qui engagera consciemment ou inconsciemment chez le producteur une réciprocité […], comme par exemple le fait d’ajouter au panier quelques produits gratuits » (Mundler, 2007).
En instituant ex ante des mécanismes de surveillance et de sanction, le contrat incite les parties contractantes à respecter leurs promesses et à se comporter de façon honnête. C’est par ailleurs un dispositif incomplet en raison de la difficulté à contrôler des comportements pour lesquels on ne détient que très peu ou pas d’expérience. Il constitue essentiellement un garde-fou en empêchant les parties contractantes de commettre des écarts (Brousseau, 2000). Il est le symbole d’une intentionnalité car il manifeste de façon solennelle une « velléité coopérative » (p.38). La signature d’un contrat constitue une garantie, un signal envoyé au partenaire de sa bonne foi. La crédibilité de ce signal est liée à la remise d’un otage : sa propre réputation. Le concept d’encastrement social (Granovetter, 1985) permet de comprendre le rôle de la réputation dans l’atténuation des tentations opportunistes. L’insertion du partenaire dans un réseau de relations sociales contraint son action. Tout comportement opportuniste risque dans ce cas de compromettre son capital notoriété et de remettre en cause à l’avenir la crédibilité de ses signaux coopératifs. « La réputation d’un agent économique est un actif intangible qui peut représenter une valeur considérable […]. Par conséquent, les agents économiques doivent se comporter correctement s’ils veulent continuer à participer au circuit des affaires. Ils gagnent ainsi la confiance de leurs pairs parce qu’ils veulent conserver leur aptitude à faire des transactions (Bidault, 1998, p.36). » Cette prise d’otages réciproque est réductrice de coûts de transaction car elle favorise la mise en place de mécanismes de contrôle moins étroits. Cependant, les effets du contrat en tant que signal coopératif sont limités dans le temps. La crédibilité du contrat doit être entretenue par la manifestation régulière de son intention de coopérer et de ne pas trahir l’autre. La confiance est un mode de gouvernance complémentaire au contrat. Phénomène dynamique, elle fournit ex post des moyens de contrôle et une capacité d’adaptation à des évènements non prévus. En évitant la mise en place de mécanismes de surveillance étroits, elle permet de diminuer les coûts de transaction : « la confiance est une ressource qui, en diminuant l’incertitude propre à un contrat, réduit le coût des échanges dans l’économie » (Brenner, 1983 ; cité par Koenig et Van Wijk, 1992, p.315). La menace de rupture de confiance inhibe les comportements opportunistes puisqu’elle remet en cause la continuité des relations. Le don de confiance, exprimé à travers l’acceptation de sa vulnérabilité face à l’opportunisme, entraîne l’établissement de mécanismes de pilotage informels basés sur l’autocontrôle. L’organisation des transactions est donc influencée par deux catégories de facteurs : des facteurs économiques privilégiant la recherche de l’efficience et des facteurs sociologiques prenant en compte l’importance du contexte social et la confiance réciproque entre partenaires. 1.2.2. Du rôle du tiers dans le contrat néo-classique
La théorie des coûts de transaction, centrée sur l’étude des mécanismes de coordination de l’activité économique, s’est révélée particulièrement utile dans notre recherche, lorsque nous avons entrepris de caractériser la coopération amapienne. Celle-ci constitue en effet une forme hybride d’organisation des transactions. C’est en 1985 que Williamson reconnaît l’existence de formes intermédiaires entre le marché et la hiérarchie. Occultées dans ses travaux de 1975, il explique cette négligence par le fait que ces mécanismes de coordination sont instables et difficiles à gérer. Cette position continuera d’évoluer. En raison de la multiplication des alliances de long terme, il admettra plus tard le caractère
durable des formes intermédiaires : « the hybrid form of organization is not a loose amalgam of market and hierarchy but possesses its own disciplined rationale » (1991, p.294). Pour Williamson, à chaque structure de gouvernance (marché, hiérarchie ou forme hybride) correspond une forme contractuelle particulière. Le contrat permet de contrôler la tendance naturelle des individus à recourir à la ruse et à la tricherie. Il sert de cadre général à la transaction : il définit des règles à suivre ainsi que des sanctions en cas de non respect de ses obligations par l’une des parties. Il est également source de flexibilité : il favorise l’adaptation de la relation aux transformations de l’environnement en instaurant des opportunités de re-négociation ponctuelles (Macneil, 1980). Afin de surmonter l’incomplétude qui le caractérise, il doit instituer un mécanisme de pilotage dont le rôle consistera à préciser les comportements des parties au cours de l’exécution du contrat (Brousseau, 1999). A partir des travaux de Macneil (1974 ; 1978), Williamson (1985) propose trois catégories de formes contractuelles : le contrat classique, le contrat néo-classique et le contrat personnalisé. Contrairement au contrat classique qui s’applique aux transactions ponctuelles et ne prend pas en considération l’identité des parties, le contrat néo-classique encadre des relations de long terme pour lesquelles les deux parties contractantes conservent un degré élevé d’autonomie. L’arbitrage d’un tiers permet de lutter contre les tentations opportunistes autorisées par un contexte de forte incertitude. Un tel contrat est donc par nature incomplet. Il implique un certain degré de confiance entre les parties. La coopération amapienne repose sur la mise en place d’un contrat de type néo-classique. Le rôle du tiers y est particulièrement bien illustré dans la mesure où sont attribuées au collectif de consommateurs une fonction de négociation du contrat, une fonction de pilotage de la relation de coopération et une fonction d’intermédiation en cas d’apparition de conflits. 