Affaire Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona et InterAguas Servicios Integrales del Agua c. Argentine (arb/03/17)








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date de publication09.07.2017
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CIRDI

Décisions sur la compétence des 16 mai et 3 août 2006

Affaire Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona et InterAguas Servicios Integrales del Agua c. Argentine (ARB/03/17)

Affaire Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona et Vivendi Universal c. Argentine (ARB/03/19)

  1. Consolidation des procédures. Le tribunal arbitral s’est déclaré compétent dans le cadre d’une procédure consolidée qui regroupait trois affaires portées devant le mécanisme d’arbitrage CIRDI : l’affaire Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona (« AGBAR ») et Vivendi Universal c. Argentine (ARB/03/19), l’affaire Suez, AGBAR et InterAguas Servicios Integrales del Agua (« InterAguas ») c. Argentine (ARB/03/17) et l’affaire concernant la province de Cordoba (ARB/03/18). Cette dernière décision n’a pas fait l’objet de publication. Enfin, l’Argentine a refusé d’étendre cette procédure consolidée au différend qui l’opposait à la société anglaise AWG mais a cependant accepté l’ouverture d’une procédure d’arbitrage CNUDCI, administrée par le secrétariat du CIRDI. Le tribunal arbitral unique est composé du Professeur Jeswald W. Salacuse (Président) et des Professeurs Gabrielle Kaufmann-Kohler et Pedro Nikken (arbitres). L’ensemble de ces affaires a pour cadre la privatisation du secteur de la distribution d’eau potable et du retraitement des eaux usées. Deux consortiums avaient été créés. Dans le cadre de la première affaire, la répartition des actions dans la société nationale argentine Aguas Provinciales de Sante Fe (« APSF ») était la suivante : Suez (51,69%), AGBAR (10,89%) et Interaguas (14,92%). Dans la seconde affaire, les actions de la société nationale argentine Aguas Argentinas S.A. (« AASA ») étaient divisées comme suit : Suez (39,93%), AGBAR (25,01%), Vivendi Universal (7,55%) et AWG (4,25%). La loi d’urgence publique n°25561 du 6 janvier 2002 est à l’origine du contentieux entre ces investisseurs privés étrangers et l’Etat argentin. Cette loi a en effet eu pour conséquence une forte dépréciation du peso argentin qui mettait fin de facto à la loi sur la convertibilité entre le peso et le dollar de 1991.

  2. Les objections d’incompétence classiques soulevées par l’Argentine. Les conseils de l’Etat argentin ont une fois encore développé une argumentation consistant à établir l’incompétence du tribunal arbitral. La première objection d’incompétence soulevait par l’Argentine avait trait à l’une des conditions requises par l’article 25 (1) de la convention de Washington. L’Argentine alléguait que le litige n’était pas en relation directe avec un investissement. L’argument énoncé devant le tribunal arbitral consistait à donner à l’expression « relation directe » une interprétation plus restrictive signifiant « relation spécifique ». L’Etat argentin affirmait ainsi que le tribunal arbitral était incompétent puisque la loi d’urgence publique ne visait pas spécifiquement les parties au litige. Ce moyen de défense est directement tiré de l’affaire Methanex. Or, cette référence est inopportune dans la mesure où la sentence Methanex trouve son fondement dans le chapitre 11 de l’ALENA. Par conséquent, le tribunal arbitral rejeta cette interprétation qui selon lui vicie le sens originel de l’expression « relation directe ». Cette interprétation reviendrait en effet à exclure de la compétence du Centre les mesures générales d’expropriation pris par un gouvernement. A contrario, le CIRDI serait compétent pour connaître des mesures d’expropriation qui viserait précisément un ou des investisseurs privés (para. 30 de la décision sur la compétence dans l’affaire Suez, AGBAR et Vivendi Universal c. Argentine (ARB/03/19)). De plus, aucune disposition de la convention de Washington n’établit de chef de compétence sur le fondement unique d’une mesure générale prise par un gouvernement. Pour rejeter cette exception d’incompétence, le tribunal arbitral achève son raisonnement par la référence, désormais célèbre, à la sentence CMS. Les arbitres avaient affirmé que « the arbitral tribunal does not have jurisdiction over measures of general economic policy » […] but « did have jurisdiction to examine whether specific measures affecting the claimant’s investments or measures of general economic policy having a direct bearing on such investment have been adopted in violation of legally binding commitments given to the investor in treaties, legislation or contracts ». La deuxième exception d’incompétence soulevée par l’Argentine appelle moins de commentaire puisqu’elle est relative à la nature juridique du différend. Les tribunaux arbitraux CIRDI ont rejeté de manière constante cette argumentation en se fondant d’une part, sur l’arrêt de la Cour internationale de Justice dans l’affaire du Timor Oriental et d’autre part, sur le rapport des directeurs exécutifs de la Banque mondiale. La Cour mondiale désigna un différend comme « a disagreement on a point of law or fact, a conflict of legal views or interests between parties ». Le rapport des directeurs exécutifs de la Banque mondiale complète cette définition en précisant que « […] conflicts of rights are within the jurisdiction of the Centre, mere conflicts of interests are not ». Le tribunal arbitral constata sans difficulté qu’un désaccord existait entre les parties sur la légalité, en vertu du droit international, du traitement accordé à ces investissements par l’Etat argentin. C’est pourquoi les investisseurs privés étrangers ont demandé l’ouverture d’une procédure d’arbitrage CIRDI sur le fondement des différents traités bilatéraux d’investissement pertinents en l’espèce.

