.CInteractions gène-environnement La littérature sur les études d’interaction gène-environnement dans l’étiologie des fentes orales est très récente et ne concerne actuellement que quelques populations, qui ont été bien étudiées. Ces études sont présentées dans le Tableau 10 placé à la fin de cette section, et elles sont décrites par et pour chaque population.
. 1.Maryland La première étude d’interaction gène-environnement dans la survenue de fente orale s’appuie sur des données d’un registre de malformations congénitales du Maryland entre 1984 et 1992 par Hwang et al. (1995). La population des enfants atteints de fentes orales a été complétée par un recrutement de 1992 à 1996 pour les études de Beaty et al. (1997) et Maestri et al. (1997), puis jusqu’en 1998 pour Beaty et al. (2002) à partir de centres de traitement dans le Maryland et une clinique spécialisée de Washington dans les anomalies craniofaciales, recouvrant ainsi près de 72% des enfants atteints de fentes orales à Maryland (Beaty et al. 2001).
Les mères des enfants ont été interviewées en deux étapes (1ère visite, téléphone) et des échantillons d’ADN ont été collectés chez les enfants et leurs parents par prélèvements veineux, par tâches de sang ou par frottis buccal. Les études sur la population du Maryland ont examiné la consommation maternelle de tabac en interaction avec divers gènes candidats de l’enfant : TGFα, TGFβ3, BCL3, RARA, MSX1 et F13A. Hwang et al. (1995) observent, par une approche cas-témoins, un risque augmenté et significatif de FP chez les enfants porteurs de l’allèle variant C2 du TGFα et de mères fumeuses, suggérant ainsi la présence d’une interaction (pas de test d’interaction rapporté). Beaty et al. (1997) ne confirment pas le résultat. L’approche cas-parents de Maestri et al. (1997) permet de conclure à un excès de transmission de l’allèle ‘4’ du marqueur D2S443 (proche du gène candidat du TGFα) parmi les mères fumeuses. Beaty et al. (2002) manquent de données famiales pour confirmer ce résultat. Un rôle de la consommation maternelle de tabac sur le risque de fentes orales est suggéré en interaction avec deux autres gènes candidats. Un excès significatif de transmission de l’allèle ‘6’ du marqueur D14S61 (proche du locus du TGFβ3) parmi les enfants atteints de fentes orales et de mères fumeuses est observé (Maestri et al. 1997). Les enfants-cas de mères fumeuses ont plus de chance d’être homozygotes par l’allèle ‘4’ du marqueur CA de MSX1 versus les enfants de mères non fumeuses (Beaty et al. 2002). Ce résultat est concordant avec les interactions significatives, rapportées par Fallin et al. (2003), entre l’ensemble des haplotypes de 3 marqueurs de MSX1, dont le marqueur CA, et la consommation maternelle de tabac, sur le risque de fentes orales. Les auteurs observent, de plus, que le signal des interactions est plus fort parmi le groupe des FP.
. 2.Californie L’ensemble des études gène-environnement sur le risque de fentes orales en Californie repose sur des données issues du Programme de surveillance des malformations congénitales en Californie (California Birth Defects Monitoring Program) de 1987 à 1989. Les mères ont été interviewées par téléphone, et les échantillons de sang des enfants ont été collectés par les buvards recueillant des tâches de sang à la naissance (pour le test de Guthrie). Trois études sur la population californienne se sont intéressées à l’interaction entre la consommation maternelle de tabac et un gène-candidat dans la survenue d’une fente orale. Shaw et al. (1996b) rapportent que les mères fumant plus de 20 cigarettes par jour ont un risque augmenté d’avoir un enfant atteint de FP ou de FL/P, et encore davantage augmenté si l’enfant est porteur de l’allèle variant C2 du TGFα, suggérant la présence d’une interaction (tests d’hétérogénéité entre les strates définies par les allèles : p=0.15 pour les FL/P isolées et p=0.09 pour les