Stratégie d’analyse
La stratégie d’analyse statistique de ce projet de recherche se compose de trois étapes : (1) Recherche de facteurs de risque environnementaux La mesure de l’association entre une exposition à un facteur environnemental et le risque de fentes orales ne peut être évaluée uniquement dans le cadre du schéma d’étude cas-témoins. En effet, l’approche cas-parents dispose d’un groupe de témoins qui est construit de façon à apparier les témoins aux cas sur l’ensemble des facteurs, excepté le gène d’intérêt. Les aspects méthodologiques d’évaluation d’une association avec un facteur environnemental ne sont pas présentés dans ce projet. Nous utilisons ici les méthodes traditionnelles des études cas-témoins, classiques et performantes, via la régression logistique (Bouyer et al. 1993). Nous n’aborderons pas les aspects méthodologiques visant à améliorer ces inférences (par exemple par une correction d’erreurs potentielles de mesure, une stratégie d’appariement plus élaborée ou une prise en compte de corrélation). (2) Evaluation de l’association avec le facteur génétique et (3) Recherche des interactions gène-environnement L’association entre un gène et le risque de fentes orales et l’évaluation d’une interaction gène-environnement sont évaluées par les deux schémas d’étude cas-témoins et cas-parents, lorsque les effectifs disponibles sont suffisants. Pour l’approche cas-parents, nous privilégions les modèles log-linéaires de C.Weinberg et son équipe présentés dans la partie précédente [Introduction générale]Etat de l’art des méthodes statistiques d’évaluation d’une interaction gène-environnement, sections .B. 2...ii...b et .C. 2...i., qui permettent de différencier les effets directs du génotype de l’enfant, des effets « indirects » du génotype de la mère, dans la survenue d’une fente orale, quel que soit le facteur environnemental. 3
Description de la population
Le Tableau 20 présente une première description socio-démographique des populations FL/P et FP et des témoins. Les distributions des expositions à des facteurs de risque potentiels seront présentées de façon complémentaire dans chaque application du projet (partie suivante [Résultats]).
.ADescription des populations de cas non syndromiques et de témoins En accord avec la stratégie d’appariement, les distributions des populations cas et témoins sont similaires pour le centre de recrutement et l’origine géographique de la mère. La majorité des mères (84%) est d’origine européenne. L’âge des enfants-témoins est légèrement inférieur à celui des enfants-cas, en raison du recours aux maternités parisiennes pour le recrutement des témoins. L’âge moyen des mères est de 29.5 années pour les deux groupes de population. Le niveau scolaire des mères d’enfants cas (ou la catégorie socioprofessionnelle des mères) est plus faible que celui des mères d’enfants-témoins. Cette association a déjà été observée dans plusieurs études précédentes (Cordier et al. 1997, Clark et al. 2003). Près de la moitié des mères d’enfants-témoins réside dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, tandis qu’une proportion de 26% est observée parmi les mères d’enfants-cas. Enfin, près de 10% des familles d’enfant-cas connaissent un antécédent de fente orale parmi les frères et sœurs de l’enfant atteint ou ses parents ou ses grands-parents. Cette proportion élevée d’antécédents parmi le groupe des cas est attendue et concordante avec l’histoire familiale identifiée comme facteur de risque des fentes orales.
