Prénom NOM Adresse CP Ville +33 6.XX.XX.XX.XX XXXXXXXX@XXX.com Maitre DANGUY 2 bis, rue de Lorraine 93 000 Bobigny
A XXXX, le 26 May 20155.
Objet : Observations, Créancier privilégié de la société EPMEDIA France. Maitre,
Je fais suite à votre courrier en date du 18 mai 2015. Par la présente, je vous transmets mes observations comme le prévoit l’article L.622-27 du code du commerce. Suite à l’opposition du débiteur concernant le montant de ma créance déclarée dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, je vous réitère mon intention de conserver le montant initialement déclaré et m’oppose à ladite contestation.
En outre, j’aimerais apporter au débat les observations suivantes et porter à votre connaissance les faits suivants ;
Concernant la forme dont revête la preuve apportée par le gérant de la société débitrice afin de contester la déclaration de ma créance ;
On ne peut que s’étonner de la forme du document joint à la contestation de la créance par la société débitrice, une simple photographie non datée de ce qui s’avère être l’écran de l’ordinateur du dirigeant. Certes, le principe de la liberté de la preuve est consacré en droit commercial, toutefois la force probante d’un tel document s’avère être nulle dans la mesure où il peut être sujet à modification par le débiteur.
Dans le cas d’espèce, la liberté de la preuve doit être tempérée par les stipulations contractuelles ainsi que les dispositions légales instituant un ordre public particulier en matière de jeu d’argent en ligne. A cet égard, les conditions générales d’utilisation de l’opérateur stipulent à l’article 9 :
« De convention expresse entre le joueur et www.europoker.fr, les enregistrements effectués par le système informatique de www.europoker.fr font foi entre les parties »
Toutefois, les « enregistrements effectués par le système informatique » de l’opérateur sont conservés sous scellés dans un « coffre-fort » numérique dont les caractéristiques sont prévues aux articles 4 et 5 du décret n°2010-509 du 18 mai 2010 relatif aux obligations imposées aux opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne en vue du contrôle des données de jeux par l'Autorité de régulation des jeux en ligne. Les articles 4 et 5 dudit décret disposent ;
La conception du coffre-fort garantit:
1° Que seuls les agents de l'Autorité de régulation des jeux en ligne peuvent déchiffrer le contenu des données qui y sont conservées ;
2° Que toute suppression ou altération de ces données, malveillante ou non, est identifiable par ces agents ;
3° Que la gestion des droits d'accès au coffre ne peut être réalisée que par des agents de l'Autorité de régulation des jeux en ligne.
L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information se prononce sur la conception du coffre-fort au regard des garanties exigées.
Le coffre-fort contient deux espaces de conservation des données, l'un pour les données d'administration du support matériel d'archivage, l'autre pour les données tracées. Lorsque l'opérateur dispose de plusieurs agréments, le coffre-fort contient un espace de conservation des données tracées par activité de jeu ou de pari faisant l'objet d'un agrément. Les données tracées et conservées dans le coffre-fort sont chiffrées de manière à en garantir la confidentialité. Elles sont horodatées, chaînées et scellées de manière à ce qu'elles ne puissent être altérées et à ce que tout ajout, suppression ou modification soit détectable par les agents de l'Autorité de régulation des jeux en ligne.
Les données tracées font l'objet d'un codage spécifique correspondant aux catégories d'informations précisées dans le dossier des exigences techniques et portant notamment sur: 1° L'identifiant du joueur, ou « login », saisi par le joueur pour s'identifier auprès de l'opérateur ;
2° Le pseudonyme du joueur ou « pseudo », c'est-à-dire le nom d'emprunt que se donne le joueur dans le cadre de ses activités de jeu ;
3° L'« adresse IP » du joueur, c'est-à-dire l'adresse dite « Internet Protocol » du terminal depuis lequel le joueur se connecte au site de l'opérateur ;
4° Toute autre donnée relative à un événement de jeu ou de pari ou concourant à la formation du solde du compte joueur.
Il résulte de la combinaison des précédentes dispositions et stipulations que seuls les fichiers stockés dans le « coffre-fort » font foi et revêtent une force probante irréfutable susceptible de contester le solde des avoirs joueurs dont la société débitrice est redevable. Tout autre moyen de preuve émanant de l’opérateur consisterait à entraver le principe notamment selon lequel « Nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ». Le fichier original remplissant le rôle de registre de compte est l’unique élément qui peut asseoir une contestation de la part du débiteur.
Concernant les éléments factuels venant fonder les prétentions du débiteur aux fins de rejet de ladite créance :
Si tant est que ces éléments ne soient pas superfétatoires au regard des précédentes observations, les éléments factuels apportés par le débiteur ne correspondent en rien avec la réalité des faits.
