Les génotypes MTHFR C677T de l’enfant et de la mère, l’apport maternel en folates et le risque de fentes orales non syndromiques
La nutrition maternelle pendant la grossesse a longtemps été suspectée de jouer un rôle critique dans l’étiologie des fentes orales non syndromiques. Bien qu’il soit à ce jour bien établi que l’apport maternel en folates ait un rôle spécifique dans la prévention des anomalies du tube neural (ATN) (MRC Vitamin Study Research Group 1991, Czeizel et Dudas 1992, Berry et al. 1999), ce rôle dans l’étiologie des fentes orales est incertain (revue des études épidémiologiques dans la partie [Introduction générale] L’étiologie complexe des fentes orales section .A. 3.). Les mécanismes d’action de l’acide folique dans la prévention des ATN (ou des fentes orales s’ils existent), sont inconnus. Le gène méthylènetétrahydrofolate réductase (MTHFR) joue un rôle majeur dans le métabolisme des folates. Il réduit le 5,10-méthylène THF (dérivé des folates), de manière irréversible, en 5-méthyl THF, qui cède son groupe méthyle pour la synthèse de l’homocystéine en méthionine (par la méthionine synthase, enzyme dépendante de la vitamine B12). L’homocystéine, située à un carrefour métabolique, peut également être transsulfurée en cystéine via la cystathionine, ceci sous la dépendance d’enzymes B6 dépendantes. Notre étude s’intéresse au polymorphisme fonctionnel C677T du gène MTHFR, commun dans la population caucasienne (Wilcken et al. 2003). La mutation résulte en une substitution de l’acide aminé alanine (C) en valine (T), et produit une forme caractérisée par une activité réduite à forte température, appelée « thermolabile ». L’association entre le polymorphisme MTHFR C677T et le risque d’ATN est bien documentée : le génotype TT, homozygote pour le variant, est établi comme un facteur de risque modéré des ATN dans de nombreuses populations (Botto et Yang 2000). Certaines études suggèrent que le statut nutritionnel de la mère modifie cette association (Christensen et al. 1999). Les études testant l’association du polymorphisme MTHFR C677T avec le risque de fentes orales fournissent des résultats conflictuels (Gaspar et al. 1999, Shotelersuk et al. 2003, Vieira et al. 2005, revue pour les populations caucasiennes dans la partie [Introduction générale] L’étiologie complexe des fentes orales section .B. 2...v.). Aucune association avec le risque de fentes orales n’est rapportée en Norvège (FL/P), en Californie, à Maryland, ou au Brésil. Des études récentes aux Pays-Bas, en Italie, en Irlande et Norvège (pour les FP), suggèrent un risque augmenté pour les sujets porteurs de l’allèle T. Généralement, le mécanisme pathogène proposé associe l’activité réduite de l’enzyme issue du génotype TT avec un niveau d’homocystéine accrue, qui est considérée tératogène dans certaines expérimentations animales (Rosenquist et Finnell 2001), ou avec un état d’hypométhylation, critique au déroulement d’un développement normal (Botto et Yang 2000, van Rooij et al. 2003). Cette étude utilise deux schémas d’étude, cas-témoins et cas-parents, pour examiner l’association du polymorphisme MTHFR C677T avec le risque de fentes orales non syndromiques. L’apport en folates de la mère est évalué à partir des sources alimentaire et vitaminique, pour mesurer les effets potentiels d’interaction entre cet apport et les génotypes de l’enfant et de la mère. Dans cette étude, nous distinguons les deux groupes de fentes orales : les FL/P et les FP.
.AMatériel et Méthodes Cette étude s’appuie sur les données d’une étude épidémiologique cas-témoins multicentrique (n=164 FL/P, n=76 FP, n=236 témoins) réalisée en France entre 1998 et 2001 (décrite dans la partie [Matériel & Méthodes] Population). Cette étude intègre un schéma d’étude cas-parents (126 triades FL/P et 17 diades FL/P ; 50 triades FP et 6 diades FP).
