CONCLUSION Cette communication visait à décrire les modes de raisonnements des entrepreneurs des domaines vitivinicoles provençaux à travers la dialectique raisonnement effectual/causal. L‟analyse de nos données (les entretiens auprès de deux entrepreneurs) révèle que les managers sont à la fois effectuaux et causaux dans leur démarche entrepreneuriale. Nos résultats permettent donc d‟illustrer l‟articulation entre les raisonnements causaux et effectuaux sur la filière des vins de Provence et de confirmer empiriquement les résultats des dernières recherches sur la théorie de l‟effectuation. Il convient de souligner les contributions de notre recherche sur le plan managérial. Cet article fournit aux managers une description concrète des modes de raisonnements en jeux lors des prises de décisions. Au delà de ces contributions, une limite méthodologique est à souligner. A ce stade de notre recherche, nous avons analysé uniquement quatre entretiens de quatre domaines vitivinivoles sur une base de données de plus de domaines constituées. L‟évocation de cette limite nous amène à relever une piste de recherche qu‟il apparaît intéressant de poursuivre à l‟avenir. Cette nouvelle voie de recherche consisterait à poursuivre l‟analyse à ces domaines. En effet, ce travail
d‟observation n‟est qu‟une étape à l‟ambition de rendre intelligible les contextes et conditions dans lesquelles les entrepreneurs passent d‟un mode de raisonnement à un autre. En définitive, nous espérons que notre travail a contribué à confirmer empiriquement les récents travaux sur l‟effectuation et la dialectique causal/effectual. Plus généralement, cette recherche de type exploratoire, se veut être un premier pas dans la compréhension des mécanismes de raisonnement en jeux dans les décisions des entrepreneurs. Bibliographie Beekhuyzen, J. (2007) “Putting the piece of the puzzle together: usingNvivo for literaturereview.” 4th QUALIT Conference Qualitative Research in IT & IT in Qualitative Research. Wellington, New Zealand. CIVP (2010), “Document économique : la filière du rosé”, Conseil Interprofessionnel des Vins deProvence. Coeurderoy R. & Durand R. (2001), "La cohérence des choix stratégiques : l‟impact des décisions d‟entrée et des stratégies génériques sur la performance organisationnelles des firmes", Finance Contrôle Stratégie, 4(3):57-88. Cohen, M. D. and D. A. Levinthal (1990). "Absorptive Capacity: a new perspective on learning and innovation." Administrative Science Quarterly, 36: 128-152. Dew, N., et al. (2009). "Effectual versus predictivelogics in entrepreneurial decision-making: Differencesbetween experts and novices." Journal of Business Venturing 24(4): 287-309. Eisenhardt K.M. (1989), "Building theoriesfrom case studyresearch", Academy of Management Review, 14(4):532-550. FEVS (2012), Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux de France, http://www.fevs.com/fr/#/la-filiere 25 HladyRispal M. (2009), "La conduite d‟études de cas encastres", Revue internationale de Psychosociologie, 35:179-200. Hannin, H., Couderc, J.-P. & D‟Hauteville, H. (2010), La Vigne Et Le Vin : Mutations Économiques En France Et Dans Le Monde, Collection les Études de la Documentation française. IWSR, International Wine and Spirit Research (2010), “Focus Rosé”, étude Vinexpo Julien P.-A. (1995), "New technologies and technological information in small businesses", Journal of Business Venturing, 10(6):459-475. Lane, P. J. and M. Lubatkin (1998). "Relative absorptive capacity and interorganizational learning." Strategic Management Journal 19(5): 461-477. Lewin, A. Y., et al. (2010). "Microfoundations of Internal and External Absorptive Capacity Routines." Organization Science 22(1): 81-98.
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L’INTRAPRENEURIAT SOCIAL EN FRANCE, UNE COMPARAISON ENTRE UN GROUPE ET UNE PME Laurice ALEXANDRE-LECLAIR
Maître de Conférences HDR
Université Paris Descartes-Sorbonne Paris Cité
CEDAG EA1516
Laurice.alexandre-leclair@parisdescartes.fr, laurice.alexandre@gmail.com
Résumé : cet article traite de l’intrapreneuriat social pratiqué en France dans deux structures de tailles différentes. Grâce à deux études de cas approfondies, nous constatons que la prise de risque financier est moindre dans le cas de l’intrapreneuriat social que dans l’intrapreneuriat classique aussi bien pour la grande entreprise que pour la PME. Aussi, dans les deux cas, la RSE est au coeur de l’intrapreneuriat social. Cela dit, alors que dans laPME, l’intrapreneur est un entrepreneur, l’intrapreneur au sein du groupe occupe ce poste pour mener le projet à bien. Enfin, dans les deux cas, les limites de l’intrapreneuriat social sont les mêmes aussi bien pour la grande entreprise que pour la petite, il s’agit d’un défi pour motiver les cadres à pratiquer une action de mécénat. Mots clés : intrapreneuriat social, groupes, PME, mécénat, RSE. Abstract : in this article we compare the practice of social intrapreneurship in two different entities : a group and an SME. Thanks to two deep case studies, we can conclude that in both cases, there is less financial risk alike in the case of classical entrepreneurship. In addition, CSR is the main objective of social intrapreneurship in both cases. However, in the case of the SME, the intrapreneur is an entrepreneur which is not the case for the large company. Finally, we can notice the same limit for social intrapreneurship in both cases which is the motivation of employees to the sponsorship actions. Key words : social intrapreneurship, group, SME, CSR, sponsporship.
