Goncourt des Lycéens 2015
Critiques littéraires-
Ecrites par les élèves de 1L1,
Lycée Le Likès, QUIMPER
Lecteurs et contributeurs de ce recueil :
Maëllan CARRER, Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes, Olivier Bleys……..p.45
Hugo CUSSONNEAU, Soudain, seuls d’Isabelle Autissier………………………………………….p.15
François-Régis FRIANT, Au pays du P’tit de Nicolas Fargue……………………………………..p.42
Cécile GOURIO, Il était une ville de Thomas Reverdy……………………………………………… p.36
Mervé KOYUNCU, Eva de Simon Liberati………………………………………………………………..p.23
Florian LE BARS, Un amour impossible de Christine Angot………………………………………p.10
Benjamin LECHAT, D’après une histoire vraie de Delphine de Vigan………………………..p.7
Tanya LE GALL, Ce pays qui te ressemble de Tobie Nathan………………………………………p.29
Maëlys LE GOANVIC, Titus n’aimait pas Bérénice de Nathalie Azoulay…………………….p.28
Enora LE GOFF, Un amour impossible de Christine Angot………………………………………..p.11
Lou-Anna LE GUEN, Un papa de sang de Jean Hatzfeld……………………………………………p.32
Jeanne LE GOUIC, Il était une ville de Thomas Reverdy……………………………………………p.37
Caroline MAGNE, D’après une histoire vraie de Delphine de Vigan………………………….p.6
Sylvain MARZA-CANET, Les Prépondérants d’Hedi Kaddour…………………………………….p.50
Cassandre NADALINI, Un amour impossible de Christine Angot……………………………….p.9
Sophie NAULLEAU, 2084, la fin du monde de Boualem Sansal………………………………….p.18
Théo PERON, 2084, la fin du monde de Boualem Sansal…………………………………………..p.19
Julie REMONDIN, Soudain, seuls, d’Isabelle Autissier………………………………………………..p.14
Marine SEBBAN, Un papa de sang de Jean Hartzfeld………………………………………………..p.33
Malou SERVIER, 2084, La fin du monde de Boualem Sansal……………………………………..p.21
Esther THEBAUD, Les Prépondérants d’Hédi Kaddour…………………………………………..…p.51
Kevin TRESSARTD, Titus n’aimait pas Bérénice de Nathalie Azoulay………………………..p.26
Katerina WHITE, Retiens ma nuit de Denis Tillinac…………………………………………………..p.39
Mise en page : F. LACOUTURE
Sélection des livres pour le Prix Goncourt des Lycéens 2015
Angot, Un amour impossible, Flammarion
Isabelle Autissier, Soudain, seuls, Stock
Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice, P.O.L.
Olivier Bleys, Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes, Albin Michel
Nicolas Fargues, Au pays du p’tit, P.O.L
Jean Hartzfeld, Un papa de sang, Gallimard
Hédi Kaddour, Les Prépondérants, Gallimard
Simon Liberati, Eva, Stock
Alain Mabanckou, Petit piment, Seuil
Tobie Nathan, Ce pays qui te ressemble, Stock Christine
Thomas B Reverdy, Il était une ville, Flammarion
Boualem Sansal, 2084 – La fin du monde, Gallimard
Denis Tillinac, Retiens ma nuit, Plon
Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, J.C. Lattès
1-Un récit intriguant et qui fait réfléchir
 https://www.youtube.com/watch?v=LsU3iPMMIrQ
(Delphine de Vigan présente son roman)
Si seulement j'avais su
Une écrivaine prénommée Delphine vit un passage à vide après le succès de son dernier roman dont le personnage principal était sa mère bipolaire. Cette écrivaine a pour compagnon un critique littéraire prénommé François, qui part très souvent aux Etats-Unis pour y tourner des documentaires sur les auteurs qui le fascinent. L’auteur est Delphine de Vigan. Est-ce que l’écrivain qui dit « je » dans le roman est également elle ? Peut-être. Peut-être pas. Le titre, D’après une histoire vraie, suggère une assise sur le réel, et permet l’intervention de la fiction. C’est d’ailleurs tout l’enjeu du roman. L'héroïne du roman rencontre alors "L." qui ne sera désignée que par cette initiale. C'est un coup de foudre amical. Cette femme la comprend mieux que personne et devient d'autant plus indispensable du fait que les deux enfants de la narratrice partent faire leurs études ailleurs. Ses amis vivent en province, et son compagnon, François, avec lequel elle ne vit pas, est très, voir trop absorbé par ses émissions littéraires.
"L" prend soin d'elle jusqu'à la décharger de ses mails et y répondre à sa place pour lui rendre service, bien sûr. Pour son bien encore, "L" la pousse à bout pour faire jaillir d'elle la seule littérature qui vaille : celle de la réalité crue. Peu à peu Delphine tombe dans une dépression à laquelle s'ajoutent des lettres anonymes menaçantes, l'accusant d'avoir bâti sa célébrité sur la mort de sa mère : La blessure de trop. La narratrice n'arrive plus à écrire. Après quelques semaines « L » emménage chez Delphine. Est-elle venue combler un vide ou faire le vide ? Lui redonner du souffle ou lui voler sa vie ? C'est le deuxième livre de Delphine de Vigan que je lis et j'ai beaucoup aimé celui-ci, l'auteure, offre un livre sur la manipulation mentale. Elle nous fait vivre sa rencontre avec L., qui progressivement tisse sa toile autour d'elle jusqu'à se rendre indispensable, alors que l'auteure vit une réelle descente aux enfers avec l'impossibilité d'écrire et la hantise de s'assoir devant un ordinateur. La progression est bien vue avec parfois des répétitions qui alourdissent la lecture, des détails qui parfois ennuient un peu le lecteur mais servent incontestablement à comprendre le texte. L'ensemble se tient et le final donne tout le relief à ce récit autobiographique. En partie vécu, totalement inventé ? C'est au lecteur de juger. Delphine de Vigan a su écrire un livre qui interpelle le lecteur et lui fait se poser des questions en refermant le livre où se mêlent réalité et fiction.
