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« Au bonheur des consommateurs » Lundi, 12 heures, boite aux lettres Une enveloppe marron m’attend, impatiente d’être ouverte. Cofidis : un correspondant fidèle, c’est déjà la troisième lettre… « Chère Madame, cher Monsieur, Si vous pensez qu’un crédit ne peut pas s’adapter à votre budget, c’est que vous ne connaissez pas encore Cofidis […] La formule Libravou est une réserve de crédit idéale, disponible à tout moment en cas de besoin et elle s’adapte à tous les budgets ». « Votre cadeau de bienvenue : la cafetière légal ». Devant ma tasse de café soluble, mon esprit s’évade dans les eaux turquoise d’un lagon exotique. Avec 4000 euros « tout devient possible »… Non, je ne céderai pas à la tentation, pas cette fois du moins. Lundi, 16 heures, Grand Parc M et Mme X, à peine 1000 euros de retraite à deux, 4 crédits. Ils sont dépassés et nous implorent de l’aide. Ils ont du recevoir l’enveloppe marron… Comment les blâmer ? Comment les blâmer de ne pas avoir su résister aux harcèlements répétés de notre société de consommation et des organismes de crédit qui vous promettent le bonheur matériel immédiat ? Aujourd’hui certains crédits se vendent comme des savonnettes… Derrière les vitres de la permanence, dans les allées du Grand Parc, j’aperçois les affiches 4 par 3 de André Bracchetta et autres racheteurs de crédit, il n’y a pas de hasard… Une question me traverse soudain l’esprit : pourquoi cette publicité n’est-elle pas réglementée ? 17 heures Un homme nous explique péniblement qu’on lui prélève des sommes pour un abonnement internet qu’il n’a pas demandé. Il voulait juste le téléphone. Il sait à peine lire et écrire. Dégroupage total forcé, résiliation de contrat impossible, prélèvements automatiques indus : les cas défilent dans les locaux de la permanence de l’association. Une fontaine inépuisable… C’est la loi du plus fort : celui qui connaît la loi, pour mieux la détourner, et celui qui ne la connaît pas. Oui, « nul n’est censé ignorer la loi ». Mais qui leur apprend ? Il faut être courageux, ambitieux et/ou utopiste (« la défense de la veuve et de l’orphelin ») pour oser s’aventurer sur les bancs de la fac de droit et enfin connaître … ses droits. Alors, un code civil sous le bras, de la bonne volonté et des bouts de ficelle, les membres des associations de consommateurs tentent de défendre les droits de leurs adhérents. Des bénévoles en majorité, peu nombreux, et retraités pour la plupart. Faute de moyens, les rares salariés sont le plus souvent embauchés à mi-temps, en contrats précaires… Le code civil et le code de la consommation regorgent de textes protecteurs du consommateur. Mais pour quelle application ? Certains professionnels sont hors la loi et agissent en toute impunité. Les télécoms notamment sont devenus une zone de non droit : 11 682 plaintes en 2006 auprès de l’Afutt, Association française des utilisateurs de télécommunications. En début d’année, le gouvernement a retiré le projet de loi en faveur des consommateurs1. Faute de moyens et de personnel, la Dgccrf a baissé le nombre de ses poursuites alors que le nombre de plaintes a augmenté. A quoi sert le droit si l’Etat n’est pas capable de le faire respecter ? Au nom de la liberté des entreprises, les consommateurs sont totalement abandonnés. La rentabilité et le profit, rien n’est plus important… Aujourd’hui, encore plus qu’avant, j’ai un détecteur d’arnaques à la place du cœur. Que dois-je faire : aller prier à Notre Dame comme me l’a gentiment conseillé une dame rencontrée dans la boutique d’un opérateur téléphonique?… Avril 2007, Valérie LE GROUYER 1 Cf. à ce sujet les articles sur les sites de l’UFC et de la CLCV |