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![]() www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’La peste’’ (1947) roman d’Albert CAMUS (320 pages) pour lequel on trouve un résumé puis successivement l’examen de : la genèse (page 4) l’intérêt de l’action (page 7) l’intérêt littéraire (page 10) l’intérêt documentaire (page 13) l’intérêt psychologique (page 17) l’intérêt philosophique (page 28) la destinée de l’œuvre (page 34) Bonne lecture ! Première partie Le narrateur se propose de relater le plus fidèlement possible les « curieux événements» qui se sont produits « en 194.., à Oran», en Algérie. Un jour d'avril, le docteur Rieux découvrit le cadavre d'un rat sur son palier. Le concierge, monsieur Michel, pensa que de mauvais plaisants s'amusaient à déposer ces cadavres de rats dans son immeuble. À midi, Rieux accompagna à la gare son épouse qui, malade, partait se soigner dans la montagne. De plus en plus de rats sortaient de leurs cachettes et venaient mourir dans les lieux publics. Quelques jours plus tard, l’agence de presse Ransdoc annonça que plus de six mille rats avaient été ramassés le jour même. L'angoisse s’accrut dans la ville. Quelques personnes émirent des récriminations contre la municipalité. Puis, soudainement, le nombre de cadavres de rats diminua, les rues retrouvèrent leur propreté, la ville se crut sauvée. Mais monsieur Michel, le concierge de l'immeuble de Rieux, tomba malade. Le médecin essaya de le soigner, mais sa maladie s'aggrava rapidement et il ne put rien faire pour le sauver : ganglions distendus, taches noirâtres sur les flancs, il fut emporté par une fièvre foudroyante, succombant à un mal violent et mystérieux. D’autres habitants furent frappés et moururent à leur tour, en nombre croissant. Rieux fut sollicité par Grand, un modeste employé de la mairie, qui venait d'empêcher un certain Cottard de se suicider pour des raisons inconnues. Rieux consulta ses confrères. L’un d’eux, le vieux Castel confirma ses soupçons : il s'agissait bien de la peste. Rieux réclama des pouvoir publics une action énergique contre la contagion. Après quelques atermoiements, à la mi-mai, l’état de peste fut proclamé. La ville fut isolée. Des mesures sévères règlèrent la vie des habitants, peu à peu assujettis aux privations, à l’ennui et à l’angoisse. Deuxième partie « La peste fut notre affaire à tous » note le narrateur. La ville s'installa peu à peu dans l'isolement qui, avec la peur, modifia les comportements collectifs et individuels. Les habitants éprouvèrent des difficultés à communiquer avec leurs parents ou leurs amis qui étaient à l'extérieur. Ils tentèrent de compenser les difficultés de la séquestration en s'abandonnant à des plaisirs matériels. Rieux apprit que Grand se concentrait sur l'écriture d'un livre dont il réécrivait sans cesse la première phrase. Fin juin, Rambert, un journaliste parisien qui souffrait d’être séparé de sa compagne, demanda en vain l'appui de Rieux pour obtenir de pouvoir quitter la ville et regagner Paris. Cottard, qui était un criminel, semblait éprouver une malsaine satisfaction dans le malheur de ses concitoyens car, ainsi, il serait oublié. « Pour lutter conte le fléau avec leurs propres moyens », les autorités ecclésiastiques organisèrent une semaine de prières collectives à l’issue de laquelle le père Paneloux, un savant jésuite, prononça à la cathédrale un sermon où il fit du fléau un châtiment lancé par Dieu aux pécheurs. Ce sermon laissa désemparée la ville qui céda à un morne abattement. Tarrou, nouveau venu à Oran, y avait d’abord goûté nonchalamment les plaisirs des temps heureux tout en notant avec prédilection dans ses carnets les aspects provinciaux de la ville ou les comportements insignifiants de certains de ses habitants. L’irruption de la peste mobilisa en lui de plus profondes ressources : un soir du mois d’août, agissant au nom d'une morale de la « compréhension », il vint offrir à