Conseil d’etat le Président de Section








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CONSEIL D’ETAT




Le Président de Section


Le 23 juin 2008

Monsieur le Ministre,
Vous m’avez confié la mission d’animer un groupe de travail  « dont les réflexions et les propositions porteraient sur les dispositifs susceptibles d’accroître la sécurité juridique en matière fiscale ».
Le groupe de travail, composé de membres de l’administration, de représentants de la magistrature et de professionnels de la fiscalité et doté de deux rapporteurs généraux, a procédé pendant cinq mois à des auditions et à des visites sur place. Il a également exploité des sondages et diverses autres données récentes.
Je me permets de vous indiquer les principales conclusions que je tire personnellement, des remarquables travaux conduits par les membres du groupe et par ses rapporteurs.
Les cinquante-deux mesures proposées par le rapport tendent à résoudre un apparent paradoxe, assez habituel dans notre pays. D’une part, les méthodes de gestion des services fiscaux et de recouvrement ont considérablement progressé et facilitent l’accomplissement par les contribuables de leurs obligations fiscales ; les vérificateurs des directions nationales et régionales sont motivés, de bon niveau et d’esprit ouvert ; les services contentieux sont, du point de vue d’un conseiller d’Etat, les meilleurs de l’administration française ; l’immense majorité des entreprises estime avoir des rapports plutôt bons avec l’administration. D’autre part, l’image de notre système fiscal, telle qu’elle est véhiculée notamment à l’étranger, demeure détestable. Certes, l’administration fiscale française n’a pas la politique de relations publiques de certaines autres administrations européennes qui n’hésitent pas à aller vendre à l’étranger les charmes de leur régime fiscal national. Mais l’explication de l’apparent paradoxe réside fondamentalement ailleurs. D’abord l’instabilité de la norme, même si elle existe dans tous les pays, atteint en France une dimension paroxystique : 20% des articles du CGI sont modifiées tous les ans, sans même évoquer les ajustements fréquents de la doctrine. Ensuite, quels qu’aient été les efforts des directeurs généraux des impôts successifs qui souhaitaient à juste titre que l’administration devienne le conseil du contribuable, il subsiste un climat de méfiance réciproque entre l’administration et les contribuables.
L’expérience a montré que les engagements de stabilisation de la norme pris de bonne foi par les gouvernements successifs n’étaient jamais tenus, sans doute parce qu’en l’absence de règles constitutionnelles ou organiques, ils ne pouvaient pas l’être. Les alternances politiques, le renouvellement régulier du personnel ministériel, les réformes plus ou moins fondées, les revendications des groupes de pression relayées par le débat parlementaire, l’idée qu’un ministre ne peut exister sans avoir sa loi, la conviction qu’une réforme sectorielle digne de ce nom comporte nécessairement un volet fiscal, aboutissent à une folie normative qui déstabilise les agents économiques. Le monde politique, qui déplore l’insécurité juridique, en est le principal responsable. On ne peut pas, sans illogisme, crier au loup en faisant dans le même instant entrer le loup dans la bergerie. Le régime du crédit impôt recherche a été modifié cinq fois en cinq ans : les entreprises auditionnées par le groupe de travail ont toutes indiqué qu’elles auraient préféré un régime plus stable même s’il avait été moins favorable que celui résultant du dernier état de la législation . L’instabilité de la règle empêche toute prévision de l’agent économique et nuit à la cohérence de sa stratégie.
Le groupe de travail est donc convaincu que seule une modification de la loi organique sur les lois de finances peut permettre d’obtenir une certaine stabilisation de la norme fiscale :en obligeant le législateur à préciser la durée de vie des nouveaux dispositifs fiscaux (proposition 2) ; en faisant valider par la loi de finances les dispositions fiscales des lois ordinaires (proposition 3) ; en obligeant le gouvernement à engager une concertation publique sur les projets de texte suffisamment tôt avant le dépôt de la loi de finances (propositions 5 et 5bis). Bien entendu, l’inscription dans la Constitution du principe de sécurité juridique ou de celui de la non rétroactivité des lois qui n’en est qu’un sous-ensemble, contribuerait à l’autorégulation du travail législatif.
La « querelle des niches » démontre, s’il en était besoin, à quel point notre législation fiscale, compte tenu de ses modes d’élaboration, est sur certains points à la fois vieillie et morcelée. La question des niches est non pas celle théologique de leur plafonnement global, d’ailleurs précédemment censuré par le Conseil constitutionnel en raison de sa trop grande complexité technique, mais celle du rapport coût/efficacité de mesures ciblées qui font rarement l’objet d’une évaluation après leur adoption le plus souvent pour une durée indéterminée.
Par ailleurs , en dépit des progrès techniques considérables réalisés dans les rapports entre l’administration et les contribuables dont les garanties ont été sensiblement accrues, le climat de méfiance réciproque qui existait, subsiste toujours : de part et d’autre, personne ne joue cartes sur table. Le contrôle fiscal demeure inspiré par des considérations de répression et de rendement et le contribuable le ressent profondément. L’efficacité du contrôle fiscal pourrait-il être maintenu dans un climat où la confiance réciproque remplacerait progressivement la défiance ? La réponse à cette question divise l’administration fiscale. Pour sa part, le président du groupe de travail ne voit pas pourquoi la politique de contrôle fiscal serait affaiblie par l’établissement de relations plus confiantes entre l’administration et les contribuables. Bien au contraire le contrôle fiscal d’entreprises plus confiantes et donc plus transparentes ne peut que gagner en efficacité. Il a pu constater, en présidant un autre groupe de travail, que les relations entre les URSSAF et les employeurs étaient à la fois plus informelles et plus détendues, sans que pour autant l’efficacité du contrôle en soit amoindrie :cette comparaison avec les URSSAF doit cependant être faite sur le principe plus que sur les modalités compte tenu de la plus grande simplicité de l’assiette des cotisations sociales (qui est cependant devenue complexe avec la multiplication des régimes ciblés d’exonération ou d’allègement).
