Organisation de l’espace urbain
Histoire de l’urbanisation
La géographie urbaine est une branche récente de la géographie. En 1912, R. Blanchard publie la première monographie sur une ville (Grenoble). En 1936, P. Lavedan fait une Géographie des villes. En 1952 paraît le premier traité de géographie urbaine, écrit par Pierre George. Avec l’accélération de l’urbanisation, on s’y intéresse de plus en plus : en 1800, 3,4% de la population du monde était urbaine ; 13,6% en 1900 ; 30% en 1950 ; 50% en 2008. Le géographe urbain décrit et explique l’évolution et le fonctionnement des villes, il prévoit aussi son développement (rôle de l’aménageur).
Plusieurs trajectoires sont possibles :
On peut s’intéresser au contenu (les hommes, donc faire de la géographie sociale), aux déplacements (géo des transports), à l’urbanité (mode de vie urbain), aux fonctions urbaines (hiérarchie, réseaux), etc..
Ou alors au contenant, c’est-à-dire la ville comme espace géographique façonné par les hommes. On fait alors de la morphologie urbaine.
Partie 1 : Les principales étapes de l’urbanisation Dans son livre L’architecture de la ville, A. Rossi dit que « la géographie de la ville est inséparable de son Histoire ». Peu de villes sont nées à l’époque contemporaine, exceptées les villes nouvelles françaises, celles des polders hollandais ou Abu Dhabi et Dubai… La naissance et le développement d’une ville sont à replacer dans un contexte historique, politique, économique, religieux voire technique. Cette connaissance est possible par des fouilles archéologiques (fortuites ou non) ou grâce aux textes et aux plans (apparus au XVIè-XVIIè). Le problème de la datation de l’origine d’une ville se pose très souvent : on a par exemple cru que Paris n’avait que 2.000 ans, avant d’y découvrir des pirogues néolithiques. I) Des origines lointaines et incertaines :
Les premières villes datent du passage à la sédentarisation des hommes au néolithique (8.000-5.000BC). La datation est rendue difficile par les critères de définition de la ville : quand passe-t-on d’un village à une ville ? Quelle taille ? Quelles fonctions ?
On situe la naissance des villes dans le Croissant Fertile, à proximité des fleuves (Nil, Tigre et Euphrate, Moyen-Orient avec Jéricho ou Turquie (1)).
En Egypte, des monuments ont perduré mais on a peu de renseignements sur les villes, souvent édifiées autour d’un temple. Il s’agit ici (2) de Kahoun, une ville enclose avec une séparation sociale. On peut aussi citer Tell El Amarna, entre Memphis et Thèbes. La fonction religieuse est étroitement associée à la fonction politique de ces villes, qui ont aussi un lien fort avec la campagne environnante et un artisanat développé.
La Mésopotamie voit ses villes faire du commerce, et acquérir ainsi une fonction commerciale. La ville de Babylone (3) a une triple enceinte et une séparation sociale. D’autres villes apparaissent en Perse : Persepolis, Suse. En Gaule, peu de villes se développent, sauf des oppida (petites villes perchées) dans le midi. On le voit en (4) : une ville entourée de murailles, assortie d’une ville basse plus modeste. II) L’essor urbain grec et romain :
Du VIIIè s BC au IIIè-IVè s ap JC, les villes se développent avec les civilisations grecques et romaines. Il s’agit d’agrandissements ou de reconstructions de villes antérieures, soit de constructions volontaires. Elles sont un instrument de conquête, leur fonction économique s’accroît et se diversifie.
Les villes grecques et hellénistiques :
Vers 2000BC, les Achéens venus du Nord établissent en Grèce des villes, qui sont en fait de petits royaumes, dans les plaines et les collines. Ils occupent la colline de l’Acropole, mais aussi le site de Mycènes, où ils construisent d’énormes murailles (l’enceinte cyclopéenne). Ils réalisent des expéditions vers la Crête (Thésée et le Minotaure) et en Asie Mineure (prise de Troie vers 1183BC). Vers 1200BC, les Doriens envahissent la Grèce. Ils font fuir certains Achéens et fondent des villes comme Sparte, éternelle rivale d’Athènes.