. 1.Définition des apports maternels en folates L’élaboration du questionnaire alimentaire s’appuie sur un travail précédemment validé et spécifiquement ciblé sur la mesure de l’apport en folates (Frelut et al. 1995). Les questions portent sur l’alimentation habituelle des mères, en considérant qu’elle est équivalente à l’alimentation en période préconceptionnelle et en début de grossesse. Elles portent sur un nombre sélectionné de groupes d’aliments connus pour leur concentration importante en folates (céréales au petit déjeuner, légumes verts, foie, etc.). Le niveau de l’apport est calculé à partir de la concentration en folates (en μg) et de la fréquence quotidienne de consommation pour chaque aliment (Favier et al. 1995). La variabilité de la définition de l’utilisation maternelle de multivitamines (contenant de l’acide folique) des études du risque de fentes orales non syndromiques (Shaw et al. 2003, van Rooij et al. 2003), nous conduit à proposer deux définitions : la première définit une mère « utilisatrice de multivitamines » si elle a été supplémentée (ou a commencé la prise de multivitamines) durant la période allant du mois préconceptionnel au premier trimestre. La seconde définition est plus restrictive et définit une « utilisatrice de multivitamines » si elle utilise des multivitamines à la fois sur la période préconceptionnelle et au premier trimestre. Ainsi, pour cette seconde définition, une mère est considérée comme « non utilisatrice » si elle commence les suppléments à partir du premier trimestre. La combinaison des deux sources d’apport en folates par la construction d’une mesure commune, DFE (Dietary Folate Equivalent), n’est pas envisageable dans notre étude puisque les informations de la posologie et de la dose réelle ingérée des multivitamines par les mères sont trop imprécises.
. 2.Analyse statistique ..i.Comparaison cas-témoins Des tests statistiques classiques de comparaison de deux groupes (test du Khi-deux, T-test d’égalité des moyennes) et une régression logistique, ont été utilisés. Les estimations des effets du génotype MTHFR C677T et de l’interaction génotype-apport en folates sont ajustées sur le centre (Lyon-Grenoble, Paris, Clermont-Ferrand), l’âge maternel en classes (≤ 30, 30-35, >35 ans), et l’origine ethnique de la mère (Afrique subsaharienne, afrique du Nord, Europe, Autres). Puisque seulement 59 génotypes de mères de témoins sont disponibles, les effets du génotype maternel sur le risque de fentes orales ne sont pas évalués par l’approche cas-témoins.
..ii.Analyse des triades De façon complémentaire, l’association entre le polymorphisme MTHFR C677T et le risque de fentes orales ainsi que les interactions gène-environnement, sont évalués par l’approche cas-parents. Nous optons pour le modèle log-linéaire proposé par Weinberg et al. (1998, 1999a, avec 40 itérations de l’algorithme) et décrit précédemment (partie [Introduction générale] Etat de l’art des méthodes statistiques d’évaluation d’une interaction gène-environnement, sections .B. 2...ii...b et .B. 2...ii...d). Pour l’étude d’interaction gène-environnement (Umbach et Weinberg 2000), nous considérons les facteurs environnementaux dichotomiques suivants : mère utilisatrice de multivitamines contenant de l’acide folique selon les deux périodes d’intérêt définies plus-haut (oui/non), l’apport alimentaire en folates de la mère (niveau « moyen-fort » ou « faible » pour, respectivement, un niveau supérieur ou inférieur au premier tertile calculé sur le groupe témoin). Nous examinons la présence d’un possible mécanisme d’empreintes parentales du polymorphisme MTHFR C677T sur le risque de fentes orales, par le test « PO-LRT » (Weinberg 1999b, décrit dans la partie [Introduction générale] Etat de l’art des méthodes statistiques d’évaluation d’une interaction gène-environnement, section .E). Ces méthodes sont implémentées avec le logiciel SAS (SAS Institute Inc., SAS/STAT® Version 8, Cary, NC, USA).
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