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10. » L'embarras naît ici de ce que toute référence directe au signifié ruinerait la démarche structuraliste, puisque son accession par la voie du signifiant crée le détour nécessaire à une appréhension indirecte, relative et corrélative. En outre, et surtout, le repérage des traits pertinents nous laisse ici dans la perplexité. En définitive, ce qui manque ici de support consistant est la structure du corps. Car l'assurance de tenir pour fermes les traits pertinents en phonologie ne repose-t-elle pas en définitive sur le fonctionnement de l'appareil vocal ? Sans doute est-il sous commande nerveuse, ce qui explique la fascination des linguistes pour la cybernétique. Le psychanalyste est ici le seul à se mettre à l'écoute du sens, à son niveau, c'est-à-dire à considérer, en respectant la même exigence de référence indirecte, que le découpage passera au niveau du signifié, et que c'est ce découpage même qui impliquera un découpage du signifiant qui rend intelligible le signifié. Ici se repère l'ambiguïté qu'il faudra bien lever, entre la conception linguistique du signifiant et sa formulation psychanalytique telle que LACAN le conçoit. Mais s'agit-il du même ? Vous avez sans doute reconnu dans cette unité à double face la théorisation de la bande de Mœbius de LACAN 11. Mais ne peut-on pas considérer que le découpage du signifié, dans cette série métonymique des différents objets partiels est représenté par le phallus, justement en tant qu'il vient à apparaître sous la forme du (– φ) dans ses différents objets partiels, dont la succession diachronique vous est connue : objet oral, objet anal, objet phallique, (etc.), ces termes ne représentant que leur repérage quant aux zones érogènes, laissant la place à des formes plus complexes. Ceci pourrait concilier un choix entre un système binaire strict qui nous renvoie à des options telles qu'elles ne nous laissent pas de médiation tierce, et un autre système où la causalité est développée en réseau, un système de type réticulaire, qui fait disparaître tout fonctionnement de type oppositionnel. Finalement il paraît bien que la forme minima de cette structure réticulaire est la structure triangulaire ou le tiers est évanouissant. C'est, je crois, l'opération éclairée par le commentaire de MILLER. Ceci peut nous évoquer les diverses formes de relations auxquelles nous avons affaire dans l'œdipe où une opposition, celle de la différence des sexes, en tant qu'elle est supportée par le phallus est en fait insérée dans un système triangulaire et ne s'appréhende jamais que par des relations deux à deux, où le phallus constitue l'étalon des échanges, sa cause. SAUSSURE a eu le mérite de placer au principe de la langue comme système, la valeur, esquissant à cet endroit la comparaison avec l'économie politique. Mais pour l'avoir ainsi dégagée, il n'est guère allé plus loin et ne s'est pas posé la question de ce qui a valeur pour le sujet parlant. Ainsi la suture s'accomplit ici en laissant se profiler la valeur, en cause sans rien nous dire d'elle. C'est ici que nous rencontrons la fonction de la cause développée par Jacques LACAN. Si, avec FREGE , l'identité à soi a permis le passage de la chose à l'objet, ne pouvons-nous pas penser que ce que nous venons de montrer peut fonctionner comme relation de l'objet à la cause ? On peut conclure que l'objet est la relation signifiante qui peut relier les deux termes de la chose et de la cause. Nous aurions ici peut-être un de ces exemples dont parle cet article aujourd'hui contesté de FREUD sur le sens antithétique des mots primitifs puisque nous savons que chose et cause ont une racine commune, la médiation se trouvant ici passer par l'objet. En somme, nous assisterions au passage :