Athènes est une polis (ville+campagne autour) avec une colline, l’Acropole, sur laquelle on a retrouvé des restes de fortifications. Avec Périclès (mi Vè BC), l’Acropole devient une colline sacrée pleine de temples et de monuments religieux. A ses pieds, on trouve la ville basse, construite spontanément, avec des quartiers spécialisés comme celui de Céramique. C’est une ville sans ordre (5). L’artisanat est l’activité des métèques (étrangers) alors que le citoyen grec s’occupe de la vie politique sur l’agora. Lorsque celui-ci devient un lieu de commerce, la vie politique se déplace vers la Pnyx.
La ville s’étend rapidement sans ordre à l’intérieur des fortifications. Elle devient la capitale du monde grec avec ses fonctions et ses rassemblements festifs. Pour ses besoins commerciaux est créé le port du Pirée, à 7km de la ville (6), avec un couloir fortifié pour y accéder.
Son plan a été créé par Hippodamos de Milet. C’est un plan quadrillé dit hippodamien, modèle qui prévaut après 480BC. La ville de Milet (7) a par exemple été reconstruite selon ce plan. Il a aussi servi pour les villes de colonisation grecque, comme par exemple en France Olbia (Hyères) (8). Il sert également à Alexandre le Grand, qui fonde 70 Alexandrie. Il répand la culture grecque et l’enrichit des apports locaux pour fonder la civilisation hellénistique. Alexandrie d’Egypte se trouve sur le Delta du Nil (9). Elle a une situation de port et un plan régulier sur 2 axes. D’autres sont fondées plus tard, comme Pergame, ville en étages. Bilan :
La cité prend un rôle religieux et politique
La fonction commerciale est accrue et diversifiée
Le plan en damier apparaît, avec une agora au centre, des portiques à colonnes (ordres dorique, ionique et corinthien).
Pas de souci de développement de l’hygiène, malgré les recommandations des médecins (tels Hippocrate). Les philosophes réfléchissent sur la ville.
La civilisation urbaine romaine :
Elle reprend des apports des civilisations grecque et hellénistique en y ajoutant un art monumental et des techniques de construction nouvelles (voûte, ciment), ainsi qu’une certaine recherche de confort pour les populations aisées.
Dès le IIe millénaire BC, la péninsule italienne est occupée par les Italiotes, venus des plaines d’Europe de l’Est et divisés en tribus (ex : latins, sabins). Au VIIIè s BC, des Grecs s’installent en Italie du Sud. Les Etrusques, venus d’Asie, s’y installent à la même époque. Ils connaissent la technique de la voûte.
Rome (10) fait l’objet de récits par Tite-Live, auteur au service des politiques, qui ont été confirmés par des fouilles récentes. Enée chassé de Troie s’installe dans le Latium. En 753BC, ses descendants Romulus et Remus fondent la ville sur le Palatin, selon le rite étrusque : consultation des augures, tracé de l’enceinte à la charrue, tracé du cardo/decumanus. Le développement de Rome commence au VIIè BC avec les rois étrusques, qui prennent conscience de l’excellence du site et de la situation. Ils installent une citadelle sur le Capitole, ainsi qu’un forum entre Capitole et Palatin. Ils font drainer la plaine par un égout, créent le port d’Ostie. L’enceinte est le mur Servius, qui enserre les 7 collines. A l’intérieur, la ville se construit sans ordre. A partir de 509 BC (res publica, jusqu’à 27BC), les Etrusques partent et la ville s’étale hors de l’enceinte. S’élèvent alors des temples, bâtiments politiques, judiciaires et économiques (basiliques = halles aux blés), des immeubles appelés insulae. A partir de 27BC, les empereurs embellissent la ville, surtout le centre : (11) Colisée (80ap), temples, thermes, etc… Au IIè s, Rome compte 1Mhab. A partir du IIIè s, les invasions barbares et le goût de la fête entraînent la chute de l’empire. Rome, un modèle de ville ?
On retrouve ce modèle surtout en Afrique du Nord et en Europe, dans des villes bâties qui sont un fort instrument de romanisation. Elles sont construites avec du ciment, sur des sites en terrain plat et avec un plan géométrique facile à adapter. Ex : Timgad, en Algérie.