FP isolées). La consommation maternelle de tabac a été étudiée récemment par Lammer et al. (2004a, 2005) en interaction avec des gènes impliqués dans la biotransformation de composés toxiques dérivés du tabac (N-acétyl-transférases, NAT, et Glutathion-s-transférases, GST). Pour chacun des deux polymorphismes du NAT1 (1088AA et 1095AA), les auteurs ne rapportent pas d’interaction statistiquement significative. Ils observent, parmi les enfants de mères fumeuses, un excès de risque de FL/P en particulier associé à l’homozygotie pour chaque variant (OR d’environ 4, pour l’estimation réalisée versus les enfants porteurs de l’homozygotie sauvage et de mères non fumeuses). Lammer et al. (2005) ne réalisent pas de test statistique pour l’interaction entre la consommation de tabac et les gènes GSTM1 et GSTT1. Ils notent cependant un risque de FL/P associé à la présence conjointe de la délétion à l’état homozygote du gène GSTT1 de l’enfant et de la consommation maternelle de tabac, deux fois plus élevé qu’il ne serait sous l’hypothèse d’une interaction multiplicative. La majorité des études californiennes a évalué le risque de fentes orales associé à l’utilisation de multivitamines des mères pendant la grossesse en interaction avec un facteur génétique, tel que TGFα, MTHFR, RFC1 et NAT1. Shaw et al. (1998b) rapportent des excès de risque de FL/P isolées (OR=3.0 ; IC95% :1.4,6.6) ou de FP isolées (OR=2.6 ; IC95% :1.0,7.7) parmi les enfants porteurs de l’allèle rare du TGFα et de mères non supplémentées en multivitamines, comparés aux enfants homozygotes pour l’allèle commun du gène et de mères supplémentées, suspectant la présence d’une interaction gène-nutriment (tests non significatifs d’hétérogénéité entre les strates de mères utilisatrices ou non de suppléments en multivitamines). Les auteurs notent cependant qu’il n’existe pas de liens biologiques connus entre le gène du TGFα et un composant de l’apport en multivitamines. L’hypothèse a priori de l’étude de cette interaction s’appuie sur des résultats précédents des mêmes auteurs (1996a) qui suggèrent l’existence d’une interaction, dans l’étiologie des fentes orales, entre le gène du TGFα et la consommation maternelle de tabac, susceptible d’engendrer une décroissance de la concentration de folate dans le sérum. La prise de multivitamines de la mère pendant la grossesse a ensuite été testée en interaction avec le gène MTHFR, impliqué dans le métabolisme des folates, et son polymorphisme C677T (Shaw et al. 1998a ou Wyszynski et Diehl 2000, Shaw et al. 1999c). Les études ne rapportent aucune interaction significative dans l’étiologie des fentes orales, mais les auteurs suspectent un effet accru de l’homozygotie TT de l’enfant comparé à l’homozygotie CC parmi les mères non supplémentées dans la survenue d’une FL/P (OR=1.4 ; IC95% :0.6,3.6). Aucune interaction n’est suggérée avec le gène RFC1 impliqué dans le transport des folates (Shaw et al. 2003c). Enfin, l’influence des polymorphismes du NAT1 dans la survenue d’une fente orale a été examinée en relation avec la prise de multivitamines de la mère (Lammer et al. 2004b), puisque la forme la plus rare du gène conduit à un catabolisme plus important des folates. Aucune interaction significative n’est rapportée ; les auteurs suggèrent toutefois un risque augmenté de FL/P chez les enfants homozygotes pour le variant du polymorphisme NAT1(1095) comparé à l’homozygotie sauvage, parmi les mères non supplémentées (OR=2.9 ; IC95% :1.0,9.5). Enfin, une étude a examiné le risque de fentes orales associées aux expositions chimiques professionnelles de la mère à 74 agents chimiques, en interaction avec deux gènes impliqués dans le métabolisme de phase II de xénobiotiques toxiques, GST et NAT (Shaw et al. 2003a). Les estimations des interactions impliquent des effectifs très faibles, conduisant à une interprétation prudente et seulement suggestive des résultats.