Tableau 20: Description des populations cas non syndromiques et témoins (France, 1998-2001)
| FL/P
n=164
| FP
n=76
| Témoins
n=236
|
| n
| %
| n
| %
| n
| %
| Centres
|
|
|
|
|
|
| Lyon, Grenoble
| 90
| 54.9
| 50
| 65.8
| 126
| 53.4
| Paris
| 56
| 34.1
| 16
| 21.1
| 80
| 33.9
| Clermont-Ferrand
| 18
| 11.0
| 10
| 13.2
| 30
| 12.7
| Sexe de l’enfant
|
|
|
|
|
|
| Fille
| 50
| 30.5
| 38
| 50.0
| 98
| 41.5
| Garçon
| 114
| 69.5
| 38
| 50.0
| 138
| 58.5
| Age de l’enfant à l’interview (en mois)
| Moyenne (écart-type de la moyenne)
| 5.2
| (0.2)
| 7.9
| (0.4)
| 4.7
| (0.3)
| Médiane
| 5.2
|
| 7.5
|
| 4.1
|
| Min
| 2
|
| 3
|
| 0
|
| Max
| 18
|
| 15
|
| 19
|
| Origine géographique de la mère
| Afrique subsaharienne
| 5
| 3.0
| 2
| 2.6
| 7
| 3.0
| Afrique du Nord
| 12
| 7.3
| 6
| 7.9
| 17
| 7.2
| Europe
| 136
| 82.9
| 64
| 84.2
| 200
| 84.7
| Autres
| 11
| 6.7
| 4
| 5.3
| 12
| 5.1
| Age de la mère à la naissance de l’enfant
|
|
|
|
|
|
| Moyenne (écart-type de la moyenne)
| 29.6
| (0.4)
| 29.1
| (0.5)
| 29.7
| (0.3)
| Lieu de résidence
| Communes de moins de 5 000 habitants
| 58
| 35.4
| 28
| 36.8
| 59
| 25.0
| Communes entre 5 000 et 50 000 habitants
| 65
| 39.6
| 27
| 35.5
| 66
| 28.0
| Communes de plus de 50 000 habitants
| 41
| 25.0
| 21
| 27.6
| 111
| 47.0
| Niveau d’étude de la mère
| Primaire/Secondaire
| 45
| 27.4
| 19
| 25.3
| 45
| 19.2
| Formation technique
| 59
| 36.0
| 29
| 38.7
| 57
| 24.4
| Supérieur au baccalauréat/Universitaire
| 60
| 36.6
| 27
| 36.0
| 132
| 56.4
| Manquant
| 0
| -
| 1
| -
| 2
| -
| Catégorie socio-professionnelle de la mère en début de grossesse
| Profession scientifique, technique, libérale et assimilé
| 31
| 26.7
| 17
| 29.8
| 67
| 35.8
| Direction, cadre, administratif supérieur
| 2
| 1.7
| 0
| 0
| 3
| 1.6
| Personnel administratif et assimilé
| 28
| 24.1
| 16
| 28.1
| 66
| 35.3
| Personnel commercial, vendeur
| 10
| 8.6
| 3
| 5.3
| 12
| 6.4
| Services
| 25
| 21.6
| 16
| 28.1
| 32
| 17.1
| Agriculteur, éleveur, forestier, pécheur, chasseur
| 4
| 3.4
| 0
| 0
| 2
| 1.1
| Ouvriers et manœuvres non agricoles, Transport
| 16
| 13.8
| 5
| 8.8
| 5
| 2.7
| Sans emploi, étudiant
| 34
| -
| 16
| -
| 15
| -
| Manquant
| 14
| -
| 3
| -
| 34
| -
| Antécédents familiaux de fentes orales (parmi la fratrie, parents, grand-parents)
| Oui
| 14
| 8.5
| 9
| 11.8
| -
|
|
|
| n : effectif ; % : pourcentage
|
|
.BDiscussion des biais potentiels de l’enquête épidémiologique La discussion des biais potentiels d’une enquête épidémiologique est incontournable. Dans le cadre d’une étude cas-témoins par recrutement hospitalier, différentes sources de variabilité et d’erreur peuvent influer sur la mesure d’une association entre une exposition à un facteur environnemental ou un facteur génétique et le risque de fentes orales.
. 1.Biais de sélection Les biais de sélection interviennent lors de la constitution de l’échantillon d’enquête, l’existence et l’ampleur de ces biais dépendent du processus de choix des cas et de témoins. Lorsque l’on s’intéresse à une mesure d’association (ou de lien, et non de risque) dans une étude cas-témoins, la situation idéale pour éviter les biais de sélection est de privilégier la comparabilité des groupes cas et témoins, excepté sur le facteur d’intérêt, plutôt que de favoriser la représentativité des groupes par rapport à la population-cible. En pratique, la sélection des sujets doit être menée indépendamment du (ou des) facteur(s) d’intérêt. Un exemple simple : la sélection des sujets, cas ou témoins, dépend de la disponibilité pratique des enquêteurs et des lieux d’interviews. Selon les conditions d’enquête, une telle sélection est généralement assimilée à un tirage au sort et ne génère pas de biais.