En Gaule, une forme d’urbanisation existe avant les Romains : les oppida. Dans les villes gallo-romaines, on n’a pas toujours d’enceinte et d’orientation avec le soleil (aligné avec le decumanus). Les îlots peuvent être carrés ou rectangulaires. Il n’y a donc pas de modèle préétabli par les Romains en Gaule, la topographie joue un rôle important. On retrouve des monuments de Rome, en plus petit : forum, temples (Maison Carrée de Nîmes, temple d’Auguste et Livie à Vienne…), arènes, aqueducs, ponts, … Les Romains mettent en place un réseau de routes, les via. On a retrouve des restes de domus (maisons avec un domaine), mais peu d’habitations modestes. En France existe une certaine hiérarchie de villes, avec Lyon au premier rang.
Les Celtes y sont présents à partir du Vè s BC. En 43BC, Munatius Plancus fonde Lugdunum sur la colline de Fourvière, en face de Condate (le confluent), où sont les Celtes. C’est un territoire facilement défendable. Ils construisent un mur d’enceinte et des monuments, tels le forum vetus. Cette ville devient rapidement un carrefour routier. Sont construits à Condate l’amphithéâtre des Trois Gaules et un temple pour Auguste et l’Empire.
Sur les îles entre les deux fleuves se trouvent des entrepôts, les Canabae. On a donc une ville avec 3 centres. Bilan :- Une extension nette de l’urbanisation, avec un agrandissement des villes antérieures et des créations notamment suburbaines (les nécropoles, par exemple).
Le développement des fonctions religieuses, politiques, administratives et économiques pour répondre aux besoins des populations aisées.
La mise en place d’un réseau de routes, ponts et de réseaux urbains.
Le début du génie urbain : adductions d’eau, égouts, latrines publiques
L’amélioration des techniques de construction : ciment, voûtes, arcs, coupole. Le tout marqué par une grande solidité et le goût du monumental.
Le développement d’une culture urbaine populaire, avec de grands rassemblements et des jeux.
Les invasions et l’essor de la religion chrétienne. Après, on observe un repli urbain pendant plusieurs siècles, mais il n’y a pas de rupture brutale avec la ville antique.
III) Régression et renouveau au Moyen-âge :
Cette période qui s’étend de 476 à 1453/92 n’est pas homogène du point de vue de l’urbanisation. Jusqu’au XIè, les villes reculent. A partir du XIIè, on observe un renouveau, une renaissance et des créations de villes. 1) Des villes repliées et des noyaux pré-urbains :
A partir du IIIè s ap JC, c’est la décadence romaine et les menaces d’invasions pleuvent. Les villes reconstruisent les remparts antiques, parfois au même emplacement. Il y a souvent rétraction de l’espace urbain et regroupement autour d’un espace défensif, souvent une colline. Lyon fait exception, en devenant une ville basse étendue vers la Saône. Cela montre le besoin de proximité d’un cours d’eau.
A Nîmes, les arènes servent de rempart, on y construit des maisons et deux églises, qui abritaient environ 2.000 personnes. Ces remparts sont délaissés en temps de paix, reconstruits en temps de guerre. La menace des Sarrasins dans le Midi explique les villages perchés, dus aussi à des plaines marécageuses donc inutilisables.
Ces murailles ont souvent des tours et peu de portes. Le plan romain est déformé. Les venelles, rues étroites et sinueuses, sont typiques du Moyen-âge. Le tracé antique se maintient à Vérone, mais pas à Chester (12). Les cimetières sont établis à l’intérieur de la ville, ce qui pose des problèmes d’hygiène.
Cette période est aussi marquée par les noyaux pré-urbains. On distingue les portus, des ports pour l’accostage de bateaux avec des noyaux urbains extra-muros. Ils sont souvent visibles en Europe du Nord et N-O. Des burgus sont aussi créés : ce sont des bourgs fortifiés au pied de châteaux-forts, on en trouve dans les villes de la Loire et de Vendée (Niort, Cholet) ainsi qu’à Bruges. On parle de bourgs castraux. Sur le même modèle, les bourgs monastiques, groupés autour d’une abbaye servant de refuge aux paysans. Cela contribue à l’essor de l’agriculture. S’y ajoutent les défrichements, assèchements de marais, la diffusion de techniques agricoles comme l’assolement.