2. Méthodologie et analyse des résultats En premier lieu, nous préciserons la méthodologie de notre recherche. En second lieu, nous synthétiserons et discuterons nos résultats. 2.1. Méthodologie de la recherche Notre démarche empirique repose sur une méthodologie qualitative par études de cas (Yin, 1990 ; Lhady-Rispal, 2002). Quarante-neuf entretiens semi-directifs ont été réalisés entre février et mars 2014 auprès de responsables d’AMAP, de consommateurs et d’entrepreneurs agricoles dans trois régions françaises : Haute-Normandie, Basse-Normandie et Pays de la Loire. Trente-deux consommateurs amapiens et quinze producteurs ont été interviewés, ce qui représente au total une durée de cinquante-quatre heures d’enregistrements. Une démarche d’observation non participante a également été mise en place dans la mesure où nous avons eu la possibilité d’assister à deux assemblées générales de deux AMAP. La collecte de données primaires a été complétée par une collecte de données secondaires via l’analyse de contrats amapiens, des chartes nationales (2003 et 2014) et de la presse spécialisée. L’analyse de données repose principalement sur la conception de matrices inter-sites (Miles et Huberman, 2003) destinées à croiser les points de vue des parties prenantes et à mieux apprécier les contributions respectives du contrat et de la confiance dans la régulation des échanges. 2.2. Analyse des résultats et discussion Nos principaux résultats concernent à la fois la nature, les enjeux et les modes de coordination des coopérations amapiennes. Des extraits de verbatim seront présentés afin de les illustrer. 2.2.1. Sur la nature et les enjeux de la coopération amapienne : un partenariat solidaire au service de l’initiative entrepreneuriale agricole La solidarité envers les jeunes entrepreneurs agricoles a été mise en avant à plusieurs reprises au cours de nos entretiens. Le consommateur participe en effet à la prise de risque liée aux aléas de production puisqu’il s’engage à pré-payer au producteur six mois de livraison, lui assurant de cette façon un revenu fixe. Il s’agit, pour les consommateurs amapiens, de faciliter la multiplication d’initiatives entrepreneuriales agricoles ou de maintenir une activité existante :
- « Nos producteurs ont à peu près une moyenne d’âge de trente ans. C’est vrai que c’est comme même ça qui est intéressant de se dire de pouvoir aider des jeunes à vivre, à développer leur activité. Quand on regarde, il y avait une période dans les années 50-70 où, là, il y avait beaucoup de petites fermes, de petites structures. Après, on est passé dans les années 80 où ça a été le boom, où il a fallu abolir toutes ces petites structures pour passer sur des grosses. Je pense que tous ces jeunes qui s’installent en agriculture biologique repartent sur des petites structures, ils essaient de relancer le circuit court. » (Consommateur n°15, responsable d’AMAP) ;
- « On arrive à faire exister des générations qui peuvent, j’espère, vivre à long terme de leur propre activité, être fiers, épanouis et avec des valeurs derrière. Si on peut régénérer des agriculteurs, ce type d’activité, ce sera une petite satisfaction d’arrêter de se faire bouffer par un système qui ne nous convient pas. » (Consommateur n°18) ;
- « Ca [les AMAP] nous maintient un revenu, ils nous ont sorti quand même de la misère. Quand même ! […] On a quand même vu un peu plus le jour, un peu plus de vie grâce aux AMAP, parce qu’au jour d’aujourd’hui, s’ils n’avaient pas été là, je pense que, nous, on n’existerait plus. […] Oui, parce que, y’en a même d’autres qui s’installent grâce aux AMAP. Il y a même des nouveaux. Nous, on a un copain, il s’est installé en agriculture biologique et, justement, il a une AMAP. » (Producteur n°2) ;
- « J’ai un neveu qui voulait être maraîcher bio en vente directe et il hésitait, voilà, très jeune et tout. […] Du coup, on est en train de monter l’installation de mon neveu avec [une] AMAP en maraîchage et, nous, on lui a laissé un bout de terrain pour qu’il démarre directement en bio. Donc, entre guillemets, on le parraine. Voilà, donc c’est très très concret. » (Productrice n°3) ;
- « On a fait le choix d’un jeune maraîcher qui démarre lui aussi, donc on était limité à vingt-cinq paniers maraîchers complets pour démarrer. » (Consommateur n°5, responsable d’AMAP). La solidarité des consommateurs s’exprime dans certains cas au-delà de la contribution à un revenu fixe du producteur. Elle peut se manifester via une participation au processus de production ou à la vie de l’exploitation :