Concernant la datation du document joint à l’appui de la contestation de la créance :
Le débiteur afin de contester la créance joint un document non daté expressément. Toutefois après une lecture approfondie de la pièce, les données présentes permettent sa datation. On y apprend que l’opérateur a recueilli ces informations entre le 12 septembre et le 14 septembre 2014. Ces dates varient en fonction des pièces. Afin de mettre l’ensemble de la chronologie en perspective, il convient de rappeler que l’opérateur produit des pièces antérieures d’une quinzaine de jours à l’arrêt de l’activité. Par conséquent, de nombreux joueurs ont joué sur la plateforme entrainant des mouvements financiers non négligeables et des revenus pour l’opérateur. En outre, il était encore possible de créditer des avoirs par le biais du site de l’opérateur à la date du 15 octobre 2014. Les représentants de l’ARJEL avaient notamment fait pression lors de l’audience au tribunal de commerce de Bobigny afin que le dirigeant négligent mette fin à la possibilité d’abondement des comptes joueurs par des joueurs non informés de la procédure de cessation de payement.
Ces éléments expliquent la différence qu’il peut parfois exister entre les documents officiels du site fournis par les joueurs à l’appui de leur déclaration de créance et le montant inscrit sur le document joint par le débiteur.
Concernant l’inadéquation des sommes avancées par l’opérateur avec ses propres sources :
Dans certains cas d’espèces, il convient de préciser que les éléments joints à votre courrier afin de justifier la contestation de la déclaration de créance initiale, ne correspondent pas aux propres sources de l’opérateur lui-même. Ainsi, quand bien même il ne serait pas contesté que les avoirs exigibles étaient de « x » à un moment « t », et que la définition des avoirs disponibles correspondrait à « la somme des gains nets et dépôts moins les retraits », le calcul opéré par le débiteur afin de rejeter la créance n’est pas même assis sur des données émanant de ses propres documents. On se demande logiquement par quel tour de passe-passe, le résultat a été obtenu.
Concernant la discussion relative à la notion des avoirs exigibles :
En l’absence de preuve tangible émanant du débiteur à fin de rejet partiel ou total de la créance déclarée par le joueur, la discussion concernant la définition de la notion des avoirs exigibles est superfétatoire. Toutefois, il convient que nous l’abordions dans la mesure où elle révèle la faute de gestion commise par les dirigeants de la société.
Afin de s’opposer à la créance déclarée par le joueur, le débiteur argue des conditions générales d’utilisation afin de limiter sa dette à la simple somme des gains nets et dépôt déduction faite des retraits. Toutefois, les créanciers peuvent apporter la preuve que les CGU ont été antidatés dans l’unique but de dissimuler une faute de gestion ou plus grave une malversation des dirigeants de la société EPMEDIA France.
Il convient au préalable de préciser que les CGU n’ont jamais été acceptés par les joueurs et notamment par ceux qui ont créé un compte avant le 4 juin 2013. Qu’il s’agisse de la première version datée du 4 juin 2013 ou la version suivante antidatée à la même date mais modifiée postérieurement au 9 février 2014, les utilisateurs du site n’ont jamais approuvé les CGU.
En effet, l’article 11 intitulé : « Modification des Conditions générales d’utilisation » stipule ;
www.europoker.fr peut librement modifier les présentes conditions générales et sollicite du joueur une demande d’acceptation de la nouvelle version des conditions générales envoyée à l’adresse électronique déclarée dans le compte joueur ou par tout autre moyen d’information préalable à la mise en œuvre de la modification. Si le joueur n'accepte pas les modifications des Conditions générales, www.europoker.fr peut, après un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle le joueur a pu, soit avoir accès au courrier électronique l’informant de la modification ou, soit avoir accès à tout autre moyen d’information pour prendre connaissance de cette modification, clôturer le compte joueur.
A cet égard, les CGU stipulent que pour être valables, le document doit avoir notamment été transmis aux utilisateurs par voie de mail. Toutefois, aucun utilisateur n’a reçu de notification de la première version datée du 4 juin 2013. Concernant la deuxième version antidatée à la même date à partir de mai 2014, il va de soi que l’opérateur n’ait pas notifié l’infraction pénale à l’utilisateur du site.
Par ailleurs, la procédure du double clic est indispensable afin de s’assurer de l’acceptation de l’utilisateur lorsque l’opérateur procède à la modification de ses conditions générales sur internet. Cette procédure est d’autant plus importante lorsque la simple modification d’une stipulation des CGU peut entraîner unilatéralement l’inexigibilité d’une créance. Toutefois, le logiciel de la société EPMEDIA France était un logiciel type dont elle ne pouvait modifier la structure. Il ne permettait pas par conséquent l’affichage, la lecture et la mise en place de la procédure légale d’acceptation des CGU par le biais de l’interface du logiciel. En somme, il ressort des éléments que les CGU n’ont jamais été acceptés par les utilisateurs et que les modifications n’ont jamais été portées à la connaissance des joueurs. Ces données devant être stockées au sein du « coffre-fort » sécurisé, il appartient à l’opérateur d’apporter la preuve du contraire.
