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Le bonheur dans le crime


Dans ce temps délicieux, quand on raconte une histoire vraie, c’est à croire que le Diable a dicté...

J’étais un des matins de l’automne dernier à me promener au jardin des Plantes, en compagnie du docteur Torty, certainement une de mes plus vieilles connaissances. Lorsque je n’étais qu’un enfant, le docteur Torty exerçait la médecine dans la ville de V... ; mais après environ trente ans de cet agréable exercice, et ses malades étant morts, – ses fermiers comme il les appelait, lesquels lui avaient rapporté plus que bien des fermiers ne rapportent à leurs maîtres, sur les meilleures terres de Normandie, – il n’en avait pas repris d’autres ; et déjà sur l’âge et fou d’indépendance, comme un animal qui a toujours marché sur son bridon et qui finit par le casser, il était venu s’engloutir dans Paris, – là même, dans le voisinage du Jardin des Plantes, rue Cuvier, je crois, ne faisant plus la médecine que pour son plaisir personnel, qui, d’ailleurs, était grand à en faire, car il était médecin dans le sang et jusqu’aux ongles, et fort médecin, et grand observateur, en plus, de bien d’autres cas que de cas simplement physiologiques et pathologiques...

L’avez-vous quelquefois rencontré, le docteur Torty ? C’était un de ces esprits hardis et vigoureux qui ne chaussent point de mitaines, par la très bonne et proverbiale raison que : « chat ganté ne prend pas de souris », et qu’il en avait immensément pris, et qu’il en voulait toujours prendre, ce matois de fine et forte race ; espèce d’homme qui me plaisait beaucoup à moi, et je crois bien (je me connais !) par les côtés surtout qui déplaisaient le plus aux autres. En effet, il déplaisait assez généralement quand on se portait bien, ce brusque original de docteur Torty ; mais ceux à qui il déplaisait le plus, une fois malades, lui faisaient des salamalecs, comme les sauvages en faisaient au fusil de Robinson qui pouvait les tuer, non pour les mêmes raisons que les sauvages, mais spécialement pour les raisons contraires : il pouvait les sauver ! Sans cette considération prépondérante, le docteur n’aurait jamais gagné vingt mille livres de rente dans une petite ville aristocratique, dévote et bégueule, qui l’aurait parfaitement mis à la porte cochère de ses hôtels, si elle n’avait écouté que ses opinions et ses antipathies. Il s’en rendait compte, du reste, avec beaucoup de sang-froid, et il en plaisantait. « Il fallait, – disait-il railleusement pendant le bail de trente ans qu’il avait fait à V..., – qu’ils choisissent entre moi et l’Extrême-Onction, et, tout dévots qu’ils étaient, ils me prenaient encore de préférence aux Saintes Huiles. » Comme vous voyez, il ne se gênait pas, le docteur. Il avait la plaisanterie légèrement sacrilège. Franc disciple de Cabanis en philosophie médicale, il était, comme son vieux camarade Chaussier, de l’école de ces médecins terribles par un matérialisme absolu, et comme Dubois – le premier des Dubois – par un cynisme qui descend toutes choses et tutoierait des duchesses et des dames d’honneur d’impératrice et les appellerait « mes petites mères », ni plus ni moins que des marchandes de poisson. Pour vous donner une simple idée du cynisme du docteur Torty, c’est lui qui me disait un soir, au cercle des Ganaches, en embrassant somptueusement d’un regard de propriétaire le quadrilatère éblouissant de la table ornée de cent vingt convives : « C’est moi qui les fais tous !... » Moïse n’eût pas été plus fier, en montrant la baguette avec laquelle il changeait des rochers en fontaines. Que voulez-vous, Madame ? Il n’avait pas la bosse du respect, et même il prétendait que là où elle est sur le crâne des autres hommes, il y avait un trou sur le sien. Vieux, ayant passé la soixante-dizaine, mais carré, robuste et noueux comme son nom, d’un visage sardonique et, sous sa perruque châtain clair, très lisse, très lustrée et à cheveux très courts, d’un œil pénétrant, vierge de lunettes, vêtu presque toujours en habit gris ou de ce brun qu’on appela longtemps fumée de Moscou, il ne ressemblait ni de tenue ni d’allure à messieurs les médecins de Paris, corrects, cravatés de blanc, comme du suaire de leurs morts ! C’était un autre homme. Il avait, avec ses gants de daim, ses bottes à forte semelle et à gros talons qu’il faisait retentir sous son pas très ferme, quelque chose d’alerte et de cavalier, et cavalier est bien le mot, car il était resté (combien d’années sur trente !), le charivari boutonné sur la cuisse, et à cheval, dans des chemins à casser en deux des Centaures, – et on devinait bien tout cela à la manière dont il cambrait encore son large buste, vissé sur des reins qui n’avaient pas bougé, et qui se balançait sur de fortes jambes sans rhumatismes, arquées comme celles d’un ancien postillon. Le docteur Torty avait été une espèce de Bas-de-Cuir équestre, qui avait vécu dans les fondrières du Cotentin, comme le Bas-de-Cuir de Cooper dans les forêts de l’Amérique. Naturaliste qui se moquait, comme le héros de Cooper, des lois sociales, mais qui, comme l’homme de Fenimore, ne les avait pas remplacées par l’idée de Dieu, il était devenu un de ces impitoyables observateurs qui ne peuvent pas ne point être des misanthropes. C’est fatal. Aussi l’était-il. Seulement il avait eu le temps, pendant qu’il faisait boire la boue des mauvais chemins au ventre sanglé de son cheval, de se blaser sur les autres fanges de la vie. Ce n’était nullement un misanthrope à l’Alceste. Il ne s’indignait pas vertueusement. Il ne s’encolérait pas. Non ! il méprisait l’homme aussi tranquillement qu’il prenait sa prise de tabac, et même il avait autant de plaisir à le mépriser qu’à la prendre.