Cela participe à :
2) « L’éclosion » [des villes], R. Fédou :
Au XIIè-XIIIè, on constate un essor urbain, en liaison avec l’essor des campagnes, l’accroissement démographique, le développement des échanges et de l’artisanat. Un peu partout naissent ou grandissent des centres nouveaux. On a vu l’exemple d’Arras (13), dont les deux noyaux se rejoignent au XIVè. C’est pareil à Reims (14) avec deux bourgs qui se rejoignent par des fortifications à la même époque. Cet accroissement de surface urbaine s’accompagne d’une augmentation de la surface bâtie et de la population. La population s’accroit encore par l’exode rural. Les populations rurales qui migrent en ville peuvent continuer à cultiver dans des espaces urbains, ou changent de profession pour devenir artisan.
Les villes se distinguent des villages par leurs activités de transformation et d’échanges, favorisées par la création de nouvelles routes, la construction de ponts (pont St Bénezet à Avignon, pont du Change à Lyon). On trouvait souvent un petit noyau urbain en tête de pont. Les marchés et foires se développent aussi au XIIIè, notamment en Champagne et en Flandres. Cet essor correspond à la diversification des besoins des citadins. Il entraîne le développement de l’artisanat, qui se place près des cours d‘eau ou se groupe par rue. Spécialités : métiers de bouche, transformation de cuir et de la laine, bijouterie, etc…
La plupart des artisans et commerçants travaillent pour les besoins locaux, mais certains travaillent pour des colporteurs ou revendent à des marchands plus importants.
A cette fonction commerciale s’ajoute dans les grandes villes de foires une fonction de change, avec des marchands qui accaparent le pouvoir social. Certains sont groupés en guildes ou corporations. Ex : les bouchers de Paris, menés par Jean Caboche. La noblesse est peu présente en ville, sauf dans le Sud. La ville médiévale rassemble donc les activités agricoles, artisanales et commerçantes. Elle regroupe des classes sociales très différentes.
Cette diversité se retrouve dans les constructions :
Petites maisons individuelles, souvent mitoyennes, avec parfois la boutique au rez-de-chaussée. Ce sont des maisons en torchis ou pisé, avec un jardinet. Elles sont appelées masures.
Constructions individuelles aisées, situées plus souvent vers le centre, elles sont encore visibles dans certaines villes. Elles se caractérisent par une forme en encorbellement sur la rue, des colombages, des toits très pentus, une construction en briques et en pierre.
Les bâtiments à usage public : hôtels de ville avec parfois un beffroi/campanile, halles, bâtiments religieux (églises romanes et gothiques, couvents, hôpitaux, léproseries).
Paris (15) devient en 987 (sous Hugues Capet) la capitale du domaine royal. Au XIè, elle prend des fonctions plus importantes. Avec Philippe Auguste (1280-1310), elle s’étend sur les deux rives de la Seine. Dans la plaine de St Denis se tient la foire de Lendit. Le port fluvial est important, d’où l’emblème de la ville (la nef) et sa devise (Fluctuat nec mergitur). La rive droite est plus commerçante alors que la rive gauche est plus religieuse et intellectuelle (la Sorbonne). Le Louvre, palais royal, est construit extra-muros. La ville se construit de manière dissymétrique, plus sur la rive droite, peut-être à cause du Louvre. Fin XIVè, la ville fait 475ha.
A partir du XIIè, les villes se développent et de nouvelles sont créées, de façon volontaire avec un plan géométrique. C’est le cas dans le Sud-ouest de la France, frontière entre la Guyenne anglaise et le comté de Toulouse. Des villes nouvelles y sont créées : les bastides. Au centre se trouve la place, élément central du plan géométrique de ces villes encloses. On en dénombre environ 300. Le comte de Toulouse octroie des chartes pour les peupler. Carcassonne (16) est au départ un oppidum gaulois, fortifié au Moyen-âge. St Louis (XIIè) fait construire une bastide dans la plaine.
