Colloque Régulation 2015. Atelier : at07 Coût du capital et crise du capitalisme








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Colloque Régulation 2015. Atelier : AT07 - Coût du capital et crise du capitalisme

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Rachid Mira, doctorant, Université Paris 13, Cepn, Email : rachidmira@hotmail.fr
Titre : Rentabilité et coût du capital dans le projet industriel algérien : le cas de la Société Nationale des Véhicules Industriels (SNVI)
Abstract :

La restructuration des entreprises publiques en Algérie en vue de leur insertion dans un modèle d’économie de marché a nécessité depuis les années 1980 la mise en place d’un ensemble d’institutions et la transition d’un mode de régulation monopoliste vers un mode plus concurrentiel. Cependant, l’institution Etat est restée jusqu’à nos jours l’institution clé soutenant un régime d’accumulation dépendant des ressources en hydrocarbures. La politique budgétaire et financière de l’Etat a donc soutenu et financé la restructuration des entreprises publiques dans le cadre d’une nouvelle stratégie industrielle orientée vers la substitution d’importation et la diversification des exportations. La restructuration de la SNVI opérée depuis les années 1990 s’est inscrite dans une démarche globale de politique industrielle visant à assainir les entreprises publiques et refinancer les investissements productifs en vue de pouvoir soit privatiser, soit nouer des partenariats. Cette stratégie a nécessité le transfert de ressources budgétaires pour financer les investissements et assainir la dette et les découverts bancaires qui a constitué un coût du capital supporté par l’Etat. La politique de partenariat avec des investisseurs étrangers vise à poursuivre un processus de restructuration et de restauration de la compétitivité sur un marché ouvert à la concurrence mais sous régulation sous régulation de l’Etat.

The restructuration of public firms in Algeria since the 1980’s, was conducted in order to develop market economy and was supported by institutions and a political transition from a state regulation model towards a market regulation one. The state institution is still nowadays the basic one that sustains the growth regime which is dependant from hydrocarbon ressources. The budgetary policy was oriented to sustain the public firms restructuration and the new industrial policy of import and export substitution. The group SNVI was part of this industrial project and received in the 1990’s public ressources for renewing investment and to recover banking debt and deficit. This policy constitutes a great cost of capital supported by the state budget. The aim is to contract new investment partnerships in order to transform the firm into a competitive one in a competitive market but under control and regulation of the state.
Introduction :