par l'intermédiaire de l'objet en tant que sa définition est : « ce qui se présente à la vue ou affecte les sens »l2. B) Le problème de la représentation Ici se pose alors notre deuxième problème, à savoir celui de la représentation. Il m'avait semblé que MILLER avait fait peu de place à toutes les références à la représentation dont FREGE use. Cependant il a conservé, dans le passage cité plus haut, la notion d'un mouvement alternatif d'une représentation et d'une exclusion. La fonction de rassemblement, de subsomption, est solidaire de la notion d'un pouvoir qui met ensemble, et qui, au prix d'une coupure, celle du pouvoir de rassemblement à la chose présentée, représente. C'est la coupure qui permet la représentation. Or ici le nombre 0 figure comme objet sous lequel ne tombe aucune représentation. C'est par l'opération même de la coupure qu'advient, s'accomplit le sujet, je dirai « sur le dos », aux dépens de l'objet. Comme si l'on pouvait dire : qu'importe la coupure (du sujet) puisque reste la suture de l'objet(a). C'est ce que réalise, pour ainsi dire, le sacrifice de l'objet par le désir. Qu'importe la perte de l'objet si le désir lui survit et lui perdure. Quelque chose aussi qui serait de l'ordre de : « l'objet est mort, vive le désir (de l'Autre) ». La demande devient ce qui assure la résurrection renouvelée du désir au cas où il viendrait lui–même à manquer, elle se formule à travers l'objet(a). La demande que ne soutient aucune cause, cause dont l'effet est le trou, par lequel le reste se confondrait avec la demande, n'est–ce pas ainsi que (POLONIUS voit) le fou, le bouffon, le fou HAMLET amoureux de sa fille et incertain vengeur du Père mort, qui fera périr un autre père, celui de l'objet de son désir (POLONIUS) à la suite d'une « tragique méprise » : « That I have found the very cause of Hamlet's lunacy I will be brief. Your noble son is mad Mad call I it ; for to define true madness What is't but to be nothing else but mad. » Et plus loin : « That we find out the cause of this effect, Or rather say, the cause of this defect, For this effect defective comes by cause Thus it remains, and the remainder thus Perpend. » III La relation (a) à i(a) et le problème de la représentation et de la spécularisation Lacan insiste avec force sur le fait que l'objet(a) n'est pas spécularisable, le recours à l'image spéculaire n'est ni l'image de l'objet, ni celle de la représentation, elle est - dit LACAN dans son séminaire sur l'Identification (1962) - un autre objet qui n'est pas le même. Il est pris dans le cadre d'une relation où est en jeu la dialectique narcissique dont la limite est le phallus qui y opère sous la forme du manque. Or, nous venons de voir l'objet non figurable que représente le nombre 0. Qu'en est-il chez FREUD ? À considérer le problème uniquement sous l'angle de la dialectique narcissique, on court-circuite à mon avis le problème de la représentation qui renvoie à l'objet de la pulsion. FREUD le désigne comme éminemment substituable et interchangeable, ce qui pourrait peut-être apparaître comme un dédommagement à l'impossibilité de la fuite devant les stimuli internes, procédure intermédiaire, dirais-je, entre l'échange restreint et l'échange généralisé. Il faut qu'à cet échange participe comme terme échangé un objet de pulsion, ce n'est donc pas n'importe quel objet qui fait l'affaire dans la substitution. Deux problèmes ici se présentent devant nous :
A) Le problème de la distinction entre le représentant de la pulsion et l'affect. La distinction entre le représentant et l'affect est conjecturale dans l'œuvre de FREUD, on le sait. Souvent la pulsion y est confondue avec le représentant et vice versa. Mais à la fin de son œuvre, nous savons qu'une distinction de plus en plus marquée est établie où - c'est ce que je propose de prendre en considération - l'affect prend statut de signifiant. La preuve en est que, depuis 1924, l'emploi de la Verleugnung [?] qu'on a proposé de traduire par déni est de plus en plus spécifié. Ce qui va trouver sa formulation la plus précise dans l'article sur Le fétichisme (1927) auquel LACAN se réfère si fréquemment, l'article sur Le clivage du Moi (1938) et enfin le chapitre VIII de l'Abrégé de psychanalyse (1939). La thèse de FREUD devient alors que la perception tomberait sous le coup de la Verleugnung, alors que l'affect tomberait sous le coup de la Verdrängung. La possibilité dans l'alternative acceptation–refus d'un fonctionnement global ou portant seulement sur un des termes (perception et affect) est la condition de la suture différenciée de certaines organisations conflictuelles. C'est là, c'est à partir de cette distinction que FREUD voit