Bilan :
Les villes importantes le sont restées, les créations ne connaissent pas un développement important.
Ces villes sont emmurées avec des fortifications adaptées à la topographie, le plan antique est déformé, les espaces libres sont rares.
La fonction religieuse est renforcée par des bâtiments, des terres cultivées dans les couvents et des cimetières.
La fonction commerciale est accrue, la bourgeoisie s’enrichit et achète des propriétés extra-muros.
La fonction politique voit monter une puissance urbaine, avec les associations de marchands.
La ville domine de plus en plus la campagne. Elle possède un ban, à une lieue (4,4km) des murailles.
Les arts roman et gothique émergent en ville.
Ailleurs, la période médiévale est aussi marquée par un développement. C’est le cas en Europe du Nord et Centrale, dans des villes comme Berlin ou Varsovie. Elles se développent aussi en Asie, mais aussi au Maroc. En témoigne la ville de Fès (17), avec ses petites rues sinueuses, ses mosquées et ses souks. Elle est composée de deux villes reliées par une enceinte. Jusqu’en 1348-1350, on constate une apogée urbaine, puis un repli (période de crise et consolidation). IV) Embellissement et créations à l’époque moderne :
Cette période (de 1453/92 à 1789) n’est pas marquée par une révolution urbaine. Les immeubles nouveaux et les transformations d’embellissement se font dans l’ancien cadre médiéval. Les créations sont réduites, mises à part les créations princières, les ports et les villes-citadelles. C’est dans le Nouveau Monde que les Européens créent des villes nouvelles. 1) Continuité et embellissement :
Il s’agit d’une continuité topographique : les villes demeurent encloses, sauf en Angleterre, pour des raisons de sécurité et d’octroi (taxes des marchandises à l’entrée), leurs superficies sont quasi inchangées. Les remparts sont parfois reconstruits ou repoussés, d’où des gains de terrains intra-muros. Cette croissance démographique permet aux villes de doubler leur population. On rehausse les maisons, on supprime les cours, la densité se renforce (1.000hab/km² à Lyon au XVIIè). Les terres agricoles urbaines disparaissent pour être loties par des classes aisées ou des religieux. Ex : île St Louis à Paris. La poussée des religieux s’explique par la reconquête catholique (Contre-Réforme) à partir de 1580. On voit aussi souvent des développements extra-muros le long d’une grande rue (ex : rue de la Guillotière). Les villes deviennent donc purement urbaines.
Les rues sont sinueuses, les bâtiments mal dégagés. Un évènement involontaire peut amener à reconstruire un quartier médiéval. C’est le cas de l’incendie du 2 septembre 1666 à la City de Londres. Ces quartiers sont alors refaits avec un plan rectiligne et de larges rues.
On a aussi des transformations volontaires pour embellir la ville et affirmer un certain pouvoir, ou une finalité utilitaire et fonctionnelle. Ces embellissements sont inspirés des nouvelles tendances artistiques : art antique, nouvelles techniques de peinture (la perspective), classicisme pour les monuments, baroque au XVIIIè. La plupart des villes se dotent de monuments : hôtels de ville, hôpitaux, greniers à blé, halles, églises, théâtres, fontaines. Sont aussi réalisées des percées rectilignes, des avenues plus larges bordées d’arbres et de grandes places royales. Ce sont des lieux de promenade, entourés d’hôtels aristocratiques. La noblesse devient donc de plus en plus urbaine. Les villes capitales sont embellies à grande échelle : exemple du Vatican à Rome (avec St Pierre et sa place ovale), ou encore de Paris sous Louis XIV-XV (avec les places Vendôme, Dauphine, des Vosges, le palais du Luxembourg, l’hôtel des Invalides, etc).
2) Créations en Europe :
C’est une part infime des villes de l’époque. On en distingue 3 types principaux :
Les villes princières, villes-résidences. Exceptée la ville de Richelieu, les autres ne sont pas entourées de murailles. L’élément de base est le château, la résidence, à partir duquel tout s’organise. Ex : Versailles (18), fait par Le Vau, Mansart, Le Notre, Le Brun, etc… C’est un château dans le plus pur style classique, en perspective d’un plan en trident formée de 3 larges avenues plantées et une grande place devant le château. A l’Est se trouvent les artisans (place du Marché), à l’Ouest les nobles et les ministères. Ce château inspire toute l’Europe, dont Karlsruhe (19), St-Petersburg fondé sur la rive gauche de la Neva par Pierre le Grand en 1703. Ce dernier impose aux nobles de construire dans cette ville. Résultat : elle compte 150.000 hab en 1925.