La théorie de Régulation a permis de s’interroger sur la dynamique d’un système économique, donc sur les transformations qui le façonnent ou le déforment jusqu’à la rupture qui exprime l’état de crise. L’étude des rapports sociaux à caractères économiques s’est centrée sur les modalités de la reproduction de ces rapports hiérarchiques, constitutifs du système, mais dont la conflictualité met constamment en péril la stabilité de sa reproduction. Au sein d’un mode de production, les régulationnistes ont mis en évidence un certain nombre de catégories intermédiaires, les formes institutionnelles, concourant à canaliser les règles, codes et routine, et à réguler, orienter le Régime d’Accumulation en vigueur. Ces formes institutionnelles sont: d’abord, l’Etat, instance de souveraineté qui assure la pérennité des rapports sociaux, ensuite, la contrainte monétaire, le rapport salarial, les formes de la concurrence et les modalités d’insertion dans le régime international. Dans le mode de production capitaliste, la forme Etat s’appuie sur d’autres formes structurelles, comme la forme monnaie qui assure dans le rapport marchand la reconnaissance ou validation sociale, par l’échange de travaux privés. Le recours institutionnalisé à un équivalent général exprime la contrainte monétaire et définit l’économie marchande comme monétaire. Mais les formes institutionnelles, ne prennent réellement sens que si on les relie aux formes de mise en valeur et d’accumulation du capital par les capitalistes. Le concept de régime d’accumulation constitue alors un autre concept clé que la théorie combine à ces autres catégories intermédiaires. Il soulève la question de la reproduction cohérente d’ensemble d’un mode de production, celui du capitalisme, traversé par des contradictions, de conflits inhérents aux types de rapports de production noués et au procès continuel de valorisation, via l’échange, de marchandises issues de multiples travaux privés. La dynamique de l’accumulation peut venir buter sur ces contradictions, que la crise viendra le plus souvent apurer et restaurer son unité contradictoire. Outre le rôle des crises modérées qui rétablissent le procès cumulatif de la croissance, des formes sociales, institutionnelles (que nous venons de définir) viennent réguler et soutenir la dynamique de l’accumulation par la résorption ou atténuation des déséquilibres et contradictions des périodes antérieures. Le régime d’accumulation ne peut cependant fonctionner de manière concrète sans que des règles, habitudes et plus fondamentalement, des formes institutionnelles viennent réguler les décisions et actions privées en conformité au schéma de reproduction en vigueur. Cet ensemble de formes institutionnelles, de règles et habitudes intériorisées, constituent un Mode de Régulation. La régulation assure le passage de multiples décisions privées de production et d’échange, à un ensemble, formant un système cohérent et relativement stable. Le mode de régulation désigne alors « tout ensemble de procédures et de comportements, individuels et collectifs, qui a la triple propriété de: reproduire les rapports sociaux fondamentaux à travers la conjonction de formes institutionnelles historiquement déterminées; soutenir et « piloter » le régime d’accumulation en vigueur; assurer la compatibilité dynamique d’un ensemble de décisions décentralisées, sans que soit nécessaire l’intériorisation par les acteurs économiques des principes de l’ajustement de l’ensemble du système » (Boyer, 1986).
1 Stratégie d’industrialisation autocentrée basée sur les industries lourdes


    1. Le rôle des institutions formelles dans la stabilisation du régime d’accumulation extensive et incitation aux investissements en Algérie :


En 1962, l’industrie algérienne se compose de trois secteurs principaux :

le secteur privé constitué d’entreprises n’ayant pas été nationalisées par les décrets de 1963 ; le secteur mixte regroupant des sociétés avec une participation de l’Etat dans leur capital social ; le secteur socialiste autogéré et des entreprises nationales. L’industrialisation en Algérie repose sur une stratégie de développement contenue dans un document officiel portant sur le budget d’équipement de 1966 qui trace une perspective de développement à l’horizon 1980. Le développement économique y est voulu autocentré avec un objectif d’acquisition et de maîtrise technologique, de produire ses propres biens de production et de consommation. Le modèle est celui de la priorité donnée aux industries lourdes déjà évoquées dans le programme de Tripoli et réaffirmé en 1966 par la volonté de développer les industries de base que sont la sidérurgie et la pétrochimie. Durant la période du régime du président Houari Boumediene (1965-1978), l’industrie se divise en un secteur autogéré, un secteur d’Etat centralisé et un relevant des collectivités locales, enfin un secteur privé. Le secteur industriel privé se concentre dans les industries de transformation. La période 1967-1972 se caractérise par une évolution à la hausse de l’intensité capitalistique des projets privés lancés sur la période avec un investissement moyen par projet qui double entre 1967 et 1972 en passant respectivement de 552 000 à 1,214 000 DA. Le nombre moyen d’emplois par projet agréé augmente aussi mais entre 1967 et 1971 puisque en 1972 le nombre moyen d’emploi retombe sous le niveau de 1967. En revanche le coût moyen de création d’emploi va en augmentant sur la période, sauf pour l’année 1971 pour passer de près de 20 000 DA en 1967 à 55 000 DA en 1974.