ce clivage du moi : l’Entzweiung que valorise LACAN. Or si FREUD crée un terme équivalent au refoulement, le déni, qui a même valeur sémantique, il faut probablement en conclure que, si seul un signifiant peut subir ce destin, c'est que l'affect entre dans cette même catégorie l3. Je pense même que la définition du signifiant gagnerait peut–être à être complétée à la lumière de ce qui précède : le signifiant serait alors ce qui, sous peine de s'évanouir, doit pour subsister entrer dans un système de transformations où il représente un sujet pour un autre signifiant tombant sous le coup de la barre du refoulement ou du déni qui le contraint à la chute de son statut d'être dans son rapport avec la vérité, chute par laquelle il accède ou il advient au rang de signifiant dans sa résurrection. Il y aurait un certain intérêt à souligner la corrélation de ces deux modes de signification, chacun englobant les deux mécanismes. On ne voit dans l'affect que la décharge, alors qu'il est - FREUD le dit pour l'angoisse - signal (signifiant pour nous), on ne voit dans le représentant que le signifiant, alors qu'il est (dans la théorie freudienne) engendrement d'un certain mode de production, donc de décharge (engendré par l'impossibilité de celle-ci). Dans Le Moi et le Ça FREUD reprend la question déjà évoquée, non sans difficulté dans son article sur L'inconscient, de la différence entre le représentant et l'affect. Ce qui qualifie l'affect est qu'il ne peut entrer dans aucune combinatoire. Il est refoulé, mais sa spécificité en tant que signifiant est d'être exprimé directement, de ne pas passer par les liens de connexion du préconscient. Dans son séminaire sur L'Angoisse, LACAN a élucidé et démontré ce qui déclenche l'angoisse, la façon dont ça opère quand il y a de l'angoisse. Mais je me demande s'il a bien rendu compte de ce qu'est l'angoisse au sens du statut qu'elle a dans la théorie. Je crois qu'il y a intérêt à considérer l'affect comme une forme sémantique originale à côté des sémantides primaires14 que sont les représentants, celui-ci fonctionnerait dans une position seconde qui lui permettrait d'acquérir le statut de sémantide secondaire d'une nature différente de celle du représentant et redoublant l’Entzweiung dans cette différence. Il y aurait là redoublement de la non-identité à soi par cette disparité des deux registres du signifiant. Contrairement à l'opinion reçue, il est très curieux de voir que FREUD fait du langage ce qui transforme les processus internes en perception, et non pas, comme on pourrait le penser, ce qui s'arrache du plan perceptif, et qui appartiendrait à l'ordre de la pensée. Avec l'affect nous sommes en présence d'un effet d'effacement de la trace perçue restituée sous forme de décharge. Qu'en est-il du représentant ? Les considérations de terminologie ne sont pas ici inutiles. Cela n'est pas pour rien qu'on a longtemps discuté pour savoir s'il fallait appeler le « Vorstellung repräsentanz » le représentant représentatif, le représentant de la représentation, le tenant-lieu de représentation. Il entre dans la combinatoire, nous le savons. C'est ici que commence l'ambiguïté. Il n'y entre pas à titre d'unité homogène identique à soi. La clairvoyance de FREUD dans son domaine a été de faire dès le départ cette distinction exclusive, présente dans vos mémoires, entre la perception et le souvenir. Souvenons-nous du rôle qu'il fait jouer à la réminiscence en tant qu'elle serait si l'on peut dire, le souvenir au lieu de l'Autre, mais qui garde par-devers elle la trace, non sans perdre sa qualité de souvenir si elle vient à se vivre dans l'actualité. B) Le problème de la distribution différentielle du mode de représentation. Un autre type de différenciation nous intéresse ici, celui des représentations de mots et des représentations de choses, distinction qui n'est pas contingente. Je ne rappelle ceci qui est déjà connu, que pour avancer que s'il y a une théorie du signifiant chez FREUD, elle ne peut éviter de passer par le perçu. Ceci est sensible dans l'organisation du discours. Dans le récit de l'analysé, l'élaboration secondaire du rêve, le fantasme actuel ou ressuscité, l'image, en sont les témoignages renouvelés dans le texte de nos