Mbarek Karim, Ben Chbili Riadh, Masmoudi Jihène Zouiten
Financing Tunisia's non profit organizations: The role of social capital in social entrepreneurs' activities. Moriceau Jean-Luc, Paes Isabela, Guérillot Géraldine, Billion Julien
Entrepreneur et salarié : parcours et identités dans le portage salarial. Notais Amélie, Tixier Julie
6 femmes. L'entrepreneuriat social des femmes dans les quartiers : la triple revanche.
Omri Waleed
A multidimensional Model of internationalization Behavior in SME: A structural equation modeling approach Peyroux Catherine, Bories-Azeau Isabelle, Fort Fatiha, Noguera Florence
Gouvernance des structures d'accompagnement et dynamique entrepreneuriale territoriale. Pezon Brigitte
De l'idée au projet de création d'entreprise : un essai de conceptualisation sur l'émergence des organisations à partir d'une étude de cas. Rakotobe Thierry
Education et pédagogie de l'entrepreneuriat et de la PME – Enseignement de l'entrepreneuriat et de la PME pour les étudiants du Département d'Etudes Françaises et Francophones : une nouvelle perspective pour le développement local. Richomme-Huet Katia, Vial Virginie
Les femmes entrepreneurs en France. Schmitt Christophe, Husson Julien
La conception : un mécanisme de la pensée entrepreneuriale. Snoussi Asma, Karoui-Zouaoui Samia, Plaisent Michel, Prosper Bernard
L'entrepreneur social tunisien et le processus entrepreneurial : Etude exploratoire. St-Pierre Josée, Julien Pierre-André, Defays Lucile
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L'intention entrepreneuriale est la décision de créer une entreprise. Yatribi Taoufik, Balhadj Said
Les déterminants de la création d'entreprise par les cadres-ingénieurs en fin de carrière.
Contribution des AMAP à l’entrepreneuriat agricole : analyse des mécanismes de gouvernance du partenariat producteur-collectif de consommateurs Auteurs : Sonia AISSAOUI
Doctorante, Normandie Université, Nimec, Le Havre
25 Rue Philippe Lebon, 76600 LE HAVRE, FRANCE
sonia.aissaoui@univ-lehavre.fr Pascale BUENO MERINO (Auteur pour correspondance)
Professeur à l’EM Normandie, Docteur HDR ès Sciences de Gestion, Laboratoire Métis
30, rue de Richelieu, 76600 LE HAVRE, FRANCE
p.bueno@em-normandie.fr Samuel GRANDVAL
Maître de Conférences HDR ès Sciences de Gestion, Normandie Université, Nimec, Le Havre
25 Rue Philippe Lebon, 76600 LE HAVRE, FRANCE
samuel.grandval@univ-lehavre.fr
Résumé : Cette communication a pour principal objectif d’analyser les mécanismes de gouvernance de la relation de coopération développée entre un entrepreneur agricole et un collectif de consommateurs membres d’une Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne (AMAP). Plus précisément, nous analyserons les rôles respectifs du contrat et de la confiance dans le maintien de cette relation de coopération et l’organisation in fine d’un marché concerté, régulé par des principes d’économie solidaire. Au préalable, nous tenterons de caractériser cet accord en insistant particulièrement sur la nature des obligations réciproques. Les enjeux de ce partenariat solidaire en terme d’entrepreneuriat seront également exposés. Mots-Clés : AMAP ; Entrepreneuriat agricole ; Economie Sociale et Solidaire ; Contrat ; Confiance Abstract : The aim of this communication is to analyze the mechanisms of governance of the cooperative relationship developed between an agricultural entrepreneur and a group of consumers members of an association supporting small farming (AMAP in French). More precisely, we will analyze the role of contract and trust in maintaining this cooperative relationship and, finally, in organizing a collaborative market, regulated by some principles of solidarity economy. First, we will try to characterize this agreement with a particular emphasis on the nature of the reciprocal obligations. The advantages of this solidarity partnership in terms of entrepreneurship will also be presented. Keywords : Association supporting small farming (AMAP in French); Agricultural entrepreneurship; Social and Solidarity Economy; Contract; Trust
Introduction