Tel exactement il était, ce docteur Torty, avec lequel je me promenais.

Il faisait, ce jour-là, un de ces temps d’automne, gais et clairs, à arrêter les hirondelles qui vont partir. Midi sonnait à Notre-Dame, et son grave bourdon semblait verser, par-dessus la rivière verte et moirée aux piles des ponts, et jusque par-dessus nos têtes, tant l’air ébranlé était pur ! de longs frémissements lumineux. Le feuillage roux des arbres du jardin s’était, par degrés, essuyé du brouillard bleu qui les noie en ces vaporeuses matinées d’octobre, et un joli soleil d’arrière-saison nous chauffait agréablement le dos, dans sa ouate d’or, au docteur et à moi, pendant que nous étions arrêtés, à regarder la fameuse panthère noire, qui est morte, l’hiver d’après, comme une jeune fille, de la poitrine. Il y avait çà et là, autour de nous, le public ordinaire du jardin des Plantes, ce public spécial de gens du peuple, de soldats et de bonnes d’enfants, qui aiment à badauder devant la grille des cages et qui s’amusent beaucoup à jeter des coquilles de noix et des pelures de marrons aux bêtes engourdies ou dormant derrière leurs barreaux. La panthère devant laquelle nous étions, en rôdant, arrivés, était, si vous vous en souvenez, de cette espèce particulière à l’île de Java, le pays du monde où la nature est le plus intense et semble elle-même quelque grande tigresse, inapprivoisable à l’homme, qui le fascine et qui le mord dans toutes les productions de son sol terrible et splendide. À Java, les fleurs ont plus d’éclat et plus de parfum, les fruits plus de goût, les animaux plus de beauté et plus de force que dans aucun autre pays de la terre, et rien ne peut donner une idée de cette violence de vie à qui n’a pas reçu les poignantes et mortelles sensations d’une contrée tout à la fois enchantante et empoisonnante, tout ensemble Armide et Locuste ! Étalée nonchalamment sur ses élégantes pattes allongées devant elle, la tête droite, ses yeux d’émeraude immobiles, la panthère était un magnifique échantillon des redoutables productions de son pays. Nulle tache fauve n’étoilait sa fourrure de velours noir, d’un noir si profond et si mat que la lumière, en y glissant, ne la lustrait même pas, mais s’y absorbait, comme l’eau s’absorbe dans l’éponge qui la boit... Quand on se retournait de cette forme idéale de beauté souple, de force terrible au repos, de dédain impassible et royal, vers les créatures humaines qui la regardaient timidement, qui la contemplaient, yeux ronds et bouche béante, ce n’était pas l’humanité qui avait le beau rôle, c’était la bête. Et elle était si supérieure, que c’en était presque humiliant ! J’en faisais la réflexion tout bas au docteur, quand deux personnes scindèrent tout à coup le groupe amoncelé devant la panthère et se plantèrent justement en face d’elle ; « Oui, – me répondit le docteur, – mais voyez maintenant ! Voici l’équilibre rétabli entre les espèces ! »