L’INTRAPRENEURIAT SOCIAL EN FRANCE, UNE COMPARAISON ENTRE UN GROUPE ET UNE PME INTRODUCTION : L’intrapreneuriat concerne le développement d’une nouvelle entité au sein d’une entreprise déjà existante dans le but d’exploiter une nouvelle opportunité et créer de la valeur économique (Pinchot, 1985). Plusieurs auteurs ont déjà traité de l’intrapreneuriat de façon globale, (Davidson 2006, Jhonson et al., 2006 ; Parker and Belghitar, 2006 ; Lichtenstein et al. 2007 ; Liao and Welsh, 2008 ; Diochon et al. 2008 ; Reynolds, 2009 ; Brush et al., 2008). Ces recherches traitent surtout du rôle d’une organisation dans la mise en place d’une nouvelle entité à l’intérieur même de l’entité principale. Aujourd'hui, les expériences d'intrapreneuriat débordent le champ initial des grandes entreprises privées puisqu'on les trouve dans les petites et moyennes entreprises, dans le secteur public et dans les organismes sans but lucratif (Germain O. et al , 2011). Par ailleurs, nous définissons l’intrapreneuriat social comme étant «la création d’une entité à but non lucratif dédiée au mécénat et aux causes sociales au sein même d’une organisation à but lucratif ou non lucratif», la finalité principale étant de s’inscrire dans une stratégie de responsabilité sociétale de l’entreprise. En effet, les entreprises sont de plus en plus soucieuses de satisfaire les différentes parties prenantes qui sont de plus en plus exigeantes notamment avec la crise actuelle. D’autant plus, qu’en France la tendance est d’encourager l’entrepreneuriat social qui concerne beaucoup plus les petites entreprises ayant choisi de satisfaire une niche de marché tout en créant des emplois et se développer sur un plan économique. Mais l’entrepreneuriat social en France fait partie de l’ESS (économie sociale et solidaire) qui regroupe aussi bien des structures à but lucratif qu’à but non lucratif comme les associations, et les fondations. L’ ;intrapreneuriat social permet ainsi aux entreprises classiques de pratique l’intrapreneuriat social. Le champ de l’ESS attire de plus en plus les chercheurs en France. Mais à notre connaissance, très peu d’auteurs se sont intéressés à l’intrapreneuriat social en tant qu’une pratique à part entière, d’où l’intérêt de notre article qui a comme objectif de présenter la pratique de l’intrapreneuriat social en France à travers l’étude approfondie de deux cas distincts : un groupe et une PME. Notre objectif étant de comparer le profil de l’intrapreneur dans les deux cas et les raisons qui poussent les entreprises à avoir recours à ce type d’intrapreneuriat. En effet, nous souhaiterions d’une part déterminer le lien entre la personnalité du dirigeant et sa sensibilité aux causes sociales et donc à l’intrapreneuriat social dans son entreprise. D’autre part, nous souhaiterions déterminer les objectifs principaux de cet intrapreneuriat, notamment les liens avec une stratégie de RSE, et enfin, comment il est vécu par les salariés. Pour ce faire, nous avons étudié le cas de deux structures différentes : un groupe et une PME. Ainsi, après une revue de littérature sur l’intrapreneuriat, nous présenterons la méthodologie de notre recherche suivie par les résultats et la discussion.
1. REVUE DE LITTERATURE Dans la littérature anglo-saxonne, l’intrapreneuriat social est traité sous l’angle d’entrepreneuriat social dans la majorité des cas. Mais nous portons un regard différent sur cette pratique qui doit être considérée comme un facteur stratégique adopté par l’entreprise dans le but de réaliser un avantage concurrentiel.
D’après Arrow (1963), « quand le marché échoue à réaliser un résultat optimal, la société, reconnaîtra cet écart, dans une certaine mesure, et des institutions sociales non commerciales surgiront pour essayer de combler le manque ». Cette définition s’applique aussi bien à l’entrepreneuriat social qu’à l’intrapreneuriat social. Dans l’absence d’un corpus théorique très large sur l’intrapreneuriat et l’intrapreneuriat social, nous tenterons de distinguer tout de d’abord l’entrepreneuriat de l’intrapreneuriat.
