bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki. En avril 1945, les Marines posent le pied sur le sol d'Okinawa, qui va être le dernier théâtre d'une guerre sanglante. On assiste à de nombreux suicides collectifs de la population. Le général Tôjô démissionne dès la chute de Saipan. A la défaite d'Okinawa, un Premier ministre partisan de l'arrêt des hostilités arrive au pouvoir, l'amiral Suzuki. Mais les généraux ultra-nationalistes refusent de quitter leur poste. En août 1945, le président des Etats Unis Harry Truman donne l'ordre de lâcher 2 bombes atomiques, une sur la ville de Hiroshima le 6 août et une sur la ville de Nagasaki le 9 août Concernant Hiroshima, on dénombre 78 150 morts, 13 983 disparus, 9 428 blessés graves, 27 957 blessés légers, et de 62 000 à 90 000 maisons détruites. Sans compter les nombreuses morts qui découlent, des années après, des radiations. On a compté 7 fois plus de leucémies dans les populations soumises à la bombe atomique d'Hiroshima et de Nagasaki que dans les autres villes japonaises. Ont ils été indemnisés par les Etats Unis ? L'empereur capitule sans conditions, sa capitulation est rendue publique le 14 août et signée le 2 septembre dans le cuirassé Missouri. S'ensuit la première occupation du territoire japonais, pendant 7 ans. L'occupation est une période de réformes intenses, d'inspiration démocratique. VI ) L'occupation américaine et les réformes démocratiques
Le Japon pendant l'occupation est gouverné par le SCAP (Supreme Commander of Allied Power), avec à sa tête le général Mac Arthur. Le SCAP regroupe en fait l'ensemble des forces alliées, mais ce sont réellement les Etats Unis qui dirigent le Japon. Le 3 novembre est 1946 est instituée une nouvelle constitution, radicalement différente de celle de 1889. C'est une constitution démocratique pour un Japon démocratique. L'empereur est dépouillé de sa souveraineté, mais il reste pour sa valeur symbolique. Cela s'explique par le fait que le Japon étant plongé dans une situation économique désastreuse, subissant le chômage et la famine, il parut nécessaire de garder l'autorité morale de l'empereur, qui s'est montré coopératif de surcroît. Il représente l'unité de la nation, mais renonce à son caractère divin et n'est plus le chef de l'Etat. A ce poste il y a le Premier ministre. Le pouvoir législatif appartient aux 2 chambres élues au suffrage universel des deux sexes. Les chambres sont la chambre des Représentants, chambre basse, et le Sénat, chambre haute, qui remplace la chambre des Pairs. Le Premier ministre est un membre de la Diète (ensemble des 2 chambres), choisi par celle-ci. Les anciens sujets de l'empire japonais sont devenus des citoyens d'une démocratie. Leurs droits sont énumérés très largement dans la constitution de 1946. L'égalité des sexes est garantie, la noblesse supprimée, les principes d'un état-providence sont définis clairement. L'article 25 affirme que chaque citoyen japonais a le droit à une vie culturelle et matérielle décente. C'est la fin du paternalisme de l'Etat. On ne raisonne plus en termes de faveurs accordées mais en termes de droits des citoyens. Dans la constitution, on sépare l'Etat et la religion, l'administration shinto est démantelée. L'article 9 interdit au Japon d'avoir une force armée, indique que le peuple renonce à tout jamais à la guerre. Le Japon n'a pas le droit à une force terrestre, navale et militaire, mais en revanche peut se défendre en cas d'attaque. C'est ce qu'on appelle les forces d'autodéfense. En plus de la mise en place d'une constitution démocratique, le SCAP réforme l'éducation. Pour Mac Arthur, l'éducation d'avant-guerre est un des facteurs du fanatisme. On instaure donc 9 ans d'école obligatoire, la création d'universités publiques, la révision complète du contenu des cours, et la suppression du contenu idéologique. Le contenu des manuels scolaires japonais fait toujours à l'heure actuelle l'objet de controverses. Les pays asiatiques accusent le gouvernement japonais d'atténuer sa responsabilité dans les nombreux drames de la période de l'ultra-nationalisme. Au Japon, le syndicat des enseignants, le Nikkyôso, plutôt à gauche, allié au parti socialiste, lutte contre les manuels révisionnistes en usage dans certaines écoles. Si le Nikkyôso, par le passé, a pu empêcher une réforme de l'écriture (les Etats Unis voulaient supprimer les kanji!), ils sont aujourd'hui en perte de vitesse, et on a même vu récemment le drapeau Hi no maru et l'hymne Kimigayo, deux symboles ultra-nationalistes, faire leur entrée fracassante dans les écoles. Le gouvernement d'occupation est aussi à l'origine de deux réformes économiques qui eurent des répercussions sociales et démocratiques :