. 3.Iowa L’étude de Romitti et al. (1999) s’appuie sur le Registre de malformations congénitales de l’Iowa (Iowa Birth Defects Registry) et inclut l’ensemble des naissances vivantes, mort-nées, et des avortements porteurs d’une FL/P ou une FP, et les naissances vivantes sans anomalies congénitales, entre 1987 et 1994. Pour les naissances de 1987 à 1991, les mères ont répondu à un questionnaire puis ont été interviewées par téléphone, les échantillons d’ADN ont été collectés par prélèvement veineux ou tâche de sang. Pour les naissances de 1992 à 1994, les mères ont répondu à un questionnaire sans interview et les échantillons d’ADN ont été collectés grâce à des prélèvements de cellules buccales. Romitti et al. s’intéressent aux consommations maternelles de tabac et d’alcool en interaction avec trois gènes de l’embryogénèse, TGFα, TGFβ3 et MSX1, dont plusieurs marqueurs pour TGFβ3 (CA, X5.1, 5’UTR.1) et MSX1 (CA, X1.1, X1.3, X2.1, X2.4). L’étude n’apporte pas d’évidence de présence d’interaction entre le TGFα et la consommation de tabac ou d’alcool dans la survenue d’une fente orale. En revanche, elle rapporte les présences significatives d’une interaction entre le TGFβ3 et la consommation de tabac sur le risque de FL/P, d’une interaction entre le MSX1 et la consommation de tabac sur le risque de FP, et d’une interaction entre le MSX1 et la consommation d’alcool sur le risque de FL/P. Ces effets ne sont cependant pas observés pour l’ensemble des marqueurs d’un même gène.
. 4.Danemark Les études d’interactions gène-environnement dans l’étiologie des fentes orales au Danemark se basent sur les données d’une étude cas-témoins réalisée à l’échelle nationale entre 1991 et 1994. L’ensemble des enfants nés vivants durant cette période, atteints d’une fente orale et sans autre malformation majeure, constitue les enfants-cas de l’étude. Les témoins sont les deux naissances vivantes, sans malformation majeure, précédant la naissance d’un enfant-cas dans le même hôpital. L’ensemble des inclusions dans l’étude se limite aux enfants dont les parents parlent couramment la langue danoise, reflétant ainsi une population génétiquement homogène. Les mères ont été interviewées pour la majorité à l’hôpital par une infirmière formée ou plus rarement à domicile. Les échantillons d’ADN des enfants ont été obtenus à l’aide de tâches de sang collectées sur des buvards à la naissance. Les études sur cette population ne rapportent aucune évidence d’interaction gène-environnement dans l’étiologie des FL/P et des FP. La consommation maternelle de tabac pendant la grossesse a été étudiée en interaction avec le polymorphisme commun TaqI du TGFα de l’enfant (Christensen et al. 1999b), puis en interaction avec les deux marqueurs CA et X5.1 du gène TGFβ3 et les deux marqueurs CA et N8 du gène MSX1 (Mitchell et al. 2001). Mitchell et al. (2003) examinent l’effet de la vitamine A sur la survenue ou la prévention d’une fente orale en prenant en compte l’utilisation de suppléments vitaminiques et la consommation de foie, et en étudiant le gène du Récepteur Alpha de l’Acide Rétinoïque (RARA). Les auteurs n’observent pas d’hétérogénéité de l’effet de l’exposition à la vitamine A entre les enfants de génotype RARA différent, ne suggérant pas de présence d’interaction RARA-exposition à la vitamine A. L’ensemble de ces résultats est reproduit par l’étude récente de Etheredge et al. (2005), dans laquelle les analyses statistiques exploitent l’hypothèse d’indépendance entre les facteurs génétiques et environnementaux, et permettent ainsi d’offrir possiblement une meilleure puissance statistique des tests d’interaction gène-environnement.
. 5.Pays-Bas Les études d’interaction gène-environnement réalisées aux Pays-Bas s’appuient sur les mêmes sources de données collectées entre 1998 et 2000 : les enfants atteints de fentes orales ont été recrutés à partir des neuf équipes spécialisées dans le diagnostic et traitement des fentes aux Pays-Bas ; les enfants témoins ont été inclus par l’intermédiaire des familles des cas (familles, connaissances, voisins) ou dans des garderies ou centres de soins pédiatriques proches de Nijmegen. Les mères ont répondu à un questionnaire à domicile, puis interviewées par téléphone dans le cas de réponses manquantes trop nombreuses. Des échantillons d’ADN ont été collectés par prélèvements de cellules buccales chez les enfants et leurs parents. Des prélèvements d’urine des mères ont été recueillis pour la détermination du statut faible ou rapide acétylateurs par NAT2 (van Rooij et al. 2002). Les études néerlandaises présentent leurs résultats à travers les risques estimés par une analyse stratifiée par le facteur environnemental dichotomique et ne rapportent pas de test d’interaction. Van Rooij et al. (2001) suggèrent ainsi l’existence d’une interaction entre GST et tabac dans la survenue d’une fente orale, en montrant un effet conjoint suffisamment élevé de la délétion du gène GSTT1 de l’enfant et/ou de la mère, à l’état homozygote, et du statut fumeur de la mère (pour être supérieur au produit des effets propres du polymorphisme ou du statut fumeur). Aucune interaction n’est suggérée entre la consommation maternelle de tabac et le gène du CYP1A1 porté par l’enfant ou la mère (van Rooij et al. 2001), et le gène NAT2 (van Rooij et al. 2002).