Rieux de constituer, pour l’aider, des «formations sanitaires» volontaires. Le médecin, voyant le nombre des victimes ne cesser de croître et les autorités légales se révéler incompétentes, accepta avec joie. Ces équipes se mirent aussitôt au travail. Grand, mû par sa générosité naturelle autant que par la reconnaissance qu’il vouait au médecin, sans renoncer à ses chères activités, assura le secrétariat du service. Toute autre voie s’étant révélée impraticable, Rambert chercha un moyen clandestin de quitter la ville. Il erra de rendez-vous en rendez-vous, parcourant de mystérieuses filières et échouant amèrement quand il croyait toucher au but. Il se confia à Rieux et à Tarrou. Leur présence exerça sur lui une influence tonique. Troisième partie Au cœur de l'été, l'épidémie redoubla. Il y eut tellement de victimes qu'il fallut à la hâte les jeter dans une fosse commune, comme des animaux. Dans la ville, sillonnée chaque nuit par des « tramways sans voyageurs » emportant les cadavres vers les fours crématoires où ils étaient incinérés par mesure d’hygiène. On créa des camps d'isolement dont un sur le stade municipal. Des révoltes éclatèrent et des pillages furent commis. Les habitants, résignés, tombant dans l’atonie, donnaient l'impression d'avoir perdu leurs souvenirs, leurs illusions, leurs espoirs, l’amour et l’amitié étant remplacés par une « obstination aveugle ». Quatrième partie Alors que le travail des formations sanitaires se poursuivait dans la fatigue et l'accablement, le journaliste Rambert, à qui une occasion de quitter la ville venait de s’offrir, comprenant qu'«il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul», décida de rester. Il prit la direction de la résidence pour l’entourage des malades en même temps que la responsabilité d’une équipe itinérante. Le docteur Castel s’employa à produire un sérum à partir des cultures du microbe qui infestait la ville, dans l’espoir d’opposer à la maladie un remède spécifique que Rieux, après avoir pratiqué sans succès les interventions classiques, décida d’essayer sur le fils du juge Othon qui fut gravement atteint. Au terme d'une agonie douloureuse et pathétique, il mourut quand même. Rieux cria sa révolte au père Paneloux qui, tout à fait décontenancé devant la mort de cet être innocent, formula dans un second prêche, prononcé à la fin octobre, la nécessité d'aimer Dieu sous peine d'avoir à le haïr, puis, convaincu par Tarrou, se joignit aux formations sanitaires ; mais, frappé à son tour, sans qu’on sût bien s’il était victime de la peste, fut emporté brutalement après avoir refusé tout secours humain, en serrant fiévreusement contre lui un crucifix. Rieux et Tarrou travaillaient avec acharnement, mais prirent du repos sur une terrasse, moment de communion amicale où Tarrou expliqua son attitude : il était le fils d’un avocat général qui avait osé demander la tête d'un « homme vivant » ; cela avait fait de lui un révolté qui avait décidé de n'être jamais du côté des meurtriers ; qui, déçu de la révolution, se voulait «un saint laïque». Puis ils se baignèrent dans la mer. Avec décembre, survinrent de grands froids sans que la peste relâchât son étreinte. À Noël, Grand, qui s’était épuisé à mener sa vie professionnelle, son activité bénévole et son labeur privé, qui était aussi torturé, en dépit du temps écoulé, par le souvenir de son bonheur perdu, tomba malade et on le crut perdu. Mais il guérit sous l'effet d'un nouveau sérum. La peste commença à reculer et des rats vivants apparurent. Cinquième partie Au mois de janvier, les statistiques des décès commencèrent à baisser, les cas de guérison se multiplièrent. Le 25, les autorités purent considérer l’épidémie comme terminée et annoncer l’ouverture des portes pour une date prochaine. L’allégresse revint dans les cœurs. Mais le fléau fit encore des victimes : le juge Othon puis Tarrou. La mère de Rieux proposa de le garder à la maison sans tenir compte des