Caroline Magne
Une histoire vraie ou une fiction autobiographique ?
"Ce livre est le récit de ma rencontre avec L. L est le cauchemar de tout écrivain. Ou plutôt le genre de personne qu'un écrivain ne devrait jamais croiser". Après cette phrase, au début du livre D'après une histoire vraie, le suspens s'installe, mêlant stress et anxiété dans le récit. Après le succès de Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan croule sous le succès, ne sachant que dire à de nouveaux fans qui lui demandaient sans cesse si l'histoire était réelle ou non, ou encore qu'est-ce qu'elle pouvait bien écrire maintenant. Elle ne le savait même pas elle-même, sa plume s'était fissurée, son papier restait blanc. L'inspiration avait disparu. Dans son nouveau livre, De Vigan nous raconte cette soif d'inspiration, jamais satisfaite. Elle arrêta d'écrire pendant plusieurs mois, ces mois-ci furent d'une extrême importance... Elle y rencontra L. Cette femme blonde, représente aux yeux de l'écrivaine la perfection faite femme. En plus d'être belle, élégante, raffinée, L. n'a aucun problème pour se mouvoir en société et nouer des contacts avec autrui, toutes ces qualités dont Delphine se sent dépourvue. Dès lors, L. s'immisce dans la vie de Delphine pour ne plus la lâcher... Toutes les attentions a priori protectrices et salvatrices sont-elles bienveillantes ? Mais qui est cette L. qui exhorte sans cesse la romancière à écrire un témoignage plutôt qu'une fiction ? Le roman, structuré en trois parties (Séduction, Dépression, Trahison) transporte le lecteur au fin fond d'une histoire autobiographique qui ne peut vous laisser indemne. L'auteure calcule si bien ses mots, construit ses phrases avec tant de justesse que ce livre vous plongera dans une histoire angoissante dont le dénouement reste bien caché jusqu'à sa dernière phrase. Plus les chapitres défilent, plus l'étau se resserre sur la cage thoracique du lecteur. L'angoisse de Delphine devient nôtre. Le suspense est à son comble. Rien à y faire: impossible de faire une pause dans cette lecture. La fiction du livre ou bien la réalité de ce roman : qui mène l'histoire ? Peut-être les deux, cette question, l'auteur nous la pose tout au long des 500 pages, mais quelle importance ? Dans ce livre, ce qui semble avant tout juste, c'est la volonté de dépeindre des sentiments forts et contradictoires, c'est la capacité à survivre alors que tout vous mène vers le fond. L'intrigue psychologique de ce roman nous plonge dans une réflexion passionnante sur le travail d'écriture, l'inspiration, tout en touchant à des sujets plus sensibles, plus intimistes, tels que la folie ou les relations nocives et destructrices.
Benjamin Lechat
Ainsi soit « je » 1
Miroir, mon beau miroir En apparence, ce roman commence sur une histoire qu’on a l’impression d’avoir déjà lue : la confession d’un auteur aux prises avec l’angoisse de la page blanche ; angoisse d’autant plus forte que l’auteur en question a connu un immense succès public avec son précédent ouvrage. L’auteure – qui est aussi la narratrice -, c’est Delphine de Vigan qui se transforme, pour l’occasion, en personnage de roman. Delphine ne parvient plus à écrire, donc. Même pas un mot. Pire : les mots la dégoutent tout à fait et elle cherche désespérément une inspiration qui ne vient pas. L’imagination est une imposture, décidemment (et elle a lu tous les livres). Que reste-t-il donc à écrire ? Que reste-t-il donc à inventer dans ce monde hyper connecté et surmédiatisé ? Peut-être justement cette impossibilité d’inventer que l’auteure-narratrice décortique avec soin comme on pèle une orange récalcitrante. Le roman devient un miroir où Delphine, nouvelle Narcisse, manque de se noyer.
C’est alors qu’elle fait la rencontre de L., seul personnage non-identifiable du roman. D’abord perçue comme une bouée de sauvetage providentielle, cette nouvelle amie devient vite envahissante au point de lui voler sa vie et son identité. L’autofiction vire alors à un récit aux allures de thriller. La frontière entre la réalité « vraie » et l’imaginaire se brouillent…
2
C’est le règne de la téléréalité ? Voici venir celui (peut-être) du roman-réalité. Ecrit dans un style fluide et limpide, à la fois élégant et alerte, le récit se constitue autour des petits riens du quotidien de Delphine de Vigan. Derrière l’histoire de cette rencontre toxique avec L., angoissante et intrigante à souhait, le vrai projet de l’auteure est de développer une réflexion sur l’écriture : qu’est-ce qu’être écrivain, en fin de compte ? D’où vient l’inspiration ? A ces questions, elle apporte une réponse sans ambages : « il n’y a d’écriture que l’écriture de soi. Le reste ne compte pas ». Du reste, il n’y a qu’à voir le goût immodéré du public pour la téléréalité. Il ne reste plus qu’à inventer le roman-réalité, stade ultime de l’autofiction qui – on l’entend souvent dire – est une maladie bien française. Et Delphine de Vigan met son précepte en application, transformant ses enfants, ses amis écrivains et son compagnon, célèbre critique littéraire, en personnages, embarqués et débarqués tout à la fois de son « histoire ».
3
Et François dans tout ça ?
L’auteure signe-là un texte à la fois intéressant et agaçant. Intéressant parce qu’il a le mérite de nous inciter à réfléchir sur ce qu’est la posture de l’écrivain aujourd’hui, mais aussi sur celle du lecteur, vite enclin à tomber dans le voyeurisme et la « peopolisation » de tout et n’importe qui. Agaçant parce qu’il en ressort, malgré tout, la complaisance sans fin et un tantinet hypocrite, redondante à la fin, des romans d’autofiction, comme si le monde ne se réduisait plus qu’aux égos tourmentés d’une poignée d’écrivains. Mais au bout du compte, l’équation à laquelle tous ces remue-méninges aboutissent est toujours la même : Ecrire, c’est rencontrer (le déclic) – déprimer (souffrir) – trahir (ses modèles, ses amis, sa famille), et ce roman n’échappe pas à cette règle. Très français, en somme.