On constate en effet que la part des investissements industriels reste relativement faible entre 1963 et 1966 bien qu’il atteigne ¼ de l’investissement total mais ne concerne que les industries de biens de consommation (textiles, cuir, denrées alimentaires). En 1967 la rupture est évidente avec une part de 47.1% puis croitra pour se maintenir en 1973 au même niveau de l’investissement total. La planification accordera de l’importance aux industries de biens de base et d’équipement. L’objectif est de créer une industrie favorable à l’emploi et à la création d’un tissu industriel intégré dans le cadre d’un développement autocentré sur le marché national. La stratégie de développement autocentrée mise en place par le régime politique de Boumediene jusqu’aux réformes des années 1980 sous le président Chadli, a conduit à l’édification d’un secteur public manufacturier en situation de monopole dans des branches d’activité stratégiques mais mobilisant des investissements lourds, intenses en capital et dont le rendement ou retour sur investissement se situait à moyen long terme. Les dépenses d’investissement public se sont concentrés sur la période 1970-1984 dans les secteurs stratégiques des hydrocarbures et des industries lourdes et relativement moins dans les industries légères :

Tableau 1 : Distribution des dépenses publiques d’investissement : 1970-1984 (%)

Secteurs

1970-1973

1974-1977

1978-1979

1980-1984

Hydrocarbures

47

49

47

44

Industries lourdes

33

25

29

29

Industries légères

20

26

24

27

Source : extrait et traduit de Bradford L. Dillman (2000)
Tableau 2 : Distribution des dépenses d’équipement du secteur privé : 1970-1984 (%)

Secteurs

1970-1973

1974-1977

1978-1979

1980-1984

Industries lourdes

7

13

14

15

Industries légères

93

87

86

85

Source : extrait et traduit de Bradford L. Dillman (2000)

On peut constater qu’alors que les dépenses publiques d’investissement restent minoritaires dans le secteur des industries légères, les dépenses d’équipement du secteur privé sont au contraire massivement orientées vers ce type d’industries et donc très faiblement en direction des industries lourdes : investir dans les industries légères offre au secteur privé des perspectives de rentabilité à court terme. Sur la fin des années 1970, le bilan du second plan quadriennal montre une difficulté croissante à absorber des investissements additionnels, tant les précédents plans témoignent également de programmes d’investissements non réalisés ou en attente de réalisation. Le paradoxe est qu’en 1978, les importations croissent encore plus vite que les exportations qui ne les couvrent qu’à 73% avec en majorité des recettes d’exportation d’hydrocarbures. Sur la période, on constate qu’un seuil structurel des exportations est franchi après 1966, année où les hydrocarbures représentent encore 59.1% de la valeur totale des exportations, avec une part de près d’un tiers des biens d’alimentation. Les matières premières reculent déjà en 1966 et les produits semi-finis, biens d’équipements progressent tout en restant à la marge. De 1969 à 1980, la structure des exportations algériennes va de plus en plus être dépendante des hydrocarbures qui vont atteindre une part de 98.2% en 1980. Ces exportations d’hydrocarbures sont en 1979 constituées majoritairement de pétrole brut (plus de 77%), ainsi que de condensat (plus de 7%), de produits raffinés (plus de 7%) et de gaz dont le GNL (plus de 6%) et le GPL encore marginal.

La nouvelle politique industrielle issue du plan quinquennal (1980-1984) vise à restructurer et à rationaliser la gestion des entreprises publiques qui connaissent des déficits chroniques et un lourd endettement. Une réforme importante consistera à démanteler les entreprises publiques ayant atteint une taille critique : entre 1979 et 1983, le secteur industriel public est passé de 70 à 404 nouvelles entreprises nationales, outre la création également d’entreprises locales. Le démantèlement vise à améliorer la gestion des entreprises publiques, jusqu’alors trop coûteuse et bureaucratique, accroitre la capacité de contrôle et de regard de l’Etat sur l’emploi des crédits octroyés par le trésor public. La politique industrielle du plan quinquennal aboutit à une augmentation générale de la production industrielle entre 1979 et 1984

