Le 27 septembre 2005 rapport du conseil national de la consommation
sur le transport aérien
Rapporteurs : Monsieur Emmanuel DE CARNE, pour le collège des consommateurs et usagers. Monsieur Jacky LEBRUN, pour le collège des professionnels.
NOR : ECO0500288V32
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Le développement soutenu du transport aérien a progressivement modifié les rapports entre les compagnies aériennes et les utilisateurs de ce mode de transport. Cette modification est à l’origine de difficultés diverses dont le Conseil national de la consommation a souhaité se saisir et auxquelles le groupe de travail constitué à cet effet se propose de répondre par les recommandations contenues dans l’avis annexé au présent rapport.
I - Le mandat
Lors de sa réunion du 7 juin 2002, le bureau du Conseil national de la consommation a adopté un mandat concernant le transport aérien et chargé un groupe de travail d’examiner les différents thèmes retenus en vue d’émettre des recommandations.
A - Le contenu initial
Constatant l’existence de difficultés pour les consommateurs liées notamment au développement de ce mode de transport et à l’apparition sur le marché d’offres de service d’un type nouveau, le mandat adopté a confié au groupe de travail la mission d’en faire l’examen et de dégager les voies permettant d’en réduire la portée et l’occurrence.
Ces difficultés, d’importance variable, ont été regroupées autour de trois thèmes principaux :
Le temps :
temps d’accès aux aéroports et aux avions,
retard au départ, aux correspondances ou à l’arrivée,
sûreté : impact sur la facilitation de transport,
attente des bagages.
Le respect du consommateur :
contrat de transport : transparence et respect,
information sur la politique tarifaire et les vols possibles,
information multilingue dans les aéroports et les salles d’embarquement.
accueil des enfants, des familles, des handicapés, des personnes âgées, des femmes enceintes,
prise en compte des personnes à risques.
En prenant en compte les trois catégories ainsi définies, le mandat a invité les consommateurs et les professionnels à analyser les problèmes rencontrés par les clients, tant au niveau des compagnies aériennes et des prestataires de services qui participent au transport aérien que des pouvoirs publics chargés des transports, de la santé, de la sûreté et de la concurrence.
B - Le champ de réflexion retenu
Le groupe de travail a dû différer le début de ses travaux à la suite du départ du rapporteur du collège professionnel initialement désigné à la fin 2002 et des délais qui ont présidé à son remplacement. Pour ces motifs, le groupe n’a pu se réunir qu’à partir de la fin 2004.
Ce délai a conduit le groupe de travail à procéder à un premier examen des thèmes figurant dans le mandat à la lumière des évolutions qui avaient pu intervenir dans le transport aérien depuis 2002. Le groupe s’est attaché à privilégier parmi les thèmes retenus ceux pour lesquels, en raison des difficultés recensées, la recherche de solutions dans un cadre concerté devait être privilégiée.
Au total, le groupe a retenu de centrer sa réflexion sur :
l’amélioration de l’information du consommateur en matière de tarifs,
l’amélioration de la qualité de service,
l’amélioration du règlement des litiges,
le renforcement de l’information donnée au consommateur,
la limitation de la surréservation.
II - Le contexte
A - Le contexte économique
Il est mentionné ici afin de rappeler un certain nombre d’éléments qui peuvent influer sur la relation entre les consommateurs et les compagnies aériennes. La situation récente se caractérise par une progression soutenue de l’activité, une concurrence accentuée, surtout pour certaines relations internationales (moyens courriers) qui a favorisé un retournement de l’évolution des prix qui avaient tendance précédemment à augmenter plus fortement que l’inflation. Elle fait apparaître aussi la fragilité de certaines compagnies dont la disparition a singulièrement réduit la dynamique concurrentielle sur le marché domestique.
1 - Dans un contexte général de développement des échanges, le transport aérien connaît une croissance soutenue du trafic. Après les événements de la fin 2001, l’activité s’est progressivement redressée. Le nombre de passagers est en augmentation, principalement pour les vols internationaux.
C’est ainsi que le nombre de passagers1 enregistrés dans les aéroports s’est inscrit entre 2003 et 2004 :
pour ce qui concerne Aéroports de Paris, en augmentation de 8,4 % pour le trafic international (57,2 millions de passagers) et à un niveau stable pour le trafic intérieur (17,4 millions de passagers) ;
pour les aéroports de province en augmentation de 4,4 % pour l’ensemble du trafic (29,5 millions de passagers).
