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IV ) Avancées démocratiques et mouvements sociaux pendant l’ère Taishô (1912-1926)
L’ère Taishô dure de 1912 à 1926. La plupart des historiens démarrent la démocratie Taishô en 1905 (émeutes de Shibiya, naissance d’une opinion publique) et la termine en 1932, avec l’assassinat du premier ministre par des ultra-nationalistes. En 1932, les cabinets ne sont plus dirigés par des politiciens. Pendant la période Taishô, les premiers ministres sont des hommes politiques professionnels, cette période est plus démocratique que la période précédente des oligarques et la période suivante des militaires. La démocratie taishô naît avec le déclin des oligarques, du hanbatsu (esprit de clan). Le dernier oligarque, Hito Hirobui, démissionne en 1901, et de 1901 à 1913, deux hommes alternent au pouvoir, chacun sous l’influence d’un clan : le prince Saionji, noble affilié au parti Seiyûkai, issu du Jiyûtô, parti de métalleux soutenu par les zaibatsu ; et le général Katsura, conservateur issu du clan Chôshû. Les cabinets transcendantaux ou chôzen naikaku, ne reflètent aucun parti. Cette période de relative stabilité politique ne sera interrompue que par la crise politique de 1912, taishô seihen. C’est le début d’une politique différente, le pouvoir pour le parlement (jusqu’en 1932). Le cabinet Saionji démissionne suite à la défection du ministre des Armées. Le général Katsura reprend le pouvoir pour rétablir la situation. Le genrô impose son retour. Il est critiqué par le seiyûkai, qui prend la tête d’un mouvement pour la protection d’un gouvernement constitutionnel ken sei go undô. Ce mouvement fait chuter le cabinet Katsura, c’est la fin des oligarques. En 1918, le Premier ministre, Harakei est le premier chef du gouvernement qui soit roturier, chef de parti, et indépendant des clans. Par-dessus tout, c’est un démocrate convaincu. Deux partis politiques par la suite alternent au gouvernement. Ce sont le rikken seiyûkai, proche des zaibatsu, opposé aux législations sociales, et le dôshikai, ancien kenseikai, qui deviendra le minseitô en 1927, parti des bureaucrates qui envisage une politique sociale sans pour autant s’attirer les foudres des industriels. En 1925 sont votées les lois sur le suffrage universel, en 1928 on lieu les premières élections. Puis la politique devient le terrain d’affrontement entre hommes politiques et militaires. Les parlementaires ont le dessus jusqu’en 1932, et à partir de là la situation s’inverse.
La première guerre mondiale est l’occasion pour le Japon d’effectuer sa deuxième révolution industrielle. Les raisons sont multiples. Les entreprises européennes se retirent du marché asiatique, ce qui leur laisse le champ libre (fini la suprématie du textile britannique). Pour respecter l’alliance de 1902 avec le Royaume Uni, le Japon rompt les échanges commerciaux avec l’Allemagne, ce qui a pour effet de stopper l’importation et stimule les secteurs chimique et pharmaceutique. Enfin, les commandes militaires font croître la production d’acier, de fer et de machines-outil. L’industrie lourde est assez forte (26,7% en 1914 32.3% en 1920), tandis que le textile est en recul. La main d’œuvre masculine est prompte à se syndiquer. Les chantiers navals sont stimulés par l’augmentation des échanges. Les besoins en énergie augmentent, l’industrie hydroélectrique est en progrès, on construit des barrages. Le Japon exporte vers l’Asie et l’Europe, devient une puissance financière, rembourse ses dettes et se mue en créditeur. En 1920 il détient 2,7 milliards de créances à l’étranger. Chaque année la production croit de 10%. Le nombre de travailleurs industriels double entre 1914 et 1925. Jusqu’en 1930, il y a cependant toujours plus d’ouvrières que d’ouvriers. On recense des mouvements sociaux. Si jusqu’ici l’Etat avait pu ignorer les mauvaises conditions de vie des ouvriers, l’accroissement de la main d’œuvre industrielle et la montée des inégalités font que le problème social devient le souci premier de l’ère Taishô.