Cette communication a pour principal objectif d’analyser les mécanismes de gouvernance de la relation de coopération développée entre un entrepreneur agricole et un collectif de consommateurs membres d’une Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne (AMAP). Plus précisément, nous analyserons les rôles respectifs du contrat et de la confiance dans le maintien de cette relation de coopération et l’organisation in fine d’un marché concerté, régulé par des principes d’économie solidaire. Au préalable, nous tenterons de caractériser cet accord en insistant particulièrement sur la nature des obligations réciproques. Les enjeux de ce partenariat solidaire en terme d’entrepreneuriat seront également exposés. Selon la littérature académique (Dubuisson-Quellier et Lamine, 2008; Olivier et Coquart, 2010; Bénézech, 2011; Dufeu et Ferrandi, 2011), la confiance serait intrinsèque à la conclusion et à la mise en oeuvre des coopérations amapiennes. Nous nous sommes interrogés sur sa nature et sur son rôle en nous référant à la distinction que certains auteurs font entre confiance relationnelle et confiance institutionnelle (Mangematin, 1999 ; Bueno Merino, 2006). Ainsi, la confiance relationnelle s’instaurerait seulement entre les cocontractants tandis que la confiance institutionnelle concernerait l’ensemble des acteurs d’un réseau social par le jeu de l’encastrement. La première se nourrirait en conséquence exclusivement de rapports directs à l’origine d’un historique relationnel alors que la seconde procèderait de l’existence d’un contrat ou d’une charte, de la réputation des acteurs ou bien encore de la surveillance opérée par des instances externes. Cette communication sera organisée en deux parties. Dans la première partie, nous synthétiserons notre cadre théorique dédié aux modes de coordination interorganisationnelle. Dans la deuxième partie, nous présenterons les modalités de notre dispositif méthodologique ainsi que les résultats de notre recherche. 1. Cadre théorique Tout d’abord, nous rappellerons la genèse des AMAP ainsi que leurs principes de fonctionnement énumérés dans la Charte nationale de 2003. Ensuite, nous nous attacherons aux rôles respectifs du contrat et de la confiance dans la coordination interorganisationnelle. 1.1. Genèse des AMAP et principes de fonctionnement La période des années 90, caractérisée par différentes crises et de nombreuses remises en question sur la sécurité alimentaire, est marquée par l’apparition des AMAP (Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) (Allen et al., 2003). Leur développement et leur notoriété grandissante au fil des années témoignent d'un intérêt de plus en plus important pour ce système. Phénomène au départ très localisé et peu visible, elles ont maintenant pris leur place au sein du paysage des réseaux agro-alimentaires alternatifs dont l’objectif est de freiner le développement de l’agriculture intensive (Allen et al., 2003; Lamine, 2008). Contrairement à cette tendance, les AMAP prônent une agriculture « paysanne, socialement équitable et écologiquement saine » en préservant le maintien des fermes de proximité (Confédération Paysanne, 2003). Dans le marché actuel, la production d'aliments biologiques est majoritairement réalisée à grande échelle. Dans ce contexte, les AMAP faciliteraient le retour de l’alimentation biologique à un système plus conventionnel (Thompson & Coskuner-Balli, 2007). La mise en place des AMAP en France s’inspire de différents modèles de solidarité à travers le monde. En premier lieu, il faut citer le modèle du « Teikei » (coopération, entente, accord
commercial au sens littéral) qui a émergé dans les années 60 au Japon. Ces années furent marquées par une catastrophe industrielle qui provoqua la contamination de l’eau de mer au mercure et se traduisit, entre autres, par la maladie de « Minamata ». Une succession de crises alimentaires remit en cause la confiance des consommateurs japonais et stimula leur conscience environnementale (Lagane, 2011). C’est dans ce contexte que fut mis en place le système Teikei par des mères de famille japonaises qui s’inquiétaient de la santé de leurs enfants, suite à la montée de l’industrialisation de l’agriculture avec l’utilisation de produits chimiques. Ces femmes souhaitaient s’assurer de la qualité des produits et de leur commercialisation via des relations de proximité entre producteurs et consommateurs (Bertrandias & Pernin, 2010). Par la suite, des groupes d’achats de consommateurs partenaires furent créés pour apporter une aide financière aux petits producteurs en échange d’aliments cultivés sans produits chimiques. Ces partenariats reposaient alors sur une confiance réciproque ainsi qu’un partage de valeurs et de responsabilités entre producteurs et consommateurs. D’autres notions telles que l’harmonie du groupe, la paix et l’unité étaient sous-jacentes à la mise en oeuvre de telles coopérations (Lagane, 2011). Cette forme de distribution se diffusera rapidement par la suite à l’international, en commençant par la Suisse et l’Allemagne.