Il y a tout de même une question qui nous taraude, en bon lecteur happé par les processus que l’auteure met en lumière en jetant en pâture son intimité : voilà « François » dans une position délicate : pourra-t-il, décemment, parler, dans son émission, du roman de « Delphine » dont il est le personnage ? Sur ce coup-là, c’est sûr, elle a mal joué. Le roman-réalité a ses limites ! F.L 2-Un livre qui fait l’unanimité

https://www.youtube.com/watch?v=YiYKQMyXPBE
(Christine angot parle de son livre dans On est pas couché)
Tiraillés entre amour et haine
C’est l’histoire d’un amour entre Rachel et Pierre, un amour passionnel que la discrimination mènera peu à peu à la haine.
C’est l’histoire de Christine, le fruit de cet amour. Cette petite fille qui témoigne d’un amour admiratif envers Pierre, son père, cet homme qui lui est inconnu, ce monstre qui transformera cet amour en dégoût, puis en haine.
C’est l’histoire d’un amour fusionnel entre Christine et sa mère, Rachel. Un soutien mutuel face aux tristes aléas de la vie, un amour joyeux face à la misère. Puis des disputes, des reproches, une saturation. Et tout cela mènera à la vérité, peut-être insoupçonnée.
Un amour impossible, une autobiographie qui plonge le lecteur dans un doux passé et un présent compliqué . Un récit rythmé par de courtes phrases et une richesse lexicale, emmenant le lecteur au plus profond des pensées humaines et des sentiments extrêmes : l’amour et la haine.
Cassandre Nadalini
Un roman au titre révélateur
Le titre paraît vraisemblablement très révélateur de l'histoire à laquelle on s'attend. Il s'agit d'un groupe nominal relativement simple, dont on imagine tout le sens coulant de source à première vue. Mais, réellement, tout au long de l'avancée de notre lecture du livre et, finalement, même une fois qu'on l'a terminé, on se rend compte que ce livre mérite beaucoup plus d'attention que celle qu'on aurait pu prévoir et engage également une profonde réflexion, une analyse qu'on ne pouvait pas imaginer forcément. Une analyse de la vie, des relations entre une mère et sa fille, entre un couple fragile. Une « vie sociale » face à une autre... Je considère l'histoire racontée comme un bijou de réflexion sentimentale. Effectivement, happant, le livre nous retient rapidement, nous interpelle de façon saisissante, directement. La relation, ou plutôt, les relations entre la mère Rachel et sa fille Christine, celles entre Pierre, l'amant de la mère et elle-même sont autant de types d'attachement tout aussi différents que fusionnels. Autrement dit, l'histoire se construit sur un récit qui tourne autour de petites histoires qui prennent une dimension grandement remarquable autour du sentiment. Un discours parfois même philosophique qui pose des questions sur la vie, l'amour et l'attachement, principalement... Dans le temps, dans la durée, on retrouve également ces notions de « vie » et « d'amour » : la description d'une mère qui vieillit dans le temps et la narration d'une fille, auteure, qui suit la ligne de sa vie et construit le fruit de son amour maternel. Ces passages pourraient, à première vue, nous faire penser à une affabulation mais il n'en est rien. En effet il ne s'agit jamais d'anecdotes fictives n'ayant que peu de sens ou pas du tout. Il s'agit purement de la chronique de la vie individuelle de l'auteure, certes, mais cette version peut rapidement devenir collective et c'est pour cela que le livre peut devenir intriguant pour tous et donc intéressant, voire fascinant ! La fascination d'un lecteur attentionné est due à la réponse qu'il apporte ou non à cette question qu'il se posera généralement : comment se fait-il que je sois attrapé par ces mots ? Comment se fait-il que j'y vois un sens ? Personnellement parfois, rapidement souvent pour les lecteurs. Alors, ces dits rappelleront sans doute à une bonne partie des lecteurs, liseurs ou non car c'est très concret, de proches ou plus lointains souvenirs heureux ou malheureux de leur vécu. Étant adultes, enfant et pourquoi pas en période d'adolescence, chacun y trouvera une histoire semblable à celle qu'il a connue ou qu'il connaîtra sans doute dans sa vie. Qu'elles soient mère, fille ou père, énormément de personnes se retrouveront dans le livre car l'amour qui paraît impossible c'est l'histoire de beaucoup de gens, universellement. C'est pour tous ces divers points et les différents questionnements que je me suis établis, que je n'ai pas pu faire autrement que de rédiger autre chose qu'une critique largement positive. Christine Angot, à travers son livre, bien qu'elle n'ait forcément pas pu sensibiliser tout le monde, pour une grande majorité des lecteurs les aura sans doute touchés par le sujet de l'amour et leur aura permis de se poser des « pourquoi ? » et des « comment ? », et c'est l'une des raisons qui explique, simplement, que ce livre est extraordinaire. En conclusion je conseillerais donc forcément ce livre. Je dirais à tous, que vous appréciiez ou non l'auteure, lisez-donc ce livre car il vous permettra de vous évader dans vos pensées, librement.