..i.Le recrutement hospitalier L’inclusion des sujets par recrutement hospitalier dépend de la probabilité d’admission des sujets dans les services participants, probabilité qui résulte d’un grand nombre de paramètres liés au service (spécialisation, disponibilité…) ou liés aux malades (gravité de la maladie, lieu de résidence, catégorie socioprofessionnelle…). Cette situation peut conduire à une sélection d’une sous-population des cas, et sans un choix approprié du groupe de témoins, introduire des biais de sélection. Dans notre étude, les enfants-cas ont été recrutés lors de la chirurgie initiale traitant la fente orale. Ce choix permet d’exclure, d’une part, les cas polymalformés les plus graves (formes syndromiques), et d’autre part, les formes a minima sans nécessité de réparation chirurgicale, comme les luettes bifides, les insuffisances vélaires sans dysraphie réelle ou les encoches labiales. Nous répertorions ainsi la grande majorité des cas de fentes orales non syndromiques (95%) sans sélection de sous-groupes (Saal 2002). Un biais de sélection peut apparaître lorsque les probabilités d’admission à l’hôpital sont différentes chez les cas et les témoins (atteints d’une autre pathologie que les fentes orales) et lorsqu’elles ont un lien avec le facteur d’intérêt. Cette situation est en pratique inévitable, toutefois, le protocole prévoyait de minimiser le biais de sélection dans cette étude par un appariement des témoins sur les cas selon l’éloignement du lieu de résidence au bassin de recrutement hospitalier et sur leur origine géographique. Le recrutement hospitalier des cas réalisé dans le centre parisien sous-évalue les FP. Ce biais pourrait s’expliquer par une « orientation préférentielle » de certains actes chirurgicaux au service de chirurgie pédiatrique de l’Hôpital Trousseau. Les pathologies des témoins hospitalisés ne doivent pas être liées au facteur de risque d’intérêt (ou protecteur) ; ce lien est connu pour sous-estimer (ou sur-estimer) l’association étudiée. Ainsi, il est recommandé de diversifier les causes d’hospitalisation des témoins sélectionnés afin de ne pas être tributaire d’une seule pathologie dans le groupe de témoins et de son lien inconnu avec le facteur d’intérêt. Dans notre étude, le protocole de sélection de témoins prévoyait d’exclure les sujets atteints de malformations congénitales, de cancer, ou de maladie génétique. Puisqu’en pratique très contraignante, cette précaution a conduit, au final, à étendre le recrutement des témoins dans d’autres structures locales. Les principales causes d’hospitalisation des enfants témoins étaient les infections (appareil respiratoire, appareil urinaire,…) ou petites chirurgies (naevus, fractures…), n’ayant pas de causes communes a priori avec les fentes orales (Annexe 2).
..ii.La non-réponse Lors d’une enquête épidémiologique, il n’est pas toujours possible d’inclure l’ensemble des sujets éligibles pour différentes raisons. Dans notre enquête, il s’agit de refus de participation, de problème de maîtrise de la langue française et, plus rarement, d’absence d’interview pour des raisons très diverses (pas de rendez-vous possible avec la mère, enfant abandonné, perte du questionnaire). Pour s’assurer d’une absence de biais de sélection lié au phénomène de non-réponse, il faudrait comparer les caractéristiques des sujets inclus à celles des sujets exclus, pour lesquels ces informations ne sont pas disponibles. En pratique, nous considérons qu’un tel biais est peu probable ou peu important quantitativement (62 sujets exclus/561 sujets éligibles=11% dans notre étude), c’est-à-dire que nous supposons que l’événement de non-réponse n’est pas lié au facteur d’intérêt. Cette hypothèse est discutable en particulier lorsque les sujets exclus comprennent en majorité des individus ne maîtrisant pas la langue française, ce qui implique alors l’exclusion d’un groupe de sujets très particuliers. Le taux global de participation dans cette étude ainsi calculé (de 89%) est déformé, puisqu’un recrutement, spécifique au centre parisien, a été mis en place en cours d’enquête pour contrecarrer un manque de participation. Ce recrutement est particulier au groupe de témoins du centre parisien. Il explique alors probablement la non-comparabilité des cas et des témoins pour les facteurs reflétant le statut socio-économique des mères tels que le niveau scolaire, la catégorie socio-professionnelle, ou le lieu de résidence (qui est associé au niveau scolaire de la mère (p<0.0001 sur l’ensemble des sujets, p=0.10 sur le groupe des témoins). L’appariement des enfants-témoins avec les enfants-cas sur l’éloignement du lieu de résidence des mères au bassin de recrutement hospitalier (défini par le département) réalisé dans cette étude est de trop faible qualité pour atténuer ces différences de sélection entre les groupes des cas et des témoins. Une attention doit aussi être portée sur l’influence de l’information manquante génétique lors de la mesure d’association entre un facteur génétique et le risque de maladie : plusieurs autres processus de « non réponse » peuvent aussi induire un biais de sélection comme l’absence de prélèvement sanguin dû à un refus de consentement à fournir des données biologiques ou à une absence paternelle (ou maternelle plus rarement), et l’absence d’information du génotype, liée à des supports de prélèvement inadaptés ou à la nécessité de recourir à des techniques de génotypage plus performantes et plus coûteuses. Nous avons rencontré, dans notre étude, des difficultés techniques d’extraction d’ADN, différentes selon le statut cas ou témoin, générant des résultats indéterminés. Le support de prélèvement sanguin des témoins est, pour la majorité, différent de celui des enfants-cas et a conduit à une absence différentielle d’informations génétiques plus fréquente chez les témoins que chez les cas. Nous avons alors choisi de ne pas exploiter, dans les analyses statistiques, l’information génétique des témoins lorsqu’elle était minoritaire, ou de compléter ces informations par des techniques de génotypage plus pointues.