- « Par exemple, on peut aller directement chez le producteur pour cueillir, par exemple, donc faire des cueillettes parce qu’il y a eu une surproduction, donc, là, c’est la fin, mais il faut quand même récolter (cerises, myrtilles, …). Il y avait eu aussi une opération avec un producteur qui devait acheter un tracteur, donc il y a avait un appel à contribution des bénévoles. On pouvait souscrire une part d’un tracteur pour que le producteur de légumes puisse acheter, il avait besoin d’un matériel supplémentaire, pour qu’il puisse s’acheter un tracteur. […] Par exemple, aussi, enlever les mauvaises herbes parce que là, comme c’est bio, l’année dernière, on a eu un excédent d’eau, donc les mauvaises herbes poussaient trop rapidement et ça mettait en péril effectivement les produits de la terre. » (Consommateur n°18) ;
- « […] Il n’y a pas longtemps, avec la tempête, les bâches se sont arrachées avec la tempête. Il y en a dix qui se sont arrachées. J’ai mis un petit mot lors de la distribution : « Besoin d’aide pour remonter mes serres. », ah bah là, tout de suite, j’ai reçu plein de messages sur mon portable : « Je viens demain. », « Je viens demain. », « Je viens demain. », et ça, c’est super, quoi, je veux dire, ça a marché. […] Si j’avais été qu’avec mon mari, ça aurait fait une semaine. Ça a fait toute la différence. » (Producteur n°2). Cette solidarité du consommateur amapien repose en partie sur la transparence d’informations sur laquelle le producteur s’engage en début de coopération : « Du côté producteur, nous, on s’engage d’abord à expliquer notre fonctionnement aux gens lors des Assemblées Générales. Par exemple, à expliquer notre fonctionnement, à dire un petit peu quelles sont nos contraintes, notre bilan, à savoir si on a été content de la saison, on est content, ce qui nous a posé problème ou, au contraire, ce qui nous a boosté et ce qui nous a vraiment aidé. Voilà, notre rôle, c’est quand même d’expliquer aux gens comment on fonctionne, quoi, parce que, eux, ils nous soutiennent, donc c’est important de leur expliquer ce sur quoi ils nous soutiennent. Donc ça, c’est, je dirais, c’est un engagement moral avec l’amapien. » (Producteur n°4). Certaines AMAP sont également caractérisées par une activité intrapreneuriale, à travers des actions d’essaimage qui ont pour objectif de diffuser un esprit de solidarité envers les petits producteurs et de mieux répondre aux attentes des consommateurs via une proximité géographique plus forte du lieu de distribution :
- « Il faut considérer que c’est un essaimage en fait [en parlant de la création de l’AMAP qu’elle anime]. Du moins, parmi les fondateurs qui étaient exclusivement des fondatrices, on venait tous déjà d’autres AMAP. » (Consommateur n°5, responsable d’AMAP) ;
- « Les copains de l’AMAP se sont proposés pour prendre en charge les tâches administratives que je faisais sur cette AMAP là, pour me dégager du temps et pour aider à la création d’autres AMAP. […] On se refuse d’être trop gros comme AMAP. On limite à une cinquantaine de personnes le nombre de places. S’il y a besoin, on crée une autre AMAP, mais dès le départ, on s’est refusé à être trop grosse parce que, à partir d’un certain stade, les gens ne s’impliquent plus de la même façon ou ne s’impliquent plus. [...] Et dans les AMAP qu’on a aidé à démarrer, on a toujours conseillé de rester à taille humaine, c’est-à-dire cinquante, soixante grand maximum. » (Consommateur n°1, responsable d’AMAP). Les motivations des parties prenantes à la coopération amapienne ont aussi été approfondies lors de nos entretiens. S’agissant des consommateurs, les témoignages à ce sujet oscillent entre engagement militant et souci de praticité grâce à la proximité géographique. Le point commun reste l’accès à des produits sains et qui ont du goût :
- « Ils recherchent d’abord des produits de qualité qui respectent des critères de santé, d’environnement… » (Productrice n°3) ;
- « Ce sont des gens qui sont massivement préoccupés par le respect de l’environnement et par les problèmes de santé liés à l’alimentation. » (Consommateur n°5, responsable d’AMAP) ;
- « Moi, c’était d’abord pour consommer local, la première chose, rémunérer l’agriculteur à un bon prix et puis, après, comme ils sont bio, ce n’est pas négligeable non plus. » (Consommateur n°4, responsable d’AMAP). Dans notre recherche, la coopération amapienne s’est révélée très diverse en terme d’engagement du consommateur. Certains consommateurs ne souhaitent pas ou ne sont pas en mesure, faute de temps, de participer à la vie de l’exploitation :
- « […] Dans les consommateurs, il y a des gens qui sont prêts à s’investir pour aider à préparer, etc., et après, il y a le consommateur qui est vraiment passif, c’est-à-dire qu’il vient chercher ses légumes et ce qu’il a commandé et, ensuite, c’est fini. » (Consommateur n°15, responsable d’AMAP) ;
- « Ce n’étaient pas des gens qui cherchaient forcément à avoir une relation avec nous. Et je pense que le problème est quand même un petit peu là. Donc, effectivement oui, je pense qu’il y a des gens qui ne cherchent pas forcément à avoir un lien plus que ça avec le producteur, ça, c’est vrai. » (Producteur n°4) ;
- « Il y a des gens qu’on voit qui sont là trois minutes et puis des gens qui traînassent, qui sont heureux d’être là, qui discutent l’un avec l’autre, voilà, qui voient tout le monde. Je pense que, pour eux, c’est un grand lieu de convivialité et d’échanges. Du coup, c’est un moment agréable pour eux je
pense. En tout cas, pour certains amapiens, ça se voit bien. Il y en a d’autres, ils viennent chercher leur panier, ils ne cherchent pas à discuter et repartent. C’est très très variable. » (Productrice n°3).