séances. La question est de savoir si tout cela est vraiment de l'ordre du perçu. Ce représentant de la représentation montre qu'on ne peut ramener son statut à celui de la perception. Notons une fois de plus qu'il n'est jamais question de présentation mais de représentation. Le perçu ne représente que le point de fascination, l'effort de centration de la spécularisation comme dirait LACAN. Ce qui permet de fonctionner comme 0 est de l'ordre du sujet, mais ce qui va monter et prendre la place du 1 est ici l'objet(a), à condition qu'on le considère dans cette distribution différentielle, où la non-identité à soi se manifeste dans cette disparité. Le point de vue économique s'illustre ici de ne pas seulement être en cause lorsqu'il s'agit de l'évaluation quantitative des processus, mais de pouvoir être identifié dans cette distribution différentielle. C'est l'effet de barrage qui pèse sur le discours qui contraint non seulement à la combinatoire, mais encore aux changements de registre, de matériau et de modes de représentation du signifiant. Ces mutations ont pour objet d'accentuer la non-identité à soi non seulement dans la résurgence du signifiant mais dans ses métamorphoses métonymiques. La métaphore s'infiltre jusque dans l'enchaînement métonymique. Ce n'est pas pour rien que FREUD oppose deux systèmes : ce qui fonctionne au niveau de l'un est l'identité des perceptions et dans l’autre l’identité des pensées. C'est en tant que tous les deux ont un rapport à la vérité qu'ils relèvent de nos concepts. Mais le point de trouble et de fascination vient de ce que la perception puisse se donner comme champ d'identité alors que l'identité y opère selon un registre qui n'est pas celui du perçu. Cette identité, c'est ce qui abolit la différence comme soutenue par le manque et qui trouve à se matérialiser dans le perçu, de la même façon que l'identité des pensées dans l'ordre du penser ne vient à être opérante qu'après la perte de l'objet. LACAN ne me paraît pas avoir eu tout à fait raison d'avoir sévèrement critiqué les travaux portant sur l'hallucination négative. Tout au plus peut-on déplorer leurs repères imprécis. L'hallucination négative, si elle est cette ascension du 0 en tant qu'elle ne relève absolument pas de la représentation, serait de l'ordre du représentant de la représentation. Sa valeur est de donner un support à la notion d'aphanisis dont on sait qu'elle a joué un rôle si important chez LACAN après JONES. Il faut aussi se souvenir de l'alternative relevée par LACAN dans les travaux de JONES sur la sexualité féminine, dont la portée est probablement plus vaste : ou l'objet, ou le désir. L'hallucination négative donnerait ainsi le modèle d'une structure subjective, en tant qu'elle implique le deuil de l'objet et l'avènement d'un sujet négativé rendu ainsi apte au désir. Ne peut-on rappeler ici que les premiers modes de la représentation du sujet, le premier i(a), est justement le produit d'une représentation homologue de l'hallucination négative : la main négative de l'artiste apparue dans le contour de la peinture qui en délimite la forme. On voit alors comment vient se placer le fantasme, puisque c'est la fonction que LACAN lui assigne de rendre le plaisir apte au désir. Ici donc apparaît une forme d'émergence d'un sujet qui échapperait à l'anéantissement de la puissance signifiante dans l'aphanisis, puisque l'hallucination négative arrive à se produire mais comme manque spécularisé. Elle me paraît être le rapport inaugural de l'identification narcissique au sens de FREUD conçue comme rapport au deuil de l'objet primordial. Elle est le point de rencontre de la coupure et de la suture. Il devient clair que ce procès est le même qui fonde le désir comme désir de l'Autre, puisque le deuil s'est interposé dans la relation du sujet à l'Autre et du sujet à l'objet. Si le (a) joue entre toutes ces formes - on peut dire qu'il se joue de la fascination du perçu en parcourant ces registres – c'est bien parce qu'il est, non comme perçu, mais comme parcours du sujet, circuit du discours. J'en donnerai un exemple pris dans Othello. Dans Othello, c'est le mouchoir qui peut apparaître comme (a). En fait, c'est là que nous sommes témoins de l'effort de fascination