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Abstract : Depuis une quinzaine d’années, la théorie de l’effectuation développée par Sarasvathy se positionne comme une alternative au modèle classique causal de prise de décision. L’objectif de cette recherche est de mieux comprendre l’articulation entre les raisonnements causaux et effectuaux lors de projets entrepreneuriaux. Plus précisément, nous cherchons à répondre aux questions suivantes : retrouve-t-on une dialectique causal/effectual dans les comportements des entrepreneurs des domaines vitivinicoles provençaux? L’intérêt de cette recherche est d’éclairer la théorie de l’effectuation en prenant appui sur un secteur où l’incertitude est importante compte tenu des dépendances climatiques, des contraintes de production et d’une concurrence en provenance des pays du nouveau monde. Pour ce faire, nous réalisons une analyse qualitative de type confirmatoire à partir d’entretiens menés auprès d’entrepreneurs de quatre domaines vitivinicoles provençaux. Mots clés : Théorie de l‟effectuation ; entrepreneuriat ; domaines vitivinicoles INTRODUCTION “La logique vous emmènera d‟un point A à un point B. L‟imagination vous emmènera partout” Albert Einstein L‟origine du succès d‟une innovation a toujours interpellé les chercheurs en économie (Shumpeter, 1934), en sociologie (Akrich et al., 1988) et en gestion (Alter, 1990). En entrepreneuriat, les réponses apportées sont variées. En effet, la personnalité de l‟entrepreneur (Marcati et al., 2008), la capacité d‟être proactif et de prendre des risques (Pérez-Luno et al., 2011), l‟appartenance à un réseau personnel, d‟affaires ou social (Julien et al, 2009), la saisie d‟opportunité (Chabaud et Messeghem, 2010) jouent des rôles majeurs dans l‟adoption et le succès d‟une innovation au sein des PME. L‟innovation correspond également à un sujet important au niveau de l‟élaboration des politiques publiques, les gouvernements français successifs assimilant souvent l‟entrepreneuriat à un tremplin pour l‟innovation. Toutefois, si l‟on veut réellement encourager l‟entrepreneuriat, il convient d‟en saisir davantage les modes de fonctionnement (Silberzahn, 2013).Dans cette perspective, les travaux initiés par Sarasvathy (2001, 20013, 2007, 2008), depuis le début des années 2000, apporte un nouveau regard sur cette question de la réussite de l‟entrepreneur. Selon Sarasvathy (2001, 2003), les entrepreneurs dit “experts” se comportent non pas selon une seule logique causale mais développent également une logique effectuale. Ces deux logiques, causale et effectuale, correspondant alors à deux approches que les acteurs concernés utilisent dans le processus de développement d‟un nouveau projet (Chandler et al., 2011). Toutefois, à l‟instar de Perry et al. (2012), nous constatons que, malgré différentes études empiriques qualitatives ou quantitative sur la théorie de l‟effectuation, la façon avec laquelle les entrepreneurs articulent ces deux logiques nécessite d‟être précisée. Pour répondre à ces manquements théorique et empirique, nous nous intéressons à l‟entrepreneuriat des dirigeants du secteur spécifique des domaines vitivinicoles provençaux. L‟intérêt de cette recherche est d‟éclairer la théorie de l‟effectuation en prenant appui sur un secteur où l‟incertitude est importante compte tenu des dépendances climatiques, des contraintes de production et d‟une concurrence en provenance des pays du nouveau monde. De fait, la question à laquelle nous nous intéressons dans cet article est : dans quelle mesure les entrepreneurs de domaines vitivinicole mobilisent-ils la dialectique causale et effectuale dans leur prise de décision ? Pour ce faire, nous réalisons une analyse qualitative de type confirmatoire/exploratoire à partir d‟entretiens menés auprès d‟entrepreneurs de quatre domaines vitivinicoles provençaux. Cet article comprend trois parties. Dans une première partie, nous présentons le cadre conceptuel et théorique de notre recherche. Dans une deuxième partie, nous détaillons la méthodologie que nous avons mise en