En ce qui concerne les producteurs, ces derniers insistent particulièrement sur différents enjeux de la coopération amapienne tels que l’avantage économique qu’octroie le pré-financement de la récolte, l’apprentissage du bio, la possibilité de mieux adapter la production aux goûts des consommateurs avec lesquels ils sont en relation directe et l’importance du relationnel mis en place, notamment en terme de soutien moral : « […] Quand vous vous êtes enquiquiné toute la journée, quand le travail a été dur, eh ben, quand vous livrez le soir et que vous avez des gens qui vous disent « Ah la la, on est content, on est content de votre travail, continuez à produire comme ça ! », eh ben, vous savez, ça remonte le moral quand même ! C’est quand même super important parce que, l’éleveur, il est quand même toujours pris, matin, après-midi, des fois la nuit parce qu’il y a des vêlages, le week-end, il est toujours pris. Et c’est vrai qu’il a toujours le nez dans le guidon. […] Donc, c’est vrai qu’on a un métier qui est difficile et quand on a la chance d’avoir le client en face qui vous dit « Ecoutez, vraiment, vous faites des bons produits, continuez !», bon bah, ça vous regonfle ! Et puis vous vous dites que vous servez à quelque chose, quoi. » (Producteur n°4). Certains producteurs évoquent aussi la possibilité qu’offrent les AMAP de développer une consommation responsable : « Moi, mes attentes vis-à-vis des consommateurs, je vais dire, il sera plus par rapport à mon militantisme à moi. D’apprendre à être exigeants pour faire progresser les autres producteurs quand ils vont sur les marchés. […] Que les consommateurs soient à nouveau des militants pour que globalement la production avance, que les exploitations agricoles progressent dans leur démarche, quoi. En fait, moi, j’ai tendance à dire que ce sont les consommateurs qui portent les gens comme nous. Si les consommateurs n’étaient pas là, on n’existerait pas et du coup, en fait, j’attends d’eux un rôle d’émulsion, quoi. De par la relation qu’on établit de confiance, de ..., et ben que ça fasse des petits, quoi, que sa grandisse, quoi, que le mouvement grandisse. Plus il y aura de consommateurs, plus il y aura de demandes auprès des producteurs et du coup, plus les producteurs seront obligés de répondre à ces exigences de travail d’excellence, quoi. Voilà, mais c’est plus mon côté militant qui dit ça. » (Productrice n°3). Concernant la concurrence perçue, la grande distribution et internet ont notamment été mis en avant :
- « […] sur internet, oui, de plus en plus. Tout est ouvert à tout et n’importe quoi. Ils disent que c’est des produits locaux et c’est plutôt, on prend les bananes, les clémentines de je ne sais pas d’où. C’est du tout et n’importe quoi… […] Ce n’est pas normal parce que le consommateur, il est trompé mais il ne se rend pas compte. Produits locaux, les petits pois au mois d’octobre ! Moi, je les ai au printemps ou alors il y a un problème…» (Producteur n°2) ;
- « Ce sont [les concurrents] évidemment les grands commerces et grandes surfaces, dans la mesure où je pense que des gens qui sont intéressés par l’aspect financier et commercial, et qui ont compris que les produits bio intéressaient de plus en plus de personnes qui sont inquiètes de leur santé, et qui mettent ces produits là en vente avec un objectif qui n’est pas celui d’une AMAP. » (Consommateur n°11). Certains producteurs clament toutefois une absence de concurrence en raison de l’unicité de la relation de coopération caractérisée par la solidarité du consommateur et le relationnel qui peut s’établir avec lui :
- « L’AMAP s’est glissée dans un créneau et il y a un besoin social de créer du lien, et là, il n’y a que l’AMAP qui le fait. » (Producteur n°5) ;
- « Je ne trouve pas qu’on ait de concurrent et on ne fait concurrence à personne, […] parce qu’en fait le profil des amapiens, encore une fois, c’est vraiment un choix militant et très contraignant. […] Peut-être le marché, parce que, là, les gens, ils ont l’impression de soutenir de la même façon un producteur en ayant pas les contraintes de l’AMAP. » (Consommateur n°5, responsable d’AMAP) ; - « Il n’y a pas de concurrence aux AMAP en fait. Je pense que les gens qui viennent, ils sont au courant de tout ce que ça apporte en terme social, parce qu’on relocalise la production. » (Consommateur n°4, responsable d’AMAP).