Florian Le Bars L'amour malgré tout Dans ce récit très personnel, Christine Angot raconte l'amour impossible dû à des différences sociales entre sa mère, Rachel Schwartz et son père, Pierre Angot. Pierre et Rachel se rencontrent dans une cantine à Châteauroux. Elle travaille à la Sécurité Sociale, elle est issue d'une modeste voire pauvre famille. Lui est traducteur à la base américaine de la Martinerie, il est fils de bourgeois. Peu de temps après leur rencontre, ils commencent à se fréquenter. Dès le début de leur relation Pierre à prévenu Rachel que le mariage ne serait pas possible entre eux. Il tient à son indépendance et à sa liberté. Mais en vérité il ne veut pas se marier, à cause des différences sociales présentes entre eux. Ils vivent de beaux et bons moments ensemble. Pierre ne veut pas que Rachel devienne sa femme mais il veut bien lui faire un enfant. Après cette nouvelle de Pierre, il perd son emploi à Châteauroux. De ce fait, il quitte la région où il vit une liaison avec Rachel. Elle prévient Pierre qu'elle est enceinte, mais ce dernier ne se précipite pas pour la rejoindre. Il n'est pas question qu'ils vivent ensemble et qu'il élève l'enfant. Elle aura l'occasion de le voir quand il sera de passage dans la ville. Rachel apprend que Pierre s'est marié avec une autre femme. De ce fait ils restent plus ou moins en contact du fait qu'ils ont une fille, Christine. Quand elle atteint l'âge de treize ans, Pierre reconnaît officiellement qu'il est le père de Christine. Depuis sa naissance, elle s’appelait Christine Schwartz. Désormais elle s'appellera Christine Angot. A partir de ce moment, Pierre devient trop présent dans la vie de sa fille et utilise l'inceste comme arme sociale. Christine commence à rejeter sa mère, mais Rachel ne comprend pas la raison de ce changement d'attitude envers elle. Sa mère vit très mal cet éloignement avec sa fille. Bien plus tard, Rachel apprend que Pierre viole sa fille Christine. Cette nouvelle est terrible. Rachel tombe alors gravement malade. Elles ont alors une discussion et une explication sur les agissements de son père. Cette discussion va faire renaître cette liaison mère-fille fusionnelle. J'ai apprécié ce roman. Cette histoire se veut réaliste, personnelle et émouvante. Christine Angot, arrive à rendre vivante la relation mère-fille avec le portrait qu'elle dresse de sa mère. Elle la décrit comme étant une belle femme ayant un esprit dynamique et fort à la fois. Elle recompose l'histoire de ses parents. Ce roman est chronologique, il débute par une véritable histoire d'amour entre Rachel et Pierre. Ils essaient de faire abstraction des différences sociales, mais cela n'est pas aussi simple car Rachel souffre d'un sentiment d'infériorité face à Pierre. Christine Angot cherche des explications sur son enfance et elle en trouve. Ce roman sonne comme une dénonciation à propos des inégalités hommes-femmes. Les dialogues présents dans le roman représentent au plus près la réalité. Ce roman signe une réconciliation. Je suis ravie d'avoir découvert cet auteur, dont je n'avais jamais entendu parler auparavant, et de partager cette enfance douloureuse, celle de l'auteur, le temps de 216 pages. Ce roman permet aux lecteurs d'en apprendre davantage sur l'enfance de Christine Angot, et peut être même de s'y retrouver. J'ai été bouleversée par sa manière apaisée et naturelle d'écrire mais qui transmet une si grande force à la fois. Elle fait ressentir ses émotions aux lecteurs grâce à la fluidité et à la description qu'elle apporte, ce qui rend cette histoire particulièrement sensible, touchante et émouvante. J'ai particulièrement apprécié les lettres que s'envoient Pierre et Rachel tout au long de l'histoire. Ce roman ne laissera personne indifférent.
Enora le Goff
Au nom du Père
Sa mère est belle et elle l’aime très fort.
Christine vit une enfance paisible à Châteauroux auprès de sa mère adorée, Rachel Schwartz. Elle partage son temps entre sa grand-mère, l’école et ses amies. Pierre Angot, le père, lui, est un grand absent. C’est un absent très présent : il pèse dans les silences de sa mère, il envoie quelques cartes. Il fait même quelques apparitions. La petite Christine s’en forge l’image d’un homme supérieur et important, vit ses rares visites comme des cadeaux.
Quand Christine grandit, le père pense à la reconnaître. Il s’intéresse de plus en plus à elle, on dirait. Ils se voient plus souvent. Christine, elle, interroge sa mère du regard et se tait. Elle attend. Elle attend le réveil de la mère, le moment de parler. Elle attend la parole qui la délivrera de son secret.
L’inceste est au cœur de ce roman, mais le tour de force de Christine Angot est de parvenir à ne (presque) jamais le citer. Par sa forme, le roman s’apparente à un récit d’enfance qui témoigne de l’amour d’une fille pour sa mère. L’auteure y restitue à merveille la naïveté de l’enfance qui évolue en lucidité grave au fil des pages. Rien de sordide, ici, puisque l’inceste en lui-même, inconcevable, est déplacé dans ses contours : la faillite des parents, le silence de la mère…L’auteure, en quête d’elle-même, explore tous les recoins de son enfance meurtrie, tente de reconstituer la genèse du mal, de cet innommable, et montre le caractère proprement inouï d’un tel acte qui, longtemps après, alors qu’il est accepté, la laisse encore pantoise et incrédule.
Pas d’esprit de revanche ni de vengeance dans ce livre. Au contraire, c’est d’abord une déclaration d’amour, le chemin qu’une fille prend pour retrouver sa mère et lui pardonner le mal qu’elle lui a fait. Sans sortir du thème obsessionnel qui parcourt ses précédents romans, Christine Angot étonne, par la fluidité et la délicatesse de ses mots, les instants de bonheur qu’elle restitue. Car c’est d’abord un beau portrait de femmes : trois générations de femmes, marquées par une quête d’amour souvent éperdue, par un amour impossible :
Amour impossible de Rachel pour Pierre,
Amour impossible du père pour Christine
Amour impossible de Christine pour le père et pour la mère. Pourtant, à rebours du titre qu’elle a choisi, Christine Angot montre au contraire que l’amour ne meurt jamais tout à fait. Il survit, même au pire. C’est comme si, ici, par le miracle de la parole et de l’écriture, Cendrillon, souillée de cendres, était sortie de l’âtre et de son deuil.