Van Rooij et al. (2003b) concluent à l’existence possible d’une interaction entre l’apport en acide folique de la mère pendant la grossesse (via les multivitamines ou l’alimentation) et le gène MTHFR de la mère, en montrant des risques élevés de FL/P parmi les mères ayant un faible apport en folates et un statut homozygote pour le variant des deux polymorphismes C677T et A1298C du gène MTHFR.
. 6.Norvège Les études norvégiennes exploitent des données de 1996 à 1998 par un schéma d’étude cas-parents. Ces données sont issues d’une étude cas-témoins plus large, mise en place en Norvège de 1996 à 2001, actuellement en cours d’analyse (http://dir.niehs.nih.gov/direb/
studies/ncl/home.htm). Les familles des enfants-cas ont été recrutées à partir des deux centres de traitement de fentes orales en Norvège. Les mères ont répondu à un auto-questionnaire sur la période des trois mois suivant la naissance. Un total de 74% des familles éligibles a fourni un prélèvement sanguin de l’enfant (collecté au moment de la chirurgie initiale) et des parents (à l’hôpital). Les deux études norvégiennes ne montrent pas d’interaction entre la consommation maternelle de tabac ou d’alcool et les gènes TGFα ou MTHFR sur le risque de FL/P et de FP (Jugessur et al. 2003b, 2003c). Les auteurs rapportent un risque relatif de FP associé à l’allèle T du polymorphisme MTHFR C677T (comparé au génotype CC) significativement supérieur parmi les mères supplémentées en multivitamines, comparé aux mères non supplémentées. Ce résultat est inattendu puisqu’il est généralement admis que l’allèle T du gène MTHFR est impliqué dans une activité réduite du métabolisme des folates, induisant un état similaire à un faible apport en folates. Cependant les auteurs notent que l’approche cas-parents proposé ne permet pas de distinguer si le risque est réduit par l’acide folique parmi les enfants sans l’allèle T, ou si l’acide folique produit un accroissement du risque parmi les enfants possédant l’allèle T (Jugessur et al. 2003b). Les auteurs observent un risque relatif de FP associé à l’homozygotie pour le variant du TGFα (comparé au génotype homozygote sauvage) supérieur et non significatif parmi les mères non supplémentées en multivitamines, comparé aux mères supplémentées. Enfin, aucune indication d’interaction entre l’apport en multivitamines et les gènes TGFα ou MTHFR (pour les deux polymorphismes C677T et A1298C) n’est rapportée sur le risque de FL/P.
. 7.Conclusion La consommation maternelle de tabac est fortement suspectée de jouer un rôle dans la survenue d’une fente orale. De nombreux auteurs ont ainsi choisi d’explorer comment l’activité d’un gène impliqué dans le développement de la face est susceptible d’être modulée par ce facteur environnemental. Les premières études examinant le gène du TGFα en relation avec le risque de fentes orales suggèrent que la consommation maternelle de tabac modifie l’effet du gène. Cependant les études les plus récentes ne reproduisent pas ce résultat. Une méta-analyse des cinq études cas-témoins rapporte que l’existence d’une interaction entre le génotype de l’enfant du polymorphisme TaqI du gène TGFα et la consommation maternelle de tabac ne peut être suggérée que pour le groupe des FP (Zeiger et al. 2005). L’ensemble des études s’intéressant à l’interaction entre la consommation maternelle de tabac et un gène candidat dans la survenue d’une fente orale est répertorié dans le Tableau 9. Tableau 9: Résumé des résultats des études s'intéressant à la consommation maternelle de tabac en interaction avec un gène candidat Gène
candidat
| Auteur
| Schéma d’étude
| Suggestion d’une interaction* ?