du perçu, la vérité est que ce n'est pas tant le mouchoir qui importe que le circuit qu'il fait de la magicienne qui l'a donné à la mère d'OTHELLO ou du père à celle-ci - les deux versions sont dans Othello - jusqu'à aboutir sur le lit de BIANCA, la putain, pour finalement révéler OTHELLO à son désir, « ma mère est une putain ». Ce qu'il faut démontrer à l'aide du savoir, car OTHELLO cherche comme tout jaloux l'aveu plus que la vérité. N'est-ce pas alors ainsi qu'il convient d'entendre son soliloque, lors de l'entrée dans la chambre nuptiale où il va donner la mort à DESDÉMONE, pour faire de sa nuit de noces une nuit de deuil. « It is the cause, it is the cause my soul Let me not name it to you, you chaste stars. It is the cause. » (Acte V, scène 2, 1–3). La fonction de la cause est ici ordonnatrice de la perception, indubitable, du mouchoir de sa mère entre les mains de la putain. FREUD souligne dans l'Abrégé de Psychanalyse que nous vivons dans l'espoir que nos instruments de perception de la réalité s'affinant, nous pourrions finalement accéder à la certitude du monde sensible. En fait il accentue une fois de plus l'affirmation que la réalité est inconnaissable et que nous ne pouvons nous permettre que la déduction du vrai à partir des connexions et des interdépendances existant entre les divers ordres du perçu. Ceci est évidemment affirmer la prééminence du symbolique, si besoin en est. Mais son originalité fut d'introduire au niveau du perçu un ordre, une organisation, qui permette de sortir du dilemme de l'apparence et de la réalité, pour lui substituer celui de l'idéal (Idealfunktion) et de la vérité, ce couple fonctionnant aussi bien dans l'ordre du perçu que du pensé. La confusion répétée plus d'une fois entre le symbole et le symbolique doit nous rendre attentifs à ne pas prendre l'un pour l'autre. Qu'advient–il alors de l'objet(a) ? Celui-ci existe comme structure de transformation où l'objet du désir procède à une nouvelle mutation et où c'est le désir qui devient objet. Par quelle opération le recoupement à travers la Non-identité à soi de ces formes énumérées s'accomplit-il ? Je crois qu'on peut les saisir selon les deux grands axes de la synchronie et de la diachronie en prenant pour référence la théorisation de FREUD. 1)Dans l'axe de la synchronie, nous avons une série formée par
2) Mais nous pouvons repérer également une autre série sur l'axe de la diachronie qui est l'axe de la succession des objets : oral, anal, phallique, etc. Je me demande si l'objet scopique et l'objet auditif que LACAN fait entrer dans ce registre gagnent à être inclus dans cette série et s'ils ne font pas plutôt partie de ce registre de transmission entre la synchronie et la diachronie que l'on peut repérer dans le discours sous les formes diverses du rêve et de son élaboration secondaire, du phantasme, du souvenir, de la réminiscence, bref de toutes ces voies qui font fonctionner la synchronie et la diachronie. C'est sur ce prélèvement que s'opère la création de l'objet(a) où le désir devient objet et rend compte des positions subjectives. Cette non-identité à soi que le blanc figure est liée pour moi au processus d'effacement de la trace. C'est cela qui contraint ce système à la transformation. IV Identité et non-identité à soi : la pulsion de mort Le signifiant révèle le sujet mais en effaçant sa trace, dit LACAN. C'est là, je crois, que se situe le divorce avec toute la pensée structuraliste Non-psychanalytique : dans l'opposition visible-invisible, dans l'opposition perçu-savoir, nous mettons en jeu l'ordre de la vérité, mais en tant que cette vérité passe toujours par le problème de l'effacement de la trace. FREUD dit dans Moïse et le monothéisme (1938) : « Dans ses conséquences, la distorsion d'un texte ressemble à un meurtre, la difficulté n'est pas d'en perpétrer l'acte mais de se débarrasser des traces. » Or, c'est ce processus qui, à partir des traces, permet de remonter à leur cause que nous trouvons le processus même de la paternité. Dans Moïse et le monothéisme, toujours, reprenant une remarque déjà émise au moment de L'Homme aux Rats, il rappelle que la maternité est révélée par les sens, tandis que la paternité est une conjecture basée sur des