F.L 3-Une lecture plaisante, mais….

https://www.youtube.com/watch?v=B_RzwyoYCF8
(Entretien avec Isabelle Autissier et la librairie Dialogues)
Robinson à la parisienne
Suite au naufrage de leur bateau un couple parisien d'une trentaine d'année se retrouve confronté à la nécessité de survivre sur une Île déserte entre la Patagonie et le Cap Horn. Ils trouvent, dès leur arrivée, un gite qui sera destiné à devenir leur lieu de repère. Pour survivre, ils chassent et s'adaptent à cette terre hostile, loin du cadre « bobo parisien ». Leur vie sur l'île est loin d'être simple. Après avoir chassé durant une journée entière pour un repas frugale, il reste la fatigue et l'espoir qui s'affaiblit de jour en jour. Dans la deuxième partie du roman, le lecteur sera plongé dans « l'après ». Après avoir été sauvée en laissant une partie de son âme sur l'île, Louise sera confrontée à l'engouement médiatique, à l'immersion dans la vie active, renaître après ces mois de souffrance, retrouver la société de consommation, ne plus avoir le besoin de survivre. Isabelle Autissier, auteur de ce roman, est navigatrice. Lors d'une escale sur une terre hostile, elle s'est posé la question : « Et si le bateau coulait, que ferais-je de mon équipage, comment manger, comment survivre? » Suite à ses débats imaginaires, elle écrit ce roman basé sur « la faim » qu'elle dit « thème prédominant » de ce roman, et souligne la perte des codes sauvages lors d'une interview. Son envie était également de transposer le lecteur de « l'autre côté » pour amener le lecteur à la place des personnages : que ferions-nous à leur place ? Je pense qu'Isabelle Autissier a également voulu mettre en avant le tapage médiatique que subissait les victimes d'actualité de fais divers, le besoin d'en faire plus comme par exemple dans ce roman, au retour de Louise, quand la presse exige presque d'occulter tous les détails de son périple, sans trop de préoccuper de savoir si c'est approprié ou non. Toujours plus pour le buzz ! Ce roman est écrit d'une manière très agréable, juste assez de détail sans aller dans le réalisme, assez de passion dans ce couple sans aller jusqu’au romantisme, assez de retenue sans tomber dans la transcendance d'animaux égorgés. Ce roman est un bon dosage narratif qui devient vite captivant. Le livre est un très bon moyen de faire marcher son imaginaire, chacune des pages est une occasion de se demander ce que l'on ferait dans leurs cas, comment subvenir à la faim, abandonner pour survivre, mentir, subir la médiatisation, comment vivre après ? Par exemple lorsque Ludovic frappe Louise pour la laisser chercher du secours, ou bien même lorsque Louise abandonne Ludovic par instinct de survie ou encore quand Louise ment à la presse en omettant de mentionner l'abandon de Ludovic… Notre esprit apporte un jugement contradictoire ou similaire au roman, nous imaginons nos réactions dans des situations semblables et le résultat pour moi est sans appel : les réactions de Louise auraient été les miennes. Louise est donc une sorte de reflet sur nous- mêmes.
Cet écrit m'a également ravie du fait qu'il y ait une histoire que je qualifierai de « complète ». Nous suivons ce couple et son histoire avant, pendant et après l'île. Ce roman poussera le lecteur dans des questionnements personnels, propres à chacun. Pour conclure je suis ravie d'avoir découvert ce roman, d'ouvrir mon imaginaire à une histoire probable, de faire face à des choix de survie comme l'abandon d'un être aimé. A la remise en cause d'une société surfaite, même si ce thème n'englobe qu'une petite partie du roman.
Julie Rémondin Soudain, Seuls, un roman cruel
Louise et Ludovic, un couple de trentenaires parisiens, décide de s’offrir une année sabbatique et un tour du monde à la voile. Recherchant la vraie nature, ils abordent l’île de Stromness, ancienne base baleinière abandonnée dans les années 50 et devenue réserve naturelle, et donc strictement interdite. Suite à une tempête, qui a fait couler leur bateau pendant qu’ils étaient à terre, ils restent prisonniers. Ce roman est plus qu’une énième robinsonnade : avec la cruauté d’un scientifique curieux, Isabelle Autissier dissèque l’âme humaine et ses instincts. Car c’est l’analyse qui prévaut ici, presque l’expérimentation qui consiste, sur le modèle d’un Koh-Lanta devenu réel, à lâcher deux êtres que rien ne prédispose à devenir des héros dans une nature hostile, sauvage, et voir comment ils s’en sortent. Ils voulaient de l’aventure, vivre intensément, se dépasser : symboles d’une génération en quête de sens, ils transgressent les règles pour affirmer leur liberté, et le payeront cher. Là où Robinson était seul et tentait de réorganiser une civilisation, ils sont deux, condamnés l’un à l’autre dans un huis-clos dont on ne sait trop ce qui va sortir, comment leur couple va survivre ou se fissurer. Survivre seul, ou mourir à deux ? Le roman interroge cette capacité de l’homme à redevenir sauvage. La civilisation, fragile vernis, s’efface peu à peu, laissant place au pur instinct de survie.
Et puis, deuxième phase de l’expérimentation : le retour à la civilisation pour celui des deux qui a survécu. Le choc post-traumatique, l’emballement des médias, la culpabilité, le deuil. Reconstruire sa vie. Un roman cruel, et que l’on à peine à lâcher, surtout la première partie car j’ai trouvé que la deuxième, par la mise en abyme, se signalait un peu trop comme un commentaire de la première dont elle mettait en évidence les thèmes : je n’ai pas besoin que l’on me prenne par la main comme ça. Mais j’ai beaucoup aimé, l’ensemble est très anxiogène, évidemment, et n’a pas été sans me rappeler Désolation de David Yann.