L’avantage concurrentiel de la distribution amapienne proviendrait pour certains de la relation de confiance entretenue avec le consommateur et renforcée par l’existence d’un intermédiaire caution, l’association, qui vérifie le respect du cahier des charges : « Il y a des paniers aussi dans les supermarchés. […] Ils sont bios mais, par contre, ils ne sont pas forcément locaux. Moi je trouve que dans ce genre de truc, c’est à plus grosse échelle, il y a quand même un côté plus « commercial ». Moi, justement, ce qu’il n’y a pas, c’est la relation de confiance qu’on peut avoir à l’AMAP. Moi, à l’AMAP par exemple, le fait d’adhérer, je me dis que les responsables de l’AMAP, eux, ils s’assurent que le produit il est bon, que le produit il est d’à côté, ils vont voir sur place. Alors que là, on n’a pas cette garantie. » (Consommateur n°6). Enfin, la coopération amapienne peut constituer une modalité de distribution en complément d’autres débouchés :
- « Quand on parle avec les vrais militants des AMAP, il faudrait qu’on arrive, éventuellement avec plusieurs AMAP, à faire vivre un producteur. C’est-à-dire qu’’il faudrait que l’on consomme tout ce que le producteur va produire. Là, il faut vraiment être puriste parce que c’est impossible, ils ne peuvent pas avoir un seul lieu de distribution, ils sont obligés d’en avoir plusieurs et d’avoir éventuellement d’autres débouchés. […] Certains travaillent également pour les supermarchés. […] En plus, maintenant dans les supermarchés, ils ont beaucoup développé le bio. […] Après, ils vendent également leurs produits dans ce qu’on appelle les Biocoop, les coopératives bio. Après, d’autres font les marchés. » (Consommateur n°15, responsable d’AMAP) ;
- « Alors, on a deux autres modes de distribution : on a les magasins bio, surtout un magasin bio au jour d’aujourd’hui […], et puis le marché bio pour ne pas le nommer, et on a les particuliers, les particuliers qui n’appartiennent pas à l’AMAP.» (Producteur n°4). 2.2.2. Sur les mécanismes de gouvernance de la coopération amapienne Nous nous attacherons successivement à l’importance du contrat, au rôle de la confiance, à ses antécédents institutionnels ainsi qu’à la complémentarité entre proximité géographique et proximité virtuelle. 2.2.2.1. Sur l’importance du contrat Certains de nos interlocuteurs ont particulièrement mis en avant l’importance du contrat dans la responsabilisation des parties prenantes, dans la prise d’un véritable engagement et dans la coordination de leurs relations :
- « Le système, c’est ça, il faut qu’il y ait un échange entre le consommateur et le producteur mais il ne faut pas qu’il y ait seulement un engagement de parole comme ça. Il y a un engagement écrit. […] Parce que le truc, c’est ça, quand on a signé son contrat, le producteur s’engage à fournir et le consommateur s’engage à prendre. C’est pour ça que c’est fait sur papier parce qu’autrement, ce serait comme dans les grandes surfaces, on y va quand on a besoin, sinon on n’y va pas, ce serait le même principe. » (Consommateur n°15, responsable d’AMAP) ;
- « Alors, c’est [la signature d’un contrat] important parce qu’il y a un engagement des deux parties et il y a une responsabilisation du coup des deux parties aussi, plus importante du fait de la signature, de la lecture d’un contrat. […] Les AMAP dont je vous parle, où ça n’a pas bien fonctionné, où ça fonctionne difficilement, c’est quand même des AMAP qui, fondamentalement, il n’y avait pas de contrat, il n’y avait pas de choses d’organisées, formalisées. » (Producteur n°4) ;
- « Moi, je n’ai qu’une parole, donc même si c’était oral, je le respecterais. Mais je trouve que c’est bien, enfin, franchement, le contrat il est super important justement ! On pose les choses en termes
d’échanges clairs, définitifs, contractuels, quoi ! Enfin, vraiment, contrat double sens, la confiance à double sens, l’engagement à double sens. Je trouve que c’est bien ! […] Du fait qu’il y a un engagement écrit réciproque, c’est plus que de la confiance. Il y a quand même de l’engagement plus que de la confiance ! » (Productrice n°3) ;
- « Ce contrat, c’est celui qui, par définition, lie le consommateur et le producteur, et je pense qu'il y a des droits et des devoirs des deux côtés. Il est important que ces droits et ces devoirs soient respectés. » (Consommateur n°11). L’importance du contrat est renforcée dans la nouvelle charte de 2014 : « Là, on est obligé effectivement de faire un contrat et la charte le reprécise bien, c’est qu’on n’est pas dans un monde isolé, on est dans un monde avec des rapports économiques et des rapports de force dans la société qui font qu’on est obligé maintenant d’être beaucoup plus rigoureux quant à certaines règles législatives et fiscales, pour ne pas se faire attaquer, soit par d’autres circuits de distribution, soit par la répression des fraudes. » (Consommateur n°2, responsable d’AMAP). Une meilleure connaissance de la charte nationale est également encouragée afin de faciliter le respect des engagements réciproques. Certaines AMAP commencent d’ailleurs à mettre en place des actions dans ce sens : « Nous allons mettre en place sur notre site de commande la charte et le règlement particulier de notre AMAP. On ne pourra s’inscrire que quand on aura cliqué pour dire « J’ai pris connaissance et je suis d’accord ». Si bien que, si un jour il y avait un problème sanitaire, on aurait ce document pour couvrir l’association et éventuellement prouver. C’est très important. » (Consommateur n°1, responsable d’AMAP). 2.2.2.2. Sur le rôle de la confiance Le contrat étant par essence incomplet, en raison notamment de l’incertitude externe liée aux aléas de la production agricole, la confiance va être mobilisée en tant que mécanisme de gouvernance informel de la coopération amapienne. Pour certains producteurs, le contrat constitue seulement une formalité à respecter en cas de contrôle externe. L’absence de contrat est également possible.