En 1985, suite à un voyage en Suisse, un producteur américain, fort de son expérience et de ses rencontres avec un agriculteur autochtone, instaura la pratique du CSA (« Corporate Supported Agriculture » ou « Agriculture Soutenue par la Communauté ») aux Etats-Unis, pratique qui s’étendra progressivement dans tout le pays pour gagner le Canada et l’Angleterre. On assista alors au développement parallèle de différents modèles de partenariats solidaires. C’est en 2001 que ce mouvement va naître en France. La première association dédiée à ce mouvement fut créée en région PACA par des membres d’ATTAC Aubagne et la ferme des Olivades à Ollioules appartenant à Daniel et Denise Vuillon. C’est lors d’un voyage aux Etats-Unis que les époux Vuillon découvrirent le concept de CSA et l’importèrent en France sous le nom d’AMAP. Commença alors à apparaître un mouvement de relations solidaires entre ceux qui produisent et ceux qui consomment (Weidknnet, 2001). Les acteurs de ce mouvement se réunirent pour la première fois en février 2004 lors du « 1er Colloque international sur les contrats locaux entre producteurs et consommateurs » organisé par l’Alliance Paysans Ecologistes Consommateurs. Les principes de fonctionnement de l’AMAP reposent sur une logique coopérative entre un producteur et des consommateurs à travers une forme simple de distribution de produits frais alimentaires. Les consommateurs adhérents choisissent avec l’agriculteur les produits à cultiver ainsi que les modalités de distribution. Chaque consommateur achète à l’avance sa part de récolte et signe un contrat avec le producteur afin de formaliser leur relation (Lanciano et Saleilles, 2011). La récolte sera ensuite disponible sous forme de « paniers » chaque semaine. Ce fonctionnement permet notamment au producteur d’avoir une visibilité sur les quantités totales distribuées, un partage des risques, ainsi qu’un écoulement régulier de sa production au fil des distributions. En économie solidaire, le territoire est considéré comme la base des activités de développement des organisations et représente un facteur de cohésion sociale (La Fonda, 2004). La coopération amapienne relève de l’économie solidaire dans la mesure où territoire et proximité géographique constituent des éléments centraux de la relation d’échange social établie entre un producteur et un collectif de consommateurs.
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Encadré 1 - Les 18 principes fondateurs de la Charte des AMAP de 2003 Les 18 principes généraux de la Charte des AMAP de 2003 :
1. La référence à la charte de l’agriculture paysanne pour chaque producteur.
2. Une production de dimension humaine adaptée aux types de culture et d’élevage.
3. Une production respectueuse de la nature, de l’environnement et de l’animal : développement d’une
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biodiversité, fertilité des sols, production sans engrais chimiques de synthèse ni pesticides, gestion économique de l’eau…
4. Une bonne qualité des produits : gustative, sanitaire, environnementale.
5. L’appui à l’agriculture paysanne locale.
6. La solidarité et des liens actifs avec tous les acteurs locaux oeuvrant pour le maintien de l’agriculture durable et d’un commerce solidaire.
7. Le respect des normes sociales par rapport aux employés de l’exploitation, y compris le personnel temporaire.
8. La recherche de la transparence dans les actes d’achat, de production, de transformation et de vente des produits agricoles.
9. L’accompagnement du producteur à l’autonomie, c’est-à-dire la capacité à être maître de ses choix.
10. La proximité du producteur et des consommateurs : elle est indispensable pour assurer le lien direct entre eux et pour favoriser le circuit le plus court entre producteur et consommateur.
11. Une AMAP par producteur et par groupe local de consommateur.
12. La formalisation et le respect des contrats à chaque saison entre consommateurs et producteur.
13. Aucun intermédiaire entre producteurs et consommateurs, pas de produits achetés et revendus par le producteur sans accord des consommateurs.
14. La définition à chaque saison d’un prix équitable entre producteur et consommateurs.
15. Une information fréquente du consommateur sur les produits.
16. La solidarité des consommateurs avec le producteur dans les aléas de la production.
17. Une participation active des consommateurs à l’AMAP favorisée notamment par la responsabilisation du maximum d’adhérents.