Hugo Cussonneau
Heureux qui comme Ulysse…. « Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage/Ou comme celui-ci qui conquit la toison/Et puis est retourné plein d’usage et raison/Vivre entre ses parents le reste de son âge. » Peut-être sont-ce ces célèbres vers qui ont poussé Louise Flambart et Ludovic Delatreille, jeunes trentenaires bien sous tous rapports, à éprouver leur vie réglée et leur amour tout neuf en choisissant l’aventure…Pleins de rêves d’espaces vierges, ils prennent la direction du pôle Sud et échouent sur l’île de Stromness, désertée et menacée par les glaces. Très vite, le rêve tourne au cauchemar : les lois de la normalité laissent place aux instincts de survie, avec tout ce que cela contient d’horreur et d’hébétude. S’opère alors, dans cette parenthèse désenchantée, tout un jeu de déconstruction/reconstruction des personnages au centre du récit.
Même s’il a le mérite de questionner discrètement le voyeurisme, le goût du trash et du sensationnel de notre époque, on pourrait reprocher, de prime abord, à ce roman qui se lit très facilement, son manque d’imagination. Les personnages frôlent la caricature et les situations reprennent les thèmes éculés de la littérature : un peu de Robinson au féminin par ci, un peu de Crusoé par là ; un peu de critique des médias par ci, un peu de culpabilité par là…Isabelle Autissier semble écrire avec le souci constant en tête de s’assurer qu’elle sera comprise de son lecteur. Au final, cela donne des descriptions parfois poussives qui encombrent le récit plus qu’elles ne l’éclairent. Le style s’efface derrière les mots qui expliquent, les phrases se déroulent, aussi plates qu’une route de Belgique.
Pourtant – toute proportion gardée et entre les lignes – ce récit fait surgir de réels questionnements qui nous renvoient au récit vrai de l’Histoire. A la tragédie un peu plate des personnages de la romancière se superpose l’image de ces déportés qui ont traversé l’enfer des camps et ont dû affronter la difficulté de revenir à la normalité, hantés par leurs souvenirs atroces. Il ne s’agit pas là, certes, d’expériences que le commun des lecteurs peut être amené à vivre. Mais cela pose une question que l’on peut tous se poser : « Et moi, que ferais-je ? Comment me comporterais-je si je me retrouvais dans cette situation ? A quoi serais-je prêt pour survivre ? »
On se prend même à penser à ces images de Syriens, Irakiens, Soudanais, Erythréens s’embarquant sur des radeaux de fortune, au péril de leur vie, à l’image de cet enfant, que la presse a érigé en héros tragique, que le rêve d’un avenir meilleur a extrait de son pays natal pour le précipiter dans la mort.
Isabelle Autissier transpose, dans l’univers maritime qui lui est familier, une expérience qui trouve bien des échos, tant dans l’imaginaire collectif que dans l’Histoire et l’actualité. Une bonne raison de lire ce roman !
F.L
4-1984, mais en moins bien…

https://www.youtube.com/watch?v=LB1ZSOemCV8
(Boualem Sansal parle de son roman dans La Grande librairie)
Un roman, une fin décevante
Ati vit dans un monde contrôlé par la religion. Chaque personne vit sans pouvoir penser à sa façon. Si une seule personne se permet de s’exprimer, elle est tuée. Ce régime totalitaire s’est imposé sur cette Terre après un certain nombre de guerres de religion. Le personnage principal, Ati, a des doutes sur toute cette « réalité » imposée, et se lance dans une enquête.
Boualem Sansal, dans ce livre, reprend l’idée de 1984 de Georges Orwell, en y ajoutant la religion. Nous pouvons facilement nous rendre compte de certains points communs avec la situation actuelle de notre monde, où des extrémistes créent des Etats, par exemple.
Je n’ai pas réussi pour autant à me plonger dans ce roman, ressentant dans une livre une idée de secte et de religion beaucoup trop présente. Il y a également beaucoup de vocabulaire de créé, et on se perd rapidement, malgré leur prononciation facile. Effectivement, le récit peut être plausible : tout est décrit et expliqué. On est au même niveau que le personnage, naïf et stressé par cette Autorité. C’est un monde complètement parallèle. Boualem Sansal, lui-même, le dit dans les premières pages.
J’ai également remarqué un manque de logique évident et une fin beaucoup trop prévisible. Premièrement, le manque de logique : on peut se croire dans le passé, par rapport aux descriptions, mais les faits font penser à un futur. Il faut donc être bien accroché et concentré pour le lire. C’est quelque peu…déséquilibrant. Ensuite, je trouve que la fin est terriblement prévisible. Au milieu du livre, j’avais pensé à cette fin, et c’est ce qu’il s’est passé.
En conclusion, 2084, la fin du monde, n’est pas, selon moi, un livre à lire, encore moins pour des lycéens. Il est compliqué à comprendre ; tout y perd sens.
Sophie Naulleau
2084, la fin de la logique
Ati vit dans un monde contrôlé. Un régime théocratique totalitaire s’est imposé sur le monde, suite à de nombreuses guerres. Les libertés ont disparu. Quiconque pense contre le régime est trouvé et tué. Malgré tout, Ati commence à avoir des doutes et va se lancer dans une enquête remettant en cause les fondements mêmes du régime. Dans 2084, la fin du monde, Boualem Sansal reprend le thème du livre 1984, en y ajoutant une dimension religieuse. Le sujet est très lié au contexte de notre époque, où les extrémismes religieux se développent et commencent à établir des « Etats ». Ainsi, l’idée est plutôt bonne, car elle peut nous faire comprendre le calvaire que vivent de nombreuses populations, de nos jours.