déductions et des hypothèses. Le fait de donner ainsi le pas au processus cogitatif sur la perception sensorielle « fut lourd de conséquences pour l'humanité ». Je fais ici remarquer que si FREUD a établi un lien très étroit entre le phallus et la castration, entre la curiosité sexuelle et la procréation, il me paraît curieux qu'il n'ait jamais de façon explicite mis en relation le rôle du phallus dans la procréation, dans le désir d'enfant chez l'enfant ou dans la curiosité sexuelle. Ce qui au niveau du sujet fonctionne comme cause… dans la recherche de la vérité en tant qu'elle est question des origines, rapport au géniteur …fonctionne comme Loi au niveau socio-anthropologique. Ici aussi la combinatoire n'entre en action que sous la contrainte de la règle. À la prohibition de l'inceste, interdiction au vu et au su de tous qui retranche la mère et les sœurs du choix pour désigner d'autres objets à leur place, s'adjoint le rituel funéraire qui établit la présence de l'absent, du Père mort. Double processus, remarquons-le, de coupure et de suture. Parmi les vivants, coupure de la mère et suture par ses substituts, parmi les morts suture de la disparition du Père par le rituel ou le totem qui lui est consacré, coupure de lui par l'au–delà inaccessible où il se tient désormais. Nous avons là un exemple frappant de la coupure entre LÉVI–STRAUSS et FREUD, qui s'illustre dans une rencontre inattendue. À propos du masque 15 LÉVI–STRAUSS insiste sur la fonction à la fois négative (de dissimulation) et positive (d'accession à un autre monde). Mais il paraît s'agir pour lui d'une homologie, d'une correspondance telle que dans cette réalité biface rien n'est d'aucune façon perdu en route. On pourrait poser la question : qu'est-ce qui contraint à la dissimulation, qu'est-ce qui force à cette structure sur un double plan ? LÉVI-STRAUSS parle d'un masque (Hamshamtsès) des Indiens KWAKIUTL, fait de plusieurs volets articulés qui permettent de dévoiler, de « démasquer » la face humaine d'un dieu caché sous la forme extérieure du corbeau. ![]() ![]() Nous tombons d'accord avec lui pour conclure « qu'on masque non pour suggérer, mais finalement pour dévoiler », or ce masque déployé fait apparaître la face humaine, dans ce qu'on pourrait prendre pour le fond de la gueule du corbeau. Il ne faut pas beaucoup forcer les faits pour dire que la figure ici présentée fait apparaître les quatre demi moitiés du bec (2 supérieures et 2 inférieures) comme les 4 membres d'un personnage dont le tronc est représenté par la face du dieu. L'analogie entre cette représentation et celle dont FREUD fait état dans un texte extrêmement court - il s'agit des Parallèles mythologiques à une représentation obsessionnelle - est frappante. Il y décrit une représentation obsédante qui vient hanter le patient sous la dénomination de Vater Arsch, et où est imaginé un personnage constitué par un tronc et la partie inférieure de celui–ci, ses quatre membres, et où manquent les organes génitaux et la tête, la face étant dessinée sur le ventre l6. FREUD de conclure au lien entre le Vater Arsch, le « Cul du Père », et le patriarche, ce sujet portant bien entendu une vénération toute filiale à l'auteur de ses jours, comme tout obsessionnel. Il me semble que ce que manque LÉVI-STRAUSS c'est ce sacrifice de la tête et des organes génitaux que représente le masque KWAKIUTL, qui déborde le rapport du montré au caché, mais révèle un rapport du dévoilé à l'effacé, au barré, au manque. La cause du désir est ici. La métonymie est pointée par FREUD dans la représentation du corps substitutive au manque d'une de ses parties, les génitoires. Tout ceci prend sa valeur de nous ouvrir à l'intérêt pris par FREUD, à la fin de sa vie, à MOÏSE, non pas seulement en raison de sa qualité de Juif, mais aussi parce que le monothéisme y apparaît étroitement lié à l'interdiction de l'idolâtrie et à l'effacement total de tout signe de la présence de Dieu autrement que sous la forme des Noms du père (YAHVE, ELOHIM, ADONAÏ). Notons encore ici le redoublement de la non-identité à soi. Le travail de la pulsion de mort qui toujours œuvre dans le silence se repère dans cette réduction - le mot est à prendre dans toutes ses dimensions - qui