oeuvre pour répondre à notre question de recherche. Dans une troisième partie, nous exposons les principaux résultats de notre recherche que nous discuterons dans le même temps. I- Cadre théorique : la dialectique causation/effectuation en entrepreneuriat Dans cette première partie, nous présentons tout d‟abord le processus classique de prise de décision des entrepreneurs, l‟approche dite causale (1.1) puis nous définissons l‟approche dite effectuale (1.2.). Enfin, nous comparons ces deux approches afin de faire émerger une grille d‟analyse empirique (1.3.). Le processus entrepreneurial causal Selon Sarasvathy (2001: 245), “Causation processestake a particulareffect as given and focus on selectingbetweenmeans to createthateffect.” Traditionnellement, dans une démarche de création d‟entreprise, l‟entrepreneur réfléchi à une idée d‟un produit/service qui pourrait répondre à un besoin de marché. Le processus décisionnel va consister à choisir un ensemble de moyen (dont il dispose où non) pour atteindre l‟objectif qu‟il s‟est fixé. Le choix précoce de ce couple produit-marché et la phase de préparation en amont (analyse des risques, étude du marché) est généralement considéré comme un facteur de succès. L‟entrepreneur va planifier les étapes de son projet en définissant clairement les objectifs qu‟il veut atteindre dès le départ et les gains attendus. Il évalue et sélectionne les opportunités qui maximisent les retours attendus. Cette logique met l‟accent sur la prévision et l‟analyse préalable pour éviter les mauvaises surprises (Silberzahn, 2013). En cela, le business plan est l‟outil de prédilection pour aider l‟entrepreneur à fixer son idée, à planifier les étapes d‟élaboration de son projet et à rassurer les banques pour les appels de fonds. L‟hypothèse est faite que plus le modèle d‟affaires est de qualité et approfondi, plus l‟incertitude liée au du projet est réduite. Dans cette perspective, l‟objectif à atteindre est fixé, ce sont les moyens qui vont varier pour atteindre cet objectif. Cette démarche repose sur un raisonnement dit “causal”. Ces fondements théoriques se retrouvent dans les travaux de la micro-économie néo-classique sur la rationalité des décisions des acteurs économiques (Stigler, 1952). Ainsi, dans un processus causal, les individus font des choix rationnels basés sur toute l'information possible et estiment l‟utilité attendue de chaque option. De façon cohérente avec ces travaux, la logique causale correspond à une démarche stratégique classique dans laquelle, objectif, moyens et cheminement sont tous définis pour arriver aux buts. Il s‟agit, en effet, de définir un but dans un avenir certain et d‟organiser les moyens qui constituent autant de possibilités d‟atteinte de ce but certain. Il est donc considéré que tant qu‟il est possible de prédire le futur, on peut le contrôler. Il s‟agit simplement de définir un but pour ensuite trouver les ressources nécessaires à son accomplissement (Silberzahn 2012). Comme le note Sarasvathy et Simon (2000) tant que « je contrôle le futur, il ne sert à rien de le prédire ». 1.2. Le processus entrepreneuraleffectual Selon Sarasvathy (2001: 245), “Effectuation processes take a set of means as given and focus on selecting between possible effects that can be created with that set of means”. Le concept d‟effectuation a été introduit il y a une dizaine d‟année par une jeune indienne émigrée aux Etas-Unis, SarasSarasvathy, elle-même ancienne entrepreneuse. Elle cherchait à comprendre comment raisonnent et agissent les entrepreneurs qui réussissent dans un environnement très incertain. Sous la direction d‟Herbert Simon, elle va étudier des entrepreneurs ayant connu des réussites incontestées, possédant, au moins, 15 ans d‟expériences entrepreneuriale, concernant plusieurs projets de création d‟entreprises et ayant également rencontré certains échecs. 