La modification du climat des relations entre l’administration et les contribuables implique l’adoption de mesures qui contribueront à inciter le contribuable à faire davantage confiance à l’administration. Parmi les mesures proposées pour faciliter cette évolution (propositions 18 à 47), dont la plupart nous semblent pouvoir être mises en œuvre sans grande difficulté, trois nous paraissent essentielles : sans elles, les réformes proposées, certes utiles, resteraient techniques sans impact psychologique.
La première consiste à demander aux vérificateurs et aux agents d’instruire à décharge aussi bien qu’à charge (cf. proposition 23) : lorsqu’ils relèvent des erreurs commises par le contribuable à son détriment, ils doivent non seulement le lui signaler, mais en tirer les conséquences en prononçant le dégrèvement correspondant. Aujourd’hui, seule une minorité des vérificateurs signale au contribuable les erreurs qu’il a commises à son détriment. Encore moins nombreux sont ceux qui proposent le dégrèvement compte tenu des contraintes de rendement auxquelles ils sont soumis.
La deuxième mesure essentielle consiste à demander au vérificateur, à l’issue du contrôle, de dresser le compte rendu de tous les points vérifiés de façon suffisamment approfondie, qu’ils aient donné lieu ou non à redressement (cf. proposition 22). Les points non redressés ne pourraient donner lieu, en cas de contrôle ultérieur, qu’à un redressement pour l’avenir. Cette pratique existe depuis longtemps pour les contrôles des URSSAF où elle revêt d’ailleurs une portée beaucoup plus considérable que la proposition strictement encadrée faite par le groupe de travail, dans la mesure où la pratique URSSAF n’est pas techniquement transposable telle quelle au contrôle fiscal Mais comment un contribuable pourrait-il avoir confiance dans l’administration fiscale si celle-ci, après n’avoir élevé aucune objection, par la bouche d’un premier vérificateur à l’égard d’un point examiné de façon suffisamment approfondie, vient quatre ans plus tard , par la bouche d’un autre vérificateur, remettre en cause rétroactivement la position prise par le premier vérificateur ? Le respect de la parole donnée par l’administration nous paraît une condition déterminante de la confiance du contribuable. Nous ne retiendrons pas l’objection selon laquelle le premier vérificateur a pu se tromper, car ce type de risque est inhérent à tout mécanisme destiné à garantir la sécurité juridique : le législateur l’a admis depuis longtemps en rendant opposable à l’administration la prise de position d’un de ses agents appréciant la situation de fait d’un contribuable au regard de la loi (article L. 80 B du LPF).
La troisième mesure essentielle consiste à mettre fin à la pratique dont tous s’accordent à reconnaître qu’elle est aberrante, conduisant l’administration, en cas de redressement, à s’abstenir pendant une durée indéterminée de répondre aux observations du contribuable pour faire pression psychologiquement sur lui, en le laissant dans l’incertitude. La mesure proposée consiste à permettre au contribuable qui, passé un certain délai, a demandé sans succès à l’administration de lui indiquer le délai dans lequel elle envisageait de répondre à ses observations, de poursuivre la procédure en passant outre au silence du service (cf. proposition 37).
Le groupe de travail propose d’autres mesures destinées à sécuriser l’interprétation de la norme fiscale, notamment le rétablissement de la documentation administrative consolidée (proposition 8), l’institution d’un rescrit pour l’interprétation de la loi nouvelle, pris le cas échéant après consultation de Conseil d’Etat (cf. proposition 12), ou l’institution d’un recours juridictionnel contre les rescrits pour sécuriser davantage cette procédure utile(cf. proposition 14). Il propose également des mesures pour accélérer le contentieux fiscal dont la lenteur, particulièrement en région parisienne, équivaut à un déni de justice (cf. propositions 47 à 52).
D’une façon générale, le groupe de travail propose non seulement des modifications des textes, mais également de nombreuses mesures de gouvernance fiscale qu’il appartient au ministre, responsable de l’organisation de ses services, de mettre en place.
Le groupe de travail a certes formulé des propositions qui n’avaient jamais été faites sous la forme qu’il a adoptée. Mais il a également repris des propositions qui avaient été formulées antérieurement et dont on peut seulement s’étonner qu’elles n’aient jamais été mises en œuvre.
Au total, nous estimons que l’efficacité des propositions du groupe de travail, dans la mesure où elles forment un ensemble cohérent, serait meilleure si elles étaient mises en œuvre, sinon simultanément, du moins dans un délai resserré.
Au cours des prochaines années, l’amélioration éventuelle de la sécurité juridique dans les relations entre l’administration fiscale et les contribuables pourra être évaluée au moyen de deux indicateurs : la stabilité accrue de la norme et la plus grande confiance des contribuables dans l’administration (et réciproquement).
Il n’existe pas de fatalité. Les comportements ne sont pas figés. Ils peuvent changer :aussi bien ceux du monde politique, que ceux de l’administration ou des contribuables. Il suffit de s’arrêter un instant, comme l’a fait le groupe de travail, et de regarder sans a priori les choses telles qu‘elles sont. Il faut ensuite expliquer.
En vous remettant ce rapport qui est le fruit d’un travail collégial que nous avons beaucoup apprécié, je vous prie , Monsieur le Ministre , de recevoir les assurances de ma très haute considération.

Olivier FOUQUET

Monsieur Eric WOERTH

Ministre du Budget, des Comptes Publics et de la Fonction Publique

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