règlements. Il mourut, serein, confiant à Rieux ses carnets. Un télégramme annonça à Rieux que sa femme était morte. À l'aube d'une belle matinée de février, les portes de la ville s'ouvrirent enfin. La foule en liesse se répandit dans les rues, savourant la libération. Le bonheur était à nouveau possible, mais les habitants n'allaient pas oublier cette épreuve. Pour Cottard qui, jusque-là, avait bénéficié des événements, l’état de peste ralentissant l’enquête ouverte sur une louche affaire dans laquelle il avait trempé et qui lui permettait de réaliser de subtantiels profits au marché noir, le retour à une situation normale était catastrophique pour sa sécurité et sa prospérité ; le jour de la libération, l’enthousiasme populaire excita en lui une crise de folie furieuse : il tira sur la foule et fut arrêté par la police. On apprend l'identité du narrateur : c'est Rieux qui a voulu relater ces événements avec la plus grande objectivité possible. Il sait que le virus de la peste peut revenir un jour et qui appelle à la vigilance. Analyse (la pagination est celle de l’édition Folio) Genèse Comment Camus fut-il amené à envisager un roman ayant pour sujet une ville en proie à la peste? La lecture de ses carnets, de ‘’L'envers et l'endroit’’ et de ‘’Noces’’ permet de se faire une idée assez précise de l'état d'esprit qui a donné naissance à la création de cette œuvre. On découvre, dans ses premiers écrits, un jeune homme, éperdument amoureux de la vie, de la vie physique, la vie en plein air surtout, et qui a grandi dans « un pays qui invite à la vie ». Les gens (du moins ceux d’origine européenne) vivaient et mouraient sans souci du lendemain, sans souci de ce qui les attendait après la mort. « Ce peuple, a-t-il écrit-il dans ‘’L'été à Alger’’, a mis tous ses biens sur cette terre et reste dès lors sans défense contre la mort. » Et il était, certes, le dernier à leur reprocher de ne pas mettre leur espoir en une survie. Mais ce qui lui paraissait inadmissible, c'est que la vie terrestre étant la seule existence réservée aux êtres humains, ils acceptent de la vivre passivement et sans prendre conscience de sa valeur. Il est important de constater le rôle, dans la genèse de ‘’La peste’’, de ce sens du prix de la vie chez Camus, car il éclaire un aspect du livre sur lequel on n'a peut-être pas assez insisté. Or, à dix-sept ans, il connut, pour la première fois, la menace de la tuberculose. La menace d'une mort prématurée a développé chez lui un sens aigu du prix de la vie. On ne peut cependant affirmer que ce fut la maladie qui, d'abord, l’amena à méditer sur le sujet de la peste. Mais il ne faut pas un effort d'imagination bien grand pour comprendre que, dès que l'idée d'une ville en proie à la peste se fut présentée à son esprit, il ait vu, dans une situation où les citoyens sont menacés à chaque moment de leur vie par une contagion qui peut leur être fatale, une image capable d'exprimer son propre univers intérieur. Là-dessus, il lut l’essai d'Antonin Artaud ‘’Le théâtre et la peste’’ (qui fut repris en 1938 dans ‘’Le théâtre et son double’’). Ce manifeste d'inspiration surréaliste a pour amorce une comparaison singulière entre le fléau, qui, dans la cité atteinte, fait voler en éclats les cadres moraux et déclenche une frénésie de jouissance, et la représentation scénique, qui, ruinant les apparences de respectabilité dont s'entoure la société, libère les forces instinctives d'ordinaire refoulées par les règles de la vie en commun : « L'action du théâtre comme celle de la peste est bienfaisante, car en poussant les hommes à se voir tels qu'ils sont, elle fait tomber le masque, elle découvre le mensonge, la veulerie, la bassesse, la tartuferie ; elle secoue l'inertie asphyxiante de la matière qui gagne jusqu'aux données les plus claires des sens ; et révélant à des collectivités leur puissance sombre, leur force cachée, elle les incite à prendre en face du destin une attitude