s'efforce de toujours atteindre à ce point d'absence par où le sujet rejoint sa dépendance à l'Autre, à s'identifier lui-même à son propre effacement. La mutation du signifiant, son épiphanie sous ses formes polymorphes et distribuées, indique le sursaut qu'il entend opposer - comme dans le rêve - à cet anéantissement et son effort par lequel il perdure profondément travesti et modifié, comme témoin. Faut-il voir encore ici un trait marquant du judaïsme dans le silence qu'il fait de la vie dans l'au–delà ? Les deux faits sont peut-être liés. Mais pour comprendre la logique de l'effacement de la trace, peut-être faut-il recourir à d'autres catégories temporo-spatiales que celles que nous connaissons. Peut-être faut-il y trouver ici les structures d'un temps et d'un espace que seuls les présocratiques ont pu nous révéler, directement ou à travers les analyses de VERNANT et BEAUFRET, tous deux d'une façon très différente, mais où notre surprise est de constater que ce temps et cet espace, ces lieux et cette mémoire au sens des Grecs, la cure analytique nous en fournit l'accès privilégié. Le (a) se révèle sous les structures de la nosographie comme organisation épi-sémantique et sous les modes du discours de l'analysé, de sa part sémantophore. Les analystes ont là le passage d'une porte étroite. L'approche d'une technique psychanalytique structurale me paraît devoir être basée sur la différenciation des représentants et de l'affect et sur la distribution différentielle des représentants. On est extrêmement frappé à la lecture des travaux de technique psychanalytique de constater la carence totale sur tout ce qui concerne les modes de discours de l'analysé. Nous connaissons pourtant tous les difficultés considérables des cures qui ne se conforment pas au modèle établi par FREUD de l'association libre. Ce qui y manque le plus souvent est cette distribution différentielle des modes de représentation qui témoigne de la non-identité à soi du signifiant, condition nécessaire de l'analyse. Je ne signale ce point que comme champ de recherches possibles sans pouvoir m'y arrêter davantage. La difficulté essentielle de l'investigation psychanalytique vient de ce qu'elle est un discours contraint : il ne s'agit plus seulement de communiquer, mais de tout dire de la part de l'analysé. Du côté de l'analyste, elle est une parole courante - verba volant - que celui-ci ne peut, comme le linguiste ou l'ethnologue, enfermer dans sa boîte. L'analyste court après la parole de l'analysé. Si la pulsion de mort infiltre la parole de l'analysé, dans le silence vers lequel elle le pousse toujours, c'est à une parole vivante que l'analyste a à faire :
Nous saurons au juste ce qu'est le (a) lorsque nous aurons parcouru le champ des positions subjectives. Nous aurons alors une vision qui sera correspondante de celle du philosophe qui pense l'histoire et la culture à travers les modes de découverte du mouvement des idées, de l'art, de la science de son temps, mais comme un milieu polymorphe, hétérogène où s'illustrent diverses formes d'aliénation. Qu'on ne s'y trompe pas cependant. Le psychanalyste, ici, n'est pas disposé à abandonner sa priorité à quiconque dans l'examen de ces faits. Quitte à être taxé d'impérialisme, il restera toujours en arrêt devant cette affirmation de FREUD :
Les uns et les autres sont valorisés en tant qu'ils permettent au sujet de se sentir meilleur, dit FREUD, pour avoir ainsi échappé au désir et réussi à y installer autre chose à sa place. Et nous aurions ici, dans l'ordre des projections du fonctionnement de la psyché, les premiers éléments d'une conception ou d'une théorie mimétique du fonctionnement du sujet. La psychanalyse n'a pas encore épuisé les ressources de la mimesis. Il est insuffisant d'attribuer au psychanalyste une fonction de démystification qui permette de conserver un cogito purgé et purifié. C'est en fait parce que FREUD part de ce qui est scorie, déchet, faux–pas, qu'il découvre la structure du sujet comme rapport à la vérité. Celle-ci est peut-être moins proche de l'image de PROMÉTHÉE chassé pour avoir dérobé le feu que de celle de Philoctète abandonné des siens sur une île déserte à cause de sa puante blessure. Notes (1) Publié dans les Cahiers