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Discussion d’une proposition de loi Lutte contre l’absentéisme scolaire Première séance du mercredi 16 juin 2010 M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Éric Ciotti et plusieurs de ses collègues visant à lutter contre l’absentéisme scolaire (nos 2487, 2593). La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, depuis 1882 et les lois Ferry, l’obligation scolaire et son corollaire, l’obligation d’assiduité scolaire, constituent le socle du développement de l’éducation et de la connaissance dans notre pays. M. Patrick Roy. Jusque-là ça va ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Ces valeurs fondatrices de la formation citoyenne des jeunes Français sont aujourd’hui menacées par le développement de l’absentéisme. Le constat dressé par la Direction de l’évaluation du ministère de l’éducation nationale est, hélas, sans appel :… M. Patrick Roy. À qui la faute ! M. Éric Ciotti, rapporteur. …l’absentéisme scolaire touche près de 300 000 jeunes chaque année, soit en moyenne 7 % des effectifs, tous établissements confondus – 3 % dans les collèges, 6 % dans les lycées, 15 % dans les lycées professionnels et jusqu’à 30 % dans certains établissements. M. Patrick Roy. Huit ans de gestion UMP ! M. Régis Juanico. Et l’absentéisme parlementaire ! Les bancs UMP sont vides ! M. Éric Ciotti, rapporteur. La situation est grave et elle s’aggrave. Il ne faut pas s’y tromper ! Loin des sentiments d’angélisme et de candeur auxquels « l’école buissonnière » pouvait renvoyer, l’absentéisme scolaire est un « cancer », pour reprendre l’expression du Président de la République (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC),… M. Marcel Rogemont. Heureusement qu’il est là, le Président de la République ! Sinon, vous n’auriez pas d’idées ! M. Michel Ménard. Faut-il nettoyer les écoles au Kärcher ! M. Éric Ciotti, rapporteur.… qui place des jeunes en situation de danger. Je vois que vous contestez cette appréciation. Est-ce à dire que vous estimez que l’absentéisme est positif ? Ces jeunes sont en danger, car en s’écartant de l’école, ils se rapprochent de la marginalisation. Ils sont en danger parce qu’en refusant les règles de l’école de la République, ils se retrouvent, trop souvent, soumis à la loi de la rue. Ce risque, que nul ne saurait légitimement contester, même pour des raisons dogmatiques, avait déjà été souligné au XIXe siècle, lorsque Victor Hugo écrivait : « Celui qui ouvre une école, ferme une prison ». M. Patrick Bloche. Cela n’a rien à voir ! Rendez-nous Victor Hugo ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Face à cette situation, il nous faut agir concrètement et rapidement. Avant tout, il nous faut dresser le constat de certaines carences. Le décret du 19 février 2004 n’a pas réussi à endiguer ce phénomène, pas plus que le contrat de responsabilité parental issu de la loi du 30 mars 2006 sur l’égalité des chances. M. Marcel Rogemont. Demandez-vous pourquoi ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Pourquoi ? C’est très simple ! Trop peu de conseils généraux s’en sont saisis, … M. Régis Juanico. C’est comme à l’UMP ! M. Marcel Rogemont. Parce que ce n’est pas la seule façon de régler le problème ! M. Éric Ciotti, rapporteur. …notamment pour des raisons dogmatiques et idéologiques que je regrette. M. Marcel Rogemont. Les départements de droite sont aussi dogmatiques ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Je le regrette d’autant plus que j’ai expérimenté ce contrat dans mon département et qu’il fonctionne de manière très efficace. Dès lors, ce texte a pour ambition première d’apporter des réponses concrètes et pragmatiques à cette situation. Il vise d’abord à réhabiliter la responsabilité des parents et l’exercice de l’autorité parentale. Très loin des caricatures simplistes,… M. Michel Françaix. Ça vous va bien ! M. Éric Ciotti, rapporteur. …il ne s’agit nullement de stigmatiser des familles en grande difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) M. Marcel Rogemont. Surtout pas, mais on va leur taper dessus ! M. Patrick Bloche. Il s’agit de leur tendre la main, c’est ça ? M. Michel Ménard. On les aide en leur supprimant les allocations familiales ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Tout au contraire, l’objectif est de mieux les accompagner, de mieux les aider, de plus les soutenir. Il faut que ces familles se réapproprient les clés du fonctionnement de la chaîne éducative afin d’assumer leur autorité parentale. Et c’est notre rôle de les soutenir. Mais, à côté de ces situations où les parents démunis face à l’absentéisme de leur enfant acceptent la main tendue, il y a ceux qui refusent d’assumer leur responsabilité, ceux qui démissionnent ou encore ceux qui estiment que c’est à la société de prendre en charge ce qui leur incombe naturellement et juridiquement. À ceux là, il faut rappeler que la responsabilité parentale ne se délègue pas à la collectivité, et ne saurait se diluer. M. Frédéric Reiss. Très bien ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Cette responsabilité ne peut être qu'individuelle et personnelle ! (« Absolument » ! sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Les familles ont des droits, mais elles ont aussi des devoirs. M. Marcel Rogemont. Qui dit le contraire ? M. Éric Ciotti, rapporteur. Et c’est cet équilibre fondamental entre droits et devoirs que ce texte vise à garantir. M. Patrick Roy. Pas du tout ! M. Éric Ciotti, rapporteur. À cet égard, il est légitime de sanctionner des comportements contraire au respect de l’autorité parentale. Si des carences en matière éducative sont constatées, des sanctions doivent être prises. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce texte vise donc à retisser le lien entre allocations familiales et assiduité. M. Yves Durand. La schlague ! M. Éric Ciotti, rapporteur. La suspension des allocations familiales ne doit pas être un tabou, un alibi à l’inaction. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) M. Marcel Rogemont. Vous laissez entendre que c’est la seule solution ! Mais ce n’est pas comme ça que l’on règlera le problème ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Juridiquement et historiquement, le lien entre attribution de prestations familiales et exercice de l’autorité parentale constitue un principe législatif et social ancien et constant. Depuis le décret-loi de 1938, tous les dispositifs mis en place le confirment. Le versement des allocations familiales a toujours été, sous la Ve République, quels que soient les gouvernements, jusqu’en 2004, conditionné au respect des obligations d’éducation, de scolarité et d’assiduité. M. Marcel Rogemont. Et cela n’a donné aucun résultat ! Cela montre bien que cela ne sert à rien ! M. Éric Ciotti, rapporteur. En cas de carence avérée dans l’exercice de cette autorité, des sanctions doivent pouvoir être engagées. M. Marcel Rogemont. Il y a un vrai problème, mais ce n’est pas la bonne voie ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Face à ces constats, cette proposition de loi instaure un chaînage vertueux qui replace l’inspecteur d’académie au coeur de la lutte contre l’absentéisme scolaire en lui donnant des moyens concrets d’action. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je suis très étonné, chers collègues, de votre volonté permanente d’obstruction. M. Patrick Roy. Pour donner de vrais moyens il faudrait embaucher des professeurs, pas les licencier ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Vos vociférations, monsieur Roy, pourraient s’adresser au dernier gouvernement que vous avez soutenu. Dois-je vous rappeler, en effet, que lors de l’année scolaire 2001-2002 – je crois bien que M. Jospin était alors Premier ministre et M. Lang ministre de l’éducation nationale – 6 733 suspensions d’allocations familiales ont été prononcées ! M. Marcel Rogemont. Et alors ! Cela n’a pas donné de résultats ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Donc, vos critiques s’adressent d’abord au gouvernement que vous souteniez à l’époque ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je comprends que cela vous gêne ! M. Marcel Rogemont. Cela ne nous gêne pas du tout ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Cela vous place, une fois de plus, en profonde contradiction avec votre discours. Le dispositif que je propose est équilibré (Rires sur les bancs du groupe SRC),… M. Michel Françaix. Petit farceur ! M. Éric Ciotti, rapporteur. …gradué et individualisé. Il est équilibré entre accompagnement et sanction : à chaque étape, les parents recevront une information précise sur les mesures d’accompagnement qui peuvent être mises en oeuvre pour les aider à restaurer leur autorité parentale. Il est équilibré également parce qu’il va s’inscrire au coeur du plan d’action, … M. Patrick Roy. Mais non ! M. Éric Ciotti, rapporteur.… annoncé par le Président de la République et par le Gouvernement, qui s’inscrit dans le cadre d’une mobilisation générale contre l’absentéisme scolaire : médiateurs de la réussite scolaire, dispositifs relais et micro lycées, mallette des parents, sont autant de mesures d’accompagnement qui vont être mobilisées. Ce dispositif est, par ailleurs, gradué car il voit se succéder une phase d’avertissement, puis de suspension et, en dernier ressort, une phase de suppression des allocations familiales. Première étape : lorsqu'un chef d’établissement constate l’absentéisme de l’élève, à savoir au moins quatre demi-journées d’absence non justifiées sur un mois, il le signale à l’inspecteur d’académie. Deuxième étape : l’inspecteur d’académie adresse, alors, un avertissement à la famille concernée. Troisième étape : si, au cours de la même année scolaire, l’absentéisme de l’élève est à nouveau constaté par le chef d’établissement,… M. Michel Françaix. Courteline ! M. Éric Ciotti, rapporteur. …l’inspecteur d’académie, après avoir mis les parents en mesure de se justifier, saisit le directeur de la caisse d’allocations familiales pour suspendre immédiatement le versement de la part des allocations familiales afférente à l’enfant concerné. Il y a donc trois étapes d’observation pendant une durée de trois mois. Enfin, quatrième et ultime étape : si malgré toutes ces mesures d’accompagnement, l’enfant ne retrouve toujours pas le chemin de l’école, si après ces différentes phases, la situation d’absentéisme perdure, les allocations familiales seront supprimées jusqu’à la reprise effective de l’assiduité. M. Patrick Roy. Enfin, cinquième étape, l’enfant revient à l’école, mais il n’y a pas de prof ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Enfin, ce dispositif est individualisé, car il prévoit, à chaque étape, une évaluation précise de la situation, après que les représentants légaux de l’enfant ont pu présenter leurs observations. Il est conçu pour constituer un mécanisme dissuasif dont l’objectif premier est d’aider les parents défaillants à prendre conscience de leur responsabilité et ainsi mieux les accompagner. M. Marcel Rogemont. Le mécanisme est dissuasif dans son application ! C’est trop compliqué ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Je suis convaincu que ce dispositif constituera un outil simple, concret et efficace, complémentaire aux nombreux dispositifs d'accompagnement mis en œuvre par le Gouvernement, car il remet les parents face à leurs responsabilités et les enfants au cœur de notre société. M. Patrick Roy. Nous, nous n’en sommes pas convaincus. M. Marcel Rogemont. Ce système n’a jamais marché là où il a été mis en place. M. Éric Ciotti, rapporteur. L'absentéisme scolaire n'est pas une fatalité sociale et pour l'endiguer il faut raffermir le lien, parfois quelque peu distendu, entre famille et école. M. Marcel Rogemont. Vu du XVI° arrondissement ! M. Éric Ciotti, rapporteur. Ne laissons pas nos enfants, souvent par insouciance, obérer définitivement toutes leurs chances d'avenir ! C'est le défi que ce texte propose de relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) M. le président. La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. |