Rapporteurs : Krassimira Gecheva (Université Paris Dauphine)








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1Remettre les pendules à l’heure


Pourquoi avoir accepté cette mission sur la Finance Islamique qui nous a été confiée par Paris Europlace ? Pourquoi s’intéresser à la Finance Islamique ? Pourquoi aujourd’hui ? Pour une raison très simple : selon son attitude dans les mois qui viennent, la France peut, ou non, rater une occasion historique de renforcer significativement son poids dans le recyclage de l’épargne mondiale et donc d’améliorer la compétitivité de la Place Financière de Paris. L’enjeu est de taille.

Deux importantes remarques au préalable :

  • Ce rapport est principalement consacré à la dimension corporate de la Finance Islamique. La partie retail, dont la collecte de l’épargne des Résidents Musulmans à l’Etranger, a déjà donné lieu à de nombreux rapports officiels (du rapport Hadj Nacer – Pastré pour la Banque Mondiale en… 1991 au rapport Milhaud pour le Gouvernement français en 2007) dont nous approuvons les principales conclusions.

  • Ce rapport n’a pu être réalisé dans un délai aussi court que parce que nous avons procédé à de nombreuses auditions (Annexe 1) et parce que nous nous sommes appuyés sur les travaux existants et, notamment, ceux de la Commission « Finance Islamique » de Paris Europlace, présidée par Gilles Saint Marc (Gide Loyrette Nouet). Que celui-ci trouve ici le témoignage de notre reconnaissance pour l’aide et les précieux conseils qu’il nous a apportés.

1.1La croisée des chemins


Le monde est, en effet, en train de changer de paradigme géo-financier. Le premier coup de semonce remonte, bien évidemment, au 11 Septembre 2001. L’attentat perpétré contre les Twin Towers a contribué à remettre en cause l’asset allocation d’un certain nombre de fonds d’investissement islamiques, se contentant jusque là de placer l’écrasante majorité de leurs capitaux à New York, et en particulier en Bons du Trésor américains. Mais, plus importante encore, a été la crise dite des subprimes, qui est, en fait, une crise bien plus profonde que celle de l’immobilier à risque américain, et qui est en train de transformer profondément la physionomie de la finance mondiale. A l’occasion de cette crise, un double paradigme est en train d’être remis en cause.

Le premier de ces paradigmes concerne l’allocation de l’épargne mondiale. Jusqu’à la fin des années 1990, les choses étaient apparemment simples. La croissance mondiale était relativement limitée et les déséquilibres budgétaires et de balance des paiements relativement faibles. Au tournant du millénaire, la situation a radicalement changé, la mondialisation de l’économie commençant à faire sentir ses effets. Le « double déficit » américain (déficit budgétaire et commercial) n’a fait que se creuser, pendant que les pays émergents (et les BRIC - Brésil, Russie, Inde et Chine - en particulier) ont accumulé des réserves de change à due proportion de l’amélioration de leur compétitivité industrielle. De leur côté, les pays producteurs de matières premières ont profité de la hausse des prix de ces produits, tirés par la forte croissance mondiale, et ont, eux aussi, accumulé des réserves de change année après année. Ce double déséquilibre s’est, pendant quelques années, neutralisé, les excédents des uns (les émergents et les pays pétroliers) servant à financer le déficit des autres (principalement les Etats-Unis). Cet équilibre précaire s’est opéré grâce, en partie, à une liquidité mondiale abondante, favorisée par la croissance rapide des pays à fort taux d’épargne (notamment les BRIC).

La crise dite des subprimes remet en cause cet équilibre « sur la lame d’un rasoir ». Et ce à un double niveau. D’abord parce que cette crise fait craindre à un ralentissement durable, voire à une récession, de l’économie américaine, avec les risques que cette évolution comporte en matière de creusement du déficit budgétaire américain. Ensuite parce que cette crise, bancaire au départ, financière par la suite, ne pourra pas ne pas avoir d’impact sur l’économie réelle, en particulier sur les pays émergents dont la croissance récente a été tirée par les exportations vers les pays du Nord. Ce ralentissement de la croissance des pays émergents, qui ne disposent pas d’un marché intérieur suffisamment étoffé pour prendre le relais des exportations (ralentissement dont il est trop tôt à ce jour pour mesurer l’ampleur), se traduira par une moindre capacité de ces pays à dynamiser la croissance mondiale et à assurer l’équilibre des flux mondiaux d’épargne et d’investissement. Un nouvel équilibre financier international se devra donc d’être défini dans les années à venir.

