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pot de moutarde », en partant de ce fait d'expérience qui s’était une fois de plus confirmé au déjeuner, que le pot de moutarde est toujours vide. Il n'y a pas d'exemple qu’on ouvre un pot de moutarde et qu’on trouve de la moutarde dedans. Ce pot de moutarde c'est la création symbolique par excellence et tout le monde le sait depuis longtemps. S'il n'y avait pas d'êtres qui parlent il y aurait peut-être des creux dans le monde, des flaques, des dépressions, des choses qui retiennent, il n'y aurait pas de vase. On aurait tort de croire que ce soit pour rien que ça fasse partie pour nous des premiers reliefs - et essentiels à trouver – de la civilisation. Les céramiques, puis les vases en bronze, la quantité prodigieuse de ces choses que nous trouvons ! Et qu'il ne reste que ça, ça devrait quand même nous tirer l'oreille et bien d'autre chose encore ! Enfin, il ne suffit pas de tirer l'oreille pour la faire entendre… il faut croire. Évidemment il y avait d'autres choses avant... Le premier gisement historique - ça porte un joli nom en danois39 mais je suis incapable de le prononcer - c’est un amas de détritus. Alors là nous avons l’objet(a) ! Et le vase n’est pas un objet(a). Ça a servi depuis très longtemps à exprimer quelque chose. Quoi ? Est-ce que c'est une leçon de théologie ? Vous savez, Dieu le grand ouvrier : « De même - nous dit-on au catéchisme - qu'il faut un potier pour faire un pot, de même… ». Que n'en avons-nous mieux profité ! Car ça ne dit pas du tout ce dont ça cherche à nous convaincre. Ça nous dit quoi ? Deus creavit mundum... et la suite ...ex nihilo. [Cf. Genèse : « Mundum, ex nihilo creavit Deus »] Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que le vase il le fait autour du trou, que ce qui est essentiel, c'est le trou. Et parce que c'est essentiel que ce soit le trou, l'énoncé juif que Dieu a fait le monde de rien, est à proprement parler - KOYRÉ40 le pensait, l’enseignait et l’a écrit - ce qui a frayé la voie à l'objet de la science. On est empêtré, on reste collé à toutes les qualités, quelles qu'elles soient, depuis la force, l'impulsion, la couleur, tout ce que vous voudrez jusqu’à la perception, bref au morceau de craie auquel la progéniture socratique reste collée comme les mouches sur du papier à mouche depuis deux mille ans - à savoir LAGNEAU et aussi bien ALAIN - là à spéculer sur l’apparence. Alors cette apparence ? Eh bien, il faut que nous arrivions à voir comment elle est aussi la réalité. C'est avec ça que la philosophie et la science, l’une par rapport à l’autre, ont pris de solides tangentes. Alors ? Je pense être en mesure de vous le dire tout de suite. Le bout de craie devient objet de science à partir du moment - et dès le moment - où vous partez de ce point, qui consiste à le considérer comme manquant. C'est ce que je vais essayer de faire sentir tout de suite. Mais dès maintenant, je ne veux pas perdre l'occasion d'agrafer au passage ce que signifie « la cause matérielle ». Si vous êtes philosophe, ARISTOTE vous dirait que la matière c’est la moutarde, c'est à dire ce qui remplit le vide41. ARISTOTE, qui était pourtant si bien orienté dans sa conception de l'espace, est fort loin de cette étendue terriblement glissante qui est le véritable problème, à toujours reposer, dans notre progrès dans les sciences mathématico-physiques. Il avait très bien vu que le lieu, voilà ce qui permettait de donner de l'espace une conception qui ne s'épandrait pas indéfiniment, qui ne nous mettrait pas à la question de ce faux infini. Seulement voilà, après être si bien parti que d'avoir défini le lieu comme le dernier contenant : le dernier étant celui qui est non mu, eh bien voilà, parce qu'il était grec et qu’il n'avait pas lu La Bible il n'a pas pu admettre qu'il y ait un vide séparant les objets, alors il a rempli le pot de moutarde. C'est à cause de ça qu'on y est resté pendant un certain nombre de siècles ! Est-ce à dire que « la cause matérielle » c'est le pot, création incontestablement divine comme toute création de la parole, et à quoi se réduit strictement ce qui est dit dans le texte de La Genèse ? Mais non ! Et c'est là, la remarque que je voulais pointer en passant. Des pots, nous en trouvons des tas, je vous l’ai dit tout à l’heure, et dans les tombes, partout où règne ce qu'on appelle les cultures primitives. Eh bien, à des desseins tout à fait précis, à savoir que les collectionneurs futurs ne puissent pas les donner comme pots de fleurs à leur petite amie, à seule fin que ces pots se conservent, les gens qui les déposent dans les sépultures y font un trou au centre, ce qui vous prouve que c'est bien du côté du trou qu'il faut chercher « la cause matérielle ». Voilà quelque chose qui cause quelque chose, un trou dans le vase : voilà le modèle. Si vous prenez le sommet de l'élaboration scientifique qui en est, en même temps la clé de voûte et la cheville essentielle, vous obtenez quoi ? Vous obtenez ce qu'on appelle l'énergétique. L'énergétique n'est pas ce que croit un auteur qui l'oppose, comme un complément à ma théorie structurale de la psychanalyse. Il s'imagine que l'énergétique, sans doute, c'est ce qui pousse, voilà la culture des philosophes ! L'énergétique, si vous vous reportez, par exemple, à quelqu'un d'aussi autorisé quand même que FEYNMAN... dont je n’ai pas attendu qu’il ait le prix NOBEL - je vous prie de le croire - pour l’ouvrir ...dans un traité en deux volumes qui s’appelle Lectures on physics 42... et qui pour ceux qui ont le temps, enfin, je ne saurai leur recommander une meilleure lecture car c’est un cours en deux ans, absolument exhaustif. Il est tout à fait possible de couvrir tout le champ de la physique, à son niveau le plus élevé en un certain nombre de leçons qui, finalement ne pèsent pas plus d'un kilogramme et demi. Dans le 3ème chapitre ou le 4ème, je ne sais pas, il met le lecteur ou l'auditeur, je ne sais pas, au parfum de ce qu'est l'énergétique. Ce n'est pas moi, donc, qui ai inventé ça pour servir mes thèses. Je me suis souvenu que j'avais lu ça quand j’ai eu le volume, c’est à dire il y a un an et demi - prière de consulter le premier paragraphe du chapitre 4 : conservation of energy. Qu’est ce qu’il trouve de mieux pour en donner l'idée à des auditeurs supposés vierges de ce qu’il en est de la physique, puisque jusque là, ils n'ont reçu d'enseignement que d'incompétents : il suppose un petit morveux qu’il appelle Denis the menace, Denis le danger public. On lui donne 28 petits blocs, mais comme c’est une brute, ils sont en platine, indestructibles, insécables, indéformables. Il s’agit de savoir ce que va faire la maman chaque fois que - discrète comme il convient, c'est-à-dire pas américaine - elle rentre dans la chambre du bébé et que tantôt elle ne trouve que 23 blocs, tantôt 22. Il est clair que ces blocs se retrouveront toujours :
Je ne vous lis pas tout le passage, le temps me manque, il est sublime. L'auteur pointe qu'on retrouvera toujours le même nombre constant de blocs à l'aide d'une série d'opérations qui consisteront à additionner un certain nombre d'éléments, par exemple : la hauteur de l'eau divisée par la largeur de la baignoire, à additionner cette division curieuse à quelque chose d’autre qui sera par exemple, le nombre total de blocs restants - vous suivez j’espère, personne ne grimace - c'est-à-dire à faire cette chose, je vous le dis en passant, qui est incluse dans la moindre formule scientifique qui est, que non seulement on additionne, mais qu'on soustrait, qu'on divise, qu'on opère de toutes les façons avec quoi ? Avec des nombres grâce à quoi on additionne - faute de quoi il n’y aurait pas de science possible - on additionne communément des torchons avec des serviettes, des poires avec des poireaux, n’est ce pas ? Or qu'est-ce qu'on apprend aux enfants quand ils commencent d’entrer - j’espère qu’il n’en est plus ainsi maintenant, mais je n’en suis pas assuré - justement pour leur expliquer les choses, on leur dit le contraire, à savoir qu’on ne les additionne pas, les torchons avec les serviettes, ni les poires avec les poireaux, moyennant quoi, naturellement, ils sont définitivement barrés aux mathématiques. Revenons à notre FEYNMAN, cette parenthèse ne peut que vous égarer. FEYNMAN conclut - voilà l'exemple - un chiffre va toujours sortir constant : 28 blocs. Eh bien, dit-il, l'énergétique c'est ça. Seulement il n'y a pas de blocs, ceci veut dire que ce chiffre constant qui assure le principe fondamental de la conservation de l'énergie... je dis non seulement fondamental, mais dont le seul frémissement à la base, suffit à mettre tout physicien dans la panique absolue ...ce principe doit être conservé à tout prix. Donc il le sera forcément puisqu’il le sera à tout prix, c'est la condition même de la pensée scientifique. Mais qu'est-ce que ça veut dire que la constante, qu’on retrouve toujours le même chiffre ? Car tout est là. Il ne s'agit que d'un chiffre. Ça veut dire que quelque chose qui manque comme tel - il n'y a pas de blocs - est à retrouver ailleurs dans un autre mode de manque. L'objet scientifique est passage, réponse, métabolisme, métonymie - si vous voulez, mais attention - de l'objet comme manque. Et à partir de là, beaucoup de choses s'éclairent. Nous nous reportons à ce que l’année dernière nous avons pu mettre en évidence de la fonction du 1. Est–ce qu'il ne vous apparaît pas que le premier surgissement du 1 concernant