Les ports : St-Petersburg, Le Havre (créé en 1516 par François Ier pour mettre les bateaux à l’abri). Parmi les ports français, citons aussi Sète, Brest, Lorient (bâti par Colbert), Rochefort et son plan régulier. Le port d’Amsterdam est au Moyen-âge un village de pêcheurs. Fin XVIè, il accueille les riches marchands d’Anvers, chassés par les Espagnols. On agrandit la ville le long de trois canaux concentriques, on bâtit des maisons de même largeur (8m) à 3 étages.
Les villes-forteresses, liées à l’évolution des techniques de guerre, dont des formes de fortifications. Elles sont désormais en étoile, avec le français Vauban. Ce dernier crée des villes ou renforce des anciennes sur toutes les frontières, y compris littorales. Ex : à Neufbrisach (Alsace), on compte plusieurs lignes de fortifications en étoiles avec des demi-lunes (triangle végétal entre l’étoile et le fossé), des fossés, une ville nouvelle avec la place d’armes au centre. Ce modèle essaime partout, on le voit avec l’exemple des demi-lunes visibles à la Croix-Rousse. S’il y avait un souci de puissance militaire pour ces villes, il existe un exemple de première cité industrielle. Elle a été créée dans le Doubs par Nicolas Ledoux de 1775 à 1779 : les salines d’Arc-et-Senans (22). On remarque son plan circulaire avec une entrée type antique, des entrepôts et bâtiments de direction entourés de bâtiments d’habitation.
3) Les débuts de l’urbanisation du Nouveau Monde :
Au XVIè commence l’expansion des Européens hors d’Europe. Les Espagnols et Portugais fondent des villes en Amérique Latine, et se les partagent au traité de Tordesillas (1494). Les villes espagnoles font l’objet d’un plan préétabli : (23) géométrique, avec une grande place au centre contenant une église et des bâtiments administratifs (dont le palais du gouverneur) et des rues de 9m de large. La plupart des fondations espagnoles se font entre 1524 et 1540. Les villes coloniales portugaises sont plus souvent irrégulières car elles s’adaptent à la topographie. Dans les deux cas, on remarque une profusion de monuments religieux.
La création de villes en Amérique du Nord ne commence qu’au XVIIè, avec les Français, Anglais et Hollandais. Au début, ce ne sont que de modestes villages avec une mission religieuse, puis elles acquièrent un rôle commercial. Au départ, on trouve des maisons en pierre ou en bois, du même type que dans le pays colonisateur. La première ville fondée ainsi est Québec, en 1608 par Champlain, avec des maisons en style normand. Montréal a été fondée une première fois en 1611, puis en 1642. (24) elle passe de 600 hab en 1660 à 4.000 en 1760. En 1763, la ville devient anglaise.
En 1620, Plymouth est fondée par les Pilgrim Fathers débarqués du Mayflower.
En 1623 est bâtie New Amsterdam, sur la partie Sud de Manhattan rachetée aux Indiens pour 24$. Il s’agit d’un port avec un rempart au Nord (Wall Street). Elle est prise en 1664 par les Anglais (dont le duc d’York), qui la rebaptisent New York.
A l’époque, la capitale américaine est Philadelphie. Washington est fondée en 1791, avec un plan baroque (25) caractérisé par une grande allée centrale (the Mall, 500m de large au départ). A cause de problèmes de propriété du sol, le plan n’a pas pu être appliqué à la lettre. Bilan :
La création de villes nouvelles qui, en Europe, ne deviendront pas des villes importantes, alors qu’en Amérique elles seront à l’origine d’une forte croissance.
Une continuité pour les villes anciennes, avec parfois une extension des remparts (Paris, avant la Révolution) ou une reprise pour les adapter aux nouvelles armes (Vauban). On a en plus une recherche esthétique, avec des monuments style gréco-romain et des grands parcs.