Gartner (1985) définit l’entrepreneuriat comme la création de nouvelles organisations. Dans cette perspective, l’entrepreneuriat prend fin nécessairement lorsque la phase de création est terminée. Dans la même lignée, Luschinger et Bagby (1987), déclarent que l’entrepreneuriat concerne surtout les nouveaux projets indépendants et non la continuité d’un projet qui opère déjà. Dans ce sens, l’entrepreneuriat est associé au profit potentiel mais aussi et surtout au risque. D’un autre côté, Shane et Venkataranan(2000) considèrent l’entrepreneuriat comme « l’identification, l’évaluation et l’exploitation d’opportunités ». Cette définition est considérée aujourd’hui comme une définition de consensus (Shane 2012) bien qu’elle fut controversée par différents auteurs (Klyver, Hindle&Meyer, 2008 ; Reynolds, 2009 ; Spencer, Kirchoff&White, 2008 ; cités par Shane (2012) qui considèrent l’entrepreneuriat comme l’étude de la formation des entreprises ou des organisations. Cela dit, dans son dernier article paru en 2012, Shane rajoute l’aspect individu à sa définition et déclare que l’entrepreneuriat est un processus qui dépend des opportunités et des individus. Chabaud et Messeghem (2010) proposent quant à eux, la définition de Baumol (1996) et Venkataraman (2000) afin d’illustrer le concept de l’opportunité. «L’opportunité entrepreneuriale est à distinguer des autres opportunités de profit. Elle ne vise pas simplement à proposer, pour une relation moyens-fins, une utilisation plus efficiente des ressources. L’opportunité entrepreneuriale apparaît au contraire comme une remise en cause de la relation moyens-fins, une utilisation plus efficiente des ressources. En ce sens, elle ne peut pas être exploitée par optimisation ». le tableau 1 présente les différents courants sur l’opportunité. Tableau 1. Paradigme de l’opportunité et courants de la recherche en entrepreneuriat

 Chabaud et Messeghem (2010) citent aussi Ireland et al. (2003) qui considèrent que « la richesse est seulement créée lorsque les firmes combinent un comportement de recherche d’opportunité (i.e., l’entrepreneuriat) avec un comportement efficace de recherche d’avantage [concurrentiel] (i.e. le management stratégique)». L’atteinte de cette combinaison vertueuse nécessite, cependant, d’être en mesure de concevoir des mécanismes organisationnels qui articulent ces deux aspects… ». Nous pouvons alors nous demander si l’intrapreneuriat voire même l’intrapreneuriat social combinent ces deux aspects d’opportunité et d’avantage concurrentiel. D’après Bouchard et Fayolle (2011), Les dispositifs intrapreneuriaux sont «des assemblages d’éléments matériels, humains et symboliques, en interaction systémique les uns avec les autres», qui visent à encourager les employés à contribuer à la croissance, à l’innovation et au renouvellement de leur entreprise en adoptant des comportements entrepreneuriaux (saisie d’occasions, recombinaison de ressources internes, prise de risque et autonomie).
Carrier (1997), déclare qu’il existe deux courants principaux sur l’intrapreneuriat : le premier décrit l’intrapreneuriat comme des individus qui implémentent l’innovation dans les entreprises qui les emploient. Le deuxième courant s’intéresse plutôt au processus intrapreneurial, les facteurs qui poussent à son émergence, et les conditions requises. D’autres auteurs, considèrent l’intrapreneuriat comme une stratégie managériale qui a comme objectif de stimuler le comportement entrepreneurial parmi les employés ou même un moyen d’aider ces derniers pour devenir entrepreneurs avec le soutien de l’entreprise grâce à un processus d’essaimage. Cela dit, d’autres auteurs se sont intéressés aussi au profil de l’intrapreneur. Ainsi, Bouchard et Fayolle (2011) présentent différentes caractéristiques de l’intrapreneur. Sur le plan psychologique, un intrapreneur est plus indépendant qu’un entrepreneur dans le sens où ce dernier doit opérer dans le contexte de l’organisation alors que le premier se trouve plus dans une situation de start-up. De point de vue financier, alors que pour un entrepreneur, l’échec pourrait mener à la banqueroute, dans le cas de l’intrapreneuriat cette situation n’existe pas car il pourra retourner dans son organisation d’origine en cas d’essaimage notamment. Cela dit, l’entrepreneur est décideur, il est normalement le seul dirigeant alors que dans le cadre de l’intrapreneuriat, l’intrapreneur doit rapporter sur ses activités à ses supérieurs hiérarchiques et doit toujours être à la recherche de sponsors.
Quant à Ross et Unwalla1 (1986), ils attribuent à l’intrapreneur différents traits de personnalité : 1 Cités par Luschinger et Bagby (1987)
- Focalisation sur les résultats et non sur l’activité elle-même
- Motivé par la résolution des problèmes en effectuant des changements et des innovations
- Frustration de la bureaucratie
- Ambitieux et compétitif Dans la même lignée, Duncan (1988), reconnait la qualité de créateur ou d’inventeur de l’intrapreneur. Il déclare aussi que c’est un rêveur qui sait transformer une idée en profit. D’après les mêmes auteurs, il existe 3 similarités entre entrepreneur et intrapreneur : tout comme les entrepreneurs, les intrapreneurs peuvent avoir de bonnes idées et ils ont la volonté de la poursuivre malgré le découragement de leurs collègues, d’autres sont de simples imitateurs et d’autres encore profitent d’un trou laissé par les concurrents. Une entreprise doit donc construire une culture d’entreprise favorable à l’intrapreneuriat. Cela dit, les intrapreneurs ont besoin de liberté d’action. Pinchott (1985) déclare que l’argent est la quantité mesurable qui permet aux individus d’avoir de la liberté. Le capital donne la liberté aux investisseurs d’évaluer ou de choisir une option. Pour l’intrapreneur on peut parler donc d’intracapital. La théorie derrière l’intracapital est que quand un intrapreneur permet de réaliser des économies sur le coût, les revenus augmentent, une partie de ce revenu doit revenir à son projet. Tel qu’il est défini, l’intrapreneuriat paraît comme une pratique qui ne représente pas beaucoup de risques mais qui compte beaucoup sur les collaborateurs pour la mettre en oeuvre.