l'objet, c'est celui de « l'homme des cavernes » - pour vous faire plaisir si vous vous plaisez encore à ces sortes d’images - qui rentre chez lui où il y a un petit peu de provisions - ou beaucoup, pourquoi pas - et qui dit : « il en manque un ». C'est ça l'origine du trait unaire : un trou. Bien sûr on peut pousser les choses plus loin, et même nous n’y manquerons pas. Remarquez que ceci prouve que notre « l'homme des cavernes » est déjà au dernier point des mathématiques, il connaît la théorie des ensembles, il connote : « il en manque un », et sa collection est déjà faite. Le véritable point intéressant c'est évidemment le 1 qui dénote, là il faut le référent, et les stoïciens nous serviront. Il est évident que la dénotation là, est quoi ? Sa parole, c'est à dire la vérité qui nous ouvre, elle, sur le trou, à savoir : pourquoi 1 ? Car cet 1, ce qu'il désigne c'est toujours l'objet comme manquant. Et ou serait donc la fécondité de ce qu’on nous dit être la caractéristique de l'objet de la science : qu’il peut toujours être quantifié. Est-ce que c'est seulement que - par un parti-pris qui serait véritablement incroyable - que nous choisissons de toutes les qualités de l'objet seulement celle-ci : la grandeur, à quoi ensuite nous appliquerions la mesure, dont on se demande dès lors d'où elle nous vient. Du ciel bien entendu ! Chacun sait que le nombre… c'était tout du moins ainsi que KRONEKER s'exprimait si mon souvenir est bon …« Le nombre entier est un cadeau de Dieu 43 ». Les mathématiciens peuvent se permettre des opinions aussi humoristiques. Mais la question n'est pas là, c'est justement de rester collé à cette notion que la quantité c'est une propriété de l'objet et qu'on la mesure, qu’on perd le fil, qu'on perd le secret de ce qui constitue l'objet scientifique. Ce qui se mesure à l'aune de quelque chose, qui est toujours quelque chose d'autre 44, dans les dimensions - et elles peuvent être multiples - de l'objet comme manque. Et la chose est si peu sensible que ce dont nous aurons à nous apercevoir, c’est que la véritable expérience qu'on fait dans l'occasion est celle-ci : à savoir que le nombre en soi, n’est pas du tout un appareil de mesure, et la preuve en a été donnée au lendemain même des inspirations pythagoriciennes : on a vu que le nombre ne pouvait pas mesurer ce qu’il permet lui-même de construire, à savoir qu’il n’est même pas foutu de donner un nombre, un nombre qui d’aucune façon exprime d’une façon commensurable la diagonale du carré, qui n'existerait pas sans le nombre. Je n'évoque ceci ici, que par ce que cela a d'intéressant : que si le nombre pour nous, est à concevoir comme fonction du manque, ceci - cette simple remarque que j’ai faite à propos de la diagonale incommensurable - nous indique quelle richesse nous est offerte à partir de là. Car le nombre nous fournit, si je puis dire, plusieurs registres de manque. Je précise pour ceux qui ne se sont pas spécialement intéressés à cette question : un nombre dit irrationnel, qui est pourtant, au moins depuis DEDEKIND45, à considérer comme un nombre réel, n'est pas un nombre qui consiste en quelque chose qui peut s'approcher indéfiniment, il n'est plongeable dans la série des nombres réels, précisément qu'à faire intervenir une fonction, dont ce n’est pas un hasard qu’on l’a appelé « la coupure ». Ça n'a rien à faire avec un but qui se recule comme quand vous écrivez 0,33333..., qui est un nombre, lui, parfaitement commensurable : c’est un tiers de 1. Pour la diagonale on sait depuis les Grecs pourquoi elle est strictement incommensurable, à savoir que pas un de ses chiffres n'est prévisible jusqu'à la fin des fins. Ceci n'a d'intérêt que de vous faire envisager que, peut-être, les nombres nous fourniront quelque chose de très utile pour structurer ce dont il s'agit pour nous, à savoir la fonction du manque. Nous voici donc devant la position suivante :
Je parle de l'objet de la science, autrement dit : un trou. Les choses allant si loin, que je pense vous avoir fait sentir que seul le trou, en fin de compte, peut passer pour ceci qui effectivement nous importe, c'est-à-dire la fonction de « cause matérielle ». Voici les termes entre lesquels nous avons à serrer un certain nœud. Puisque je n’ai pu, aujourd'hui avancer mon propos aussi loin que je l'espérais, en conséquence du fait que les choses n'étaient point écrites, et puisque aussi bien je ne peux pas espérer, en huit jours, faire à ma discrétion le choix nécessaire, je ferai ce troisième mercredi de ce mois, par exception, le même séminaire ouvert où vous êtes donc tous conviés. Pour ponctuer, pointer ce dont il va s'agir, je ferai l'opposition : quel rapport concevoir de |
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