pour l'Analyse n°3, mai–juin 1966. (2) Ce graphe, dit "schéma L", est reproduit dans l'Introduction au "Séminaire sur la lettre volée", La psychanalyse, vol.II, p.9 (3) Ce graphe est introduit dans « D'une question préliminaire à tout traitement possible d'une psychose », La Psychanalyse, vol.II, p.22. Cf. infra p. 18. (4)Il n'est pas inutile de faire ici deux remarques : a/ dans les travaux psychanalytiques français, se développe beaucoup la notion de relation d'objet (Bouvet) importée des auteurs anglo-saxons (M. Klein surtout, après Abraham). Lacan s'y oppose en soulignant l'absence de toute référence aux éléments de médiation dans ces conceptions. Surtout - ce qui revient peut-être au même -il condamnera cette optique en tant qu'elle débouche sur une opposition Réel-Imaginaire, en écrasant le Symbolique. b/ L'opposition moi idéal - Idéal du Moi (Nunberg–Lagache) sert de plate-forme à des développements théoriques de Lacan insérés dans la perspective du rapport à l'Autre. (5) "Remarques sur le rapport de D. Lagache", La Psychanalyse, vol.VI, p. 145. (6) Séminaire sur L'Angoisse (1963) non publié. Je paraphrase Lacan, ne pouvant le citer. (7) Séminaire sur "Le Banquet" (1960), non publié. (8) Texte de cet exposé paru dans le n° 1 des Cahiers pour l'Analyse, sous le titre : "La suture". (9) Je voudrais avant d'avancer dans mon propos ouvrir une parenthèse sur une certaine vacillation de la pensée freudienne à ce sujet qui a ébranlé le jugement de son commentateur Strachey dans la Standard Edition (vol. XXII, p.65). Elle concerne l'expression "der Träger des Ich–ideals" traduit par : le véhicule de l'Idéal du Moi, comme fonction du Sur–Moi. Ce terme de véhicule donne à penser. Loin qu'il faille y voir une image de support mécanique, mais au contraire y relever en l'occurrence un des quelques indices qui nous autorisent à parler d'une conception du sujet de l'inconscient comme Entzweiung. La fonction de l'Idéal « Idéal–funktion » s'y révèle fondamentale, dépassant et de loin le rang d'une fonction, mais devant se rattacher à ce que FREUD nomme plus heureusement : "Les Grandes Institutions" qui marquent une instance, ici le Moi pour ce qu'il y fait fonctionner sous le nom d'épreuve de la réalité. (Complément métapsychologique à la doctrine des rêves). L'idée de ces Grandes Institutions me paraît propre à qualifier cette "fonction de l'Idéal". (10) A. Martinet, La linguistique synchronique, p.25. (11) Cette théorisation est menée au cours du présent séminaire de J. Lacan. (12) Les termes entre guillemets sont ceux utilisés par Littré aux articles chose, cause et objet. (13) Je voudrais signaler que j'avais attiré l'attention sur ce point dès ma critique du rapport de LAPLANCHE et LECLAIRE parue dans les Temps Modernes en 1962. Mais il est clair qu'il s'agit là de deux types de signifiants différents, c'est-à-dire que nous devons garder à l'affect sa spécificité comme décharge face au représentant comme production, production en tant qu'elle est entrée dans un système de transformation combinatoire. (14) Ces termes sont empruntés au vocabulaire de la biologie moléculaire. (15) « Entretiens avec Jean Pouillon », L'Œil, n° 62, février 1960. (16) Ceci évoque les têtes à jambes et les grylles gothiques [formes grotesques, caricatures médiévales gravées dans la pierre] sur lesquelles G. Lascault a attiré mon attention. Cf. Jurgis Baltrusaïtis : « Le Moyen–Age fantastique » (chap. I). LACAN Je remercie très vivement GREEN de cet admirable exposé qu'il vient de nous faire sur sa position à l'endroit de ce que j'ai, comme il l'a rappelé, patiemment amené, construit, produit et que je n'ai pas fini de produire concernant l'objet(a). Il a vraiment très remarquablement montré toutes les connexions que cette notion comporte. Je dirai même qu'il a laissé encore en marge quelque chose qu'il aurait pu pousser plus loin - je le sais - et nommément quant à l'organisation des divers types de cure et à ce qui la constitue à proprement parler : à la fonction de l'objet(a) quant à la cure. Je le remercie d'avoir fait cette clarification qui est bien plus qu'un résumé, qui est une véritable animation, un rappel excellent des |
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