L’individu est donc au coeur de l’intrapreneuriat au même titre que l’entrepreneuriat. Mais aussi, l’aspect financier paraît comme un élément primordial à la réussite du projet d’intrapreneuriat. Cela dit, d’après Bouchard et Fayolle (2011), l’intrapreneuriat a démarré dans les grandes entreprises. Notamment car ces entreprises se caractérisent par une pratique d’un management avancé caractérisé par une culture ouverte à l’innovation et anti-bureaucratie. Dans le sens où ces entreprises sont orientées vers le travail d’équipe et les résultats, récompensent l’innovation et la prise de risque, tolèrent les erreurs et surtout sont flexibles et orientées vers le changement.
D’un autre côté, Stevenson et Jarillo (1990) estiment que l’intrapreneuriat est en forte croissance car les grandes entreprises sont de plus en plus en compétition et elles sont donc à la recherche de flexibilité, de croissance, et d’innovation plus généralement associés à l’entrepreneuriat. Les entrepreneurs innovent pour eux-mêmes alors que l’intrapreneur innove pour une entreprise déjà existante. Les entrepreneurs s’autosélectionnent, alors que dans le cas de l’intrapreneuriat, on est sélectionné ou on s’impose à l’organisation
Cela dit, force est de constater que la majorité des recherches sur l’intrapreneuriat portent sur les grandes entreprises. Plusieurs auteurs se sont intéressés néanmoins aux petites entreprises. Zahra et Pearce (1994)2, déclarent que l’intrapreneuriat est essentiel pour les PME. De leur côté, Covin et Slevin (1991) notent que leur modèle conceptuel de « corporate entrepreneurship » pourrait être appliqué sur plusieurs niveaux des petites entreprises. Carrier (1991) s’est aussi intéressé à l’étude de l’intrapreneuriat dans les PME. Quant à Wortman (1997), il déclare que l’intrapreneuriat dans les PME devrait être traité différemment que dans le cas d’une grande entreprise.
Cela dit, que ce soit dans une grande entreprise ou une petite entreprise, l’intrapreneuriat social comporte des défis et peut être controversé. Kistruck et Beamish (2010) déclarent que les intrapreneurs sociaux, sont confrontés au défi de structurer leur propre organisation d’une manière qui permet de faciliter l’acceptation des frontières de sa nouvelle structure avec celle d’origine de façon claire et légitime. D’un autre côté, les auteurs citent Firstenberg (1986, p. 61) qui déclare “lorsque les activités à but lucratif et non lucratif coexistent au sein de la même entreprise, il y a un risque de confusion dans les objectifs et de style opérationnel entre les deux activités ». ils citent aussi Austin, Stevenson, et al. (2006, p. 3) qui considèrent que « les dimensions commerciales et sociales d’une entreprise peuvent être une source de tension ».
2 Cité par Carrier (1996)
Cela dit, d’après les auteurs, les entreprises à but lucratif réussissent mieux leurs opérations d’intrapreneuriat social que les structures à but non lucratif. Comme nous pouvons le constater, il existe des travaux sur le profil de l’intrapreneur et sur la définition de l’intrapreneuriat de façon globale, mais peu de recherches existent sur l’intrapreneuriat social. Notre article tente alors d’apporter une pierre à l’édifice de la recherche sur l’intrapreneuriat social, en s’appuyant sur une vision comparative de la pratique de l’intrapreneuriat social entre une grande entreprise et une PME. La question de recherche qui se pose alors : quelles différences existent-ils entre un intrapreneur social dans une petite entreprise et celui d’une grande entreprise ? pour répondre à cette question, nous avons traité différentes thématiques : le type d’intrapreneuriat social pratiqué par les deux entreprises, le profil de l’intrapreneur puisque l’individu est au coeur de cette pratique, les risques et les défis de cette pratique et les apports pour l’entreprise à l’origine de l’action intrapreneuriale. Ainsi, après avoir présenté la méthodologie adoptée pour mener cette recherche à bien, nous apporterons les réponses à ces questions dans la partie consacrée aux résultats et la discussion.
METHODOLOGIE La revue de littérature démontre que l’intrapreneuriat est bien traité dans la littérature mais que dans la majorité des cas, ce sont les grandes entreprises qui sont visées. Par ailleurs, l’intrapreneuriat social ne constitue pas à ce jour un centre d’intérêt majeur pour les chercheurs. Nous avons donc souhaité comprendre cette pratique en comparant son émergence au sein d’un groupe et d’une PME. Le terrain étant difficile à atteindre, nous avons opté pour une analyse approfondie de deux études de cas de structures de taille différente pratiquant l’intrapreneuriat social. Notre choix s’est porté sur La Société Générale, une grande banque française présente dans plusieurs pays dans le monde, et Opinionway, une PME (cabinet d’études et de conseil en Marketing).