­Dans les domaines de la métallurgie (fonte, acier), du ciment et de l’électricité, les taux de croissance sur la période 1979-1984 sont exceptionnellement élevés. Les taux de croissance sont positifs quoique relativement moins élevés dans les domaines du phosphate et de la farine, semoule. La production reste néanmoins faible dans d’autres secteurs comme celui des biens électroménagers, des véhicules industriels. Dans le secteur des hydrocarbures, la production de pétrole connaît des fluctuations, notamment une baisse dans la première moitié des années 1980, puis une hausse entre 1985 et 1987, alors que la production de gaz croit de 1982 à 1987. La conjoncture sur le marché des hydrocarbures va traduire ces deux tendances opposées sur la période : ainsi de 1980 à 1985, la part du pétrole dans les recettes d’exportation va passer respectivement de 69.5% à 26%, alors que la part du gaz dans les recettes d’exportation passe respectivement de 5.80% à 24%. Survient en 1986 le contrechoc pétrolier qui fait passer les recettes pétrolières de 12.5 milliards de dollars en 1980 à 4.450 milliard en 1987, soit une chute de près de 180%. En conséquence, la balance des paiements passe sur la période 1980-1987 respectivement d’un niveau excédentaire de +249 millions de dollars à un niveau déficitaire de -348 millions de dollars. L’endettement extérieur passe lui sur la même période respectivement de 11.15 milliards de dollars à près de 21 milliards de dollars et le service de la dette atteint en 1987 les 27 milliards de dinars soit l’équivalent de 5.75 milliards de dollars. Dans ce contexte de crise macroéconomique, la coalition au pouvoir lance lors du congrès du FLN de 1985 le second plan quinquennal (1985-1989) qui prévoit 521 milliards de dinars de dépenses qui se cumulent à 300 milliards de dinars de dépenses pour les programmes des précédents plans en cours de réalisation. Le secteur industriel va représenter une part de 40% du total des crédits alloués par le plan.

L’économie de la fin de la décennie 1980 demeure entièrement dépendante des recettes d’exportation d’hydrocarbures qui représentent plus de 90% des exportations de biens du pays et servent à financer les importations croissantes en biens de consommation et d’équipement. Le solde du commerce extérieur demeure positif sur la période malgré sa diminution progressive. Sous la présidence Chadli Bendjedid, la progression des investissements programmés et réalisés lors des deux plans quinquennaux a engendré une progression plus rapide du PIB du secteur public que du secteur privé, ce qui ne traduit pas dans les faits la volonté de la nouvelle coalition au pouvoir de redynamiser le secteur privé par le biais d’incitations à l’investissement. On peut donc avancer que la structure de l’économie algérienne des années 1980 reste dominée par le secteur étatique dont l’absence de rentabilité et le coût supporté par les finances publiques deviennent de plus en plus pesants dans un contexte de réduction des recettes fiscales pétrolières.
1.2 Les années 1988-1999 : réformes économiques et instabilité du régime d’accumulation extensive centré sur la rente pétrolière
La dégradation de la situation économique au milieu des années 1980 marque une nouvelle orientation de la politique économique marquée par la rigueur et la nécessité de faire une pause dans la stratégie industrialiste (remise en question par le nouveau pouvoir) et de rééquilibrer l’économie en faveur d’autres secteurs redevenus prioritaires comme l’agriculture.

Nous l’avions vu, l’Algérie enregistre l’essentiel de ses recettes d’exportations grâce à ses ressources en hydrocarbures. Cette position de pays mono-exportateur rend l’Algérie vulnérable face à la fluctuation des prix du pétrole : en effet, le contrechoc survenu en1986, fait passer le prix du baril de 30 dollars fin 1985 à 10 dollars en juillet 1986.

Le gouvernement réoriente en conséquence sa politique économique vers plus de rigueur, ceci au cours des années 1985-1986, en diminuant les programmes d’investissement et en comprimant les importations : le taux de croissance des importations est alors négatif tout au long de la seconde moitié des années 1980, avec une chute de près de -16% pour les années 1986 et 1987 notamment.