Les premiers mouvements sociaux avaient rapidement avorté en raison de l’hostilité du gouvernement (article 17 du chian keisatsu hô interdisant le recrutement syndical dans les usines). En 1912 naît le yûaikai (association fraternelle), syndicat créé par Suzuki Bunji. Converti au christianisme, il avait étudié à l’étranger les mouvements syndicaux de type chrétien. Le yûaikai est un syndicat majoritairement composé d’ouvriers qualifiés plutôt avantagés. Il connaît un succès rapide (20 000 syndiqués en 1918), notamment grace à la modération de ses idées, des revendications limitées au lieu de travail, qui visent à améliorer la condition des travailleurs sans pour autant faire la révolution. Il prône également le développement de la solidarité entre ouvriers (apparitions de mutuelles, importance de l’éducation). Cette modération permet de contourner la chian keisatsu hô. En 1917 pourtant, le mouvement se radicalise, et les grèves se multiplient. On passe de 49 grèves pour l’année 1912 à 24 488 grèves rien que pour 1919. La grève devient un phénomène de masse. Le discours du yûaikai se durcit. On parle maintenant de lutte des classes et d’organisation horizontale (fédérations industrielles). En 1919 le syndicat devient le sôdômei et essaye de dépasser l’unité de production. On crée des fédérations du tissu et des fédérations de l’acier. Le 2 mai est célébrée la première fête du travail au Japon. L’agitation se propage à toute la société, le gouvernement se méfie surtout des ouvriers syndiqués. Le mouvement social s’intensifie, comme on peut le voir pendant les émeutes du riz komesôdô de juillet à septembre 1918. Le Japon avait déjà été le stade d’émeutes, telle celles de Hibiya, mais en 1918 ce sont pas moins de deux millions de personnes qui sont dans la rue. Ils sont mécontents de l’inflation, surtout celle du riz, et reprochent au gouvernement de ne rien faire et aux riches marchands d’en profiter. Ces émeutes sont très violemment réprimées, 25 000 personnes sont arrêtées, dont 8 500 condamnées. Entre 1919 et 1920 ont lieu de nombreuses manifestations pour le suffrage universel (futsûsenkyoundô). Le gouvernement refuse puis cède en 1925. Dans les campagnes, on assiste à des mouvements de métayers qui protestent contre le système des grands propriétaires (jinushisei). Les terres appartiennent à un petit nombre de propriétaires, qui exploitent un grand nombre de métayers, dans des conditions de quasi-esclavage. Sur les terres de grands propriétaires, les valeurs féodales perdurent. Mais ces grands propriétaires sont en fait des gérants à la solde des zaibatsu ou de la famille impériale. Ces mouvements sociaux donnaient à penser que la victoire de la démocratie en 1918 était irréversible et que le Japon en faisait partie. Mais ce n’est hélas pas le cas. Des causes accidentelles, comme la crise économique, et des causes profondes, structurelles, vont remettre en cause la démocratie, au Japon et partout dans le monde. Pendant l’ère Taishô, des véritables partis politiques prolétaires sont apparus. En 1922 est créé le Nihon Kyôsantô, parti communiste japonais. En 1926 deux partis prolétaires se développent en vue du suffrage universel sous la bienveillance du gouvernement. Le Rôdômintô est le parti des travailleurs et des paysans et le Nihon Rônôtô le parti japonais des travailleurs et des paysans. L’apparition du parti communiste inquiète le gouvernement qui élabore une politique sociale, prise en charge par le ministère de l’Intérieur. En 1911 est votée la kôjôhô, loi sur les usines appliquée dès 1916, loi ambitieuse qui sous les pressions des industriels ne réglemente les conditions de travail que pour les femmes et les enfants. C’est une loi conservatrice, qui dit que le rôle des femmes, c’est à la maison. La propagande de l’époque dit : ryôsai kenbo, bonne épouse, mère avisée. Mais la réalité des conditions de travail est tout autre. Dans les années 20, le gouvernement tente de faire passer une loi protégeant les intérêts des syndicats. Une bonne partie de la bureaucratie de l’époque est persuadée que le seul moyen d’améliorer les conditions de vie des travailleurs est qu’ils se défendent par eux même. Mais à cause de l’opposition du Seiyûkai, le projet est abandonné.