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Société Générale
| Opinionway
| 154000 collaborateurs
| 43 collaborateurs
| 32 millions de clients
| 10, 2 M d’euros de C.A. en 2011
| Présente dans 76 pays
| 35% de projets internationaux
| Née en 1864
| Née en 2000
| Stratégie de RSE
| Stratégie de RSE
|
Ainsi, pour les deux entreprises, nous avons eu recours en premier lieu, aux informations primaires que l’on trouve sur les sites internet propres de chaque entreprise et leurs brochures. Nous avons procédé par la suite à des entretiens téléphoniques et en face à face après plusieurs échanges d’information par email avec les personnes concernées. A la Société Générale nous avons eu un entretien téléphonique de 40 minutes avec une chargée de mission du département de la « citoyenneté » au sein de la direction de la communication du groupe. Pour Opinionway, nous avons réalisé deux entretiens en face à face d’une durée d’une heure et demie en moyenne, le premier avec le fondateur d’Opinionway et le fondateur de la nouvelle structure « bourse aux études » et intrapreneur social, le deuxième entretien fut réalisé avec la directrice de cette structure. Dans les deux cas, il nous a été impossible de rencontrer les salariés ou les cadres engagés dans des activités de bénévolat ou de missions de mécénat. En effet, les deux responsables de département avaient refusé de nous mettre en contact avec les collaborateurs car ils sont très occupés et très sollicités.
Ainsi, par souci de validité et de précision dans les comparaisons, nous avons posé les mêmes questions aux différents interlocuteurs afin de bien comparer les deux pratiques. Quant à l’analyse, elle a été effectuée selon différents thèmes à savoir : la forme d’intrapreneuriat social pratiquée, le profil de l’intrapreneur et ses motivations personnelles et professionnelles, les difficultés et obstacles rencontrées au sein de l’entreprise, les apports pour l’entreprise d’origine. RESULTATS Pour une meilleure clarté, nous présenterons les résultats obtenus pour chaque cas séparément. Nous présenterons le cas de la Société Générale en premier lieu et le cas d’Opinionway en deuxième lieu. 3.1. Société Générale Avant de présenter les résultats de notre étude de cas selon les thèmes retenus pour notre recherche : le profil de l’intrapreneur et ses motivations personnelles et professionnelles, les difficultés et obstacles rencontrées au sein de l’entreprise, les apports pour l’entreprise d’origine, nous présenterons en premier lieu la forme d’intrapreneuriat social pratiqué par l’entreprise. Forme d’intrapreneuriat social
Pour la société Générale, il s’agit d’une fondation composée d’un responsable, de 3 chargés de mission, et 3 membres du comité d’exécution. Elle dispose d’un budget de 2 milliards d’euros par an pour toutes ses filiales en France et dans le monde, et a pour objectif de réaliser des actions de mécénat financier, mais aussi des actions de communication et de gestion des ressources humaines. Ces actions s’intègrent dans le cadre du mécénat de compétences proposé par des cadres volontaires et sont destinées à des personnes en difficulté (en position de création d’entreprise), comme par exemple, des jeunes étudiants au chômage, des jeunes demandeurs d’emploi sans qualification ayant un projet de création d’entreprise, dans le but de favoriser leur insertion professionnelle.
Dans ce cas, la fondation n’a qu’un rôle d’accompagnateur financier ou de conseiller. Les dossiers sont étudiés et sélectionnés par les membres de la fondation. Une fois, les dossiers choisis, la fondation propose les missions de mécénat de compétences aux différents cadres intéressés. Ces derniers proposent leurs services au jeune entrepreneur de façon bénévole et gratuite dans la mesure où ils continuent à percevoir leurs salaires par la Société Générale. Profil et motivations de l’intrapreneur
La chargée de mission à la Société Générale est détentrice d’un Master en communication internationale, et elle a déjà occupé un poste en communication interne au sein d’une filiale. Son manager faisant partie du Conseil d’administration lorsque le comité d’exécutif a eu l’idée de créer la fondation, elle s’est alors portée volontaire pour aider à créer cette dernière et elle occupe désormais le poste d’une des trois chargées de mission. Outre, les tâches opérationnelles (pré-selection puis sélection des dossiers), elle a un rôle de communication interne et d’animatrice auprès des collaborateurs afin de les informer des actions de la fondation et de les inciter à y participer selon le principe de volontariat et dans le cadre de mécénat de compétences3.
3 Mise à disposition du temps de travail des collaborateurs à titre gratuit pour des actions de mécénat.
Quant aux motivations personnelles de notre interlocutrice, « j’aime participer à changer le monde et je suis contente de participer à l’amélioration de l’image de l’entreprise » nous répond-elle. C’est donc avant tout un état d’esprit et une profonde volonté et désir d’occuper ce poste, surtout que sur le plan professionnel le poste qu’elle occupe n’a pas vocation à évolution. «Le poste est une niche au sein de l’entreprise, je ne peux pas évoluer mais c’est un choix personnel ». Par ailleurs, notre interlocutrice est consciente de ses limites quant à la capacité d’entreprendre «l’intrapreneuriat ne mène pas à l’entrepreneuriat, je n’ai pas du tout l’esprit d’entrepreneur. En revanche, je pourrai travailler pour une association ». Défis de la fondation et difficultés Bien que la fondation ait une finalité sociétale, il n’est pas très facile de motiver les collaborateurs ou d’obtenir le financement de leurs actions « c’est le défi majeur de ma mission ». quant aux aspects financiers, le budget est voté en général pour 5 ans renouvelables et il existe une certaine marge de manoeuvre durant ces 5 années. Quant au poste en soi, la chargée de mission admet que non seulement il ne suscite pas les convoitises, pire, certains pensent même que ce qu’elle accomplit n’étant pas productif de point de vue économique, elle ne participe pas en quelque sorte à la prospérité de l’entreprise. D’autre part, elle doit promouvoir ses actions auprès des salariés et les convaincre de participer aux actions de mécénat, ce qui n’est pas une tâche facile car les salariés sont en général très occupés et leurs emplois du temps très chargés. « C’est aussi un problème de culture. Ça marche beaucoup mieux dans des filiales à l’étranger comme en Grande Bretagne ou au Brésil. Nous n’avons pas encore une culture de mécénat très développé en France ». Apports pour l’entreprise : Quant aux motivations de l’entreprise, la fondation lui permet de renforcer ou tout simplement d’adopter une stratégie sociétale (RSE) vis-à-vis de ses parties prenantes, de développer la communication interne, d’améliorer l’image de marque « employeur » tant en interne qu’en externe, d’instaurer une fierté d’appartenance, et surtout permet un meilleur épanouissement de ses collaborateurs «les collaborateurs sont contents quand ils participent aux comités de sélection ».