La réduction drastique des importations aura des conséquences négatives sur l’approvisionnement en intrants nécessaires à la production et dans une moindre mesure en biens nécessaires à la consommation : en effet, le gouvernement algérien a cherché à mener une politique de rigueur ciblée en veillant à réduire l’impact sur la consommation de la population. Le taux de croissance annuel moyen de la production nationale, tous secteurs confondus, devient négatif à -1.2% entre 1985 et 1988, en raison de la réduction des importations en biens nécessaires à la production. Les entreprises publiques comme privées connaissent des difficultés. Notamment les entreprises étatiques pourtant en pleine restructuration en vue de les rentabiliser, connaissent des déficits et découverts bancaires croissants évalués par A. Bouzidi (1990) à 42 milliards de dinars fin 1988.1Les résultats financiers des entreprises publiques pèsent donc sur le budget de l’Etat dont les recettes diminuent et le déficit devient chronique et croit en passant de 12.9 milliards de dinars en 1986 à 20.7 milliards en 1988.

La situation monétaire caractérisée par une surliquidité croissante de l’économie est la contrepartie d’une politique monétaire laxiste qui obéit d’une part, à la demande de financement des dépenses publiques que finance le trésor public, dont le déficit atteint près de 200 milliards de dinars en 1990. D’autre part, à la demande de financement des entreprises publiques dont le déficit chronique occasionne le recours au découvert bancaire, réescompté auprès de la Banque d’Algérie. La réforme de la politique monétaire issue de la loi relative à la monnaie et au crédit de 1990 se double au même moment d’une politique budgétaire qui vise à réduire les déficits depuis la seconde moitié des années 1980 et ce jusqu’à 1991, date de l’arrêt politique du processus des réformes menés par le gouvernement Hamrouche. De manière concomitante, la politique industrielle vise également sur la période à assainir la situation financière de déficit persistant des entreprises publiques qui pèse sur le secteur bancaire et les finances publiques. La réduction des dépenses publiques fut poursuivie par la restriction sur certains postes budgétaires mais aussi par le recours aux autres instruments de la réforme de 1988-1990 que sont la libération du commerce extérieur et des prix, parallèlement à une politique de dévaluation du dinar pour renchérir les importations et de lutte contre les marchés parallèles propices à l’inflation.

La politique de restriction budgétaire coïncide avec la baisse du financement du Trésor des prêts à l’investissement qui passe de 25 milliards de dinars en 1985-1986 à 2 milliards de dinars en 1990. Pour illustrer le désengagement progressif du Trésor sur cette période dans le financement des dépenses publiques et notamment des prêts à l’investissement, on constate une augmentation entre 1985 et 1988 des concours bancaires. La restriction du financement budgétaire notamment destiné aux entreprises publiques constitue un indice d’affaiblissement des rentes de transferts qui ont alimenté depuis les années 1960 et ce jusqu’au début des années 1980, déficits et découverts bancaires, symptomatiques d’un mode de gestion étatique et centralisé du secteur productif.

On constate sur la période un déficit budgétaire persistant de 1986 à 1989 qui se résorbe dès 1990 puis 1991 qui enregistrent un solde positif. Le processus de résorption du déficit est visible dès 1989 avec un déficit de moins de 3% du PIB. L’année 1990 marque donc un excédent du solde budgétaire de moins de 4% du PIB. Cette situation positive pour les finances publiques coïncide avec la même année un solde positif des opérations budgétaires du Trésor qui réduit son intervention dans le financement des entreprises. Les prêts aux entreprises passent de 16 à seulement 2 milliards de dinars respectivement entre 1989 et 1990.

La politique budgétaire restrictive dans l’affectation des ressources couplée à une hausse des recettes fiscales d’origine pétrolières permettent ce solde positif. En effet, les recettes fiscales pétrolières passent de 24100 millions de dinars en 1988 à 45500 en 1989, puis 76200 en 1990 pour plus que doubler en 1991 avec un montant de 161500 millions de dinars.

