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Ce document est extrait de la base de données textuelles Frantext réalisée par l'Institut National de la Langue Française (INaLF) Origines de l'alchimie [Document électronique] / par M. Berthelot,... -------------------------------------------------------------------------------- p1 La chimie est née d' hier : il y a cent ans à peine qu' elle a pris la forme d' une science moderne. Cependant les progrès rapides qu' elle a faits depuis ont concouru, plus peut-être que ceux d' aucune autre science, à transformer l' industrie et la civilisation matérielle, et à donner à la race humaine sa puissance chaque jour croissante sur la nature. C' est assez dire quel intérêt présente l' histoire des commencements de la chimie. Or ceux-ci ont un caractère tout spécial : la chimie n' est pas une science primitive, comme la géométrie ou l' astronomie ; elle s' est constituée sur -------------------------------------------------------------------------------- p2 les débris d' une formation scientifique antérieure ; formation demi-chimérique et demi-positive, fondée elle-même sur le trésor lentement amassé des découvertes pratiques de la métallurgie, de la médecine, de l' industrie et de l' économie domestique. Il s' agit de l' alchimie, qui prétendait à la fois enrichir ses adeptes en leur apprenant à fabriquer l' or et l' argent, les mettre à l' abri des maladies par la préparation de la panacée, enfin leur procurer le bonheur parfait en les identifiant avec l' âme du monde et l' esprit universel. L' histoire de l' alchimie est fort obscure. C' est une science sans racine apparente, qui se manifeste tout à coup au moment de la chute de l' empire romain et qui se développe pendant tout le moyen âge, au milieu des mystères et des symboles, sans sortir de l' état de doctrine occulte et persécutée : les savants et les philosophes s' y mêlent et s' y confondent avec les hallucinés, les charlatans et parfois même avec les scélérats. Cette histoire mériterait d' être abordée dans toute son étendue par les méthodes de la critique moderne. Sans entreprendre une aussi vaste recherche qui exigerait toute une vie de savant, je voudrais essayer de percer le mystère des origines de l' alchimie et montrer par quels liens elle se rattache à la fois aux procédés industriels des anciens égyptiens, aux théories spéculatives des philosophes grecs et aux rêveries mystiques des alexandrins et des gnostiques. -------------------------------------------------------------------------------- p9 Les origines mystiques. Les saintes écritures rapportent qu' il y a un certain genre de démons ayant commerce avec les femmes. Hermès en a parlé dans ses livres sur la nature. Les anciennes et saintes écritures disent que certains anges, épris d' amour pour les femmes, descendirent sur la terre, leur enseignèrent les oeuvres de la nature ; et à cause de cela ils furent chassés du ciel et condamnés à un exil perpétuel. De ce commerce naquit la race des géants. Le livre dans lequel ils enseignaient les arts est appelé chêma : de là le nom de chêma appliqué à l' art par excellence. Ainsi parlait Zosime le panopolitain, le plus vieux des chimistes authentiques, exposant les origines de la chimie, dans son livre imouth (c' est-à-dire dédié à Imhotep , dieu égyptien), livre adressé à sa soeur Théosébie. Ce passage est cité par Georges Le Syncelle, polygraphe grec du Viiie siècle. -------------------------------------------------------------------------------- p10 D' autres nous disent que ces oeuvres de la nature, maudites et inutiles, enseignées par les anges tombés à leurs épouses, étaient l' art des poisons, des secrets des métaux et des incantations magiques (Tertullien). Le nom du livre chêma se retrouve en égypte sous la forme chemi , titre d' un traité cité dans un papyrus de la Xiie dynastie et recommandé par un scribe à son fils. Il est probable que le sujet en était tout différent. C' était un vieux titre, repris plus tard pour s' en autoriser, comme il est arrivé souvent dans l' antiquité. Quoiqu' il en soit, le passage de Zosime est des plus caractéristiques. Sans en conclure, avec les adeptes du Xviie siècle, que l' alchimie était déjà connue avant le déluge, il est certain qu' il nous reporte aux imaginations qui avaient cours en Orient dans les premiers siècles de l' ère chrétienne. Isis, dans son discours à son fils Horus, autre ouvrage alchimique des plus anciens, raconte également que la révélation lui fut faite par Amnael, le premier des anges et des prophètes, comme récompense de son commerce avec lui. Quelques lignes étranges du chapitre V de la genèse, probablement d' origine babylonienne, ont