Face à ce scénario, je me suis très vite plongé dans le livre qui interpelle. Les descriptions, le contexte et ce que l’on sait de l’histoire, rendent le récit réaliste et plausible. Nous sommes au même niveau que le personnage, naïf et faible. Il y a un stress qui se crée face à cette dystopie où tout est surveillé, même la pensée. Ainsi, on prend plaisir à découvrir ce monde totalement différent, qui peut fasciner malgré tout. Malheureusement, ce monde est compliqué : un vocabulaire est créé pour absolument tout. Ainsi, on se perd vite dans des mots pourtant monosyllabiques. De plus, le recul nous fait comprendre le gros problème du livre : un manque cruel de logique. En lisant l’histoire, on pourrait se croire dans le passé .Or, tous les événements tendent à fixer l’époque dans le futur. Enfin, ce livre est prévisible. On sait rapidement comment il se terminera. On se retrouve avec 150 pages de remplissage pour une fin médiocre, en dessous des attentes. On ne lit pas pour connaître la fin, mais pour arriver à la dernière page. Pour conclure, 2084, la fin du monde est un bon livre à lire, qui nous plonge réellement dans un autre monde, mais une fois fini, il perd de son sens, de sa logique et de sa crédibilité.
Théo Péron Le retour de Big Brother Le chaos a ceci de particulier, c’est que du désordre surgit toujours un nouvel ordre, la nature ayant horreur du vide. Le monde abistanais que décrit Boualem Sansal dans son roman est un monde imaginaire qui prend donc la forme d’un monde post-apocalyptique, érigé sur la destruction d’un ordre ancien jeté aux oubliettes, dont les moindres traces ont été effacées de la mémoire de ses habitants. Guidés par leur prophète bien-aimé Abi, ils s’en remettent aux lois sévères de Yôlah, Dieu omniscient et omnipotent mais qui garantit la stabilité du pays et des mœurs. Ici, la terreur se rapproche du bonheur. Du moins, les Abistanais le croient. Sauf Ati qui, revenant au pays après une longue maladie qui l’en a éloigné, le regarde avec un regard neuf et se met à douter. Endossant les habits de Candide, il part explorer les contours de ce monde qu’il croyait connaître et découvre que la vérité n’est pas forcément celle qui vient « d’en-haut ».
La structure du récit, en livres numérotés, épouse habilement celle des grands textes sacrés, stratégie qui, ici, consiste à imiter ce qui est dénoncé. Ainsi, la dénonciation du fanatisme religieux prend-elle la forme étonnante d’un texte sacré. Le combat pour la liberté d’esprit devient lui-même, par ce biais, une loi immuable et sacrée. Ces livres rappellent les dogmes qui gouvernent l’Abistan, dressent un culte à son prophète fondateur et retracent la révélation d’Ati, sorte de nouveau prophète qui s’ignore, condamné par avance, qui fait ressurgir un monde perdu qui ne demande qu’à ressusciter, agrégeant autour de lui, au fils de ses pérégrinations et de ses rencontres, de nouveaux adeptes.
Avec ce roman, Boualem Sansal signe une contre-utopie qui s’inscrit dans le droit fil du chef-d’œuvre de George Orwell, 1984, comme le rappelle du reste son titre. Les références au système totalitaire que dénonçait Orwell en son temps y sont constantes : même manipulation mentale, même volonté d’annihiler la culture et d’appauvrir le langage. L’ombre de Big Brother plane sur toutes les pages. Chacun des personnages est épié, puis traqué, puis finalement neutralisé. Ati, tel le héros d’Orwell, est le grain de sable dont la liberté de penser menace un instant l’organisation bien huilée de l’Abistan, ouvrant un possible autre, mais qui est finalement balayé d’un revers de main par l’Etat, véritable machine à broyer des libertés individuelles.
2084, la fin du monde est un roman très critique, qui cherche à nous alerter sur le danger du fanatisme religieux, à un moment où le terrorisme déploie ses tentacules assassines sur des territoires de plus en plus vastes. Et le narrateur a beau avertir son lecteur qu’il ne s’agit là que d’une fiction, cela fait froid dans le dos. Est-ce bien sûr que cela ne pourrait pas arriver ?
Il y a sans doute matière à polémiquer à propos de ce roman qui manie une matière éminemment dangereuse. Mais ce que l’on en retient surtout, au final, c’est que la liberté de penser est un bien précieux que l’on devrait n’avoir de cesse de défendre ; que l’Histoire est notre mémoire et qu’il est important de connaître son passé pour mieux comprendre le présent et construire l’avenir ; que la culture et la variété des langues sont un trésor qu’il faut cultiver, parce qu’il nous aide à appréhender la complexité de notre environnement, parce qu’il nous préserve du « prêt-à-penser ».
Derrière l’exercice littéraire de Boualem Sansal, plutôt bien mené, c’est bien à une prise de conscience que nous sommes invités. Il est encore temps d’agir pour que notre monde ne ressemble jamais à celui de 2084.
F.L
Un roman qui manque d’air
Le livre de Boualem Sansal traite d'un sujet très sensible, l'avenir, de quoi sera-t-il fait ? Il y a bien sûr plusieurs visions, et beaucoup d'idées, mais celle ci est particulièrement déroutante.
En effet, dans ce livre, Boualem Sansal nous fait voyager dans un monde complètement imaginaire, où la religion a pris la place de la démocratie. Tout au long de son livre, nous suivons les aventure du dénommé Ati, jeune homme de 35 ans, rescapé de la tuberculose, qui commence à se poser des questions sur cette « dictature religieuse ». Nous sommes entraînés dans sa recherche d'un peuple de personnes vivant outre cette soumission religieuse, « les renégats ».
Mais malgré cette passionnante histoire, j'ai remarqué que l'écriture de ce livre est trop compliquée, trop lourde, elle ne respire pas assez. L'écrivain utilise des fois des mots trop compliqués pour les descriptions, ou alors des fois, les textes manquent justement de descriptions. On voudrait en savoir davantage.