2 - Après avoir augmenté de façon sensiblement plus forte que l’ensemble des prix à la consommation au cours de la période 2001-2003 (environ 10 %), les prix2 du transport aérien ont enregistré une baisse de l’ordre de 2,0 % en 2004. Cette évolution s’explique, notamment, par la poursuite de la diversification de l’offre, liée en partie au développement de l’offre des compagnies à bas coûts et par la croissance du trafic en volume.
3 - Ce contexte économique plus favorable pour les compagnies aériennes n’a pas empêché certaines défaillances de transporteurs aériens. En France, en 2003 et 2004, ce sont les sociétés Air Lib, Air Littoral, Aéris et Air Bourbon qui ont disparu.
B - Le contexte juridique
Les dispositions du code de la consommation concernant notamment l’information du consommateur, la publicité, la vente à distance, les clauses abusives sont de portée générale et peuvent donc s’appliquer aux relations entre les compagnies aériennes et leurs clients. Ce cadre juridique est resté globalement stable au cours des dernières années.
S’agissant spécifiquement de la réglementation visant à protéger le consommateur utilisant le transport aérien, celle-ci a connu une évolution récente avec l’adoption du règlement du Conseil et du Parlement européen CE 261/2004 du 11 février 2004, entré en application le 17 février 2005, qui encadre plus strictement qu’auparavant les conditions de mise en œuvre de la surréservation.
III - La méthode de travail
Après avoir défini le champ de sa réflexion, le groupe de travail a décidé de procéder à un recueil d’informations auprès des acteurs du secteur avant d’engager le débat visant à définir en commun un ensemble de recommandations susceptibles de répondre à certaines des difficultés constatées. Ont été entendues la compagnie Air France (à deux reprises), la compagnie Easy Jet (à deux reprises), l’UCCEGA, organisation professionnelle représentative des gestionnaires d’aéroports.
Le groupe s’est réuni à dix reprises entre novembre 2004 et septembre 2005.
IV - Les éléments du débat
Le transport aérien est devenu un transport de masse.
1 - Cette évolution est le résultat d’une diversification de l’offre :
à l’origine, essentiellement proposée par des compagnies nationales exerçant leur activité dans un cadre réglementé et sur la base d’accords internationaux, l’offre s’est élargie pour répondre à une demande d’un plus grand nombre de consommateurs formulant des attentes multiples ; cette situation a favorisé l’émergence de nouveaux opérateurs (compagnies charter, compagnies à bas coûts) venant proposer des services nouveaux (par exemple de nouvelles dessertes ou des services à prix réduits) aux consommateurs,
une nouvelle approche de la tarification, plus incitative, s’inspirant des principes du « yield management » ; le modèle économique s’est modifié pour privilégier l’adaptation en temps réel de l’offre à la demande par un système de gestion des réservations et des prix qui, dans sa finalité de recherche de l’optimum, se veut incitatif, réactif et, en principe, apte à satisfaire le plus grand nombre ; par ce dispositif, les compagnies aériennes visent à obtenir le meilleur coefficient de remplissage de chaque vol, en adaptant le volume des places offertes et le prix correspondant en fonction de la date de réservation et du volume de la demande ; ce mode de gestion conduit à une situation dans laquelle des voyageurs effectuant le même vol ont acheté leurs titres de transport à des prix très différents ; cette nouvelle approche se trouve confortée par le développement des nouvelles technologies et les possibilités qu’elles offrent en ce qui concerne la vente à distance (Internet).