servi de point d' attache à ces imaginations. " les enfants de Dieu, voyant que les filles des hommes étaient belles, -------------------------------------------------------------------------------- p11 choisirent des femmes parmi elles " . De là naquit une race de géants, dont l' impiété fut la cause du déluge. Leur origine est rattachée à Enoch. Enoch lui-même est fils de Caïn et fondateur de la ville qui porte son nom, d' après l' une des généalogies relatées dans la genèse (chapitre Iv) ; il descendait au contraire de Seth et il disparut mystérieusement du monde, d' après la seconde généalogie (chapitre V). à ce personnage équivoque on attribua un ouvrage apocryphe composé un peu avant l' ère chrétienne, le livre d' Enoch, qui joue un rôle important dans les premiers siècles du christianisme. Georges Le Syncelle nous a conservé des fragments considérables de ce livre, retrouvé depuis dans une version éthiopienne. Il en existe une traduction française imprimée dans le dictionnaire des apocryphes de Migne, Ti, P 395- 514. Dans ce livre, ce sont également les anges pécheurs qui révèlent aux mortelles les arts et les sciences occultes. " ils habitèrent avec elles et ils leur enseignèrent la sorcellerie, les enchantements, les propriétés des racines et des arbres..., les signes magiques..., l' art d' observer les étoiles... il leur apprit aussi, dit encore le livre d' Enoch en parlant de l' un de ces anges, l' usage des bracelets et ornements, l' usage de la peinture, l' art de se peindre les sourcils, l' art d' employer les pierres précieuses et toutes sortes de teintures, de sorte que le monde fut corrompu " . Les auteurs du Iie et du Iiie siècle de notre ère reviennent souvent sur cette légende. Clément D' Alexandrie la cite (vers 200 de notre ère) dans ses -------------------------------------------------------------------------------- p12 stromates , 1 v Tertullien en parle longuement. " ils trahirent le secret des plaisirs mondains ; ils livrèrent l' or, l' argent et leurs oeuvres ; ils enseignèrent l' art de teindre les toisons " . De même : " ils découvrirent les charmes mondains , ceux de l' or, des pierres brillantes et de leurs oeuvres " . Ailleurs Tertullien dit encore : " ils mirent à nu les secrets des métaux ; ils firent connaître la vertu des plantes et la force des incantations magiques, et ils décrivirent ces doctrines singulières qui s' étendent jusqu' à la science des astres " . On voit combien l' auteur est préoccupé des mystères des métaux, c' est-à-dire de l' alchimie, et comment il l' associe avec l' art de la teinture et avec la fabrication des pierres précieuses, association qui forme la base même des vieux traités alchimiques contemporains, retrouvés dans les papyrus et dans les manuscrits. La magie et l' astrologie, ainsi que la connaissance des vertus des plantes, remèdes et poisons, sont confondues par Tertullien avec l' art des métaux dans une même malédiction, et cette malédiction a duré pendant tout le moyen âge. Ailleurs Tertullien assimile ces anges qui ont abandonné Dieu par amour pour les femmes et révélé les arts interdits -------------------------------------------------------------------------------- p13 au monde inexpérimenté ; il les assimile, dis-je, à leurs disciples, les mages, les astrologues et les mathématiciens, et il établit un parallèle entre l' expulsion de ceux-ci de Rome, et celle des anges du ciel. Il m' a paru nécessaire de développer ces citations, afin de préciser l' époque à laquelle Zosime écrivait : c' est l' époque à laquelle les imaginations relatives aux anges pécheurs et à la révélation des sciences occultes, astrologie, magie et alchimie, avaient cours dans le monde. On voit qu' il s' agit du Iiie siècle de notre ère. Les papyrus de Leide présentent également les recettes magiques associées aux recettes alchimiques. La proscription de ceux qui cultivaient ces sciences n' est pas seulement un voeu de Tertullien, elle était effective et cela nous explique le soin avec lequel ils se cachaient eux-mêmes et dissimulaient leurs ouvrages sous le couvert des noms les plus autorisés. Elle nous reporte à des faits et à des analogies historiques non douteuses. La condamnation des mathématiciens, c' est-à-dire des astrologues, magiciens et autres sectateurs des sciences occultes, était de droit commun à Rome. Tacite nous apprend que sous le règne de Tibère on rendit un édit pour chasser d' Italie les magiciens et -------------------------------------------------------------------------------- p14 les mathématiciens ; l' un d' eux, Pituanius, fut mis à mort et précipité du haut d' un rocher. Sous Claude, sous Vitellius, nouveaux sénatus-consultes, atroces