C’étaient un homme et une femme, tous deux de haute taille, et qui, dès le premier regard que je leur jetai, me firent l’effet d’appartenir aux rangs élevés du monde parisien. Ils n’étaient jeunes ni l’un ni l’autre, mais néanmoins parfaitement beaux. L’homme devait s’en aller vers quarante-sept ans et davantage, et la femme vers quarante et plus... Ils avaient donc, comme disent les marins revenus de la Terre de Feu, passé la ligne, la ligne fatale, plus formidable que celle de l’équateur, qu’une fois passée on ne repasse plus sur les mers de la vie ! Mais ils paraissaient peu se soucier de cette circonstance. Ils n’avaient au front, ni nulle part, de mélancolie... L’homme, élancé et aussi patricien dans sa redingote noire strictement boutonnée, comme celle d’un officier de cavalerie, que s’il avait porté un de ces costumes que le Titien donne à ses portraits, ressemblait par sa tournure busquée, son air efféminé et hautain, ses moustaches aiguës comme celles d’un chat et qui à la pointe commençaient à blanchir, à un mignon du temps de Henri III ; et pour que la ressemblance fût plus complète, il portait des cheveux courts, qui n’empêchaient nullement de voir briller à ses oreilles deux saphirs d’un bleu sombre, qui me rappelèrent les deux émeraudes que Sbogar portait à la même place... Excepté ce détail ridicule (comme aurait dit le monde) et qui montrait assez de dédain pour les goûts et les idées du jour, tout était simple et dandy comme l’entendait Brummell, c’est-à-dire irrémarquable, dans la tenue de cet homme qui n’attirait l’attention que par lui-même, et qui l’aurait confisquée tout entière, s’il n’avait pas eu au bras la femme, qu’en ce moment, il y avait... Cette femme, en effet, prenait encore plus le regard que l’homme qui l’accompagnait, et elle le captivait plus longtemps. Elle était grande comme lui. Sa tête atteignait presque à la sienne. Et, comme elle était aussi tout en noir, elle faisait penser à la grande Isis noire du Musée Égyptien, par l’ampleur de ses formes, la fierté mystérieuse et la force. Chose étrange ! dans le rapprochement de ce beau couple, c’était la femme qui avait les muscles, et l’homme qui avait les nerfs... Je ne la voyais alors que de profil ; mais ; le profil, c’est l’écueil de la beauté ou son attestation la plus éclatante. Jamais, je crois, je n’en avais vu de plus pur et de plus altier. Quant à ses yeux, je n’en pouvais juger, fixés qu’ils étaient sur la panthère, laquelle, sans doute, en recevait une impression magnétique et désagréable, car, immobile déjà, elle sembla s’enfoncer de plus en plus dans cette immobilité rigide, à mesure que la femme, venue pour la voir, la regardait ; et – comme les chats à la lumière qui les éblouit – sans que sa tête bougeât d’une ligne, sans que la fine extrémité de sa moustache, seulement, frémît, la panthère, après avoir clignoté quelque temps, et comme n’en pouvant pas supporter davantage, rentra lentement, sous les coulisses tirées de ses paupières, les deux étoiles vertes de ses regards. Elle se claquemurait.

