Rôle d’un polymorphisme du gène ADH1C en interaction avec la consommation maternelle d’alcool sur le risque de fentes orales non syndromiques
De nombreuses études épidémiologiques ont évalué l’association entre la consommation maternelle d’alcool et le risque de fentes orales non syndromiques et rapportent des résultats variables (cf partie [Introduction générale] L’étiologie complexe des fentes orales, section .A. 5.). D’autres ont examiné l’existence potentielle de susceptibilité génétique de l’enfant dans cette association (cf partie [Introduction générale] L’étiologie complexe des fentes orales, section .C). Les gènes candidats de ces études d’interaction gène-environnement sont des gènes connus pour être impliqués dans le développement embryonnaire chez l’homme ou l’animal, tels que TGFα, TGFβ3 et MSX1 (Romitti et al. 1999, Mitchell et al. 2001, Jugessur et al. 2003). L’hypothèse d’étude est alors une possible altération de l’activité de ces gènes en présence de la consommation maternelle d’alcool. Cette recherche vise à clarifier les mécanismes plausibles d’action liés à la consommation maternelle d’alcool sur la survenue d’une fente orale. Nous faisons alors l’hypothèse qu’un gène impliqué dans le métabolisme de l’alcool doit modifier l’association entre l’exposition à l’alcool du fœtus et son risque d’être atteint d’une fente orale. Le métabolisme de l’éthanol se réalise en deux étapes d’oxydation : la première transforme l’éthanol en acétaldéhyde (selon plusieurs voies enzymatiques), puis la seconde l’acétaldéhyde en acétate (par l’aldéhyde déshydrogénase ALDH) (Bosron et Li 1986). Les deux systèmes majeurs et les mieux établis, impliqués dans l’oxydation de l’éthanol en acétaldéhyde, incluent la famille de gènes codant pour l’alcool déshydrogénase (famille de gènes ADH) et le système microsomal d’oxydation de l’éthanol (MEOS) faisant intervenir le gène du cytochrome P450-IIE1. La voie de l’ADH est prépondérante. La famille des gènes ADH est aussi connue pour être impliquée dans le métabolisme d’autres alcools : tels que le méthanol, certains éthers de glycol, le rétinol (Expertise Collective Inserm 1999, Crabb et al. 2004). Parmi les loci de la famille des gènes humains ADH, deux sont polymorphiques et appartiennent à la classe I de la famille, il s’agit de ADH1B et ADH1C. Trois allèles codant pour des enzymes à propriétés cinétiques différentes, ont été identifiés pour chacun des deux gènes, la fréquence des différents allèles variant entre les populations. Ces informations sont présentées dans le Tableau 21.
Tableau 21: Propriétés des formes polymorphiques des gènes humains ADH1B et ADH1C
| Propriétés enzymatiques*
| Distribution par population (en %)**
| Allèle
| Sous-unité
| Km pour l’éthanol
(mM)
| Vmax
(/min)
| Européens Blancs
| Américains Blancs
| Américains noirs
| Japonais
| ADH1B*1
| β1
| 0.05
| 9
| 85
| >95
| 85
| 15
| ADH1B*2
| β2
| 0.9
| 400
| 15
| <5
| <5
| 85
| ADH1B*3
| β3
| 34
| 300
| <5
| <5
| 15
| <5
| ADH1C*1
| γ1
| 1.0
| 87
| 60
| 50
| 85
| 95
| ADH1C*2
| γ2
| 0.63
| 35
| 40
| 50
| 15
| 5
| ADH1C*3†
| γ3
| -
| -
| -
| -
| -
| -
| Km : constante cinétique de Mickaelis (homodimères des sous-unités) ; Vmax : vitesse maximale
* Source : Crabb et al. (2004)
**Source: Bosron et Li (1989)
† Le troisième allèle de l’ADH1C a été découvert récemment par Osier et al. (2002), les propriétés enzymatiques associées ne sont pas encore connues
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Notre étude cible sur le gène ADH1C (OMIM*103730), polymorphique dans la population européenne (Tableau 21) et française (Coutelle et al. 1998). Les deux produits enzymatiques gamma1 et gamma2, issus du locus ADH1C, se différencient par un polymorphisme découvert par Hoog et al. (1986). Ce dernier est caractérisé par la substitution de l’isoleucine (allèle ADH1C*1) par la valine (allèle ADH1C*2) à la position 349. Les deux enzymes ont une affinité pour l’éthanol similaire et forte (un Km bas). En revanche, l’enzyme gamma2 oxyde l’éthanol moins vite que l’enzyme gamma1. Il n’existe pas de mode connu de transmission du gène. Les génotypes sont notés ADH1C*1/*1 pour le statut homozygote-sauvage, ADH1C*1/*2 pour l’hétérozygotie, et ADH1C*2/*2 pour le statut homozygote pour la mutation. L’objectif de cette étude est d’évaluer les associations entre la consommation maternelle d’alcool et le polymorphisme Ile349Val de l’ADH1C, et le risque de fentes orales non syndromiques. Des interactions potentielles entre l’apport en alcool et le polymorphisme ADH1C sont testées.
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