- « C’est surtout pour être bien en règle et surtout en cas de contrôle, quoi, parce que ça peut arriver. On n’a jamais été contrôlé au niveau des AMAP, mais ça peut arriver un jour. Moi j’ai été contrôlée sur mon marché, j’ai été contrôlée sur mon exploitation et c’est moi qui leur avais parlé, lors d’une réunion, que, un jour, ça pourrait arriver sur l’AMAP et, du coup, on a sorti un contrat pour tout le monde. Mais je sais que dans d’autres AMAP, ils n’ont pas de contrats individuels comme nous on a ! » (Producteur n°2) ;
- « On demande, on spécifie bien aux adhérents qu’il faut bien redonner le contrat en cas de contrôle, parce qu’en fait, le contrat, c’est juste pour ça qu’on l’a fait. Ça doit faire, peut-être, la deux ou troisième saison qu’on l’a mis en place. Nous, le contrat, je ne suis même pas sûr que les gens le lisent. On le signe et puis après, ça s’arrête là, nous on sait déjà ce qu’on avait demandé. » (Consommateur n°3, responsable d’AMAP) ;
- « Il n’y a même pas de signature du tout, on n’a pas de contrat, rien, c’est un contrat de confiance en fait. Les obligations, c’est d’être clair si jamais il y a un problème de production par exemple, il faut être clair, leur dire pourquoi, là, il y a une baisse. […] Chez nous, c’est vraiment de la confiance, parce qu’on ne signe pas de contrat. C’est vraiment de la confiance, quoi. » (Consommateur n°4, responsable d’AMAP). La confiance, dans la coopération amapienne, va permettre d’organiser la flexibilité entre les parties contractantes, pour assurer encore plus de solidarité envers l’entrepreneur agricole :
- « Les gens ont tendance à se poser la question : « Est-ce que c’est normal que nos paniers soient un peu moins remplis ? ». Mais, on le répète tous les ans, c’est normal. Donc, la plupart du temps, arrivés à cette période-là, les paniers ne font pas le prix qu’on paye, mais la productrice rattrape l’été. En fait, elle tient un cahier de comptes avec le prix des paniers, comme ça, l’été, elle se rattrape. […] Si, après, il n’y a pas de confiance entre le producteur et les adhérents, c’est comme nous, on sait
que, mai-avril, on n’aura moins de légumes, mais on a confiance en elle, on sait que l’été on en aura plus. » (Consommateur n°3, responsable d’AMAP) ;
- « Si, durant une semaine, il y a un problème de météo et qu’il ne peut pas fournir ce qui est prévu, peut-être que la semaine d’après, on aura plus que ce qui est prévu… Ca part sur la confiance aussi ! » (Consommateur n°6). 2.2.2.3. Sur le rôle de la labellisation et de la structure intermédiaire caution dans la production de confiance institutionnelle La confiance du consommateur amapien est dans certains cas alimentée par des repères institutionnels. Il s’agit respectivement de la labellisation bio et de l’existence d’un tiers au contrat chargé de vérifier le respect du cahier des charges. La labellisation favorise la mise en place d’un mode de contrôle efficace des obligations du partenaire. Dans certains cas, il est très difficile voire impossible d’évaluer le processus de production par manque d’expertise :
- « Oui, on demande aux producteurs leurs certificats. Par exemple, pour celui du pain, il nous donne tout ce qu’il fait et on sait qu’il prend sa farine également bio. Par exemple, notre producteur d’huile et de safran nous a donné son attestation Ecocert, tous les produits qu’ils font, on le sait. Il y a certains produits sur lesquels ils sont en conversion actuellement, parce qu’ils développent des produits, donc ils ne sont pas encore certifiés, mais d’autres oui. On s’assure aussi que les produits soient corrects. » (Consommateur n°15, responsable d’AMAP) ;
- « Ce sont des garanties, c’est un cahier des charges à respecter, à partir du moment où on a un label, donc là c’est AMAP. Donc il y a des contrôles, quoi, on n’a pas besoin de les faire nous-mêmes. C’est une question de confiance, on a confiance du coup en un produit. » (Consommateur n°18) ;
- « […] Une certification bio parce que vous arrivez, on ne vous connaît pas, donc on se base sur des faits et les faits, c’est ce que vous savez concrètement qui va venir valider l’engagement du producteur. » (Producteur n°4) ;
- « Nous, on est une jeune AMAP. Là-dessus, je pense que, nous, on a fait le choix qui limite les risques puisqu’on a pris des gens qui ont des labels très contraignants. […] On s’est protégé de cette façon-là ! » (Consommateur n°5, responsable d’AMAP). Pour certains consommateurs, l’agriculture biologique contribue à la définition même de l’AMAP : « Il y a des AMAP où ce n’est pas vraiment des AMAP, parce qu’elles ne sont pas en bio. Pour moi, on peut appeler une AMAP que les gens qui fournissent des produits bio, sinon ce n’est plus une AMAP. Enfin, moi, je le considère comme ça. Pour moi, une AMAP c’est en bio ou ce n’est pas une AMAP. » (Consommateur n°7). Pour d’autres répondants, l’agriculture biologique demeure un objectif à atteindre et, dans ce cas, le partenariat amapien