« Eh ! eh ! panthère contre panthère ! – fit le docteur à mon oreille ; – mais le satin est plus fort que le velours. »

Le satin, c’était la femme, qui avait une robe de cette étoffe miroitante – une robe à longue traîne. Et il avait vu juste, le docteur ! Noire, souple, d’articulation aussi puissante, aussi royale d’attitude, – dans son espèce, d’une beauté égale, et d’un charme encore plus inquiétant, – la femme, l’inconnue, était comme une panthère humaine, dressée devant la panthère animale qu’elle éclipsait ; et la bête venait de le sentir, sans doute, quand elle avait fermé les yeux. Mais la femme – si c’en était un – ne se contenta pas de ce triomphe. Elle manqua de générosité. Elle voulut que sa rivale la vît qui l’humiliait, et rouvrît les yeux pour la voir. Aussi, défaisant sans mot dire les douze boutons du gant violet qui moulait son magnifique avant-bras, elle ôta ce gant, et, passant audacieusement sa main entre les barreaux de la cage, elle en fouetta le museau court de la panthère, qui ne fit qu’un mouvement... mais quel mouvement !... et d’un coup de dents, rapide comme l’éclair !... Un cri partit du groupe où nous étions. Nous avions cru le poignet emporté : Ce n’était que le gant. La panthère l’avait englouti. La formidable bête outragée avait rouvert des yeux affreusement dilatés, et ses naseaux froncés vibraient encore...

« Folle ! » dit l’homme, en saisissant ce beau poignet, qui venait d’échapper à la plus coupante des morsures.

Vous savez comme parfois on dit : « Folle !... » Il le dit ainsi ; et il le baisa, ce poignet, avec emportement.

Et, comme il était de notre côté, elle se retourna de trois quarts pour le regarder baisant son poignet nu, et je vis ses yeux, à elle... ces yeux qui fascinaient des tigres, et qui étaient à présent fascinés par un homme ; ses yeux, deux larges diamants noirs, taillés pour toutes les fiertés de la vie, et qui n’exprimaient plus en le regardant que toutes les adorations. De l’amour !

Ces yeux-là étaient et disaient tout un poème. L’homme n’avait pas lâché le bras, qui avait dû sentir l’haleine fiévreuse de la panthère, et, le tenant replié sur son cœur, il entraîna la femme dans la grande allée du jardin, indifférent aux murmures et aux exclamations du groupe populaire, – encore ému du danger que l’imprudente venait de courir, – et qu’il retraversa tranquillement. Ils passèrent auprès de nous, le docteur et moi, mais leurs visages tournés l’un vers l’autre, se serrant flanc contre flanc, comme s’ils avaient voulu se pénétrer, entrer, lui dans elle, elle dans lui, et ne faire qu’un seul corps à eux deux, en ne regardant rien qu’eux-mêmes. C’étaient, aurait-on cru à les voir ainsi passer, des créatures supérieures, qui n’apercevaient pas même à leurs orteils la terre sur laquelle ils marchaient, et qui traversaient le monde dans leur nuage, comme, dans Homère, les Immortels !

De telles choses sont rares à Paris, et, pour cette raison, nous restâmes à le voir filer, ce maître-couple, – la femme étalant sa traîne noire dans la poussière du jardin, comme un paon, dédaigneux jusque de son plumage.

Ils étaient superbes, en s’éloignant ainsi, sous les rayons du soleil de midi, dans la majesté de leur entrelacement, ces deux êtres... Et voilà comme ils regagnèrent l’entrée de la grille du jardin et remontèrent dans un coupé, étincelant de cuivres et d’attelage, qui les attendait.

« Ils oublient l’univers ! – fis-je au docteur, qui comprit ma pensée.

– Ah ! ils s’en soucient bien de l’univers ! – répondit-il, de sa voix mordante. – Ils ne voient rien du tout dans la création, et, ce qui est bien plus fort, ils passent même auprès de leur médecin sans le voir.

– Quoi, c’est vous, docteur ! – m’écriai-je, – mais alors vous allez me dire ce qu’ils sont, mon cher docteur. »

Le docteur fit ce qu’on appelle un temps, voulant faire un effet, car en tout il était rusé, le compère !

« Eh bien, c’est Philémon et Baucis, – me dit-il simplement. – Voilà !

– Peste ! – fis-je, – un Philémon et une Baucis d’une fière tournure et ressemblant peu à l’antique. Mais, docteur, ce n’est pas leur nom... Comment les appelez-vous ?