héroïque et supérieure qu'elles n'auraient jamais eue sans cela. » L'animateur du Théâtre de l'Équipe qu’était Camus portait un intérêt très vif aux écrits d'Antonin Artaud dont il mentionna brièvement les recherches dans l'’’Avertissement’’ de ‘’L’état de siège’’ (1948). Mais ce qui le frappa sans doute dans cet essai, ce fut moins la thèse que l'illustration. Peu enclin à saluer paradoxalement dans l'épidémie une occasion d'émancipation, il fut fasciné par les visions brûlantes du doctrinaire et, plus encore, par l'exceptionnelle aptitude de ce thème à se prêter au symbole : « Si l'on veut bien admettre maintenant, écrit Artaud, cette image spirituelle de la peste, on considérera les humeurs troublées du pesteux comme la face solidifiée et matérielle d’un désordre qui, sur d’autres plans, équivaut aux conflits, aux luttes, aux cataclysmes et aux débâcles que nous apportent les événements. » Chez Antonin Artaud, Camus trouva la mention des grandes « plaies » que, dans la Bible, Dieu envoie aux méchants pour les punir ; découvrit aussi, à propos de l'épidémie qui ravagea Marseille et la Provence de 1720 à 1722, une anecdote qui mettait en évidence le caractère mystérieux et sacré du fléau. Dès lors, la peste joua un rôle sans égal dans sa réflexion. Lorsque, sous l'influence de Kierkegaard, de Jaspers et de Heidegger, il élargit son expérience de l'échec en philosophie de l'absurde, le mal qui éprouvait un seul homme devenant collectif, la référence à la peste ne servit plus seulement pour lui à évoquer notre vulnérabilité devant l'hostilité des choses ; elle marqua aussi notre désarroi devant leur inintelligibilité. Inexplicable, inéluctable, inexorable, cette calamité apocalyptique lui apparaissait comme le démenti le plus catégorique que le destin oppose à nos rêves de bonheur. Qu'elle rôde, proche ou lointaine, devrait nous garder d’une confiance ingénue dans le monde et la vie (« la stupide confiance humaine » qu’il fustigera dans ‘’La peste’’ [page 67]). Il conçut le projet de peindre sous l'aspect d'une cité soumise à la peste la condition humaine face à la mort. Cependant, dans une première version du récit, très proche du ‘’Mythe de Sisyphe’’, il se proposa de montrer « l'équivalence profonde des points de vue individuels en face du même absurde». Il allait progressivement aboutir à une vision inverse : les personnages de premier plan représentent en effet, dans la version définitive, autant de réponses différentes au mal. La composition de ‘’La peste’’ se poursuivit pendant huit années et, au cours de cette longue genèse, les données initiales se trouvèrent sensiblement modifiées. Camus dut d’abord achever ‘’Caligula’’, ce qui fut fait au cours de l’année 1938. On y remarque que Caligula choisit d'emblée la peste pour modèle quand il veut rivaliser avec les dieux : « Ni peste universelle ni religion cruelle, pas même un coup d'État», lance-t-il aux patriciens épouvantés, « bref, rien qui puisse vous faire passer à la postérité. C'est un peu pour cela, voyez-vous, que j'essaie de compenser la prudence du destin. Je veux dire [... ], c'est moi qui remplace la peste !» [acte IV, scène 9] ). Ont infléchi le projet : - le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la « drôle de guerre», l'invasion allemande de l'Europe occidentale en 1940, la défaite française et l'Occupation, événements qui ont profondément touché Camus. Il avait vu avec horreur s'annoncer les hostilités ; il découvrit, une fois la bataille commencée, que la peste ne se cachait pas seulement sous le chauvinisme de l'excité ou le militarisme du bravache, mais aussi sous l'égoïsme du pleutre. En mai 1940, il acheva ‘’L’étranger’’. En février 1941, il acheva ‘’Le mythe de Sisyphe’’. Cette année-là, il était en Afrique du Nord et fit alors un séjour à Oran. En avril, il coucha sur une page de ses carnets les premières notes pour un roman : « |
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