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. Deed, c’est-à-dire un acte, mais poll évoque, décrit, en quelque sorte ce qu’est l’acte, du point de vue du document. C’est un document qui est rogné. Et il est rogné, ce poll qui décrit ce qui est rogné, est également ce qui décrit ce qui est étêté, ce qui est décapité. Un têtard, un arbre qui a été rogné c’est a polied. Et poli peut désigner aussi la tête. Alors, le deed poll, c’est ce type d’acte particulier qui est rogné. Il a cette caractéristique de ne comporter qu’une partie. C’est un acte qui est - c’est pour ça qu’on dit par décret - …il a décrété que… Et cela s’oppose à - cela se distingue au moins de - indenture qui est un acte déchiré, selon justement une indentation, pour être confié aux parties, aux deux parties, aux deux ou plusieurs parties. Donc c’est - nous dit-on, nous dit JOYCE - de cette manière que le père a changé de nom. Et il a changé de nom, il a changé quel nom ? « Est-ce qu’il est cousin du dentiste BLOOM ? dit Jack Power. - Nullement, dit Martin. Ils n’ont que le nom de commun. Il s’appelait VIRAG. C’est le nom du père qui s’est empoisonné. » Et en anglais ça donne ceci : « The father’s name that poisoned himself » où l’on entend presque que c’est le nom qui s’est empoisonné. « The father’s name », il y a une espèce de jeu sur le génitif, qui fait - sur la position du nom du père - qui fait que c’est le nom qui semble s’être empoisonné : VIRAG. VIRAG réapparaît. Il est évoqué à plusieurs endroits dans Ulysse, il réapparaît dans Circé. Mais ce qui réapparaît dans Circé d’abord, c’est une virago, désignée comme telle, VIRAGO. Alors, c’est ici que l’on peut, peut-être se souvenir de ce que c’est que « virago », c’est-à-dire le nom qui dans la Vulgate - dans la traduction de la Bible par Saint JÉRÔME - sert à désigner la femme du point de vue d’ADAM. Dans la Genèse, l’homme est amené à nommer la femme : « Tu t’appelleras femme », il l’appelle « virago » puisqu’elle est un petit peu homme. Elle est « fomme », si vous voulez, à une côte près. Arrivé à ce point de mes élucubrations et de mes cafouillages entre les lignes d’Ulysse, je souhaiterais distinguer dans cet entrelacis, ce qui fait mine de trou. Car évidemment, on est tenté d’utiliser pour une interprétation, en vue d’une interprétation, un schéma qui serait tiré :
Évidemment, on trouverait très gentil et très complaisant que réapparaisse justement tout ça dans Circé, dans l’hallucination. Seulement voilà, ce n’est peut-être pas tout à fait suffisant - même s’il y a de la vérité là-dedans – pas tout à fait suffisant pour faire fonctionner le texte. Par exemple, pour rendre compte du passage : « Pauvre papa, Pauvre homme ». dans le premier passage, il disait, après : « chaque mot est si profond Léopold ». Rapportant le commentaire de « papa » sur la pièce : « Pauvre papa, Pauvre homme » ce qui était peut-être pas très gentil non plus pour les propos de « papa ». « Je suis content de ne pas être rentré dans la chambre pour regarder sa figure.» Je suis content ! « Ce jour-là ! Mon dieu ! Mon dieu ! Bah ! peut-être que cela valait mieux pour lui. Enfin bref ! Il y a des tas de choses comme cela dont il faudrait quand même rendre compte aussi. Et il faudrait surtout arriver à rendre compte des effets produits dans la redistribution dramatique que constitue Circé, car ça se tient, car ça fonctionne, car il y a quand même des choses qui se passent, justement, à côté de ce qui fait mine de trou. Et je pense justement, que le tour de mains de JOYCE consiste entre autres choses, à déplacer si j’ose dire l’aire du trou de manière à permettre certains effets. On aperçoit par exemple la disparition de « la voix du fils » dans la citation donnée : « la voix du fils » n’est pas mentionnée, pas plus que la mort du père. Mais en revanche un effet est produit par cette voix du fils déplacée en réplique, mais une voix du fils porteuse justement d’un certain savoir-faire sur le signifiant. Cette précaution, cette habileté à parler, à supposer, à sous-poser, on voit qu’elle se propage. On voit qu’elle se propage