  3. Non respect par une partie d’une disposition conventionnelle. La consolidation d’une procédure d’arbitrage signifie qu’un seul tribunal arbitral est chargé d’examiner puis de rendre une sentence relative à plusieurs affaires identiques. Cette procédure comporte l’avantage d’être efficace même si elle peut s’avérer plus complexe dans sa mise en œuvre. Tel est le cas dans la présente affaire où les parties qui ont consenti à cette consolidation se sont fondées sur différents traités bilatéraux d’investissement. Dans la première affaire, les trois sociétés sont de deux nationalités différentes : la société Suez est constituée en vertu du droit français et les sociétés AGBAR et Interaguas sont quant à elle enregistrées en Espagne. Ainsi, si la société Suez invoque le T.B.I. conclu entre la France et l’Argentine, les sociétés espagnoles fondent leurs demandes en vertu du T.B.I. liant l’Espagne à l’Argentine. Dans la seconde affaire, exception faite de la société AWG qui a ouvert une procédure d’arbitrage CNUDCI, le consortium était également composé de sociétés française (Suez et Vivendi Universal) et espagnole (AGBAR). Le tribunal arbitral a donc examiné une à une les clauses de règlement des différends insérées dans chacun des traités. L’article 8 du T.B.I. conclu entre la France et l’Argentine prévoit tout d’abord la recherche d’une solution amiable du différend (article 8 (1)). Si cette tentative reste infructueuse, l’investisseur privé peut engager une procédure contentieuse dans un délai de 6 mois. L’article 8 (2) laisse alors à l’investisseur privé le choix de recourir soit aux juridictions nationales de l’Etat d’accueil de l’investissement, soit à l’arbitrage international. L’article X du T.B.I. entre l’Espagne et l’Argentine est rédigé de manière différente. Si le paragraphe 1 de l’article X est identique à l’article 8 (1) du T.B.I. franco-argentin, le deuxième paragraphe impose à l’investisseur étranger de saisir la juridiction nationale de l’Etat d’accueil de l’investissement à la fin du délai de 6 mois. Ce n’est que dans un troisième temps que l’investisseur privé aura la possibilité d’engager une procédure d’arbitrage international si le différend persiste entre les parties. Or, les sociétés espagnoles ont directement saisi le centre d’arbitrage CIRDI. L’Etat argentin s’est donc engouffré dans cette brèche en déclarant que le non-respect de cette disposition conventionnelle entraînait l’incompétence du tribunal arbitral. Les arbitres, sans rejeter ce motif, ont toutefois retenu l’approche des conseils des sociétés espagnoles qui demandaient l’application de la clause de la nation la plus favorisée.

  4. L’utilisation de la clause de la nation la plus favorisée. Les arbitres ont développé un raisonnement en trois temps pour justifier l’application de la clause de la nation la plus favorisée. L’article IV (2) du T.B.I. conclu entre l’Espagne et l’Argentine dispose : « En todas las materias regidas por el presente Acuerdo, este tratamiento no será menos favorable que el otorgado por cada Parte a las inversiones realizadas en su territorio por inversores de un teroer país ». Les arbitres ont déduit de cet article que la clause de la nation la plus favorisée s’appliquait à l’ensemble des matières gouvernées par cet accord. Pour conforter cette analyse, le tribunal arbitral a fait une interprétation déductive de l’article IV (3) du même traité qui établit la liste des matières qui sont exclues du champ d’application de la clause de la nation la plus favorisée. Selon le tribunal arbitral, rien ne permet d’établir qu’il existe une distinction entre les autres matières gouvernées par le traité et le règlement des différends. Cette interprétation n’est en fait qu’une application conforme de l’article 31(1) de la convention de Vienne sur le droit des traités. Il dispose : « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». Enfin, à ces considérations interprétatives s’ajoutent les précédents jurisprudentiels. Le tribunal arbitral s’est tout particulièrement appuyé sur la sentence Maffezini qui constate : « If a third Party treaty contains provisions for the settlement of disputes that are more favourable to the protection of the investor’s rights and interests than those in the basic treaty, such provisions may be extended to the beneficiary of the Most Favored Nation clause as they are fully compatible with the ejusdem generis principle ». Le tribunal arbitral n’a donc pas retenu la démarche des conseils argentins qui consistaient à se référer à l’affaire Plama consortium c. Bulgarie. Deux raisons ont été avancées. Premièrement, l’article IV (2) du T.B.I. conclu entre l’Espagne et l’Argentine avait une portée plus large que la disposition pertinente insérée dans le T.B.I. bulgaro chypriote. De plus, l’intention des Etats bulgare et chypriote était claire : « the two contracting parties did not consider that the Most Favored Nation provision extends to the dispute settlement provisions in other BITS ». Le T.B.I. liant la Bulgarie à Chypre limite la portée de la clause de la nation la plus favorisée aux matières « relatives à l’établissement, l’acquisition, l’expansion, la gestion, la direction, l’exploitation et la vente ou les autres aliénations d’investissements » (GAILLARD (E.), « Le CIRDI », J.D.I., 2006-1, p. 273). Le raisonnement du tribunal arbitral, fondé d’une part sur les instruments conventionnels pertinents et d’autre part sur les précédents jurisprudentiels, s’inscrit également dans l’objectif de la convention de Washington : facilité le règlement des différends entre Etat et investisseurs privés. C’est cette même considération qui a poussé le tribunal arbitral à poursuivre la procédure d’arbitrage alors que les sociétés nationales argentines APSF et AASA se retiraient de celle-ci.