La période de récession causée par le contrechoc pétrolier de 1986 et la baisse consécutive des ressources fiscales d’origine pétrolières produit une baisse d’activité productive qui alimente une baisse des rentrées fiscales ordinaires et produit un déficit budgétaire financé comme nous l’avons vu par un déficit du Trésor finançant l’emprunt intérieur de l’Etat. La situation se redresse donc en 1989 et le budget enregistre alors un solde positif en 1990-1991. La politique budgétaire repart ensuite à la dérive avec de nouveau un déficit sur les années 1992 et 1993 notamment. En effet, les dépenses croissent plus vite que les recettes surtout entre 1991-1992 puis en 1993. Se sont surtout les dépenses d’équipement qui connaissent une forte croissance entre 1991 et 1992, avec au total une multiplication par deux des dépenses budgétaires (fonctionnement et équipement).

L’évolution du secteur industriel algérien des années 1980 a montré une hausse en valeur absolue de sa valeur ajoutée dans le PIB, passant de 64.5 milliards de dinars en 1980, à 143.1 milliards de dinars en 1990. Cette hausse dynamique correspond à un rythme de croissance annuelle de 11.3% sur la décennie. Néanmoins, en part relative, le secteur industriel a connu une décroissance de sa part dans la valeur ajoutée totale sur la même période, avec un taux de croissance annuel moyen négatif de 2.35%. Ce changement de structure dans la valeur ajoutée marque un processus de désindustrialisation. L’évolution de l’indice de la production industrielle, spécifiquement du secteur public national, connaît sur la période 1986-1993 une décroissance progressive a la fois de son indice général et de ceux des industries hors hydrocarbures et manufacturière. La décroissance des indices se poursuit d’ailleurs sur la seconde moitié de la décennie 1990, ce qui confirme une tendance structurelle affectant le secteur productif public dont les tentatives de restructuration de la fin des années 1980 n’ont pas permis une relance de la production industrielle pourtant envisagée dans les plans quinquennaux.

En ce qui concerne la structure du PIB sur la période 1986-1993, on constate également une diminution de la part du secteur industriel hors hydrocarbures qui passe de 17.4% en 1986 à 13.0% en 1993, la tendance à la baisse se poursuivant dans les années 1990. La part de l’industrie hors hydrocarbures est d’ailleurs la même que celle de l’agriculture en 1993. Les hydrocarbures à l’inverse du reste de l’industrie connaît une part dans le PIB croissante qui double même entre 1986 et 1991. La réforme des entreprises publiques fut ensuite poursuivie à la fin des années 1980 avec la volonté d’accorder une autonomie accrue dans la gestion de ces entreprises par des réformes qui aboutiront à des projets de lois débattus au parlement en 1987, puis qui feront l’objet de lois au cours des années 1988-1990. En effet, dès l’année 1988, sont votées, les lois, n°88-01 relative à l’orientation sur les entreprises publiques, n°88-03 relative aux fonds de participation et n°88-04 portant code de commerce, qui permettent une séparation de la propriété du capital de sa gestion. La nouvelle orientation politique sur le statut des entreprises publiques est aussi marquée par la loi n°88-01 qui crée les Entreprises Publiques Economiques (EPE) en abrogeant les ordonnances, promulguées entre 1971 et 1975, relatives aux entreprises socialistes. L’EPE est définie juridiquement comme une société par action ou à responsabilité limitée. Cette loi remet l’entreprise publique dans une logique d’économie marchande et abolit le mode de gestion socialiste des entreprises. Le niveau atteint par le déficit et découvert bancaire de ces EPE ne permet pas à l’Etat au début des années 1990 de les recapitaliser et constitue une entrave au bon fonctionnement du Trésor et du système bancaire dont la loi relative au crédit et à la monnaie visait à redéfinir leurs attributions.
1.3 La politique de restructuration des entreprises publiques des années 1990-2000 comme tentative d’instaurer un mode de régulation concurrentiel
Au cours de la seconde moitié des années 1980, le premier plan de restructuration des entreprises publiques connait un obstacle de financement par l’Etat en raison de la réduction des recettes budgétaires suite au contrechoc pétrolier de 1986. Sur le plan de la coalition politique au pouvoir le courant réformiste va prendre l’avantage sur le courant conservateur en raison de la nécessité de réduire le soutien financier de l’Etat aux entreprises publiques qu’il s’agit de réformer pour redevenir rentables et compétitives dans le cadre de l’instauration de l’économie de marché. Il s’agit pour l’Etat d’accepter contre la volonté de l’aile conservatrice du pouvoir représentée par le parti du FLN, de basculer du système économique socialiste vers l’économie de marché. La mise en œuvre des plans d’ajustement structurels durant les années 1994-1998 va imposer une politique de réduction des dépenses publiques et la restructuration des entreprises publiques en vue de leur privatisation.