En octobre 1946 est décidée la réforme agraire, une des plus importantes de l'après-guerre. Auparavant, du fait du jinushiai, la concentration des terres entre les mains d'un petit nombre, les métayers cédaient 60% des récoltes aux propriétaires, et les relations de types féodales dans ce milieu étaient contraires aux idéaux démocratiques. La population rurale étant en plus très nombreuse, c'était un grand nombre de Japonais qui vivaient dans ces conditions. La réforme agraire procède à la confiscation des terres et à leur redistribution. Ainsi, 36% des terres sont redistribuées à 80% de la population, à prix modique. A partir de ce moment, le Japon devient une nation de petits propriétaires. En 1950, seulement 5% des paysans ne sont pas propriétaires. L'économie japonaise à la fin de la deuxième guerre mondiale est contrôlée en grande partie par les 4 grands zaibatsu que sont Mitsui, Mitsubishi, Sumimoto et Yatsudo. Leur domination a commencé pendant Meiji et ils renforcent leur pouvoir pendant la guerre. Au lendemain de la guerre, ils possèdent le quart du capital national et 60% de la construction navale, entre autre. Pour le SCAP, l'influence des zaibatsu est un obstacle à la démocratie. Ils demandent donc dès novembre 1945 au gouvernement japonais de dissoudre les zaibatsu. En réponse, le gouvernement Yasuda présente un plan de démantèlement. Les actions des société-holding des 4 zaibatsu doivent être vendues au public. Ensuite, les managers d'avant-guerre et les membres des grandes familles doivent renoncer à toute responsabilité dans les sociétés-holdings. En plus de cela est votée en 1947 la loi anti-monopole censée empêcher les concentrations économiques excessives. Le gouvernement procède à une purge économique de grande ampleur, nombre de dirigeants vont démissionner. On assiste donc à un vide de pouvoir à la tête des grandes entreprises, ce qui favorise l'explosion du mouvement syndical. La politique de démantèlement ne va pas être menée à son terme. En 1948, les Etats Unis varient un tant soit peu leurs vues sur le Japon. Ils souhaitent s'en faire un allié fidèle dans la guerre froide. Cet objectif passe avant la bonne marche des réformes. En 1951, la purge est suspendue, les anciens managers reprennent le contrôle des entreprises. Les anciens zaibatsu se reconstituent en keiretsu. Les Etats Unis laissent faire car ils veulent un allié puissant économiquement. Autre bémol, la mise à disposition des actions des zaibatsu au public n'a pas remporté le succès escompté. Les Japonais préférant s'acheter à manger ou reconstruire leur maison, ils n'ont pas d'argent pour des actions. Ce sont donc les banques des anciens zaibatsu qui rachètent les actions. Les entreprises font de même, dans une moindre mesure. C'est ainsi qu'apparaît un système d'actionnariat croisé, caractéristique des keiretsu. Les entreprises se rachètent entre elles dans le cercle de l'ancien zaibatsu, et c'est la banque, qui détient la majorité des actions, qui dirige de manière informelle le keiretsu. De cette manière, le zaibatsu Mitsubishi devient le keiretsu Mitsubishi, et pareil pour les autres. Ces quelques années de réformes, entre 1945 et 1951, ont amené 2 acquis incontestables:
(MITI : Ministry of International Trade and Industry) (ministère du commerce international et de l'industrie) Ces réformes vont être complétées par une réforme du droit du travail qui débouche sur une explosion du syndicalisme. |
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