et inutiles, ajoute Tacite. En effet, dit-il ailleurs, ce genre d' hommes qui excite des espérances trompeuses est toujours proscrit et toujours recherché . L' exercice de la magie et même la connaissance de cet art étaient réputés criminels et prohibés à Rome, ainsi que nous l' apprend formellement Paul, jurisconsulte du temps des antonins. Paul nous fait savoir qu' il était interdit de posséder des livres magiques. Lorsqu' on les découvrait, on les brûlait publiquement et on en déportait le possesseur ; si ce dernier était de basse condition, on le mettait à mort. Telle était la pratique constante du droit romain. Or l' association de la magie , de l' astrologie et de l' alchimie, est évidente dans les passages de Tertullien cités plus haut. Cette association avait lieu particulièrement en égypte. Les papyrus de Leide, trouvés à Thèbes, complètent et précisent ces rapprochements entre l' alchimie, l' astrologie et la magie ; car ils nous montrent que les alchimistes ajoutaient à leur art, suivant l' usage des -------------------------------------------------------------------------------- p15 peuples primitifs, des formules magiques propres à se concilier et même à forcer la volonté des dieux (ou des démons), êtres supérieurs que l' on supposait intervenir perpétuellement dans le cours des choses. La loi naturelle agissant par elle-même était une notion trop simple et trop forte pour la plupart des hommes d' alors : il fallait y suppléer par des recettes mystérieuses. L' alchimie, l' astrologie et la magie sont ainsi associées et entremêlées dans les mêmes papyrus. Nous observons le même mélange dans certains manuscrits du moyen âge, tels que le manuscrit grec 2419 de la bibliothèque nationale. Cependant les formules magiques et astrologiques ne se retrouvent plus en général dans la plupart des traités alchimiques proprement dits. Il n' en est que plus intéressant de signaler les traces qui y subsistent encore. Tels sont le dessin mystérieux, désigné sous le nom de Chrysopée ou art de faire de l' or de Cléopâtre et les alphabets magiques du manuscrit 2249, analogues à ceux d' un papyrus cité par Reuvens et dont M Leemans a reproduit le fac simile. La théorie de l' oeuf philosophique, le grand secret de l' oeuvre, symbole de l' univers et de l' alchimie, donnait surtout prise à ces imaginations. Les signes bizarres du scorpion et les caractères magiques -------------------------------------------------------------------------------- p16 transcrits dans nos manuscrits ; la sphère ou instrument d' Hermès pour prédire l' issue des maladies, dont les analogues se retrouvent à la fois dans le manuscrit 2419 et dans les papyrus de Leide ; la table d' émeraude, citée pendant tout le moyen âge , et les formules mystiques : " en haut les choses célestes, en bas les choses terrestres " qui se lisent dans les traités grecs, à côté des figures des appareils, attestent la même association. Si elle n' est pas plus fréquente dans les ouvrages parvenus jusqu' à nous, c' est probablement parce que ces manuscrits ont été épurés au moyen âge par leurs copistes chrétiens. C' est ce que l' on voit clairement dans le manuscrit grec de la bibliothèque de saint Marc, le plus ancien de tous, car il paraît remonter au Xie siècle. On y trouve non seulement la chrysopée de Cléopâtre (Fol 188) et la formule du scorpion ( Fol 193), mais aussi le labyrinthe de Salomon (Fol 102, V), dessin cabalistique, et, sous forme d' additions initiales (Fol 4), une sphère astrologique, l' art d' interpréter les songes de Nicéphore, ainsi que des pronostics pour les quatre saisons. Les alphabets magiques s' y lisent encore ; mais on a essayé de les effacer (Fol 193), et l' on a gratté la plupart des mots rappelant l' oeuf philosophique. Il paraît s' être fait à cette époque, c' est-à-dire dès le Xe ou Xie siècle, un corps d' ouvrages, une sorte d' encyclopédie purement chimique, séparée avec soin de la magie, de l' astrologie et de la matière médicale . -------------------------------------------------------------------------------- p17 Mais ces diverses sciences étaient réunies à l' origine et cultivées par les mêmes adeptes. On s' explique dès lors pourquoi Dioclétien fit brûler en égypte les livres d' alchimie, ainsi que les chroniqueurs nous l' apprennent. Dès la plus haute antiquité d' ailleurs, ceux qui s' occupent de l' extraction et du travail des métaux ont été réputés des enchanteurs et des magiciens. Sans doute ces transformations de la matière, qui atteignent au delà de la forme et font disparaître jusqu' à l' existence spécifique des corps, semblaient surpasser la mesure de |
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