– Comment ! – répondit le docteur, – dans votre monde, où je ne vais point, vous n’avez jamais entendu parler du comte et de la comtesse Serlon de Savigny comme d’un modèle fabuleux d’amour conjugal ?

– Ma foi, non, – dis-je ; – on parle peu d’amour conjugal dans le monde où je vais, docteur.

– Hum ! hum ! c’est bien possible, – fit le docteur, répondant bien plus à sa pensée qu’à la mienne. – Dans ce monde-là, qui est aussi le leur, on se passe beaucoup de choses plus ou moins correctes. Mais, outre qu’ils ont une raison pour ne pas y aller, et qu’ils habitent presque toute l’année leur vieux château de Savigny, dans le Cotentin, il a couru autrefois de tels bruits sur eux, qu’au faubourg Saint-Germain, où l’on a encore un reste de solidarité nobiliaire, on aime mieux se taire que d’en parler.

– Et quels étaient ces bruits ?... Ah ! voilà que vous m’intéressez, docteur ! Vous devez en savoir quelque chose. Le château de Savigny n’est pas très loin de la ville de V..., où vous avez été médecin.

– Eh ! ces bruits... – dit le docteur (il prit pensivement une prise de tabac). – Enfin, on les a crus faux ! Tout ça est passé... Mais, malgré tout, quoique les mariages d’inclination et les bonheurs qu’ils donnent soient en province l’idéal de toutes les mères de famille, romanesques et vertueuses, elles n’ont pas pu beaucoup, – celles que j’ai connues, – parler à mesdemoiselles leurs filles de celui-là !

– Et, cependant, Philémon et Baucis, disiez-vous, docteur ?...

– Baucis ! Baucis ! Hum ! Monsieur... – interrompit le docteur Torty, en passant brusquement son index en crochet sur toute la longueur de son nez de perroquet (un de ses gestes), – ne trouvez-vous pas, voyons, qu’elle a moins l’air d’une Baucis que d’une lady Macbeth, cette gaillarde-là ?...

– Docteur, mon cher et adorable docteur, – repris-je, avec toutes sortes de câlineries dans la voix, – vous allez me dire tout ce que vous savez du comte et de la comtesse de Savigny ?...

– Le médecin est le confesseur des temps modernes, – fit le docteur, avec un ton solennellement goguenard. – Il a remplacé le prêtre, Monsieur, et il est obligé au secret de la confession comme le prêtre... »

Il me regarda malicieusement, car il connaissait mon respect et mon amour pour les choses du catholicisme, dont il était l’ennemi. Il cligna l’œil. Il me crut attrapé.

« Et il va le tenir... comme le prêtre ! – ajouta-t-il, avec éclat, et en riant de son rire le plus cynique. – Venez par ici. Nous allons causer. »

Et il m’emmena dans la grande allée d’arbres qui borde, par ce côté, le Jardin des Plantes et le boulevard de l’Hôpital... Là, nous nous assîmes sur. un banc à dossier vert, et il commença :

« Mon cher, c’est là une histoire qu’il faut aller chercher déjà loin, comme une balle perdue sous des chairs revenues ; car l’oubli, c’est comme une chair de choses vivantes qui se reforme par-dessus les événements et qui empêche d’en voir rien, d’en soupçonner rien au bout d’un certain temps, même la place. C’était dans les premières années qui suivirent la Restauration. Un régiment de la Garde passa par la ville de V... ; et, ayant été obligés d’y rester deux jours pour je ne sais quelle raison militaire, les officiers de ce régiment s’avisèrent de donner un assaut d’armes, en l’honneur de la ville. La ville, en effet, avait bien tout ce qu’il fallait pour que ces officiers de la Garde lui fissent honneur et fête. Elle était, comme on disait alors, – plus royaliste que le Roi. – Proportion gardée avec sa dimension (ce n’est guère qu’une ville de cinq à six mille âmes), elle foisonnait de noblesse. Plus de trente jeunes gens de ses meilleures familles servaient alors, soit aux Gardes-du-Corps, soit à ceux de Monsieur, et les officiers du régiment en passage à V... les connaissaient presque tous. Mais, la principale raison qui décida de cette martiale fête d’un assaut, fut la réputation d’une ville qui s’était appelée « 
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