est censé faciliter la réalisation de cet objectif : « Du bio… L’idéal est d’aller jusqu’au bio mais c’est un agriculteur, donc si on met, on remet en péril son équilibre économique en l’obligeant à passer en bio, ce n’est pas bon. Mais par contre, si on lui donne un coup de main, on l’aide à progresser, que, lui, il est motivé pour utiliser de moins en moins de produits phyto, de mettre moins d’antibiotiques sur ses animaux, etc., et, petit à petit, on y arrive et que le consommateur le soutient, bah, je veux dire, c’est génial quoi ! Là, c’est génial ! Là, du coup, c’est un vrai projet de société et ça peut être montré en exemple. » (Productrice n°3). L’importance du tiers dans un contrat néo-classique (Williamson, 1985) est particulièrement bien illustrée dans le cas des AMAP :
« Le bureau, ils y vont régulièrement [sur le lieu de production] quand même, parce qu’ils ont le souci de vérifier que tout est fait comme il faut. C’est dans leurs attributions aussi. Ils ont quand même 150 adhérents qui leur font confiance, donc à eux de s’assurer ! Ils vont vanter par exemple un porc bio, ils ont intérêt de s’assurer qu’effectivement il est bien, etc., donc, eux, ils vont vérifier quand même régulièrement. Du coup, ils le font pour nous en quelque sorte, c’est-à-dire que si chacun va vérifier qu’effectivement le maraîcher n’utilise pas de pesticides, on ne va pas s’en sortir. Pour moi, quand on adhère à l’association, c’est qu’on fait confiance au bureau. » (Consommateur n°6) ;
- « Ils [les créateurs de l’AMAP] sont venus voir sur mon exploitation… Aussi, quand on a commencé l’AMAP, je n’étais pas en reconversion bio, et, comme ils m’ont demandé d’avoir le label, pour leur prouver qu’ils pouvaient avoir confiance aussi en moi, j’ai demandé le label. Donc on a été en reconversion bio pendant trois ans et j’ai eu mon label au mois de mai. J’étais fière de leur montrer au barbecue cet été et ils m’ont même offert un beau panneau AB. […] C’est une question de confiance par rapport au produit. S’il y a un label, c’est qu’ils sont sûrs que les produits ont été contrôlés […], et ils sont sûrs d’avoir dans leurs assiettes des produits sains. » (Producteur n°2) ;
- « Il y a une petite délégation qui vient à la ferme faire une visite, faire le point. Comme ils font une enquête auprès des consommateurs pour savoir s’ils ont été satisfaits de ce qu’il s’est fait pour les six mois, et ils viennent nous la redonner. Voilà, plus, éventuellement, une visite de l’exploitation, voir si tout se passe bien. S’ils nous ont demandé des choses, voir si on a réussi à faire. Je pense plus aux producteurs qui ne sont pas bios et, du coup, si ils leur demandent de progresser un petit peu, comment ils ont réussi à progresser enfin, etc., etc.» (Productrice n°3). 2.2.2.4. Sur la complémentarité entre proximité géographique et proximité virtuelle Le rôle d’internet a été évoqué maintes fois lors de nos entretiens. La communication par messagerie électronique, effectuée par l’association, permet à la fois d’éviter les gaspillages de papiers, lorsque le consommateur décide de ne pas reconduire son contrat, et d’entretenir des liens réguliers entre le producteur et le collectif de consommateurs :
- « Tout se fait par internet. Je sais qu’ils envoient tous les questionnaires de satisfaction par internet. Tous leurs échanges de courrier se font comme ça. […] La gestion globale se fait par internet. Je sais qu’ils doivent avoir un ou deux amapiens qui n’ont pas internet et, du coup, ça leur pose problème. À chaque fois, il faut qu’ils se disent « Oh là là, celui-là, il faut lui passer un coup de fil. » (Productrice n°3) ;
- « Toute la communication, on la fait par internet. Tout le monde a internet, donc dès qu’un producteur donne une information où il y a quelque chose à faire, comme là les contrats par exemple, je les ai tous envoyés par internet, on a toutes les adresses mail. On envoie tous les contrats et ainsi chacun édite le ou les contrats qui l’intéressent. Celui, par exemple, qui ne veut pas de panier de légumes parce qu’il a son jardin, il n’a pas d’obligation, donc on fait aussi des économies de papier. Autrement, nous allons sortir tous les contrats et certains prennent un seul contrat, donc c’est du gaspillage. On communique pour l’aspect administratif au niveau des contrats, aussi, par exemple, dès qu’il y a des producteurs qui nous envoient des informations sur leurs exploitations ou des photos ou autre, c’est pareil, je les envoie toutes par internet. On communique beaucoup comme ça. » (Consommateur n°15, responsable d’AMAP) ;
- « Les contrats, les gens les signent, mais je veux dire qu’on ne pourrait pas fonctionner si on n’avait pas internet. Je veux dire, tout ce qu’on a à se dire pour l’administration de l’AMAP, ça passe par internet, même chose avec les adhérents. Non, je pense que les AMAP n’existeraient pas sans internet. » (Consommateur n°5, responsable d’AMAP). L’utilisation d’internet autorise une grande souplesse dans l’organisation de la livraison hebdomadaire des paniers :