Ainsi, d’après notre interlocutrice, l’apport principal de l’intrapreneuriat social au sein de la Société Générale est avant tout la favorisation de la communication interne, la cohésion des équipes, et la RSE dans le sens où l’entreprise souhaite participer à des actions de développement durable en oeuvrant à la fois sur des causes sociétales et économiques. Bien que notre interlocutrice avoue ne pas communiquer sur leurs actions de mécénat à l’extérieur de l’entreprise. 3.2. Opinionway Nous suivons la même structure pour cette étude de cas. Nous présenterons en premier lieu le type d’intrapreneuriat social adopté par l’entreprise. Nous présenterons par la suite, les différents thèmes de notre recherche : le profil de l’intrapreneur et ses motivations personnelles et professionnelles, les difficultés et obstacles rencontrées au sein de l’entreprise, les apports pour l’entreprise d’origine. 3.2.1. Type d’intrapreneuriat social Pour Opinionway, il s’agit de la création d’un département au sein de l’entreprise. Sa finalité est d’offrir des études de marché gratuites aux entrepreneurs sociaux qui n’ont pas les moyens pour financer leurs études de faisabilité. Ce département est actuellement géré par une personne sans budget défini financièrement parlant mais tous les ans, trois études sont proposées gratuitement dans le cadre de la bourse aux études. Les futurs entrepreneurs envoient leurs dossiers de candidature en décrivant leurs projets sans pour autant préciser le type d’études attendu. C’est tout d’abord la responsable du département « bourse aux études » qui réalise une première sélection. Par la suite, elle réunit les collaborateurs (consultants) du cabinet et ils décident individuellement du projet sur lequel ils souhaiteraient travailler. En effet, pour que le consultant soit motivé, il est préférable qu’il sélectionne lui-même le projet qui l’intéresse, et surtout qu’il définisse lui-même la stratégie à adopter et le type d’étude à réaliser « c’est beaucoup plus stimulant pour les collaborateurs ». 3.2.2. Profil et motivations : Dans le cas d’Opinionway, nous distinguons deux profils distincts : celui de l’intrapreneur (l’entrepreneur à l’origine de la nouvelle structure), et celui de la responsable actuelle de cette structure. En effet, l’intrapreneur se trouve être un des dirigeants de l’entreprise ayant participé à la création d’Opinionway, il est donc un entrepreneur. Après un Bac+5 en Marketing, il a eu l’idée de créer une entreprise de sondage avec des amis. Cinq ans plus tard, il a souhaité sortir du « cadre métier » pour rentrer dans le « cadre social ». Partant du principe que les grandes entreprises adoptent une stratégie de responsabilité sociale, il a estimé que les PME pourraient y avoir recours aussi, afin de faire parler d’elles. Ainsi, il fut un pionnier dans la matière en proposant son idée d’offrir des études de faisabilité à de jeunes entrepreneurs sociaux n’ayant pas les moyens pour les financer. Bien que ses collaborateurs ne partagent pas son enthousiasme et sa mise en oeuvre de « la bourse aux études », son idée a reçu beaucoup de succès auprès des futurs entrepreneurs dès la première année de son lancement. Quant aux motivations, elles sont certes professionnelles (s’inscrire dans une démarche de RSE), mais elles sont avant tout personnelles «j’ai pensé à la RSE sûrement par introspection ».
Notre interlocuteur est profondément entrepreneur et surtout innovateur. Il a beaucoup d’idées et souhaite les développer. D’ailleurs, une fois l’entreprise Opinionway s’est bien développée, il en a démissionné pour créer une autre. «Je suis intuitif et créatif, j’ai besoin de faire quelque chose qui a un impact sur l’environnement dans lequel je suis ». Quant au profil de la responsable actuelle de « la bourse aux études », il s’agit d’une jeune femme qui a été recrutée pour coordonner ce département au sein de l’entreprise Opinionway. Elle est chargée de réceptionner et de sélectionner les dossiers des entrepreneurs candidats. Elle est aussi en charge de solliciter les collaborateurs et coordonner avec eux la sélection des dossiers. Elle est très motivée par son travail et est très heureuse d’accomplir une tâche à finalité sociale même si à l’origine il ne s’agit pas de sa propre idée.
