2.2Caractéristiques de l’industrie digitale
2.2.1De la main d’œuvre au cerveau d’œuvre Les révolutions industrielles précédentes se basent sur la main d’œuvre qui a créé un système hiérarchique pyramidale [7]. Ce système était nécessaire et efficace dans les révolutions précédentes. Aujourd’hui cette organisation n’est plus valable, voire dangereuse car empêche de réussir dans la révolution digitale [8]. Nous entrons dans l’ère du cerveau d’œuvre.
2.2.2Un coût marginal de production très faible Le coût marginal de production des produits est quasiment nul [9]. En effet, par exemple, dès qu’un microprocesseur est conçu, il ne côte presque rien de le dupliquer. Dès qu’un système d’exploitation est réalisé, il ne coute rien de le recopier sur des DVD et de le distribuer. Par contre, le coût initial de conception est très élevé10. En effet, pour réaliser un nouveau système d’exploitation, cela coutera au moins le salaire de plusieurs centaines d’ingénieurs qui travaillent pendant des années. Puisque les autres secteurs d’activités utilisent maintenant le digital, leur coûts marginal tend aussi à devenir faible. D’après la théorie économique de base, un coût marginal faible signifie un rendement d’échelle croissant [10] et du coup on est dans le régime du monopole naturel. La règle de l’économie selon laquelle on fixe le prix au niveau du coût marginal qui est proche de zéro11, n’est plus intéressante et la régulation12 qui tend à structurer le marché vers la concurrence pure et parfaite n’est plus efficace. On évite la situation de monopole naturel si on joue la concurrence monopolistique. C'est-à-dire si on essaye de répondre aux besoins très diversifiés des clients. C’est justement à cause de cela on accorde une très grande importance aux clients dans cette révolution digitale. Une simple segmentation de la clientèle n’est plus suffisante. Il faut une hyper-segmentation, voire individualisation de l’offre pour répondre exactement au besoin de chacun.
2.3Les enjeux de la transformation digitale La transformation digitale est présente à tous les niveaux de la chaine de valeur. La relation client est complètement changée. Par conséquent, c’est le reste de la chaine de valeur qui est affectée. En effet, pour répondre à ces nouveaux besoins, l’entreprise a changé ses processus et son système de production. C’est une transformation au niveau des opérations mais aussi une transformation au niveau stratégique qui concerne directement le business model qui doit être repensé.
2.3.1L’orientation client D’abord, pourquoi on parle d’orientation client ? Ne dit-on pas depuis longtemps que le client est roi ? Qu’est ce qui change ? Nous avons vu au paragraphe 2.2.2 pourquoi, d’un point de vue économique, il est nécessaire d’hyper-segmenter la clientèle et pourquoi on essaye de répondre aux besoins de chacun (incitation à la concurrence monopolistique). Le client qui est classiquement représenté à la sortie de la chaine de valeur, est maintenant le point d’entrée [11] (cf. Figure ). Le client est un acteur central dans cette révolution. Comme l’a expliqué Caroline Faillet par exemple dans son excellent livre « l’art de la guerre digitale » [12] [13], il [le client] est aujourd'hui sur toutes les chaines de valeur des filières économiques. C'est parce qu’il accapare une partie de la valeur puisqu’il est capable de recommander des bien est services et même de proposer lui-même des biens et services qui peuvent concurrencer des entreprises existantes (comme les hôtels avec Airbnb ou les taxis avec Uber). Cela fait bouger les frontières de la valeur et met en péril des business model. Pour les ESN les clients sont les entreprises des autres secteurs d’activité économique. Caroline Faillet propose à la façon de Sun Tzu dans son livre « L’art de la guerre digitale » de renoncer à l’attaque frontale et d’avoir plutôt des stratégies de disruption et d’influence pour renforcer leur position et améliorer leurs performances [12]. L’étude de Westerman, Bonnet et McAfee [3] a montré que les maîtres du digital ont mis la transformation de l’expérience client au cœur de leur transformation digitale. Cette expérience client est pensée de l’extérieur vers l’intérieur (outside-in) comme le montre la Figure . C'est-à-dire qu’on écoute et on analyse d’abord ce que veulent les clients et ensuite on fait notre business model et on s’organise en interne pour créer de la valeur à ces clients. Les maîtres du digital utilisent pour cela plusieurs canaux digitaux pour élargir le marché et considèrent que les outils d’analyse de données comme le nerf de la guerre digitale pour innover en continue l’expérience de leurs clients.

Figure : Entreprises classiques Vs entreprises digitales
2.3.2Les processus et les opérations L’objectif du système d’information moderne est aussi d’informatiser les processus et les opérations dans une entreprise. Cette automatisation est un sujet de controverses. Certains pensent que cela détruit des emplois, ce qui est vrai mais ce n’est que la moitié de la réalité. Cela crée aussi de nouveaux emplois et augmente la productivité. Codelco13 par exemple, qui a préférer centrer sa transformation digitale sur ses opérations à travers son programme « Real Time Mining ». L’entreprise a réussi à mettre en place un système de commande à distance de ses opérations sur les sites des mines. Ses wagons qui rentrent dans les mines sont maintenant sans conducteurs et circulent avec moins d’accidents. Cela augmente la sécurité des ouvriers. C’est peut-être normal que cela augmente la sécurité puisqu’il n’y a plus beaucoup d’ouvriers sur les sites ! Mais comme le dit Marco Orellana, directeur des SI, « de nombreux ouvriers ne se rendent plus à la mine. Ils se rendent en ville, au poste de commande, et il se servent de leur connaissance, pas de leur forces physique » [14]. Codelco a automatisé ses processus et a transformé aussi les tâches des ouvriers. En plus, ils ne sont plus en situation de danger.
2.3.3Les digital business model Nous avons vu en détail ce que c’est le business model et à quoi il sert dans l’étude précédente [2]. Le business model est une description qui explique comment l’entreprise fait pour créer de la valeur et fait du profit. L’un des enjeux majeurs de la transformation digitale est la transformation des anciens « business model » pour les rendre « digital business model » c'est-à-dire adapté à la 3ème révolution industrielle pour rester compétitif. Transformer son business model est le résultat ultime de la transformation digitale. Le reste, technologies, organisation etc., ce sont des moyens pour concrétiser. Les principes et paradigmes du digital que nous étudions servent justement à faire une réflexion pour comprendre comment fonctionnent les Digital Business.
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