L’évolution constatée a eu pour conséquence une modification des rapports entre compagnies aériennes et passagers. Cette modification s’est manifestée de plusieurs façons :
Les consommateurs ont globalement bénéficié de cette diversification de l’offre ; celle-ci s’est traduite par des opportunités de voyage plus nombreuses, une possibilité souvent plus grande de faire jouer la concurrence entre plusieurs opérateurs, la possibilité, sous certaines conditions de réservation notamment et de niveau de service de bénéficier de tarifs relativement avantageux ;
Mais dans le même temps, les consommateurs ont rencontré des difficultés qu’ils ne connaissaient pas auparavant à propos de la compréhension des offres, de la lisibilité des services et tarifs proposés : la multiplication des offres a conduit à des interrogations de plus en plus fréquentes sur leur comparabilité, sur leur contenu, ces interrogations étant parfois amplifiées par le caractère approximatif de certaines informations données au consommateur dans le cadre de campagnes grand public ; la diversification des modes de commercialisation des titres de transport a ajouté encore aux interrogations suscitées par le contenu des offres, les conditions de commercialisation qui leur sont attachées et le prix correspondant ;
Les consommateurs s’interrogent également sur ce qui leur apparaît comme une augmentation du caractère aléatoire du tarif qui leur est individuellement appliqué ; s’il n’est pas contestable que la grille tarifaire que chaque compagnie applique répond à une logique économique qui lui est propre, les choix commerciaux ainsi opérés échappent parfois au consommateur qui n’est pas toujours convaincu que le tarif qui lui est facturé est le résultat de la mise en œuvre d’éléments objectifs (nombre de places offertes, nombre de places disponibles, date du voyage, date de la réservation, …) ; en d’autres termes, la perception prévaut parfois d’une discrimination tarifaire qui ne serait pas complètement justifiée ;
Enfin, l’évolution du transport aérien vers un transport de masse est perçue par certains consommateurs comme synonyme d’une dégradation globale de la qualité du service : cette dégradation prendrait plusieurs formes, mais pourrait se rattacher à une pratique, celle de la modification unilatérale du contrat ; cette pratique est à l’origine des réclamations les plus fréquentes dans le transport aérien de passagers, ceux-ci dénonçant le fait que les compagnies s’autorisent une adaptation des contrats : sont ainsi souvent dénoncés la surréservation et son corollaire le refus d’embarquement, le changement de transporteur, le vol n’étant pas effectué par la compagnie avec laquelle le consommateur a contracté sans que celui-ci dispose d’une information préalable, les retards, quand bien même ceux-ci peuvent ne pas être du seul fait des compagnies aériennes….
2 - Dans la pratique, ces interrogations trouvent leur expression à travers les plaintes de plus en plus nombreuses que les consommateurs adressent aux Administrations afin que celles-ci les aident à régler les litiges qu’ils peuvent avoir avec leur transporteur. En ce qui concerne la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le nombre des plaintes est clairement en forte augmentation depuis quelques années : au nombre de quelques unités par an il y a cinq ans, elles sont aujourd’hui, en moyenne, de plusieurs unités par semaine (hors les réclamations directement liées à la disparition de certaines compagnies).
De manière concrète, les réclamations les plus fréquentes concernent notamment
l’information préalable sur les tarifs proposés : dans la pratique, sans même faire état des situations qui relèvent de la publicité de nature à induire le consommateur en erreur, un décalage est souvent observé entre des tarifs annoncés et leur application effective ; en particulier, à l’occasion de campagnes publicitaires, de campagnes promotionnelles, il arrive fréquemment que des tarifs très compétitifs soient annoncés mais sans information sur le nombre de places accessibles à ce prix ; d’une manière générale, aucune information n’est donnée lors de l’approche initiale du consommateur sur le nombre de places disponibles à prix réduit, sur la durée de validité de ces tarifs et sur leur répartition par desserte ; on est souvent en présence d’une pratique du prix d’appel qui peut fausser l’information fournie au consommateur ;
l’imprécision de certaines offres : corrélativement à ce qui peut être constaté en matière de prix, le défaut d’information porte également de manière récurrente sur des éléments de l’offre aussi importants que son contenu (aller simple ou aller-retour, aéroport desservi…) ou les composantes du prix (toutes taxes ou hors taxes) et plus généralement sur toutes les restrictions et conditions apportées in fine à l’offre initiale ;
les discriminations pratiquées selon les modes de réservation, les modes de paiement, ajoutent aux écarts de tarifs qui peuvent être relevés du fait des principes de gestion des réservations retenus par chaque compagnie ; il en va de même des situations qui aboutissent à ce qu’un billet non utilisé ne puisse pas donner lieu à remboursement, avoir ou échange et qui conduisent de facto à facturer au consommateur un service de transport aérien même lorsque celui-ci n’est pas rendu : le cas extrême de ce type de situation est celui dans lequel le consommateur est privé de la possibilité d’effectuer son voyage alors même qu’il l’a payé, par suite d’une défaillance de la compagnie aérienne,
la qualité du service rendu ; celle-ci concerne aussi bien les conditions d’accueil dans les aéroports (accessibilité des différents points de passage, circulation dans les aérogares, signalisation, services offerts dans les aérogares, …) que les conditions de voyage (ponctualité, traitement des bagages, délais d’embarquement, de débarquement, …),
le service après-vente : de nombreux griefs sont formulés par des consommateurs qui se plaignent d’une insuffisante qualité de la relation entre le prestataire de service (compagnie aérienne, aéroport) et le consommateur ; sont souvent dénoncés l’absence de réponse aux sollicitations de la clientèle, la difficulté de l’accès à un service client efficace et réactif, la faible prise en compte des réclamations des consommateurs.
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