3.2.2. Défis de la création de la nouvelle structure Les difficultés rencontrées concernent notamment la mise en oeuvre du projet lui-même. C'est-à-dire, après avoir eu l’idée de la « bourse aux études » et exposée à ses collègues, il s’est trouvé seul face à la mise en place de la nouvelle structure car, malgré leur accord sur l’idée, rien n’a pu se faire concrètement avec leur aide. L’intrapreneur a dû créer la structure tout seul. Dans la structure actuelle, les collaborateurs sont volontaires. La responsable leur propose les différentes études demandées et ils font le choix selon leurs disponibilités et leur attrait pour l’étude. N’ayant pu les rencontrer, nous n’avons pu connaître les vraies motivations des collaborateurs et l’apport de cette expérience. De façon globale, ils sont informés de l’existence de cette structure, et de l’éventualité de leur participation à ses actions, dès leur recrutement dans l’entreprise. Nous supposons donc qu’ils ont une sensibilité aux causes sociales puisqu’en s’engageant dans l’entreprise, ils savent qu’ils travailleront sur ces missions. Cela dit, cette expérience leur apporte en plus des missions avec un challenge où ils doivent définir eux-mêmes la stratégie Marketing du demandeur. Ils se sentent donc responsable du succès de l’opération et de la mise en place de la stratégie de l’entreprise future. Opinionway est active en termes de RSE depuis 2008. Elle articule sa politique RSE selon trois piliers : le sociétal, le social, et l’environnemental. Sur le plan sociétal elle propose: l’indemnisation sous forme de dons aux ONG par les panélistes, l’enseignement et le partage des connaissances, la Bourse aux Etudes, les fonds ISR (investissement socialement responsable). Sur le plan social Opinionway propose à ses salariés, un bilan d’évaluation et un plan de formation, mais aussi une étude de climat interne. Sur le plan environnemental, l’entreprise oeuvre aussi sur plusieurs niveaux notamment en ce qui concerne le recyclage des déchets. La bourse aux études fait partie de son engagement sociétal mais l’entreprise n’en fait pas un argument commercial ou un objet de communication externe. La seule communication sur cette action se fait par le biais des entrepreneurs bénéficiaires qui, en acceptant l’étude offerte par Opinionway, il s’engage à publier les résultats ainsi obtenus et à les communiquer à ses pairs.
Il est donc indéniable que la bourse aux études participe à l’amélioration de l’image de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes. 4. DISCUSSION Avant de comparer les deux pratiques d’intrapreneuriat social par structure, il nous a semblé intéressant de comparer la pratique de l’intrapreneuriat « classique » à l’intrapreneuriat « social » afin de détecter les points communs et les points divergents. Grâce à ces deux études de cas, nous pouvons constater que dans les deux cas, l’innovation est au coeur de l’intrapreneuriat que ce soit « classique » ou « social ». En effet, dans le cas de l’entrepreneuriat il s’agit d’innovation technologique ou d’offre. Dans le cas de l’intrapreneuriat social, il s’agit bien d’innovation sociale. En effet, que ce soit dans le cas de La Société Générale ou d’Opinionway, les deux entreprises ont développé, chacune dans son domaine, deux concepts innovants ayant comme objectif de répondre à un besoin social ou sociétal.
Par ailleurs, nous avons relevé plusieurs différences entre l’intrapreneuriat classique et l’intrapreneuriat social.
- Alors que l’intrapreneuriat classique a comme objectif principal la croissance de l’entreprise grâce à l’innovation et le développement d’autres structures internes, l’intrapreneuriat social implique surtout l’image de l’entreprise notamment son engagement dans la RSE grâce à son implication dans les causes économiques et sociétales, et ce, tant en interne que vis-à-vis des différentes parties prenantes.