A ce premier paradigme s’en ajoute un second. Ce deuxième paradigme, que la crise des subprimes remet en cause, est celui du business model des banques. Les grandes banques, quelque soient leurs statuts, ont, à des degrés divers, largement nourri leur croissance, au cours des dernières années, sur le développement des activités de marché, et en particulier des activités de titrisation. Le ralentissement de la croissance de ces activités est inéluctable, même si, là encore, l’ampleur du phénomène est difficile à définir avec précision à ce stade de la crise. Ce qui est certain c’est que les autorités de régulation bancaire vont encourager avec moins de vigueur que par le passé les opérations de transferts de risque. De leur côté, les banques elles-mêmes, face à l’assèchement de certains marchés (comme le marché des LBO à fort effet de levier et certains marchés de titrisation) et face aux tensions exercées sur la liquidité bancaire, vont être amenées à réviser, en partie au moins, leur business model. Et ce, alors même que l’aversion au risque des investisseurs, quasi-nulle jusqu’à fin 2007, va augmenter de manière significative. Sans, bien sûr, qu’il soit possible de dire, à ce stade, jusqu’où et jusqu’à quand. Mais cette incertitude n’enlève rien au caractère inéluctable d’une modification durable des stratégies bancaires.

C’est dans ce double contexte que les enjeux d’une réflexion sur la Finance Islamique prennent toute signification. Même si, comme nous le verrons, la Finance Islamique n’est pas une et indivisible (mais, au contraire, hétérogène dans ses règles comme dans ses origines), elle n’en constitue pas moins un univers dont le poids global croit rapidement et, surtout, va continuer à croître dans les années à venir. Le prix du pétrole est sur une tendance haussière de 25% par an depuis 2003 et ce rythme de croissance est susceptible de se maintenir au-dessus de 10% par an dans les deux à trois décennies à venir. Les réserves de change des pays exportateurs de pétrole sont déjà considérables aujourd’hui (5 000 milliards de dollars), et vont continuer à croître dans la prochaine décennie. Certaines estimations font état de 20 000 milliards de dollars à l’horizon 2020. Le poids de la Finance Islamique va donc connaître une croissance inexorable et rapide. L’enjeu pour la France est de participer à la gestion, d’une partie au moins, de cette « poche d’épargne » ne trouvant que partiellement à s’investir sur place. Pour ne prendre que l’exemple des Etats-Unis, les achats nets de titres financiers américains par les pays exportateurs de pétrole ont dépassé, depuis 2004, 100 milliards de dollars par an contre 30 milliards de dollars par an entre 2000 et 2003, finançant ainsi 15% du déficit courant américain. Des travaux récents ont montré que ces investissements représentent près de 0,2% du PIB américain1. Assurer le recyclage efficace de ces capitaux pourrait ainsi contribuer de manière déterminante au rééquilibrage des flux d’épargne mondiale.

En Europe, Londres domine, de manière injustifiée à nos yeux, le marché de la gestion des capitaux d’origine islamique. Pour simplifier, on peut dire que les gestionnaires des capitaux pétroliers, en particulier ceux du Golfe, vont à Genève pour la gestion privée, à Londres pour la gestion institutionnelle et à Paris… pour faire leurs courses avec leur épouse ! Cette situation doit et peut changer. C’est l’intérêt de la Place Financière de Paris mais aussi celui des gestionnaires de ces capitaux qui trouveraient, en diversifiant leur allocation d’implantation, un moyen de mieux répartir leurs risques et leurs sources d’expertise.

La deuxième actualité de la Finance Islamique tient à l’évolution des business models bancaires qu’implique la crise. L’imperium des activités de marché étant remis en cause, la seule parade possible contre un credit crunch, qui ne ferait qu’aggraver la crise, consiste en un retour aux sources des métiers de banque. Les banques, quelque soit leur pays d’origine, doivent davantage prêter et participer ainsi au financement à long terme de l’économie mondiale. Sans désigner de bouc émissaire supposé responsable de tous nos maux, il est clair que le développement de certaines activités de marché et de certaines formes de transferts de risque ont conduit à l’essor d’un « short termism » financier pénalisant le financement à long terme de l’économie productive. Une récente étude d’Ernst & Young2 a montré que la Finance Islamique, de par ses règles constitutives, n’était en aucun cas risk adverse et était disposée à s’investir aussi bien en actions cotées qu’en private equity. Dans une période de crise, où les besoins de financement à long terme de l’économie productive n’ont jamais été aussi pressants, cette capacité à prendre des risques (même si elle reste, pour certains segments de la Finance Islamique, plus revendiquée que réellement pratiquée) constitue une opportunité historique qu’il convient de saisir.

La Finance Islamique peut ainsi, au niveau microéconomique aussi bien qu’au niveau macroéconomique, contribuer au rééquilibrage de la finance mondiale. Reste à savoir ce qu’est exactement la Finance Islamique. Au fil de cette mission, nous avons été particulièrement frappés par la méconnaissance dont faisaient preuve certains de nos interlocuteurs (pourtant particulièrement qualifiés en matière financière) quant à la réalité, certes complexe, de la Finance Islamique. Il est impossible pour la Place Financière de Paris de jouer le rôle qui devrait être le sien sur le marché mondial de la Finance Islamique sans, au préalable, dissiper un certain nombre de malentendus.
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