18. Une sensibilisation des adhérents de l’AMAP aux particularités de l’agriculture paysanne. Les principes de fonctionnement d’une AMAP :
1. Structuration des consommateurs
2. Le contrat
3. L’achat de produits complémentaires
4. Les coûts des produits fournis
5. La production
6. Livraison et distribution
7. Règlement
8. Communication interne
9. Evaluation Source : Charte des AMAP, 2003
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Ces principes entraînent pour les parties prenantes des engagements de différentes natures (Lamine, 2008). Du côté des consommateurs, ces engagements sont 1/ de nature financière via l’achat à l’avance (ou préfinancement) de produits agricoles, 2 / de nature solidaire via le partage des risques en cas d’insuffisance de la production et donc la sécurisation du revenu du producteur et 3/ de nature associative puisque la coopération amapienne prévoit la participation des consommateurs à la vie de l’exploitation. Du côté des producteurs, il existe un engagement 1/ de nature technique via la
distribution de produits de qualité et diversifiés et 2/ de nature associative via la participation du producteur à la gestion de l’AMAP et une obligation de transparence relative à la vie de l’exploitation. L’ensemble de ces engagements sont formalisés dans le contrat signé entre le producteur et chaque consommateur, ce qui constitue une originalité par rapport à d’autres canaux de distribution directe (Bertrandias & Pernin, 2010). Lagane (2011) définit les coopérations amapiennes comme des « contrats locaux solidaires » fondés sur une charte éthique. L’étude des AMAP en terme d’entrepreneuriat agricole est particulièrement stimulante car elle met l’accent sur les opportunités engendrées pour les « néo-ruraux » installés depuis moins d’une quinzaine d’années (Mundler, 2007 ; Olivier et Coquart, 2010). Les circuits courts contribuent en effet à un nouveau souffle entrepreneurial dans l’agriculture (Lanciano et Salleilles, 2010). La coopération amapienne est assimilée par certains à une forme particulière d’entrepreneuriat pluriel et solidaire (Lagane, 2011). Elle revêt un caractère entrepreneurial en raison de la prise de risque partagée entre le producteur et son collectif de consommateurs et de la logique réticulaire sur laquelle elle repose. La capacité à développer et entretenir des réseaux est, rappelons-le, une compétence-clé de l’entrepreneur. En raison de son caractère tacite et inimitable, le capital confiance issu des relations interorganisationnelles constitue un actif spécifique générateur d’avantage concurrentiel (Barney et Hansen, 1995). Mais la durabilité de cet avantage est soumise à une gestion active de cet actif relationnel. 1.2. Les modes de coordination interorganisationnelle : entre contrat et confiance Dans un premier temps, nous envisagerons la complémentarité de deux mécanismes de gouvernance interorganisationnelle que sont le contrat et la confiance. Dans un second temps, nous évoquerons le rôle clé du tiers dans la conclusion et la mise en oeuvre d’un contrat néoclassique. 1.2.1. De la confiance institutionnelle à la confiance relationnelle Selon certains auteurs, la coopération amapienne permettrait la réduction de l’incertitude du producteur face à son offre et aux conditions des échanges futurs par le biais de mécanismes dits de « confiance » qui sont mis en place (Feagan, 2007; Dubuisson-Quellier et Lamine, 2008; Olivier et Coquart, 2010; Bénézech, 2011; Dufeu et Ferrandi, 2011). L’objectif de notre recherche consiste à caractériser le rôle et la nature de cette confiance dans la conclusion et le maintien dans le temps de cette coopération, relativement à un autre mode de coordination interorganisationnelle qu’est le contrat. En effet, une partie de la littérature sur la coopération amapienne insiste aussi sur le rôle d’un engagement écrit dans la régulation des échanges entre producteur et consommateurs (Mundler, 2007). Nous tenterons de mettre à jour les contributions respectives de chaque mode de coordination dans la dynamique de l’accord. De façon plus générale, la littérature académique insiste sur les rôles complémentaires entre contrat et confiance dans la régulation des échanges interorganisationnels (Ring et Van de Ven, 1994 ; Bueno Merino, 2006). Le contrat autoriserait la mise en place de mécanismes crédibles de sanction tandis que la confiance favoriserait l’organisation de la flexibilité, autrement dit la prise d’initiatives en dehors des règles formelles existantes. Le contrat est générateur de confiance institutionnelle en l’absence d’historique relationnel (Zucker, 1986 ; Mangematin, 1999). Ce type de confiance peut également être alimenté par d’autres repères publics (Bueno Merino et Grandval, 2007) : signature d’une charte, existence d’un label, notoriété, surveillance par une instance externe, etc. L’importance du contrat diminuerait au fur et à mesure de la multiplication des échanges interpersonnels, laissant ainsi place à l’émergence d’une confiance de nature plus relationnelle. La confiance, quant à elle, est décrite dans la littérature à la fois comme un sentiment et un acte (Bueno Merino, 2006) qui implique un
engagement de ressources dédiées à la relation de coopération, dans un contexte d’incertitude comportementale et d’interdépendance. Elle est dans certains cas influencée par la bienveillance et la solidarité des parties prenantes, c’est-à-dire leur capacité à aller au-delà des obligations formelles, soit pour faire face à un cas de force majeure, soit pour répondre aux nouvelles contingences de l’environnement. Elle se manifeste alors par une attitude flexible des co-contractants (Sako, 1992). Dans le cas des AMAP, la solidarité des consommateurs génère un mécanisme de don – contre-don « |