Sur le plan diplomatique, c’est une période de relative accalmie, dans les années 20 surtout. Dans les années 10, le Japon tente de s’imposer sur le continent vis à vis de la Chine et des occidentaux. En août 1914, le Japon déclare la guerre à l’Allemagne. Il ne participe pas aux opérations en Europe mais attaque les positions allemandes en Asie. L’armée japonaise va prendre le contrôle du Shandong, étendant ainsi l’influence du Japon dans une région déjà conquise en partie (le Liaodong). L’Allemagne perd ses mines et chemin de fer dans la région, et cède les îles Marshall, Marianne et Caroline, dans le Pacifique. Dans sa lancée, le Japon veut profiter de l’absence des puissances coloniales européennes pour exiger des choses de la Chine elle-même. En avril 1915, le gouvernement japonais présente au président chinois les 21 demandes. Ce sont des demandes exorbitantes, réparties en cinq catégories : 1 – approbation des transferts des droits allemands 2 – extension des privilèges en Mongolie et Mandchourie du sud 3 – contrôle conjoint d’une importante compagnie d’extraction et de raffinage de charbon et fer , la kanyahyô konsu. 4 – interdiction de ne rien céder à un pays tiers (pas de concessions portuaires ou îles) 5 – demande de nomination de conseillers militaires, politiques et économiques japonais auprès des dirigeants chinois. La Chine n’étant pas soutenue par les gouvernements européens, elle va être obligée d’accepter toutes demandes, sauf celles du cinquième groupe. Le traité de Versailles entérine (accepte) le contrôle que le Japon a pris sur les îles pacifiques et sur les mines de charbon et fer, mais refuse de lui laisser la province du Shandong. Le Japon refuse d’obtempérer dans un premier temps, mais cède à la conférence de Washington, qui a lieu entre novembre 1921 et février 1922. C’est une conférence importante, son but est de limiter les forces navales mondiales pour prévenir d’autres conflits. C’est aussi l’occasion pour les alliés d’affirmer l’autonomie territoriale de la Chine. Le Japon rend la province du Shandong et limite ses forces navales. Le Japon avait proposé un rapport de 10 pour les USA, 10 pour le RU et 10 pour le Japon (tonnage des navires de guerre), mais il devra accepter 5/5/2. Le gouvernement japonais passe outre les désirs de sa Marine, ce qui montre bien que les politiques de Taishô avaient encore à cette époque le dessus sur les militaires. Mais c’est sans aucun doute un facteur de déstabilisation ultérieure, les militaires n’auront de cesse de remettre en cause ces décisions et accords. Les militaires s’éloignent des politiques et entre en concurrence. V ) L’ère Shôwa jusqu’à la défaite (1926-1945)
En 1925, la chiankeisatsuhô, loi de 1900, est remplacée par la chianijihô, loi pour le maintien de la paix civile. Cette loi liberticide passe en cœur de l’ère Taishô, ce qui montre bien l’ambiguïté de la démocratie Taishô. En fait, la majorité des Japonais restent ruraux, avec des valeurs traditionnelles. De plus, l’école primaire restait centrée sur l’assimilation de l’idéologie impériale, l’idéologie démocratique étant le fait de la presse et des syndicats. S’il y a une certaine libération des mœurs dans les villes, les campagnes restent traditionalistes. D’où un profond fossé culturel. Et c’est sur cette base rurale que repose la montée de l’ultra-nationalisme (tiens donc ???) des années 30. Dans les années 20, on assiste à la montée de mouvements d’extrême droite aux ramifications diverses : terroristes, groupes de femmes aikoku fujinkai, clubs pour la jeunesse. On retrouve ce mouvement jusque dans les universités, et au gouvernement. Le Kokuhonsha, société pour les fondations de la nation, fondé en 1924, regroupe de nombreux militaires, professeurs et fonctionnaires. A la même époque naît la haute police spéciale, tokkô. L’Etat n’est pas aussi gentil qu’on le croit avec les syndicats ; tout en tolérant les plus modérés, la police de la pensée, shisôkeisatsu, persécute les communistes et les syndicats actifs. Le Kyôchôkai, fondé en 1919, regroupe des spécialistes, des professeurs, des industriels et des fonctionnaires. Son but est de promouvoir une idéologie contraire à l’idée de lutte des classes. Cette organisation puissante pousse les entreprises au paternalisme, et s’oriente vers l’ultra-nationalisme, influencée par le fascisme venu d’Allemagne. Leur idée maîtresse est qu’il n’y a pas besoin de syndicats pour défendre les intérêts de l’ouvrier, puisque tout le monde collabore au bien de la nation. La loi chianijihô témoigne bien de l'ambiguïté de la démocratie Taishô, mais le tournant se fait au début des années 30, avec la crise économique.