Pour conclure, j'ai beaucoup apprécié l'histoire, elle m'a intéressée. Le seul point négatif est que l'écriture est trop tassée et manque un peu d'air. Malou Servier
5-Une ode à l’amour (version trash) qui divise…

histoir
https://www.youtube.com/watch?v=CSQHpaI0aus
(Simon Liberati présente son roman)
Une histoire d’amour peu commune C’est la vie d’une jeune fille, âgée de 13 ans, qui pose nue sur les photos que prend sa mère alors qu’elle joue encore à la Barbie. Sa mère la prête à d’autres photographes. Elle connaît le monde de la drogue, de l’alcool et de la prostitution. Le narrateur, quant à lui, est âgé de 19 ans quand il la rencontre, et puis il l’oublie. En 2013, ils se recroisent et c’est le début d’une histoire d’amour
Eva est le titre du roman autobiographique de Simon Liberati. Ce livre, mi- aveu mi- description, fait le portrait d’une société aux mœurs dissolues des années 1970 à 2013 : il est aussi un manifeste amoureux qui réserve de très belles pages. L’auteur navigue entre le passé et le présent, entre l’Eva d’aujourd’hui et l’Eva des années 70. Il mélange ses souvenirs d’une rencontre fugace à 19 ans et les documents archivés par Eva pour dépeindre l’horreur vécue par une adolescente dans un monde d’adultes pervers, débauchés. Quelques passages redonnent un peu d’espoir dans l’être humain et sa capacité à se sortir des situations les plus noires grâce à l’amour.
J'ai trouvé la lecture parfois difficile : des phrases tortueuses, sophistiquées, voire mystiques. Je suis restée complètement hermétique à certains passages. J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire (nombreux allers retours entre le temps présent 2013 et le passé 1979), à comprendre ce que pense le narrateur à travers ses descriptions et les sentiments exprimés. Il y a aussi des personnages cités mais sans leurs noms comme par exemple « H ». Le lecteur ne peut deviner s’ils ont existé ou pas, s’ils sont vivants ou inventés. Le monde de la nuit, de la drogue, de l’alcool, de la prostitution est sombre et violent. Cependant une histoire d’amour peut naître et offrir une relation plus paisible entre deux êtres abimés par un passé tumultueux, sans repères, marginaux. Cette histoire d’amour est-elle durable ? Ne vont-ils pas se détruire l’un et l’autre avec leurs cœurs tourmentés ?
Je connaissais Moi, Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée. Il y a donc des jeunes de l’âge d’Eva qui mènent la même vie qu’elle. Ces destins extraordinaires dans un monde aussi éloigné du mien m’ont surprise dégoûtée, émue. Je conseille la lecture de ces romans pour que personne n’ignore ces faits tragiques et que des dispositifs de prévention soient proposés aux adolescents. Mervé Koyuncu
Un relent de Chute
Eva Ionesco n’est pas, comme on pourrait le croire, connue parce qu’elle serait la descendante du grand homme de théâtre qui porte le même nom. Non, cette Ionesco-là s’est fait remarquer en assignant sa mère, photographe de renom, en justice pour avoir fait d’elle, dès son plus jeune âge, un objet sexuel et pour l’avoir livrée ainsi à la prostitution. Quelques vérifications sur la toile suffisent du reste à mesurer l’ampleur de l’injure.
En 2013, Eva a déchiré la « sordide et mondaine existence parisienne » de Simon Liberati, le narrateur, écrivain poussif, toujours entre deux cocktails et deux ou trois rails de coke : c’est la reconnaissance de celle qu’il attendait depuis toujours, depuis cette première fois où la vit, alors qu’elle n’avait que treize ans et déjà une longue carrière de modèle derrière elle. Elle est blonde, elle est encore belle. Le parfum de luxure qui l’accompagne partout où elle passe le fascine. Il l’épouse.
Simon Liberati, par ce livre, entend rendre hommage à sa femme, petite muse déglinguée, pour la libérer de son passé douloureux. Mais son ambition n’est pas d’écrire sa biographie. Ce serait trop simple et elle, est trop complexe. Convoquant à l’envi ses souvenirs littéraires, l’auteur songe plutôt à ces Vies illustres des Anciens, qui sont autant de vies exemplaires qu’il appartient au lecteur de méditer.
Pour ce faire, il transforme Eva en objet littéraire, en « figure romanesque », comme il est dit. Sous sa plume, la petite fille paumée se métamorphose en fée mutine, dont les silences et les absences deviennent des signes d’intelligence supérieure. Mais, fait troublant, en procédant ainsi, il l’érige aussi en objet fétiche, de sorte qu’elle semble être passée d’une soumission à une autre. Car elle reste « cette chose », bel objet sulfureux et excitant, excitant car sulfureux, qui flatte les sens et l’orgueil de Liberati qui l’expose, l’examine, le sonde, le promène à la campagne, l’exhibe en ville. Eva, un bichon houellebequien.
Voilà donc un beau couple, nouvel Adam et nouvelle Eve après la Chute, pourris d’alcool et de drogue, qui viennent gratter aux portes du Paradis Perdu. Mais n’est pas Baudelaire ou Nerval qui veut. Il ne suffit pas de multiplier les provocations, de mélanger les références littéraires pointues et les phrases choc ni de faire dans le trash pour faire un bon roman, quand bien même beaucoup des articles parus sur Eva pourraient le laisser à penser. A la fin, l’impression qui demeure est celle de deux existences pathétiques qui cherchent quelqu’un pour se raconter et, surtout, qui « se la racontent ».
Et c’est bien triste. F.L
6-Où l’on (re)découvre Racine

https://www.youtube.com/watch?v=9mmtg-fj6GY
(Nathalie Azoulay présente son roman)
Dans l’ombre de Racine Ce livre est une tragédie qui rappelle les tragédies de Racine comme Phèdre et Andromaque sur le thème de l'amour.
Quoi de plus actuel qu'une Bérénice quittée par Titus parce qu'il ne veut pas se séparer de Roma, sa femme - qu'il n'aime plus, assure-t-il à Bérénice- mais qui est la mère de ses enfants ? Situation banale, vues plusieurs fois. Qui laisse pourtant notre Bérénice contemporaine totalement détruite. Jusqu'à ce qu'un simple vers s'insinue dans son esprit, la titille et la pousse à relire les tragédies |