En outre, l’opérateur afin de dissimuler sa faute de gestion caractérisée (cf. 3.5) a mis en œuvre des manœuvres dolosives et frauduleuses dans l’unique but de modifier l’assiette de sa dette à l’insu des joueurs. Les créanciers ont la preuve formelle et admissible devant une juridiction que les conditions générales d’utilisation ont été antidatées à la date du 4 juin 2013 après une modification et un ajout explicite de l’article 5.1 consacré aux avoirs exigibles. Ainsi, il a été ajouté la phrase suivante :
« Il est précisé en outre que tout bonus et avantages joueurs versés aux joueurs ne font pas partie des avoirs devant être disponibles. »
Cet ajout est intervenu à une date postérieure au 9 février 2014. Il est possible d’en obtenir la preuve irréfutable par l’analyse des documents numériques présents sur le serveur web qui hébergeait le site de l’opérateur à l’époque.
La création et l’usage d’un faux est une infraction pénale. Le code pénal dispose à cet égard :
Article 441-1 : Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
La société EPMEDIA France par l’intermédiaire de ses dirigeants s’est rendue coupable d’une fraude. Il s’agissait de protéger les responsables de ce que l’on peut qualifier a minima d’une faute de gestion. La modification frauduleuse des CGU permet à la société et par conséquent à ses dirigeants de ne pas être redevable de la créance issue d’une pratique contractuelle et commerciale qu’elle a elle-même mis en place de sa propre initiative. Par le biais de mails, d’appels téléphoniques et d’échanges électroniques dont les créanciers ont la preuve, elle a démarché sa clientèle en lui offrant la possibilité d’obtenir des offres courantes et proportionnées dans le milieu des opérateurs de jeux en ligne par rapport à la concurrence. La société EPMEDIA France a honoré l’intégralité des avoirs jusqu’à ce qu’elle soit en cessation de paiement. En effet, certains joueurs ont pu retirer plus que la somme des gains nets et dépôt déduction faite des retraits lorsque la santé financière de la structure n’était pas catastrophique. Pour couvrir leurs agissements encore flous, les dirigeants ont décidé d’antidater les CGU afin de ne plus être redevables de tout ou partie de leurs dettes à l’égard des joueurs. Malgré les allégations de l’opérateur, les versements issus de l’offre de fidélité ou de la pratique contractuelle tacites des « players return » et « reimboursement » ne correspondaient en aucun cas à des avoirs fictifs avec lesquels le joueur ne pouvait que jouer. D’une part, l’opérateur ne pouvait créditer des lignes de crédit factices avec lesquels le joueur produisait un revenu réel pour la société EPMEDIA France. Ce mécanisme aurait été illégal au regard de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. D’autre part, certains joueurs notamment sponsorisés et égérie marketing, ont perçu des sommes importantes correspondant aux intitulés « players return » et « reimboursement ». Malgré tout, ils ont toujours pu retirer l’intégralité de leurs avoirs vers leur compte bancaire personnel
La faute de gestion des dirigeants est qualifiée. Elle trouve notamment son fondement dans le fait que les représentants de la société n’ont pas respecté leur obligation de provisionner la fiducie des montants correspondant à l’intégralité des avoirs des joueurs. On peut légitimement penser que cette somme a été utilisée à d’autres fins.
En outre, cette obligation transparaît notamment dans les documents internes à l’opérateur. Ainsi dans le document faisant référence de « registre comptable » interne, pièce envoyée à l’appui des prétentions du débiteur, la catégorie « Our net profit for player » renseigne au sujet des profits engendrés par la société du fait de l’activité du joueur. Toutefois, afin d’obtenir les profits net du brut, l’opérateur devait soustraire un certain nombre de charges dont les catégories « Player returns » et « Reimbursement ». Par conséquent, ces sommes avaient vocation à être provisionnées car elles constituaient des charges au niveau comptable. Ces charges n’étaient autres que des dettes de la société EPMEDIA France issues du programme de fidélité à l’égard des joueurs. Il s’agit d’une énième preuve si tant est qu’il fût nécessaire que l’ensemble des avoirs sont exigibles.
Ces éléments contribuent à renforcer une nouvelle fois le doute concernant la gestion de la société EPMEDIA France par ses dirigeants. On ne peut que se demander comment une société qui ne provisionnait pas les avoirs des joueurs a pu accumuler un tel passif. L’ensemble de ces données fait peser un doute certain quant à l’intégrité des dirigeants et laisse la question de la faillite frauduleuse en suspens.
Restant à votre entière disposition, je vous prie d’agréer, Maitre, l’expression de mes salutations distinguées.
Prénom NOM. |