La crise économique mondiale débute en 1929 aux Etats Unis, et parvient très vite au Japon, à cause de son économie tournée vers l’extérieur. Entraîne la chute des exportations et des importations, et la baisse des prix, surtout dans l’agriculture. De nombreuses petites et moyennes entreprises font faillite. Les grandes entreprises s’en sortent mieux, surtout les zaibatsu qui opèrent des fusions et licencient à tour de bras. C’est la naissance d’un chômage de masse, ce qui provoque des grèves et profite plus aux associations ultra-nationalistes qu’aux syndicats. En décembre 1931, l’Etat se décide à réagir, le ministre des finances Takahashi du cabinet Inukai stimule l’économie par des dépenses publiques (à la Keynes), émet des obligations et propose des prêts à bas taux. Ces mesures sont couronnées de succès. A la mi-1933, les industries se remettent en marche. Mais ces quelques années de difficultés ont fait naître un sentiment nationaliste et xénophobe. On s’en prend aux pays capitalistes, au capitalisme, et au Parlement, qui défend les intérêts des gros capitalistes, selon l’extrême droite. Le peuple se tourne vers les associations précédemment citées.
En avril 1930 a lieu la conférence navale de Londres. Il s’agit encore une fois de limiter l’armement des grandes puissances. Le Premier ministre Hamaguchi se voit obliger de réduire le tonnage de ses bateaux de guerre. L’armée et la Marine expriment leur mécontentement par des tracts et de la propagande, et Hamaguchi est victime en novembre d’un attentat du fait d’ultra-nationalistes. De nombreux actes de terrorisme vont semer la terreur dans les rangs politiques pendant les années 30. Le gouvernement qui suit celui de Hamaguchi, sous la pression, augmente le budget de la marine. Le gouvernement civil est faible, et les militaires finissent par s’affranchir des décisions publiques, prennent leurs propres décisions et s’imposent comme les vrais dirigeants du Japon. Ce qui provoque l’affaire de la Mandchourie.
Les militaires vont créer de toutes pièces cette affaire qui va servir de prétexte à envahir toute la région. Depuis les années 10, les troupes nationalistes chinoises tentent de reprendre le contrôle des régions. Pour déclencher les hostilités, le 18 septembre 1931 des espions japonais font exploser une bombe sur le chemin de fer de Port Arthur, en faisant porter le chapeau aux méchants chinois (cf. Tintin et le Lotus Bleu). L’armée japonaise attaque en 1932 et crée l’Etat fantoche de Manzhouguo, avec à sa tête le dernier empereur de la dynastie Qing destitué en 1911, Puyi (cf. The Last Emperor). Le gouvernement Wakatsuki démissionne, le genrô nomme un dernier Premier ministre, Inukai, relativement modéré qui relance l’économie. Opposé à la politique agressive des militaires, il va tenter de redresser le gouvernement civil. Mais il se fait assassiner par un groupe de jeunes, lors d’un coup d’état. C’est la restauration, Shôwa ishin, en référence à Meiji. Suit une vague d’assassinats politiques. Dan Takuma, président du club industriel du Japon, gros syndicat, va être assassiné par la Ketsumeikan, la ligue du sang. C’est la fin de la démocratie Taishô, la fin des partis politiques. Les premiers ministres ne sont plus choisis parmi les politiciens de la Diète, mais parmi les militaires. Le genrô nomme des militaires modérés, pour limiter la casse. De 1932 à 1934, c’est l’amiral Saitô Makoto ; de 1934 à 1936, l’amiral Okada Keisuke. Ces vieux militaires sont plutôt des conservateurs que des ultra-nationalistes. Pendant ces quelques années, tout est tranquille, mais en février, nouveau coup d’état. Des jeunes officiers prennent la Diète, et assassinent Makoto (mais ratent Keisuke). Cette tentative est réprimée. Mais les insurrections sont nombreuses. Le genrô finit par nommer des premiers ministres de plus en plus ultra-nationalistes. En juin 1937, le prince Konoe est nommé au pouvoir, c’est la principale figure politique de cette époque, radical de la famille impériale. Le but de cette nomination pour le genrô est de contrôler les nombreux insoumis, mais le prince est faible, et se fait manipuler par le nec plus ultra de l’ultra, la crème des fachos. Les militaires vont lancer une politique générale de soutien de l’armée, c’est la guerre totale avec la Chine. La deuxième guerre mondiale dure de 1939 à 1945, mais pour les Japonais elle commence en 1931, avec l’affaire de la Mandchourie, et se termine en 1945, avec bien sur les deux bombes atomiques de Hiroshima et Nagasaki. C'est pour ça que les Japonais parlent de la "guerre de 15 ans". |
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