La période des réformes économiques qu’a incarné le gouvernement Hamrouche à la fin des années 1980, a permis de construire un cadre institutionnel favorable à l’économie de marché. La loi de 1988 relative à l’autonomie des entreprises publiques a fait partie de ce dispositif de réforme dans le secteur industriel : la situation dégradée des finances publiques et de l’endettement extérieur de l’Etat a contraint le gouvernement à mener une politique de restructuration des entreprises publiques consistant après la phase de démantèlement des années 1980, à mener une politique de filialisation des unités de production, de réduction des effectifs, et d’accroissement des aptitudes du personnel encadrant à gérer et manager ces entreprises sur le modèle du secteur privé. La seconde étape envisagée dans les années 1990, après restructuration et assainissement financier consiste à mener à terme des privatisations totales ou partielles. On peut donc schématiser le processus de restructuration des entreprises publiques s’étalant sur les décennies 1980-1990 de la façon suivante :

Restructuration dans les années 1980, par le découpage et la réorganisation des grands groupes industriels en de nouvelles entreprises recentrées sur leur cœur de métier ; Réformes institutionnelles sous le gouvernement Hamrouche (1988-1991) conférant de l’autonomie dans la gestion des entreprises publiques ; Poursuite de la restructuration économique et financière des entreprises publiques par la mise en place sous la houlette de cabinets conseils internationaux de plans de redressement internes (PRI) et le respect de contrats de performance ; Evolution du cadre institutionnel en 1995 avec le remplacement des fonds de participation par les holdings ; Réalisation de plans de privatisations totale ou partielle.

Dans le secteur de la mécanique, la SNVI constructeur de véhicules industriels, un des symboles de la première stratégie industrielle des années 1960-70 et entreprise clé dans le dispositif de relance industrielle des années 2000, va connaitre une politique de restructuration en vue d’aboutir à sa privatisation sous la forme du partenariat: l’entreprise passe ainsi d’une structure en conglomérat, dont le découpage fait émerger à la fin des années 1980 la société SNVI sous le statut d’EPE et sera placée directement sous la tutelle du ministère de l’industrie sans être gérée par un fonds de participation ou un holding. La SNVI va bénéficier au cours des années 1990-2000 d’une politique d’assainissement financier avec le soutien du Trésor et des banques publiques. En contrepartie, l’entreprise est placée sous le contrôle des banques détentrices de créances et devant contracter un plan de rééchelonnement et de remboursement des dettes tout en respectant la norme des ratios prudentiels. La SNVI peut ainsi obtenir les crédits nécessaires pour lancer son plan de restructuration industrielle (PRI) dont une première version date des années 1992-2002, puis une seconde version relative à la mise en place de l’autonomie des unités de production par la filialisation, créant les conditions favorables au partenariat lors des années 2002-2007.

La politique de restructuration des entreprises publiques par la filialisation de leurs unités de production a permis de constituer depuis les années 1980-1990, plus de 1117 filiales dont 250 dans le secteur des entreprises industrielles. En revanche, plus de 80 unités économiques et 10 entreprises industrielles publiques ont été dissoutes, avec le licenciement de 60000 salariés. Plus de 700 entreprises locales ont également été dissoutes, 300000 salariés licenciés, en contrepartie d’une privatisation par la cession des actifs aux salariés. La politique d’assainissement financier prise en charge par l’Etat (Trésor et banques publiques) et accompagnant les dissolution-restructuration des entreprises publiques a représenté un total de plus de 840 milliards de dinars à la fin de 1999 (Nacer-Eddine Saadi, 2005).
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