selon la logique qui est tout à fait éloquente : j’ai parlé de l’éloquence du « Mosenthal » bien rhétorique, en période, et puis aussi par l’articulation : Mosenthal/All that’s… - « j’en ai marre/marabout… » - …All that’s left of him. Alors il faut ici que je vous donne la phrase anglaise, ce que disait Rudolph dans Circé. C’est, parce qu’il répétait : « Are you not, my dear, the Léopold who left the house his father and left the God of his father’s Abraham and Jacob. » Qui a laissé, qui a quitté, qui a abandonné… Alors : « All that’s left of him » tout ce qui est, tout ce qui reste de lui, tout ce qui abandonne de lui - c’est quand même déjà pas mal - tout ce qui abandonne de lui, et reste de lui. Et puis aussi « All that’s left of him », tout ce qui est à gauche de lui. Alors évidemment, si l’on pense à ce qu’indique le credo sur les places respectives du père et du fils là-haut, ça en dit long sur le respect impliqué là-dedans :
Je ne sais pas où il faut s’arrêter là-dedans, je frémis, il vaut mieux que je m’arrête. Ce qui est sûr, c’est que BLOOM ça lui fait plaisir, à lui aussi - ça m’a fait plaisir, moi quand j’ai vu ça - ça lui a fait plaisir à lui, c’est sûr, et ça s’est entendu. Ça s’est entendu, et comment est-ce qu’on le voit ? C’est que « papa » n’est pas content du tout. La réplique suivante, ça commence par : « Rudolph, severely, one night they bring you homme drunk… » Une nuit, on t’a rapporté saoul… sévèrement. Autrement dit : je t’en prie, pas d’humour déplacé, parlons plutôt de tes transgressions à toi. Donc, cette jubilation de BLOOM qui – prudemment – a dit des choses qu’il avait à dire, c’est des choses qui font plaisir donc, à tout le monde. Mais alors dans cette série d’effets, dont je viens de dégager quelques-uns, il y a une sorte de cascade. Une sorte de cascade parce que se développe un autre effet qui est en quelque sorte de structure, par rapport au précédent, une sorte de résultat des effets précédents. Cette espèce de jeu par rapport au père - sur toutes ces choses, je n’y reviens pas - semble faire glisser du côté de la mère. Cette espèce de père, contesté de différentes façons, conduit à une mère, et à une mère qui est du côté, disons de l’Imaginaire, pour simplifier. Car, donc Rudolph évoque une transgression du fils, qui est revenu saoul, qui a dépensé de l’argent, et qui est revenu aussi couvert de boue : « Mud ». Mais le lecteur… bon, il l’a fait, ça a été un beau spectacle pour sa mère, dit-il : « nice spectacle for your poor mother » c’est pas moi, c’est elle qui était pas contente …mais la manière dont ça arrive, la manière dont c’est refilé à la mère - par la boue - c’est assez drôle, parce que « Mud »… ceux d’entre vous qui ont lu le Portrait en anglais ont pu remarquer qu’à un certain moment, « Mud » est une sorte de forme familière de « mother ». Et ici, c’est autour des pages… je sais pas : dans le premier - en gros - dans les deux premiers chapitres, je crois que c’est au début du second chapitre. Et il est question… c’est associé à la pantomime. Où est-elle ? Eh bien tenez, après tout j’ai ça là, je vais peut-être essayer de vous le retrouver. Mais j’ai pas le temps, peut-être. Quelle heure il est ? Voilà. Bon, dans cette édition, dans l’édition VIKING c’est page 67, et c’est une petite saynète de rien du tout, du type « épiphanie » - je ne sais pas comment il faut dire ça - j’emploie le terme avec un peu de provocation. LACAN - Ça fait bizarre ! C’est un terme de JOYCE ? Jacques AUBERT Épiphanie ? Oui, oui. Mais là on pourrait discuter de sa pertinence, peut-être. Ça fait partie d’une série de petites saynètes que JOYCE a placées, donc dans un des premiers chapitres d’Ulysse… du Portrait, et où l’enfant, le jeune Stephen, est en train de s’y retrouver dans Dublin, à partir d’un certain nombre, disons, de points, de scènes, de lieux, de maisons. Il était là, assis dans une maison. En général ça commence comme ça. Et on le voit assis sur une chaise, dans la cuisine de sa tante, et sa tante était en train de lire le journal du soir et d’admirer « the beautiful Mabel Hunter » une belle actrice. Et une petite fille arrive - toute bouclée, elle - sur la pointe des pieds pour regarder le portrait, et dit doucement : « What is she in, mud ? » - « Dans quoi est-elle, (boue) maman ? » - « Dans la pantomime, mon amour. » Or, il se trouve que ce passage de Circé glisse dans la boue… puisque ça revient, le signifiant revient trois ou quatre fois dans ce passage-là …glisse de la boue à un surgissement de la mère : « beau spectacle pour ta pauvre mère » dit Rudolph, et BLOOM dit « maman » parce qu’elle est en train d’apparaître à l’instant même. Dès que certains mots, certains signifiants apparaissent dans Circé, l’objet - si j’ose dire - fait surface. Et fait surface comment ? Vêtue en dame de pantomime, crinoline et tournure, avec un corsage à la « widow Twankey ». Elle apparaît en dame de pantomime, c’est-à-dire selon la logique de la pantomime anglaise : homme déguisé en femme, n’est-ce-pas. Les spectacles de pantomime - qui se jouaient en particulier autour de Noël - qui sont évoqués là, impliquaient un renversement des habits, un travestissement généralisé : pantomime. Donc, d’un certain point de vue, ce serait donc le vêtement féminin. Mais ce qui fonctionne à nouveau ici, ça fonctionne tout de suite, ça part dans deux directions. Ça part dans deux directions parce que dès le début d’Ulysse, on avait évoqué la mère en rapport avec la pantomime, la mère comme ayant ri à la pantomime de Turco le Terrible. Dans l’édition française, c’est à la page 13-14. Dans une évocation de sa mère, Stephen dit après l’avoir évoquée morte : Où maintenant ? Ses secrets : vieux éventails de plumes, carnets de bal à glands, imprégnés de musc, une parure de grains d’ambre dans son tiroir fermé à clé. Une cage d’oiseaux qui avait été suspendue à la fenêtre ensoleillée de la maison où elle vécut jeune fille. Elle allait voir le vieux Royce dans la pantomime de Turco le Terrible, et riait avec tout le monde quand il chantait : « Je suis le garçon Possesseur du don De se rendre invisible. » Gaîté fantomale, enfuie en fumée : fumet de musc. Donc ce qui réapparaît là-dedans, c’est donc un ensemble fantasmatique, lié à la mère par le truchement de Stephen, avec quand même une ambiguïté radicale : de quoi riait-elle ? Du vieux Royce chantant ? De ce qu’il disait ? De son jeu de voix, Dieu sait quoi… Et alors cette mère, cette mère-là, cette mère problématique se trouve être vêtue telle qu’est vêtue, dans la pantomime, la mère d’Aladin : « widow Twankey ». Le corsage à la « widow Twankey » c’est le corsage, donc de la mère d’Aladin dans les pantomimes. Mère d’Aladin qui évidemment ne comprenait rien à ce que faisait son fils, sinon ceci : c’est qu’en astiquant bien la lampe, on faisait parler l’esprit qui était dedans. J’en resterai là sur ce point, pour passer à un autre aspect du fonctionnement du texte. Ellen BLOOM, qui vient de surgir, n’est pas du tout comme « papa » du côté des Sages de Sion mais, à l’entendre, elle est plutôt du côté de la religion catholique, apostolique et romaine, car qu’est-ce qu’elle dit en le voyant tout plein de boue : « O blessed Redeemer ! » O, Rédempteur Bienheureux ! O Béni soit le Rédempteur ! « What have they done to him ? » Que lui ont-ils fait ? « Sacred Heart of Mary ! Where were you at all ? » Sacré Coeur de Marie, où étiez-vous donc? Ce qui est d’ailleurs assez curieux parce que Sacré Cœur de Jésus plutôt, devrait lui venir à l’esprit. Ce qui signe d’une certaine manière son rapport narcissique à la religion. Elle est très nettement catholique à la manière dont on pouvait l’être particulièrement au XIXème siècle, et c’est toute cette dimension-là qui, en fait, je pense, mérite d’être soulignée dès que l’on parle de JOYCE. Dès que l’on parle de JOYCE, même si on va le chercher dans les textes les plus bénins :