- « Pour participer, entre autres, aux distributions, tout ça en général, ça se passe pas trop mal. Il y a un bon roulement parce que, c’est pareil, ils vont sur google pour les distributions. » (Producteur n°2) ;
- « On a une page doodle pour s’inscrire aux distributions. On fait un planning de distribution et puis les gens s’inscrivent, reçoivent le lien et ils peuvent s’inscrire aux distributions. […] Les gens s’inscrivent par rapport à leurs disponibilités. » (Consommateur n°3, responsable d’AMAP). Elle constitue parfois un mode de contrôle substituable ou complémentaire au label bio. A titre d’illustration, la description du processus de production sur une page Facebook peut renforcer la confiance de certains consommateurs amapiens : « Par exemple, moi, avec le maraîcher, je suis sa
production par sa page Facebook, il met des vidéos, je vois par exemple comment il a récolté les endives. C’est un boulot monstrueux ! » (Consommateur n°6). Conclusion Les AMAP se sont donné pour objectif de freiner la montée en puissance des méthodes agricoles productivistes et de constituer une alternative à l’industrialisation. Elles encouragent la production et la consommation de produits sains locaux et soutiennent la création ou la préservation de petites exploitations. Elles permettent au consommateur de développer un lien avec le producteur afin de faciliter ses choix alimentaires. Elles entraînent la construction d’une communauté basée sur la conscience sociale de ses adhérents (Sharp et al., 2002). C’est un modèle économique qui s’appuie sur la solidarité, la proximité et l’équité sociale. L’évolution de la coopération amapienne vers une confiance de nature relationnelle va dépendre du niveau d’implication du consommateur dans la relation d’échange avec le producteur et notamment de la fréquence des contacts (visite de l’exploitation lors de journées portes ouvertes, participation à des cueillettes en cas de surproduction, arrachage de mauvaises herbes, etc.).
Afin de mieux prendre en compte la réalité des pratiques, une nouvelle charte nationale vient d’être rédigée. Elle donne en effet au producteur davantage de souplesse dans l’apprentissage de l’agriculture biologique, dans le développement de son activité entrepreneuriale et dans sa capacité à mieux répondre aux attentes et goûts des consommateurs :
- « Il y a des entorses qu’on était obligé de faire. Par exemple, au début, on nous a reproché que notre producteur n’était pas bio et qu’il était issu de la culture disons « classique intensive ». Et nous, quand on l’a rencontré, on lui a dit qu’on souhaitait une culture respectueuse de la nature, qui n’utilise pas d’engrais d’origine chimique, de synthèse, et il était d’accord. Donc, dans la charte maintenant, on demande à ce que les producteurs aient une démarche de progrès, on ne demande pas qu’ils soient bio dès le début. C’est-à-dire que ça limite… Avant, ça limitait le nombre de producteurs en AMAP, et maintenant un producteur qui voudrait aller vers une meilleure qualité peut-être soutenu par une AMAP. » (Consommateur n°1, responsable d’AMAP) ;
- « Normalement [avec l’ancienne charte], dans une AMAP, le producteur avec lequel on va travailler ne doit fournir que des produits issus de sa propre exploitation, de son propre travail. Mais, dans les faits, par exemple, on avait un exemple […] où c’est un jeune maraîcher qui est en train de s’installer, qui n’a pas encore la pleine capacité en terme de production et qui, en accord avec les gens de l’AMAP, complète sa production par des produits provenant du maraîcher avec lequel il est encore salarié. » (Consommateur n°2, responsable d’AMAP) ;
- « L’ancienne charte disait « Un producteur, une AMAP », si bien que, pour nous, par exemple, qui avons sept producteurs, il aurait fallu créer sept AMAP différentes, donc ça n’avait pas de sens. Donc, nous, à chaque distribution, on s’organise comme si c’était une AMAP indépendante mais c’est la même AMAP qui regroupe le tout. Effectivement, il y a un référent par produit, même par distribution et, par conséquent, ça fonctionne bien. Chaque distribution fonctionne bien comme une AMAP. Pour éviter aux gens de se déranger sept fois, tout est regroupé. A présent, ça laisse la liberté de pouvoir adapter de cette manière tout en étant toujours conforme à la charte. » (Consommateur n°1, responsable d’AMAP). Références bibliographiques
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Les entrepreneurs face à la dialectique causal/effectual : le cas de la filière vitivinicole provençale
Bénédicte ALDEBERT
MCF Sciences de Gestion CERGAM - FEG - AMU benedicte.aldebert@univ-amu.fr
| Serge AMABILE
MCF-HDR Sciences de Gestion CERGAM - FEG - AMU
serge.amabile@univ-amu.fr
| Coralie HALLER Docteur Sciences de Gestion CERGAM - FEG - AMU coraliehaller@hotmail.com
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