. 2.Biais de classement Dans une enquête cas-témoins, un biais de classement peut se produire lors de la détermination de l’exposition des sujets. Nous avons été amenés à distinguer deux types d’erreur de classement : les erreurs différentielles qui spécifient des degrés d’erreur de classement de l’exposition différents selon les groupes de cas et de témoins et engendrent un biais divergent de la mesure de l’association, et les erreurs non différentielles si les deux groupes sont sujets à autant d’erreurs de classement, qui génèrent un biais convergeant vers une absence d’association. Pour limiter ces erreurs (et de façon prioritaire les erreurs différentielles), les enquêteurs doivent être formés et conscients de leur rôle au moment de l’interview, et ne pas influencer l’attention, la mémoire et finalement les réponses au questionnaire des mères, différemment selon le statut de leur enfant cas ou témoin. Le questionnaire et les conditions de l’interview doivent être standardisés. Les évaluations a posteriori des expositions doivent s’effectuer à l’aveugle du statut cas-témoins. Plus spécifiquement liées aux erreurs non différentielles, les méthodes d’évaluation des expositions doivent être objectives et reproductibles. Ces précautions ont été adoptées dans notre étude. Puisque le génotype est invariant, la mesure d’association génétique n’est intrinsèquement pas sujette à un biais de classement. En revanche, les sources possibles d’erreur de classement sont alors liées aux erreurs de génotypage, par la reproductibilité et la fiabilité des techniques ou la connaissance du statut cas-témoins par le personnel. Pour prévenir un éventuel biais de sélection dans la mesure de l’association entre un polymorphisme génétique et le risque d’une maladie, il est fréquent d’apparier les groupes de cas et les témoins sur leurs origines géographiques (ou ethniques).
. 3.Biais de confusion Contrairement aux deux premiers biais présentés ci-dessus, le biais de confusion peut être généralement pris en compte et corrigé par les analyses statistiques, si les facteurs de confusion ont été identfiés et correctement mesurés. Un tiers facteur F est défini facteur de confusion, si la relation entre l’exposition environnementale et la maladie est différente de celle obtenue sur chaque niveau de F, ou plus littéralement, si F est lié à la fois à l’exposition et à la maladie. Les solutions de prévention de ce type de biais sont multiples et leur principe revient à mesurer l’effet de l’exposition sur la maladie « toutes choses égales par ailleurs ». Au moment de l’enquête, nous pouvons choisir d’apparier sur le facteur F. Selon les effectifs disponibles, il est possible de stratifier sur les niveaux de F, ou encore d’intégrer un ajustement sur le facteur F dans les analyses statistiques multivariées. Dans cette étude, la stratégie d’ajustement sur des facteurs potentiels de confusion est double : nous choisissons, d’une part, d’ajuster a priori toutes nos analyses cas-témoins sur l’âge de la mère. En outre un ajustement « minimal » sur les facteurs liés au phénomène de sélection, sources de confusion résiduelle (tels que le centre de recrutement et l’origine géographique de la mère) est mis en place. Puis, nous choisissons de prendre en compte l’ensemble des facteurs de risque potentiels qui modifient la valeur absolue de l’odds-ratio d’intérêt (de plus de 10% par exemple) et qui ne sont pas facteurs d’interaction. Enfin, la mesure d’une association génétique dans une étude cas-témoins est sensible à un phénomène non mesuré de confusion, la stratification génétique de population. Ce biais potentiel est défini dans la partie précédente [Introduction générale] Etat de l’art des méthodes statistiques d’évaluation d’une interaction gène-environnement, section .B. 1...iv..
Résultats
1
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