Un rapport imaginaire à la religion, c’est ce que l’on aperçoit derrière la mère, dans la mère, chez JOYCE. D’abord, je voudrais le signaler à propos de l’Épiphanie : ce que l’on appelle l’Épiphanie, ça signifie bien des tas de choses, au fond assez diverses. Il y a un endroit seulement où JOYCE l’a défini, c’est dans le Portrait de l’Artiste, dans le… - ça y est ! [lapsus] - dans Stephen Hero, Stephen le Héros. C’est le seul endroit où il emploie le mot, et on a évidemment allègrement déformé ce qu’il a dit. Il a eu le bonheur de donner une définition : par « Épiphanie » il entendait une manifestation spirituelle, découverte à travers la vulgarité du langage… etc. Un truc bien poli, bien didactique et Thomas d’Aquinisant. Mais comment ça vient tout ça ? Ça vient à la suite, ça vient dans un texte, qui en deux pages, nous fait passer d’un dialogue avec la mère, dans lequel la mère fait reproche à Stephen de son incroyance, en invoquant - qui donc ? – les prêtres. En disant : les prêtres… les prêtres… les prêtres… Et Stephen, à la fois rompt avec elle sur ce plan-là, et d’un autre côté contourne le problème, se met à évoquer justement, glisse au rapport femme-prêtre, glisse ensuite vers la bien-aimée, et tout d’un coup, se met à dire… j’ai pas le texte ici malheureusement, parce que j’avais pas pensé l’invoquer, mais enfin vous le retrouverez assez facilement dans Stephen Hero, si ça vous intéresse …il dit tout de suite après… un spectacle de Dublin… Ah oui, c’est ça : « Il se met à errer dans les rues, et un spectacle de Dublin émeut suffisamment sa sensibilité pour lui faire composer un poème. » Puis plus rien sur le poème, et il rapporte le dialogue qu’il a entendu, qui est un dialogue entre une jeune personne et un jeune homme. Et un des rares mots qui apparaît, c’est le mot Chapel, là-dedans, pratiquement il y a que des points de suspension dans ce dialogue. Donc, ce dialogue où il n’y a rien lui fait écrire un poème. Et puis d’un autre côté, il baptise ça dans les lignes qui suivent : « épiphanie ». Voilà ce qu’il voulait faire, enregistrer ces scènes, ces saynètes réalistes qui en racontent tant. Donc une double :
Mais précisément ça arrive dans un certain discours qui implique justement la mère, et la mère dans son rapport au prêtre. Alors le rapport que je définis grossièrement - vous me le pardonnerez - comme rapport imaginaire à la religion, on le retrouve d’autre manière dans le Portrait de l’Artiste avec par exemple les Sermons sur l’enfer qui sont justement interminables, qui sont très sadiques et kantiens et qui sont en fait, qui visent à représenter, dans le détail, les horribles tortures de l’enfer, et qui visent à représenter, à donner in presentia justement une idée de ce qu’est l’enfer. Du même ordre de fonctionnement: le confesseur. Le confesseur comme étant celui qui écoute, mais aussi répond. Répond quoi ? Dit quoi ? C’est précisément autour de cela que ça tourne. Autour de ça que tournent, entre autres choses, les Pâques de Stephen, les confessions de ses turpitudes et puis aussi l’artiste, la fonction de l’artiste. J’invoquerai ici deux passages, deux textes :
Et puis, l’autre texte, l’autre passage, il se trouve vers la fin du Portrait de l’Artiste et c’est le moment où, mortifié de voir la bien-aimée tendre l’oreille et sourire à un jeune prêtre bien lavé, il dit… lui, il avait renoncé à être prêtre, il y avait pas de problème, c’est une affaire réglée, il n’est pas de ce côté-là …« et dire quand même que c’est des types comme ça qui leur racontent des choses dans la pénombre, et moi… » Je brode, mais enfin vous reverrez le texte, il existe, à quelque chose près …qu’il voudrait arriver à être là avant qu’elle n’engendre quelqu’un de leur race, et que l’effet de ce qui se passera, l’effet de cette parole, améliore quand même un peu cette fichue race, n’est-ce-pas. Ça a peut-être bien rapport avec la fameuse conscience incréée. Ça passe par l’oreille, La fameuse conception par l’oreille qu’on retrouve d’ailleurs dans Circé, évoquée bien sûr… LACAN |
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![]() | «Quel modèle de croissance pour la France ? La leçon des expériences étrangères» | ![]() | «Entre relativisme et universalisme» p. 64-67 dans le collectif Claude Lévi-Strauss. Tristes tropiques, Paris, Ellipses, 1992 |
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