- La prise de risque n’est pas la même. En cas d’échec de la nouvelle structure, dans le cadre de l’intrapreneuriat classique le risque est considérable car il implique directement les moyens financiers de l’entreprise (en termes d’investissement et de résultats). En revanche, dans le cas de l’intrapreneuriat social, un échec n’implique pas directement les moyens financiers de l’entreprise ni ses résultats car il est basé essentiellement sur le volontariat des collaborateurs d’une part, et d’autre part, dans le cas de la grande entreprise, les fonds sont alloués pour 5 ans et concernent toutes les filiales dans le monde. Si l’opération échoue dans un pays, elle continuera dans d’autres pays. Dans le cas de la PME, le nombre d’études dédiés est fixé à 3 normalement pour chaque année. Il n’y a donc pas de surprise financière ni de prise de risque. Dans tous les cas, le résultat attendu dans ce type d’opération n’est guère financier. En effet, l’intrapreneuriat social est considéré comme un pilier de communication tant sur un plan interne qu’externe, sans pour autant être en attente de retour sur investissement financièrement parlant mais plutôt sur un plan sociétal et social. Tableau 2. Différences entre intrapreneuriat classique et intrapreneuriat social
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Caractéristiques
| Intrapreneuriat classique
| Intrapreneuriat social
| Type d’innovation
| Innovation dans l’offre ou technologique
| Innovation sociale
| Objectifs
| -Croissance de l’entreprise –Essaimage
- avantage concurrentiel
| -S’inscrire dans une démarche RSE vis-à-vis des différentes parties prenantes
- avantage concurrentiel
| Prise de risque
| financier
| Pas de risque financier
| Personnalité de l’entrepreneur
| Pas très importante
| Très importante
créateur
|
Quant à la pratique d’intrapreneuriat social dans les deux structures, nous relevons les caractéristiques suivantes : - La forme de l’intrapreneuriat social est différente selon le cas. Dans le cas de la Société Générale, il s’agit d’une fondation créée à l’initiative du Conseil d’administration, et basée sur le principe de mécénat de compétences des collaborateurs et ayant comme objectif d’inscrire la stratégie de l’entreprise dans une démarche de RSE. Dans le cas d’Opinionway, il s’agit d’un nouveau département au sein de la PME, basée sur aune bourse aux études proposant des études gratuites à des entrepreneurs sociaux débutants, dans l’objectif d’inscrire l’entreprise dans une de démarche de RSE également. - La personnalité de l’intrapreneur social est beaucoup plus importante dans le cas d’une PME que dans le cas d’une grande entreprise. En effet, c’est l’entrepreneur lui-même qui se trouve être intrapreneur dans le premier cas. Le critère intuitif et créatif de ce dernier se maintient. Ce n’est pas le cas de la grande entreprise malgré l’aspect de volontariat de l’intrapreneur. En effet d’après notre étude de cas, l’intrapreneur social de la grande entreprise ne se considère pas comme un entrepreneur. Par ailleurs, la sensibilité de l’intrapreneur social dans le cas de la PME est plus évidente que dans le cas d’une grande entreprise où la décision d’intrapreneuriat social reste du domaine des décisions rationnelles prises par le conseil d’administration dans un objectif stratégique. - La notoriété et le renforcement de leurs images sont les objectifs principaux aussi bien pour la grande entreprise que pour la PME. Bien qu’il semble difficile de la mesurer si ce n’est sur le plan interne en renforçant l’adhésion des équipes grâce à la communication interne et surtout le sentiment d’appartenance à une entreprise qui se soucie des autres. Cela dit, les retombées sont plus visibles et plus immédiates dans le cas de la PME où « le bouche à oreille » est plus puissant dans le cas de l’entrepreneuriat social car les entrepreneurs évoluent beaucoup en réseau, que dans le cas du secteur bancaire. - Les difficultés rencontrées sont les mêmes pour les deux structures. En effet, dans les deux cas, il est difficile de motiver les collaborateurs pour participer aux actions de la structure
intrapreneuriale bien qu’elle soit à but sociétal. En revanche, il n’existe aucun obstacle financier ni pour la Société Générale ni pour Opinionway, dans la mesure où chaque structure se voit attribuer son budget ou le nombre de missions à accomplir dès le début de la période, comme nous l’avions évoqué précédemment. Tableau 3. Comparaison intrapreneuriat social entre groupe et PME
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| Société Générale
| Opinionway
| Type d’intrapreneuriat
| Fondation
| département
| Profil de l’intrapreneur
| Cadre d’entreprise
Philantrope
| Entrepreneur
Créateur, innovateur
| Motivations
| Personnelles
Professionnelles
| Personnelles ++
Professionnelles
| Apports pour l’entreprise
| Notoriété et image d’entreprise qui s’engage en RSE
| Notoriété et image d’entreprise qui s’engage en RSE
| Défis de la structure
| Motiver les collaborateurs
| Motiver les collaborateurs
| Risque financier
| Aucun
| Aucun
|
CONCLUSION : L’intrapreneuriat social se distingue de l’intrapreneuriat « classique » à tous les niveaux. Dans le cadre d’une PME, l’intrapreneuriat social se veut innovant sur le plan sociétal, mais comportant moins de risque et surtout il implique beaucoup plus l’entrepreneur lui-même que dans le cas de la grande entreprise où l’intrapreneur est tout simplement un volontaire qui exécute l’idée du Conseil d’Administration. Par ailleurs, les deux pratiques sont identiques avec quelques légères différences notamment en ce qui concerne la forme de la structure intrapreneuriale et le profil de l’intrapreneur. En effet, d’après notre recherche, l’intrapreneuriat social pourrait être considéré comme un outil de développement durable aussi bien pour la petite entreprise que pour la grande entreprise. En effet, dans les deux cas, la pratique de l’intrapreneuriat social émane d’une stratégie de RSE favorisant le développement économique grâce à une implication dans des causes sociétales, notamment dans le but de construire une image d’une entreprise bienfaisante tant sur un plan interne que vis-à-vis des parties prenantes. Par conséquent, le concept d’opportunité trouve tout son sens dans le cadre de l’intrapreneuriat social, dans la mesure où pour les deux entreprises, la finalité demeure l’amélioration de leur image vis-à-vis des parties prenantes et obtenir un avantage concurrentiel en se différenciant de leurs concurrents, surtout pour la PME qui est une pionnière dans l’innovation sociale et dans la RSE appliquée aux PME. Cela dit, notre recherche comporte une limite principale liée à notre échantillon restreint à deux entreprises de tailles différentes. Nous ne pouvons donc pas généraliser les résultats. Mais cette recherche peut être considérée comme un préambule à une recherche future plus approfondie sur la pratique de l’intrapreneuriat social dans les PME car c’est là où la différence avec l’intrapreneuriat classique est la plus marquée.
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