45 entrepreneurs américains (sur une base de 245) ont accepté de participer à son étude. Les acteurs concernés provenaient d‟industries aussi diverses que celles des jouets ou celles des chemins de fers et présentaient des chiffres d‟affaires variant de 200 millions de dollars à 6,5 milliards de dollars. Sarasvathy a présenté à chacun de ces entrepreneurs une étude de cas d‟une start-up hypothétique, leur soumettant ainsi des problèmes que rencontrent les entrepreneurs. Elle leur a demandé de réfléchir à haute voix aux 10 décisions que le fondateur de cette société devraient prendre pour développer leur entreprise. Elle met ainsi en lumière cinq principes que ces entrepreneurs appliquent systématiquement, sans en être nécessairement conscients (Silberzahn, 2013). Ces principes sont les suivants : (1) Un tiens vaut mieux que deux tu l‟auras; (2) Raisonner en perte acceptable; (3) Patchwork fou; (4) Limonade; (5) Pilote dans l‟avion. Le premier principe consiste à partir des moyens dont disposent l‟entreprise en se posant trois questions : “qui suis-je?” (Préférences et compétences), “que sais-je?” (éducation, formation, expertise et expérience) et “qui je connais?” (réseaux sociaux et professionnels). C‟est seulement à partir de ces moyens que les entrepreneurs imaginent ensuite les effets atteignables. Le deuxième principe consiste à raisonner en perte acceptable. L‟incertitude qui caractérise le développement d‟un nouveau projet rend impossible les prédictions en général et celles ayant trait au chiffre d‟affaires ou au retour sur investissement attendus en particulier. Les coûts peuvent être plus facilement estimés que les recettes à court terme. Les entrepreneurs basent leur démarche sur le contrôle des coûts davantage que sur une estimation de revenu. La perte acceptable est estimable a priori au contraire du retour attendu. Le troisième principe repose sur l‟idée que le projet entrepreneurial consiste à développer un projet avec des parties prenantes sans qu‟il soit possible de dire à l‟avance la forme que prendra le projet final et avec qui il sera réaliser. Tandis que dans l‟approche classique, l‟analyse de la concurrence est un pilier de la stratégie, ici les entrepreneurs s‟intéressent à la création de partenariats avec des concurrents ou non, afin de co-construire l‟avenir ensemble. Le quatrième principe soulignent que les entrepreneurs effectuaux accueillent favorablement les surprises et en tirent parti. Si l‟entrepreneur démarre son projet avec une idée en tête, il saura saisir des observations fortuites comme une suggestion d‟un client ou un accident pour partir sur une autre idée. Les objectifs se définissent au fur et à mesure du déroulement du projet. Le cinquième principe consiste à inventer le marché de demain plutôt que d‟essayer de le prédire. Un entrepreneur effectual est davantage dans une perspective d‟invention de l‟avenir que de prévision de ce dernier. Cette vision privilégie l‟action et la pro action à la réaction et favorise l‟innovation et la créativité. L‟entrepreneur effectual voudra créer de nouveaux marchés plutôt que d‟en découvrir des existants. Ces principes constituent la base de la théorie de l‟effectuation. Les travaux de Saravasthy sur la logique effectuale (ou le raisonnement par effectuation) constituent aujourd‟hui une référence forte dans le champ de l‟entrepreneuriat au niveau international (Vian, 2010). A l‟issu de ces entretiens avec les entrepreneurs, Sarasvathy conclut que les entrepreneurs mobilisent ce raisonnement effectual. Improvisateurs brillants, les entrepreneurs ne commencent pas toujours avec des objectifs concrets. Au lieu de cela, ils évaluent constamment comment utiliser leurs forces personnelles et les ressources de ce qu'ils ont à portée de main pour développer des objectifs “à la volée” et réagir de manière créative aux imprévus. Elle indique que les entrepreneurs « experts » utilisent la logique effectuale pour agir dans des environnements incertains (Knight, 1921) et qu‟ils interagissent avec différentes parties prenantes potentielles leur permettant de vérifier le champ des possibles (Sarasvathy 2008). En effet, l‟entrepreneur ne saurait développer son activité sans un large tissu de coopérations et de partenariats (Sarasvathy 2008). Le processus itératif et cumulatif de couplages « moyens-effets-moyen-effets », permet de prendre en compte les imprévus qui ne manqueront pas d‟arriver et d‟atteindre un but global et faisant sens (Silberzahn 2012). Ainsi toute activité entrepreneuriale implique la capacité à dénicher et exploiter le fortuit (Dew, Read et al. 2009) c‟est-à-dire la capacité non seulement à identifier et assimiler des idées de l‟environnement externe mais également à initier des changements de l‟intérieur (Cohen and Levinthal 1990, Lane and Lubatkin 1998, Zahra and George 2002). Les différences entre l’approche effectuale et l’approche causale Chandler et al. (2011) définissent quatre principes qui différencient les approches causale et effectuale : (1) l‟accent mis sur les expériences à court terme afin d'identifier des opportunités d‟affaires dans un avenir imprévisible (effectuation) par rapport à la prévision d'un avenir incertain en définissant l'objectif final à l'avance (causalité), (2) l‟accent mis sur les pertes acceptables (effectuation) par rapport à la maximisation des rendements attendus (causalité), (3) l‟accent mis sur les pré-engagements et des alliances partenariales pour contrôler un avenir imprévisible (effectuation) par rapport à la planification et aux diagnostics de la concurrence afin de prédire un avenir incertain (causalité) et (4) l'exploitation des contingences environnementales en restant flexible (effectuation) par rapport à l'exploitation des capacités et des ressources (préexistantes lien de causalité). Par conséquent, à partir d'une description théorique de ces raisonnements, nous avons cherché à synthétiser (Tableau 1) les variables clés qui permettent de différencier les processus de prise de décision dans une logique causale et ceux dans une logique effectuale. Tableau 1 : Comparaison entre raisonnement effectual et causal (adapté de Silberzahn, 2013) ![]() ![]() Remarquons que si ces deux formes de raisonnement semblent fondamentalement différentes, cependant cela ne préjuge pas que l‟entrepreneur mobilise, exclusivement, l‟un ou l‟autre dans ses projets de création. Les deux logiques peuvent se combiner et se compléter dans le temps (Silberzahn, 2013). D‟une part, toutes les décisions ne sont pas toujours élaborées dans un contexte d‟incertitude. En effet, le projet entrepreneurial est constitué d‟un ensemble de décisions, imbriquées les unes aux autres qui ne sont pas toutes soumises au même degré d‟incertitude. Pour certaines, l‟entrepreneur pourra adopter un raisonnement causale et mobiliser, pour d‟autres, un raisonnement effectual. D‟autre part, cette incertitude tend à diminuer dans le temps. En avançant dans le projet, l‟entrepreneur a une vision plus claire des frontières de son projet, ce qui peut le conduire à évoluer dans ses modes de décision. Le champ de notre recherche est d‟appliquer sur un terrain original la théorie de l‟effectuation de Sarasvathy (2001). L‟objectif est de décrire le comportement des entrepreneurs des domaines vitivinicoles provençaux à travers la dialectique raisonnement causal/effectual. Notre question générale de recherche est donc : retrouve-t-on une dialectique causal/effectual dans les comportements des entrepreneurs des domaines vitivinicoles provençaux ? Cette question présente un double intérêt. D‟une part, elle permet d‟illustrer l‟articulation entre raisonnement causal et raisonnement effectual sur le terrain des vignobles provençaux. D‟autre part, elle est susceptible de participer à l'intelligibilité des éléments de contexte qui amènent les entrepreneurs à faire évoluer leur forme de raisonnement. II- Méthodologie Notre recherche de type exploratoire/confirmatoire repose sur une démarche qualitative, centrée sur l‟étude des caves particulières (aussi dénommées domaines viticoles) de la filière des vins de Provence. Cette section vise à présenter le contexte de notre étude (2.1.) ainsi que les aspects méthodologiques de recueil et d‟analyse des données (2.2.). |
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