| Gènes du développement
| TGFα
| Hwang et al.1995
Shaw et al. 1996b
Beaty et al. 1997
Maestri et al. 1997
Romitti et al. 1999
Christensen et al. 1999b
Beaty et al. 2002
Jugessur et al. 2003c
| Cas-témoins
Cas-témoins
Cas-témoins
TDT
Cas-témoins
Cas-témoins
TDT
Triades
| + (FP)
+
-
+
-
-
-
-
| TGFβ3
| Maestri et al. 1997
Romitti et al. 1999
Mitchell et al. 2001
Beaty et al. 2002
| TDT
Cas-témoins
Cas-témoins
TDT
| +
+ (FL/P)
-
-
| MSX1
| Romitti et al. 1999
Mitchell et al. 2001
Beaty et al. 2002
| Cas-témoins
Cas-témoins
TDT
| + (FP)
-
+
| Gènes de métabolisme de xénobiotiques toxiques
| GST
| van Rooij et al. 2001
Lammer et al. 2005
| Cas-témoins
Cas-témoins
| +
+ (FL/P)
| NAT
| van Rooij et al. 2002
Lammer et al. 2004a
| Cas-témoins
Cas-témoins
| -
+ (FL/P)
| TDT : Test de Déséquilibre de Transmission ; Triades : schéma d’étude cas-parents avec analyse « pseudo-sibs » ou « cas-parents »
+ : oui ; - : non
* Interaction sous l’échelle multiplicative
|
Peu d’études rapportent l’existence d’une interaction entre la consommation maternelle d’alcool pendant la grossesse et un gène candidat dans l’étiologie des fentes orales. Enfin, la majorité des études présentées dans le Tableau 10 examinant l’association entre la prise de multivitamines (contenant de l’acide folique) par les mères et le risque de fentes orales suggèrent l’existence d’une susceptibilité génétique individuelle (de l’enfant ou de la mère) par le gène du TGFα (Shaw et al. 1998b, Jugessur et al. 2003c) ou par le gène MTHFR (Shaw et al. 1998a, van Rooij et al. 2003b, Jugessur et al. 2003b).
Tableau 10 : Etudes épidémiologiques d’interaction gène-environnement dans l’étiologie des fentes orales
Référence
| Facteur environnemental
| Gène candidat
| Sujets disponibles pour l’interaction
| Résultats :
Test d’interaction*
et Force de l’effet conjoint**
|
MARYLAND
| (1984-1992)
Hwang et al. 1995
| Tabac maternel
| TGFα de l’enfant
(TaqI)
| 113 FL/P
69 FP
281 témoins
| Pas de test d’interaction
FP : OR++ pour allèle variant et tabac = 7.0[1.8-28]
| (1992-1996)
Beaty et al. 1997
| Tabac maternel
| TGFα de l’enfant
(TaqI)
| 75 FL/P
46 FP
86 témoins
| p interaction ns
(25% de puissance pour détecter la même interaction que Hwang et al. 1995)
| (1992-1996)
Maestri et al. 1997
| Tabac maternel
| TGFα
TGFβ3
BCL3 (4 marqueurs)
RARA
F13A
| 160 trios cas-parents
| p interaction (ou hétérogénéité de transmission)
= 0.06 pour TGFα et Tabac
= 0.04 pour TGFβ3 et Tabac
| (1992-1998)
Beaty et al. 2002
| Tabac maternel
|
TGFα
TGFβ3
MSX1
BCL3
|
-130 trios cas-parents
-198 trios cas-parents
-166 trios cas-parents
-207 trios cas-parents
| p interaction (ou hétérogénéité de transmission)
= ns
= ns
= 0.03
= ns
| (non précisés)
Fallin et al. 2003
| Tabac maternel
| MSX1
(5 haplotypes)
| (analyse cas-seuls)
141 FL/P
63 FP
| p interaction Haplotype et Tabac < 0.05 pour l’ensemble haplotypes étudiés de MSX1
|
IOWA (1987-1994)
| Romitti et al. 1999
| Tabac maternel
Alcool maternel
| TGFα
TGFβ3
(3 marqueurs)
MSX1
(4 marqueurs)
| Selon marqueurs :
de 90 à 118 FL/P
de 39 à 51 FP
de 166 à 338 témoins
| p interaction <0.05
pour FL/P : TGFβ3 et Tabac : MSX1 et alcool
pour FP : TGFβ3 et Tabac ; MSX1 et Tabac
|
[Suite Tableau 10 : Etudes épidémiologiques d’interaction gène-environnement dans l’étiologie des fentes orales]
Référence
| Facteur environnemental
| Gène candidat
| Sujets disponibles pour l’interaction
| Résultats :
Test d’interaction*
et Force de l’effet conjoint**
|
CALIFORNIE (1987-1989)
| Shaw et al. 1996b
| Tabac maternel
(mères fumant + de 20 cigarettes/jour)
| TGFα de l’enfant
(TaqI)
| 191 FL/P isolées
87 FP isolées
379 témoins
| p interaction = ns
FL/P : OR++ pour allèle variant et tabac (+20cig./j.) = 6.1[1.1-37]
FP : OR++ pour allèle variant et tabac (+20cig./j.) = 9.0 [1.4-62]
| Shaw et al. 1998b
| Multivitamines
| TGFα de l’enfant (TaqI)
| 255 FL/P isolées
106 FP isolées
557 témoins
| p interaction = ns
FL/P : OR++ pour allèle variant et non supplément. = 3.0 [1.4-6.6]
FP : OR++ pour allèle variant et non supplément. = 2.6 [1.0-7.7]
| Shaw et al. 1998a
Wyszynski et Diehl 2000
| Multivitamines contenant acide folique
| MTHFR de l’enfant
(C677T)
| 310 FL/P
383 témoins
| p interaction = ns
OR++ pour TT et non supplément.