Une emprise économique et culturelle grandissante de la ville sur la campagne, avec un début de spécialisation des faubourgs (dans le commerce ou le maraîchage). Les nobles et bourgeois ont la mainmise sur la campagne pour avoir des rentes et des résidences secondaires.
L’apparition, pour certaines villes, de projets d’extension. C’est le cas à Lyon, où Perrache propose d’étendre la Presqu’île après Ainay dans les années 1760. En 1764, Lyon s’étend sur la rive gauche du Rhône sur des terrains rachetés à l’Hôtel-Dieu par Morand : c’est la naissance des Brotteaux, sur un plan géométrique.
V) Forte croissance au XIX è :
Du début du XIVè au début du XIXè, la population a doublé, mais elle a triplé au XIXè. Ce sont surtout les composantes économiques qui accélèrent l’urbanisation : révolution industrielle, révolution agricole, révolution des transports. On a aussi un accroissement démographique lié aux progrès de l’hygiène et à l’exode rural. Tout cela entraîne le développement des villes sur le plan horizontal et vertical. La population urbaine croît 6x plus vite que la population totale. Parmi les causes figurent la RI, en interaction avec la ville. L’industrie connaît une révolution, qui débute en Angleterre. Les capitaux du commerce y sont pour beaucoup, ainsi que l’invention en 1784 de la machine à vapeur par James Watt, d’où le développement de l’extraction houillère, la création du chemin de fer, le développement de la sidérurgie donc celui de la construction (chemin de fer et bâtiments), de l’industrie mécanique, de la chimie, de l’industrie agro-alimentaire, etc…
Cette révolution donne naissance à des villes nouvelles et favorise l’extension des anciennes, particulièrement celles qui ont des facilités d’approvisionnement. Cette urbanisation est plutôt anarchique, mais on a quelques exemples de créations ordonnées dirigées par un patronat, comme le Familistère de Godin. 1) Les créations à dominante industrielle :
Des villes-champignons poussent à proximité des puits de mine et des cours d’eau : Dickens les nomme cokevilles, on dit aussi carbovilles. Elles se développent en Angleterre puis dans le reste de l’Europe (régions de bassins houillers comme la Ruhr ou le Massif Central), puis en Europe Centrale et Orientale, plus tard. Dans les bassins houillers apparaissent des usines-forteresses, des gazomètres, des terrils ou crassiers (dépôts de charbon), des corons ou casernes ou usines-pensionnats, des habitations précaires type bidonvilles.
Dès le début, des hommes veulent changer la société, ils sont dits socialistes, comme Fourier et son phalanstère. Mi XIXè, des patrons dits philanthropes bâtissent des cités industrielles pour les ouvriers. Ex : Saltaire dans le Yorkshire, cité textile bâtie en 1861, spécialisée dans l’alpaga.
En France, le Familistère (26) de Guise (Aisne) est créé en 1858 pour 3.000 hab, il est peuplé de 4.000 hab aujourd’hui. Autres exemples : Noisiel, fondée en 1864 par Menier (chocolat), Le Creusot, petite ville avec une verrerie et une fonderie royale qui devient une ville sidérurgique après 1836 avec la famille Schneider. S’y développent des cités ouvrières, avec de petites maisons monofamiliales pour les ouvriers et des maisons en pierre plus proches du centre pour les contremaîtres. 2) Urbanisation des faubourgs et haussmanisation :
Selon Claval, les cités industrielles ne sont « que des îlots dans une masse d’urbanisation incontrôlée purement spéculative ». Souvent, l’initiative privée l’emporte et la ville devient un grand marché spéculatif et un vaste chantier de construction avec des cycles, selon la conjoncture économique. Les villes conservent les remparts, des terrains intra-muros se libèrent avec la vente de biens nationaux (surtout ceux de l’Eglise) après la Révolution. Ils sont lotis, pas toujours immédiatement après la vente. Les densités intra-muros augmentent, avec des immeubles de 4-5 étages, les faubourgs se développent de façon linéaire puis au gré des lotissements. Ces lotissements sont faits par des |