  5. Le retrait d’une partie de la procédure d’arbitrage. Cette situation est inédite puisque ni la convention de Washington, ni les règlements du CIRDI ne prévoient une telle hypothèse. Le retrait de la procédure d’arbitrage des sociétés nationales argentines laissa seuls les actionnaires des deux consortiums. Face à ce vide juridique, les arbitres se sont appuyés sur la section 3 de la convention intitulée « des pouvoirs et des fonctions du tribunal » et plus précisément sur son article 44. Celui-ci dispose : « Toute procédure d'arbitrage est conduite conformément aux dispositions de la présente section et, sauf accord contraire des parties, au Règlement d'arbitrage en vigueur à la date à laquelle elles ont consenti à l'arbitrage. Si une question de procédure non prévue par la présente section ou le Règlement d'arbitrage ou tout autre règlement adopté par les parties se pose, elle est tranchée par le Tribunal ». Ce texte donne donc au tribunal arbitral une autonomie pour résoudre les questions de procédure qui se pose à lui. Christoph Schreuer affirme ainsi dans son commentaire de l’article 44 : « An ICSID tribunal’s power to close gaps in the rules of procedure is declaratory of the inherent power of any tribunal to resolve procedural questions in the event of lacunae. In exercising this power, the tribunal may not go beyond the framework of the convention, the arbitration rules, the parties’ procedural agreement but must, first of all, attempt to close any apparent gaps through the established methods of interpretation for treaties and other legal documents » (SCHREUER Ch., Commentary on the ICSID Convention: Articles 41, 42, 43 and 44, ICSID Review, 1997-2, p. 542). C’est en insérant des dispositions comme l’article 44 que la convention CIRDI a gagné la confiance des Etats et des investisseurs privés et c’est en les appliquant avec justesse que les arbitres ont su légitimer l’action qui leur étaient confiées. Il reflète l’idéologie de l’arbitrage international en tant que mode de règlement des différends. Ainsi, le tribunal arbitral a pris acte du retrait des sociétés étatiques argentines. Il a toutefois indiqué dans la même ordonnance que la procédure d’arbitrage se poursuivait dans tous ces autres aspects. La première motivation du tribunal arbitral a bien entendu trait à l’objectif intrinsèque de la convention, la résolution du règlement des différends entre Etats et investisseurs privés. La décision du tribunal arbitral est d’autant plus compréhensible que le droit international a depuis longtemps consacré la distinction entre les droits de la société et les droits propres des actionnaires. Il s’agit d’une jurisprudence constante qui rend obsolète toute résurgence du principe jadis appliqué dans l’affaire de la Barcelona Traction et qui niait aux actionnaires le droit d’agir en justice. La référence de l’Etat argentin à cet arrêt est sans intérêt. Tout d’abord, le mode de règlement des différends est distinct. Dans l’affaire de la Barcelona Traction, c’est l’action en protection diplomatique qui a été mise en œuvre tandis que les affaires portées devant le CIRDI concerne l’arbitrage international. De même, si le mode opératoire est différent, le fondement des demandes l’est tout autant. Dans le cadre de la procédure CIRDI se sont les investisseurs privés qui ont eu recours directement au mécanisme d’arbitrage par le biais des traités bilatéraux d’investissement et de leurs clauses de règlement des différends. Le droit d’agir ne pouvait donc pas être remis en cause par le tribunal arbitral. Pour autant, il fallait que les investisseurs privés justifient leur titre. Le tribunal arbitral a alors examiné les articles relatifs à la notion d’investissement dans les traités bilatéraux d’investissement conclus par l’Argentine avec la France et l’Espagne. Dans les deux cas, la détention d’actions était insérée dans la liste qui définissait les opérations d’investissement. Ainsi, le retrait d’une partie à la procédure d’arbitrage n’enlève en rien la qualité pour agir de chaque actionnaire et ce de manière indépendante.

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