| Shaw et al. 1999c
| Multivitamines contenant acide folique
| MTHFR de l’enfant
(C677T)
| 117 FP
383 témoins
| Pas de test d’interaction
Aucun effet conjoint suggéré
| Shaw et al. 2003c
| Multivitamines contenant acide folique
| RFC1 de l’enfant
(A80G)
| 300 FL/P
120 FP
362 témoins
| Pas de test d’interaction
Aucun effet conjoint suggéré
| Shaw et al. 2003a
| 74 groupes chimiques d’exposition professionnelle de la mère
| GSTM1
GSTT1
NAT1
NAT2
| Non précisés
| Pas de test d’interaction
Quelques effets conjoints élevés et significatifs, en particulier pour le groupe des FP
| Lammer et al. 2004b
| Multivitamines contenant acide folique
| NAT1(1088) NAT1(1095)
| - 298 FL/P ; 123 FP ; 298 témoins
- 279 FL/P ; 112 FP ; 281 témoins
| p interaction = ns
pour FL/P : OR++ pour NAT1 homozygote (1095) et non supplément
| Lammer et al. 2004a
| Tabac maternel
| NAT1(1088) NAT1(1095) NAT2 (2 phénotypes : s/r)
| - 303 FL/P ; 282 témoins
- 283 FL/P ; 299 témoins
- 297 FL/P ; 123 FP ;
288 témoins
| p interaction = ns
pour FL/P :
OR++ pour NAT1 (1088) homozygote et Tabac
OR++ pour NAT1 (1095) homozygote et Tabac
| Lammer et al. 2005
| Tabac maternel
| GSTM1
GSTT1
| 297 FL/P
125 FP
294 témoins
| Pas de test d’interaction
pour FL/P : OR++ pour délétion GSTT1(enfant) et Tabac
|
[Suite Tableau 10: Etudes épidémiologiques d'interaction gène-environnement dans l'étiologie des fentes orales]
Référence
| Facteur environnemental
| Gène candidat
| Sujets disponibles pour l’interaction
| Résultats :
Test d’interaction*
et Force de l’effet conjoint**
|
DANEMARK (1991-1994)
| Christensen et al. 1999b
| Tabac maternel
| TGFα de l’enfant
(TaqI)
| 188 FL/P
64 FP
444 témoins
| p interaction = ns
| Mitchell et al. 2001
| Tabac maternel
Alcool maternel
| TGFβ3 (2 marqueurs)
MSX1 (2 marqueurs)
| Non précisés
| p interaction = ns
| Mitchell et al. 2003
| Multivitamines contenant vitamine A
Consommation de foie
| RARA
| 109 FL/P
272 témoins
| p interaction additive = ns
|
PAYS-BAS (1998-2000)
| van Rooij et al. 2001
| Tabac maternel
| CYP1A1
GSTT1
Chez l’enfant et la mère
| Selon marqueurs
(enfants et mères) :
de 93 à 100 cas
de 84 à 89 témoins
| Pas de test d’interaction
OR ++ pour délétion GSTT1 (enfant et/ou mère) et Tabac
| van Rooij et al. 2002
| Tabac maternel
Médicaments
| NAT2
| 45 cas
72 témoins
| Pas de test d’interaction
Aucun effet conjoint suggéré
| van Rooij et al. 2003b
| Multivitamines contenant acide folique
Folate alimentaire
| MTHFR
(C677T)
(A1298C)
Chez l’enfant et la mère
| Selon marqueurs
(enfants et mères) :
de 86 à 137 FL/P
de 110 à 164 témoins
| Pas de test d’interaction
OR ++ et significatifs :
pour 677TT maternel et non supplément. et/ou folate alim. faible
pour 1298CC maternel et non supplément. et folate alim. faible
|
NORVEGE (1996-1998)
| Jugessur et al. 2003b
| Multivitamines contenant acide folique
| MTHFR
(C677T)
(A1298C)
Chez l’enfant et la mère
| 173 trios cas-parents FL/P
88 trios FP
| Pour FP : p interaction = 0.03
avec RR(T fœtal et supplément.)
> RR(T fœtal et non supplément.)
| Jugessur et al. 2003c
| Tabac maternel
Alcool maternel
Multivitamines contenant acide folique
| TGFα
(TaqI)
| 173 trios FL/P
88 trios FP
| p interaction = ns
pour FP: RR ++ pour enfant TGFα-homozygote et non supplément.
| ns : non statistiquement significatif
* : Test d’interaction sous l’échelle multiplicative par défaut
** OR ++ : OR de l’effet conjoint positif et supérieur au produit des OR des effets propres du gène et du facteur environnemental
RR ++ : RR positif et supérieur au RR de l’effet génétique sur l’autre strate du facteur environnemental
|
.DBilan Les études recherchant des facteurs environnementaux ou des facteurs génétiques dans l’étiologie des fentes orales sont nombreuses et une grande diversité de population est impliquée dans ces études. En revanche, encore peu de populations disposent de données suffisantes pour l’étude d’interaction entre ces facteurs. De façon générale, les études évaluant une interaction gène-environnement dans l’étiologie des fentes orales manquent de concordance dans les résultats et de puissance statistique pour pouvoir dresser des conclusions définitives. Les associations sont modestes, parfois inconstantes et les résultats observés sont seulement suggestifs. La majorité des études cas-témoins d’interaction gène-environnement suit un protocole d’étude lourd, et les populations concernées sont déjà bien étudiées. Ces études rapportent généralement un triplet de résultats : l’association entre le risque de fentes orales et le facteur environnemental, le gène et l’interaction gène-environnement. De façon équivalente aux mesures d’association avec un facteur environnemental, l’estimation et l’interprétation d’une interaction gène-environnement sont sensibles et fragilisées par des erreurs de classement de l’exposition, la présence d’expositions multiples, ou une période d’exposition mal définie. Dans certaines études et de façon identique aux études d’association génétique, plusieurs marqueurs d’un même gène sont utilisés pour l’étude d’une interaction gène-environnement, mais tous ne rapportent pas le même résultat. Certains auteurs expliquent cette observation par des degrés de déséquilibre de liaison différents entre les marqueurs et le vrai locus de la maladie, et/ou entre les populations. Cependant, les connaissances actuelles sur ces variabilités sont encore très limitées. Deux schémas d’étude, cas-témoins et triades (ou cas-parents), sont utilisés selon la disponibilité des sujets et de leurs informations. Certains auteurs ne rapportent pas de test statistique d’interaction, et suggèrent la présence d’une interaction en observant une hétérogénéité de l’association du facteur génétique avec le risque de fentes orales entre chaque strate du facteur environnemental (ou de façon symétrique, une hétérogénéité de l’association du facteur environnemental avec le risque de fentes orales entre chaque strate du facteur génétique). Lorsqu’un test d’interaction est rapporté, les auteurs s’appuient sur l’hypothèse de l’échelle multiplicative. Lorsqu’un résultat d’une interaction gène-environnement est suggéré dans l’étiologie des fentes orales, les hypothèses de plausibilité biologique sont établies à partir de résultats issus d’expérimentation animale ou de connaissances biochimiques et moléculaires chez l’homme adulte. Peu de connaissances sont actuellement disponibles pour discuter de l’activité et l’expression embryonnaires précoces des gènes étudiés chez l’humain. Enfin, quelques études, parmi les plus récentes, suspectent un rôle des gènes de la mère sur l’environnement in utero du fœtus, en interaction ou non avec des expositions maternelles ; il s’agit de gènes impliqués dans le transport ou le métabolisme de facteurs environnementaux. 3
|